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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 07:17

J'ai à de nombreuses reprises, dans ces chroniques, démonté le système politique mis en place par le sarkozysme. Il consiste à ne jamais attaquer de front et globalement ceux que l'on considère comme des opposants. C'est la technique de la bombe à fragmentation. On conçoit une destruction totale, ou un affaiblissement généralisé, qui doivent être présentés comme une obligation économique inspirée par les circonstances. On ne le décline  pas idéologiquement, mais on décline une juxtaposition ciblée de mesures qui, en s'empilant, finissent par atteindre l'objectif inavoué mais déterminé. Un exemple parfait en est donné par les réformes menées depuis un an dans l'enseignement primaire public. Une rafale destinée à tuer l'école publique, laïque et gratuite permet d'exécuter les résistances. Chacun se recroquevillant sur son pré carré catégoriel, chacun traversant une période d'individualisme dévastateur, chacun cherchant avant tout à faire face à « ses » problèmes... l'espace existe pour mettre à genoux ce corps enseignant qui reste encore majoritairement (mais pour combien de temps ?) un noyau socialement dur et dangereux.
Des enseignants ont décidé de tenter de faire un récapitulatif des mesures de Darcos. Mises en synergie, elles ont une toute autre valeur que prises individuellement. En fait, c'est un véritable plan de destruction qui a été méticuleusement mis en œuvre. Décision après décision, il exécute une partition préparée depuis des mois. En se focalisant sur des parties de ce programme étalé dans le temps, les adversaires s'usent dans des luttes inégales. Jamais l'école de la République n'a été à ce point en danger. Jugez un peu !
Les citoyens de ce pays se laissent endormir par une sectorisation des attaques incessantes contre le système éducatif. En tant que Maire et ancien instituteur, je suis effaré par l'accumulation des mesures destructrices qui laissent présager une mise en pièces de l'enseignement primaire. Depuis sa nomination en mai 2007, le ministre de l'éducation nationale, M. Xavier Darcos, a en effet déjà à son actif :
• la suppression de la carte scolaire, qui institue la concurrence entre écoles, et accélère la formation de ghettos scolaires ;
• la promulgation de « nouveaux » programmes (dont les rédacteurs ne sont toujours pas connus !), contraires à l'avis de la profession et des chercheurs, après une mascarade de concertation, menée dans la précipitation ;
• la diminution de 2 h du temps hebdomadaire d'enseignement (l'équivalent de 3 semaines par an !) et la réorganisation de la semaine décidée contre les préconisations des professionnels et des spécialistes des rythmes scolaires. Cette réforme va accentuer les déficits des centres de Loisirs en une période où la CAF se désengage. Les collectivités vont payer plein pot ;
• le discrédit jeté sur l'action des enseignants de l'école publique, notamment en trompant l'opinion sur les performances de l'école française dans les évaluations internationales et sur le coût réel de notre école ; il ne cesse d'accréditer l'idée, portée par les groupes ultralibéraux, mais démentie par les spécialistes, que les résultats français sont plus mauvais que la moyenne et en baisse, et que les dépenses sont plus élevées que chez nos voisins et en hausse ;
• des déclarations insultantes sur les maternelles, considérées comme de simples garderies, où le travail des enseignants consiste à « surveiller la sieste et à changer les couches » ;
• la disparition programmée des IUFM, revenant à supprimer la formation professionnelle, au lieu de chercher à l'améliorer ;
• l'étranglement financier des associations éducatives complémentaires de l'enseignement public ;
• les atteintes au droit syndical, au paritarisme et au droit de grève ;
• la mise en place du fichier base-élèves, comportant des données qui mettent gravement en cause les libertés individuelles et le droit à l'éducation des enfants étrangers, quel que soit le statut de leurs parents ;
• le financement (pour 220 000 euros) d'une officine privée qui doit surveiller les prises de position des enseignants sur le web, « repérer les leaders d'opinion, les lanceurs d'alerte et analyser leur potentiel d'influence et leur capacité à se constituer en réseau ».
• le financement des écoles privées par les communes a disparu (article 89) pour revenir immédiatement sous une forme plus acceptable, mais tout aussi dangereuse.
Il vient aussi de faire inscrire dans le budget 2009 :
• la suppression brutale de 3 000 postes d'enseignants spécialisés, les RASED, tout en proclamant vouloir diviser par 3 le taux d'élèves en grande difficulté scolaire et en tentant de faire croire que la mise en place des 2 h d'aide personnalisée pourrait remplacer le travail des enseignants spécialisés ;
• la baisse de 30 % des postes mis au concours en 2009 et, par voie de conséquence, de la formation continue, remplacée par les PE2, avant sa disparition totale en 2010...
Tout récemment, il a confirmé que trois autres « réformes » seront mises en place en 2009 :
• la création de l'Agence nationale du remplacement, qui pourrait employer des maîtres non certifiés et précarisés ;
• la création des EPEP et la caporalisation des maîtres par des « super-chefs », les directeurs d'EPEP (500 postes ont été budgétisés pour cela) ;
• la suppression de la maternelle entre 2 et 3 ans, remplacée par un « jardin d'éveil » à la charge des communes et des familles, premier pas vers la suppression de la maternelle avant 5 ans, réclamée par des amis politiques du ministre.
Et voici que, début novembre, plutôt qu'une revalorisation des salaires des enseignants, M. Darcos annonce qu'il octroiera une prime de 400 euros aux maîtres qui feront passer les évaluations nationales au CE1 et au CM2. Depuis toujours, les enseignants assument la passation d'épreuves d'évaluation, la correction et l'analyse des résultats, sans penser à demander une rémunération spéciale, car l'évaluation des apprentissages des élèves fait partie des missions.
Il profite de la grève pour imposer le service Minimum d'Accueil, dont le véritable objectif est de faire prendre en charge par les mairies les remplacements « imprévisibles ». Il finira par y parvenir, avec la complicité de l'administration, désormais incapable de s'opposer à un rouleau compresseur idéologique.
Nous ne pouvons plus continuer à subir cette politique scolaire, fondée sur la concurrence entre les collectivités, entre les élèves, entre les familles, entre les écoles et entre les maîtres. Elle est contraire à l'idéal des citoyens responsables et solidaires qui fonde notre école laïque et républicaine.
Tous les citoyens non anesthésiés doivent en avoir conscience et dénoncer cette avalanche de coups bas contre le corps enseignant, abandonné le plus souvent dans la tourmente de réformes qui visent à le mettre à genoux, puisque l'opinion dominante les présente comme incapables de résoudre les difficultés d'une société délabrée matériellement, moralement et politiquement. Dans quelques mois, il sera trop tard : Jules Ferry, reviens, ils sont devenus fous !
Mais je déblogue...

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commentaires

M
moi j'aimerai juste comprendre comment faire réagir une majorité de personnes. d'ici peu ils n'auront plus aucun service public digne de ce nom, et ils ne réagissent pas. pourquoi ?  c'est d'une réponse à cela dont j'ai besoin. tant que nous ne l'aurons pas nous parlerons entre personnes qui connaissent le danger. 
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A
Vous avez établi la bonne liste des, appelons-les par leur vrai nom : contre-réformes d'un gouvernement de droite dure qui ne jure que par sa conception élitiste de la société et a très mal supporté tous les efforts financiers que l'on a fait, de par le passé, pour la majorité de la population. Imaginez  ce qu'ils pensent: "que toutes ces dépenses  c'était "du caviar pour les cochons""...Car c'est cela qu'ils relaient dans leur désir impérieux de soit-disant réduire la dette publique, alors qu'avec toutes les aides qu'ils viennent d'apporter aux banques on comprendra que les emprunts d'Etat ne feront que la creuser encore plus. La dette est endémique dans les Etats capitaliste pour créer toujours plus ce VENT tourbillonnant des crédits qui prennent à la gorge le citoyen et enrichit les banquiers et les grandes entreprises...En un mot dans leur "novlangue" qui dit exactement le contraire de ce qu'elle semble affirmer (on reconnaitra là un processus pervers classique: "que vous me  semblez beau!") "ILS" ont décidé que le peuple retrouverait la place qui est la sienne :au bas de l'échelle sociale, sauf quelques-uns plus faciles dès lors à manoeuvrer... Une chose ne me convaint pas pourtant, comment ont-ils fait pour convaincre les gens (la bataille idéologique) qu'ils ne méritaient pas mieux? Le peuple d'aujourd'hui ne paye t-il pas la torpeur et la stupidité dans laquelle il s'est  laissé piéger ?....TF1, les marques, les bagnoles, le fric, chacun pour soi.......
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D
et la santé alors, surtout surtout,ne pas être nous même dans la fragmentation....n'oubliez pas le système de santé...ils le tuent..au secours, mais là pas de Ferry à appeler, juste vous citoyens......le combat doit être général parce qu'ils divisent pour tellement mieux régner
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P
Oui. Jour après jour, nos brillants politiques s'ingénient à démolir ce que les générations antérieures avaient patiemment élaboré. C'est particulièrement criant pour l'Ecole, que tous les autres pays nous enviaient, quoiqu'ils essaient de nous faire croire. Mais c'est vrai pour tout: la fonction publique dans son ensemble, la justice, la santé, le droit du travail, la protection sociale..... On a l'impression de revenir plusieurs siècles en arrière. Alors, réagissons, ne nous laissons pas faire, protestons. Et pour commencer, demain, retrouvons nous tous dans la rue pour la défense de l'enseignement, et de notre Ecole.
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