Si l'on veut une idée exacte du niveau de la citoyenneté en France, il faut absolument se poster à un carrefour fréquenté, quelle que soit sa configuration, s'asseoir et observer le comportement des conducteurs. En quelques minutes, on constate que l'homme ou la femme possédant une automobile peut évoluer de manière totalement différente de ce qu'il est en configuration normale. Du moins en apparence.
Hier, deux faits, ajoutés à des milliers d'autres, révèlent cette mutation profonde qui démontre le chemin qu'il y aura à parcourir pour revenir à une société apaisée. Un cyclotouriste de 55 ans a été tué et sept autres grièvement blessés dans le sud du Gers, percutés par une voiture dont le conducteur, un militaire de 23 ans, a été contrôlé positif à l'alcool et placé en garde à vue. Les premiers résultats de l'éthylotest auquel s'est soumis ce militaire en poste au 35e Régiment d'artillerie parachutiste de Tarbes, ont révélé 0,5 mg d'alcool dans l'air expiré (ou 1 gramme par litre de sang), soit deux fois la norme tolérée en France. Le militaire, placé en garde à vue par la brigade de gendarmerie de Mirande, était toujours entendu dimanche en fin d'après-midi sur les circonstances de l'accident. Un groupe de 18 cyclistes amateurs, âgés de 30 à 70 ans, appartenantc à un club, effectuait sa sortie habituelle. Une partie d'entre eux a été percutée par l'arrière. Selon les premiers éléments de l'enquête des gendarmes, les cyclotouristes ont été heurtés par l'automobiliste sur une ligne droite, alors que la visibilité était bonne et la route sèche.
Le directeur du cabinet comme la substitut évoquent une faute d'inattention ou de comportement (tiens donc !), plus que la vitesse, comme cause possible de la collision. L'audition du militaire et son recoupement avec les témoignages des cyclistes permettront de savoir s'il allumait une cigarette, mettait de la musique, ou était distrait par une autre cause.
Si vous vous observez un peu, vous conviendrez qu'il vous arrive aussi de faire ce type d'erreurs. Les menues entorses à la conduite attentive s'accumulent quelquefois, comme il faut bien reconnaître que les règles de stationnement ne sont plus guère respectées, que les stops sont escamotés, que les lignes blanches ne résistent pas à l'impatience de certains... Les radars ont partiellement diminué les effets de la vitesse mais il reste encore beaucoup de risques potentiels qui demeurent. On constate notamment que partout où existent des risques de contrôle, et notamment sur les axes très fréquentés, les automobilistes se méfient, mais ils se défoulent sur des routes plus discrètes et souvent plus dangereuses. C'est actuellement le défi auquel doivent faire face les personnels chargés de la répression : on se tue beaucoup plus sur les voies départementales ou communales que sur les artères à grande circulation !
MORTS EN SERIE
Un autre chauffeur, soupçonné d'être le conducteur du camion qui avait fauché et tué un enfant de 11 ans le 18 novembre 2008 dans le Val d'Oise, a été mis en examen vendredi soir. L'homme est poursuivi pour homicide involontaire avec la circonstance aggravante du délit de fuite. L'enquête, menée par la sûreté départementale, a duré près de quatre mois. Le jeune garçon avait été fauché sur le chemin de l'école, le matin, par un camion-benne qui s'était enfui après l'accident. Le nombre de morts diminue, mais les faits qui causent celles qui restent, deviennent extrêmement graves car la notion d'auto-responsabilisation n'appartient plus au quotidien des gens. La liste des accidents du week-end s'étale dans toutes les régions. Elle est dangereusement devenue banale.
Dans l'Ouest une voiture avec à son bord trois personnes a percuté, en doublant un autre véhicule, un motard avec son passager. Sous la violence du choc ils ont été projetés à plusieurs dizaine de mètres, en contrebas du marais. Le conducteur de la 307 a perdu le contrôle de son véhicule. La voiture a effectué plusieurs tonneaux, mais ses occupants sont indemnes. Le motard et son passager, âgés de 20 et 30 ans ont été tués sur le coup.
Un autre automobiliste, âgé de 24 ans, a trouvé la mort dans la nuit de samedi à dimanche, lorsqu'il a perdu le contrôle de sa voiture dans une courbe, toujours dans l'Ouest.
Dans le Calvados le passager, âgé de 23 ans, d'une voiture qui est sortie de la route ,dimanche près de Caen, a été tué sur le coup. Même type d'accident près de Bayeux: la passagère avant d'une voiture, sortie de la route, a été éjectée à 40 mètres. La jeune femme de 21 ans a été tuée sur le coup. Le conducteur de 21 ans, qui a été légèrement blessé, conduisait, selon le parquet de Caen, avec un taux d'alcoolémie supérieur au taux légal.
Un jeune motard de 23 ans, victime d'un accident avec un camping-car, samedi, à La Meurdraquière, à côté de Gavray, est décédé des suites de ses blessures... Il faut imaginer ce que représentent ces drames privant des gens de 20, 21, 23, 24, 30 ans de la vie ! Et l'on pourrait augmenter la liste région par région, car au total, c'est une douzaine de décès et plusieurs dizaines de blessés graves qui ont été constatés ce week-end en France !
LA VIOLENCE ACCELERE
Hier également, encore une autre facette de ce comportement voulant que la bagnole confère un sentiment de puissance et de défi, a été mise en lumière. Un homme a été tué à l'issue d'une course-poursuite en voiture et d'un échange de coups de feu avec des policiers. Selon l'Unsa-police, premier syndicat de gardiens de la paix, la voiture, recherchée depuis jeudi soir, a été repérée par les policiers. La Peugeot 406 qui avait quatre personnes à bord, a alors été prise en chasse aux alentours de 22h par des policiers de la brigade anticriminalité de Seine-et-Marne. La course-poursuite s'est terminée au péage autoroutier de Coutrevault. Là, les policiers sont sortis de leur véhicule mais la voiture leur a foncé dessus.
Les policiers se sont alors vus « forcés d'ouvrir » le feu, provoquant la mort d'un passager de la voiture poursuivie. La Peugeot est repartie, mais elle a percuté une autre voiture, blessant une femme. Les trois hommes se sont alors échappés à pied. Des armes et des cagoules ont été retrouvées dans leur véhicule... qui était devenu une sorte d'arme différée.
Ce type d'utilisation n'est en fait que le paroxysme d'une agressivité de plus en plus palpable. Il conduit à des événements dramatiques, car les situations révèlent des modifications fondamentales d'une société reposant sur le principe « interdisez fermement aux autres ce que je m'autorise à faire ! ». L'automobile est devenue un outil de transgression des contraintes sociales, comme la drogue ou l'alcool le deviennent pour trop de jeunes.
NOMBRES RELATIFS
Aux États-Unis, premier parc automobile mondial, on a relevé 45 800 morts et 2,4 millions de blessés en 2005 soit un taux de mortalité de 1,54 par 100 000 000 de milles/véhicules. En 2007, 41 059 tués et 2 491 000 blessés ont été recensés.
En France métropolitaine, pour l'année 2005, il a été dénombré 4 990 tués et 105 006 blessés selon le bilan provisoire de la Sécurité routière, soit respectivement une baisse de -4,6 % et de -3,4 % par rapport à 2004. En 2007, 4 620 tués et 103 201 blessés ont été comptabilisés pour 81 272 accidents corporels. En Europe, on constate une diminution assez régulière du nombre de tués sur la route depuis les années 1970 . Cette évolution n'est néanmoins pas homogène pour l'ensemble du continent. Les pays d'Europe de l'Est présentent un décalage dans le temps : le nombre de tués a crû jusqu'au début des années 1990, pour décroître ensuite d'environ 4 % chaque année.
Il parait que deux députés, en mal de célébrité, préparent un projet de loi dénonçant les menaces pour la sécurité que représentent les... cyclistes pour les personnes âgées sur les trottoirs. Il y a de quoi être inquiet quand on en arrive à de telles propositions qui méconnaissent totalement les rapports de forces actuels. Une étude extrêmement précise a été menée en Suisse en 2005. Sur 35 000 accidents , on pouvait en compter seulement 2 713 où le cycliste était fautif contre 5 243 où un deux roues motorisé l'est. Ensuite, on constatait que les voitures étaient responsables de... 23 031 accidents, dont 5 548 pour cause de distraction , 4 748 refus d'accorder la priorité et 317 non-respects des signalisation lumineuse...contre 22 accidents pour les mêmes causes provoqués par un cycliste.
Concernant les 379 cas mortels liés à un non-respect des règles de la circulation, 22 avaient été la faute de cyclistes, contre 216 pour les voitures de tourisme, et 78 pour les deux-roues motorisés. La grande majorité de décès liés aux fautes du cycliste avait généré... le décès du cycliste lui-même, contrairement aux voitures, où le conducteur tue quelqu'un d'autre, et reste lui-même vivant... En sachant que le cycliste moyen brûle la majorité des feux qu'il croise, roule à contre-sens une rue sur deux, circule sur les trottoirs et sur les voies de tram, comment se fait-il qu'il ne cause pas plus d'accidents que cela ? Simplement parce que le cycliste est bien plus attentif aux autres, et qu'il n'a pas besoin de règles lourdes pour circuler. Mais tout n'est souvent qu'une affaire de citoyenneté. Et ça, les radars ne le voient pas encore.
Mais je déblogue...