Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 mai 2006 7 14 /05 /mai /2006 07:17
Liberté, liberté chérie. Le refrain est bien connu, mais que ne fait-on pas parfois en ton nom ou en celui, encore plus idyllique, de la société parfaite. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire, dans une chronique, que j’étais pour l’obligation absolue de déclaration de domicile. Je n’ai jamais compris en quoi le fait, en arrivant dans une commune, de passer en Mairie donner son nom, son prénom et son adresse réelle constituait une atteinte à la liberté individuelle. Cette démarche éviterait tellement d’abus qui mettent en péril la crédibilité de tous les avantages sociaux dispensés par la puissance publique! On sait, en effet, que la fraude porte essentiellement sur les fausses déclarations, dans ce domaine, ou sur la base d’approximations ou de tricheries délibérées.
Il faut savoir, qu’en France, si la triche individuelle, en cette période de déclaration d’impôts sur le revenu, demeure un sport national, on assiste aussi à un développement durable d’organisations structurées pour collecter les fonds publics. Ce qui relevait de l’artisanat mute peu à peu en Petite ou Moyenne Entreprise de la fraude.
Beaucoup moins spectaculaires que les carambouilles de Clearstream ou que les affaires liées à la drogue ou aux cigarettes, ces pratiques sont dissimulées au grand public pour ne pas affoler les " cotisants " honnêtes. On évalue par exemple, au cours des derniers mois, le nombre de groupes structurés identifiés et donc sanctionnés, à une cinquantaine. Jamais on avait atteint un tel niveau.
Des millions d’€, ou même plus sûrement des milliards, s’envolent des caisses de l’Etat ou des orgnaismes parapublics, dans des versements indus. Mais, si l’on y ajoute les effets pervers du travail au noir non déclaré, des tours de passe-passe comptables, on pourrait probablement boucher les déficits constatés.
Mais qui aura le courage d’affirmer qu’il n’y a aucune atteinte fondamentale à signaler son lieu exact de vie solitaire ou familiale. L’inscription sur les listes électorales n’étant même pas obligatoire, le principe voulant que, pour vivre heureux, il faille vivre caché trouve de plus en plus d’adeptes. Les ASSEDIC, la CAF, la Sécurité sociale, la fiscalité locale, la TVA, l’URSSAF, dans leur globalité, sont doublement victimes de cette faiblesse déclarative. Par la perte de recettes dues aux fausses déclarations et, ensuite, par le versement indu d’allocations, le pays assume un volume de fraude croissant malgré des rapports qui s'accumulent.
DES CENTAINES DE SOCIETES FICTIVES
Récemment, les services spécialisés ont, par exemple, découvert un homme d’affaires organisé qui avait créé des centaines de sociétés fictives différentes, dans tous les départements français. Il les domiciliait en des lieux approximatifs, savamment repérés, pour, quelques temps après, en licencier, sans cesse, la même dizaine d’employés complices, qui percevaient ainsi les allocations légales de chômage. Le préjudice atteindrait le million d’€. Un autre, plus modeste, avait ouvert 167 comptes bancaires pour seulement 17 entreprises, toutes liées les unes aux autres, mais impossibles à identifier. Bien évidemment, ils investissaient dans des premiers versements légaux, pour ensuite tuer les " poules  aux œufs d’or " et passer dans tous les  guichets légaux en matière d’indemnisation. Des boîtes postales, des boîtes aux lettres sans logement vérifié, suffisaient à récupérer les pactoles durant des mois. Et les exemples sont nombreux.
Des dizaines de demandes de renseignements parviennent chaque mois en mairie, émanant d’hôpitaux à la recherche d’un patient ayant oublié de payer, et ayant confié au moment de son admission une fausse adresse. Les percepteurs poursuivent aussi vainement des mauvais payeurs, partis sur la pointe des pieds avec des dettes de restaurant scolaire, d’accueil périscolaire, de taxe d’habitation. On quitte une école sans aucune autre formalité que celle de solliciter un certificat de radiation et d’aller où bon vous semble. Pour les arriérés, il faut entreprendre des enquêtes de police pour récupérer les sommes dues.
Des réseaux de fraude à la TVA existent. Il leur suffit de vendre et revendre toujours les mêmes marchandises qui sortent du territoire français en allant simplement prendre un bol d’air au delà des frontières pour revenir 48 heures plus tard avec une nouvelle facture. L’Etat remboursera la TVA sur des sommes jamais payées et qui couvrent largement tous les frais du transporteur, ravi d’avoir des clients aussi fidèles. Bien entendu, il faut des heures et des heures d’enquête pour détecter ces fausses facturations en série et comme l’Etat n’a plus de fonctionnaires, on ne peut que pécher au hasard. Le processus fait donc école.
On parle trop souvent des fraudes individuelles aux organismes sociaux, mais rares sont les dénonciateurs de celles, colossales, du milieu économique. Je connais personnellement des personnes qui ont bâti des empires en réglant absolument toutes les factures en liquide, et en n'utilisant les chèques que dans des circonstances exceptionnelles. Mais cela ne se dit pas, car cela ne correspond pas à l’opinion dominante sur le fraudeur, qui doit avoir l'image d'un immigré sans foi ni loi.
36 MILLIONS D’EUROS
Quelques 36 millions d'€ ont par ailleurs été détournés des caisses des Assedic entre 2002 et 2005 dans le Sud-Est de la France, par près de 2.000 faux chômeurs et 130 gérants de sociétés. Une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Marseille pour "escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et déclarations mensongères en vue d'obtenir des avantages induits". Les contrevenants risquent des peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison. Le principe de la fraude était simple. Des faux emplois étaient proposés à des personnes, qu'il suffisait ensuite de licencier, afin de pouvoir justifier une ouverture de droits aux allocations chômage. Le réseau avait aussi d'importantes ramifications dans les départements des Bouches-du-Rhône, de la Drôme et de l'Isère. Les principaux organisateurs étaient, pour leur part, domiciliés dans la région de Marseille, et vivaient sur un grand pied.
Ces coups de filet, aussi spectaculaires soient-ils, ne suffisent pourtant pas à mesurer toute l'ampleur du fléau : des milliers de personnes bénéficient d'allocations, alors qu'elles n'y ont aucun droit. Des réseaux mafieux se sont introduits au cœur du dispositif. Ils ont organisé une escroquerie à grande échelle qui met en péril notre système d'assurance-chômage. Ce qui se passe actuellement aux Assedic est terrifiant. Des chiffres circulent : on parle de 3 à 4 milliards d'€ de fraude. Plus du quart du déficit de l'assurance-chômage. Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement par un manque évident de courage politique.
Plutôt que de tenter de colmater les brèches, en radiant systématiquement de pauvres gens pour des raisons plus ou moins acceptables, il suffirait de redonner aux Maires le soin, comme je l’ai déjà proposé, de délivrer une attestation de résidence après fourniture de pièces diverses. Des kits de fraude se vendent sous le manteau. Des faux papiers administratifs (bulletins de salaire, quittance de loyers, certificat d'hébergement, abonnement EDF), et les pertes de cartes d'identité se multiplient.
A l'échelle d'une commune paisible comme Créon, c'est déjà perceptible... Alors dans les villes, encore plus anonymes...
Mais je déblogue.  
Dessin de Plantu (Le Monde)
Partager cet article
Repost0

commentaires