Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 mai 2006 2 02 /05 /mai /2006 07:17
Demain, il y aura exactement 70 ans que des socialistes ont accédé, pour la première fois de leur histoire, majoritairement au pouvoir. Le dimanche 3 mai 1936, la France basculait du coté du fameux Front populaire. Combien de fois, dans mon enfance, ai-je entendu mon grand-père, ouvrier maçon " rouge " me parler des jours qui suivirent ? Je ne sais pas, et dans le fond peu importe, car c’est par cette imprégnation que j’ai pu construire mes références. Il me raconta chichement des campagnes électorales musclées, des défilés, des grèves dures et forcément exigeantes pour les familles, des plats de lentilles avalés durant des jours faute d’autre chose à manger… J’entendais, mais plus encore, je partageais ses espoirs d’antan, et plus encore ses déceptions. Il les ruminait avec à la fois tristesse mais aussi et surtout le sentiment d’avoir vécu une période exceptionnelle de l’histoire du seul monde qu’il ait connu : celui des ouvriers ! Il vivait ces heures en opposition avec celles portant la mort en 1918.
376 DEPUTES SUR 618
Le dimanche 3 mai une coalition des partis de la gauche, Parti Communiste Français, SFIO, Union Républicaine Socialiste et surtout Parti Radical auxquels s’étaient ajoutés un mouvement d'anciens combattants et des mouvements associatifs comme La Ligue des Droits de l’Homme, le Mouvement contre la guerre et le fascisme, et le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, arrivait au pouvoir. Grâce à une forte mobilisation sociale, ce front obtenait 376 députés sur 618, dont 146 pour la seule SFIO. Léon Blum, l’un de ses dirigeants, devint le Premier Président du Conseil socialiste de la III° République, exactement un mois plus tard, le 3 juin 1936.
Il dirigea un gouvernement constitué de 20 ministres et 15 secrétaires d’Etat dont, fait unique dans l’histoire, 3 femmes alors que ces dernières n’avaient pas encore le droit… de voter ! Et quelles femmes : Suzanne Lacore (protection de l’enfance), Irène Joliot-Curie (recherche scientifique) et Cécile Brunschwicg (Education nationale). Il n’y en a qu’un, parmi ces noms qui deviendront célèbres, que mon grand-père haïssait : Edouard Daladier, qu’il rendait responsable de tous les malheurs qui suivirent les deux années de Léon Blum ! Ce dernier avait eu beaucoup de mérites mais pas celui d’avoir conçu l’idée d’une grande coalition.
C'est en effet à Maurice Thorez que l’on devait l’appellation devenue mythique de " Front Populaire ". Il l’employa dans un article de l’Humanité. Il présenta d'ailleurs son projet, quelques semaines plus tard, devant la Chambre des Députés. Il proposa d’associer à son concept rassembleur les Radicaux qui étaient à l'époque liés à la droite et le parti le mieux représenté. Il restait à trouver un programme, et c’est là que les problèmes débutèrent pour Léon Blum, soutenu " de l’extérieur " par les Communistes !
UNE CITOYENNETE ACTIVE, UN MILITANTISME PROFOND
Les causes de la victoire avaient été multiples : crise économique, montée pas encore considérée comme irrésistible d’Hitler, scandales financiers au plus haut niveau de l’Etat, instabilité du gouvernement, existence de forts mouvements d’extrême droite, manifestations et émeutes de février 1934…. Tous ces éléments ont participé à l’arrivée du Front populaire en 1936. Si vous comparez objectivement avec la situation française réelle 70 ans plus tard, vous retrouvez un contexte quasiment identique. Il reste cependant tout à faire, car la victoire s’était construite dans une citoyenneté active, dans un militantisme profond,à une époque où les sondages et les études d’opinion se construisaient pas à pas, dans la rue, sous les préaux des écoles, à la sortie des usines et dans les réunions des sections. Le 1° mai 2006 n’a en rien ressemblé à celui de 1936 !
Profitant de la grève générale contre le patronat, Léon Blum et son équipe ne mirent pas des mois à construire une société différente correspondant aux aspirations de celles et ceux qui avaient voté pour le Front Populaire. Il faudra attendre 7 décennies pour les voir justement remises en cause… par un gouvernement de droite plongé dans les affres de la crise économique, des manifestations populaires, des scandales, et des manifestations…
Le 7 juin, 4 jours après son arrivée, il ouvrait des négociations entre le patronat et les syndicats. Peu avant 1 heure du matin, le lendemain les "accords dits de Matignon" été signés. Ils prévoyaient l'établissement de contrats collectifs, le libre exercice du droit syndical, la création des délégués du personnel élus à bulletins secrets, une augmentation des salaires de 7 à 15 % pour relancer l’économie…
EN RAPPORT AVEC SES PROMESSES
Le 9 juin le gouvernement déposait 5 projets de lois en rapport avec ses promesses. Ils furent adoptés sans difficulté et concernaient notamment la semaine de 40 heures, les congés payés annuels (15 jours après un an de présence), le contrat collectif, la révision des décrets-lois de 1935 concernant le traitement des fonctionnaires et l'imposition des retraites d'ancien-combattant. Ces textes seront adoptés sans difficultés.
Le 11 juin, Thorez fait une importante déclaration, dans laquelle il prononcera la phrase bien connue "il faut savoir terminer une grève dés l'instant où les revendications essentielles ont été obtenues". Il rappelle "Tout n'est pas possible mais le mot d'ordre reste : tous pour le front populaire! Tout par le Front populaire!".
Le 18 juin, à la demande de Roger Salengro, qui le paiera de sa vie quelques temps plus tard, le gouvernement dissout les principales ligues d'extrême-droite : les Croix de feu, les francistes, les Jeunesses patriotes et Solidarité française. De la Rocque créera dans la foulée, le Parti Social Français (PSF) qui comptera 1,2 millions d'adhérents en 1939. Il est composé d'ouvriers (36%) et de nombreuses femmes, contrairement aux autres partis ayant eu beaucoup de mal à tirer bénéfice de leurs décisions sociales. On ne retrouvera jamais plus de majorité de gauche avant longtemps. Et mon grand-père pleura le 10 mai 1981.
SES PHOTOS PROFONDEMENT POPULAIRES
Le Front populaire, avec ses photos profondément populaires, va déferler dans les magazines et sur les petits écrans cette semaine. On y verra furtivement, à des heures tardives, des visages heureux, des poings levés, des gestes ordinaires d’un quotidien un peu plus rassurant, des garçons en culottes courtes sur le chemin d’écoles prometteuses, des fillettes en robes légères, des privilégiés en maillot de bains quelque part au bord d’une plage, des défilés massifs, des usines occupées, des moissons ou des vendanges paisibles... Ces images masqueront le déchaînement des droites de 1936. Leurs calomnies visèrent toutes les personnalités qui entouraient Léon Blum. Elles eurent notamment pour conséquence le suicide de Roger Salengro, et déclenchèrent une vague d'antisémitisme ravageuse.
Le poids de la presse fut également prépondérant durant les mois qui suivirent la victoire du Front populaire. Elle constitua le pivot de toutes les oppositions, et accentua les événements défavorables.
Qu’y-a-t-il de nouveau sur le sol français 70 ans plus tard ? Qu’y-a-t-il de plus rassurant 70 ans plus tard ? Quels sont les nouveaux espoirs 70 ans après ? Grand-père, si tu étais là, je me sentirais mieux ! Cherchez d’ici demain, et j’attends vos commentaires.
Mais je déblogue…
Partager cet article
Repost0

commentaires

R
Et si le Front Populaire avait eu le courage d'armer les <br /> Républicains espagnols???
Répondre