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20 mars 2009 5 20 /03 /mars /2009 07:17
La démagogie, c'est uniquement affirmer des grands principes dont on sait fort bien qu'ils seront inappliqués car inapplicables. Ce comportement fait des ravages dans toutes les démocraties car il condamne tôt ou tard à des reculs sur toutes  les volontés politiques. Comment croire encore en un gouvernement qui brandit des réformes mais qui, sans cesse, recule sur l'ensemble des sujets concrets et s'arqueboute sur des principes idéologiques qui lui permettent simplement de démontrer qu'il est attaché à des symboles. Hier, on a encore assisté à la Bérézina d'un Ministre de rien du tout ou presque. Il se contente de tailler en pièces, selon les principes idéologiques du Club de l'Horloge, le milieu enseignant, en supprimant directement ou indirectement des milliers de postes, en tentant d'humilier le corps enseignant, en trompant l'opinion publique sur le niveau réel de l'éducation, en falsifiant les principes républicains de l'égalité d'accès au savoir... et il recule avec une lâcheté absolue sur des sujets qu'il prétendait pourtant essentiels !
En février, il n'avait par exemple « aucune raison objective » de repousser la réforme de la formation des enseignants. C'est pourtant ce que vient de faire Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Il a finalement cédé au souhait de la Conférence des présidents d'université (CPU) en décidant, hier, de reporter d'un an certains aspects de la réforme du dossier de la « mastérisation », qui concerne la formation des enseignants. Seuls quelques points entreront en vigueur dès la rentrée 2009-2010. Dans une lettre adressée aux syndicats, le ministre se dit prêt à « une série de rencontres » et écrit que « les concours seront maintenus dans leur état actuel pour la session 2010 ». Le 12 mars, le gouvernement avait donné cette assurance pour l'agrégation, mais pas pour le capes ni pour le concours de professeur des écoles. C'est encore et toujours un recul, une capitulation en rase campagne qu'il va falloir enregistrer au discrédit d'un gouvernement qui est bunkérisé.
Les syndicats de l'éducation se sont félicités du maintien en l'état des concours. Le SE-UNSA et le SGEN-CFDT disent y avoir vu des « points positifs » et des « annonces importantes ». Pour le secrétaire du SNES-FSU, principal syndicat de l'enseignement supérieur, les syndicats vont pouvoir discuter à nouveau du contenu des épreuves de l'agrégation, du capes et de celles pour devenir professeur des écoles. Ils vont aussi pouvoir renégocier le contenu des enseignements des masters, notamment avec la création d'un comité de suivi de la réforme. Ce qui était impossible, fondamental, indiscutable devient tout à coup inutile, absurde et donc relégué aux oubliettes.
Dans sa lettre, Xavier Darcos annonce en outre des aménagements et donne des assurances qui étaient demandées par les détracteurs de la réforme : les fonctionnaires stagiaires auront un tiers de temps en formation continue, les stages en master 2 « ne seront pas utilisés pour couvrir des besoins en remplacement de personnels en congé ou des besoins permanents d'enseignement », et le recrutement par concours nationaux est qualifié de « principe intangible ». Enfin, les étudiants préparant les concours bénéficieront « dès la rentrée 2009 » de l'offre de stages de 108 heures en masters.

MARCHE ARRIERE TOUTE
Xavier Darcos, confronté, avec Valérie Pécresse, la ministre de l'enseignement supérieur, à une fronde des enseignants et des étudiants sur de nombreux fronts, espère sans doute faire retomber le mouvement. Mais, au contraire, la FSU estime que ce recul du ministre pourrait donner des ailes aux contestataires. La mobilisation du 24 mars est donc maintenue... et on va une nouvelle fois assister à un abandon pur et simple des grands principes, destinés uniquement à masquer des milliers de suppressions de postes ! Rien d'autre n'était fiable et sérieux, car le seul objectif reposait sur des questions comptables de gestion, masquées par des théories absurdes car dénuées de toute crédibilité. Pour autant, toute la réforme n'est pas repoussée, a-t-on insisté au ministère: certains volets entreront bien en vigueur en septembre 2009 (stages de 108 heures en masters, bourses) et, surtout, « les étudiants qui obtiendront le concours 2010 deviendront professeurs stagiaires en septembre 2010 sans passer par l'IUFM ». Il faut bel et bien envisager que tout n'est pas terminé, mais que pour entendre ou voir la réalité, le Ministère reste sourd à l'absurdité du Service Minimum d'Accueil, replié sur des idées réactionnaires, et avide de trouver des coupes sombres pour protéger les bénéficiaires du bouclier fiscal.
Cet aspect porte en effet en germe la suppression, dès cette date, de plusieurs milliers d'emplois d'enseignants-stagiaires, au titre de la politique de non-renouvellement des postes de fonctionnaires partant à la retraite. Cette année réformée de fonctionnaire stagiaire devrait constituer le codeur des « discussions » ouvertes par Xavier Darcos, et saluées par des syndicats qui avaient dénoncé jusqu'alors son « absence de dialogue ». Ceux-ci réclament en effet une formation continue à mi-temps, s'inquiétant de l'absence de référence au rôle des IUFM, intégrés aux universités, dans la lettre de M. Darcos. Ils dénoncent aussi le "flou" persistant en ce qui concerne le volet professionnel de la formation. On va donc refermer un dossier, et vite en ouvrir un autre sur la maternelle ou sur l'école élémentaire, afin de mobiliser d'autres femmes et d'autres hommes contre des réformes obscurantistes. Il faut bien convenir que la recette va commencer à s'épuiser ! Les réformes ne servent à rien, si ce n'est à affaiblir en permanence la crédibilité globale du politique !

JUSTIFICTION DERISOIRE
Autre exemple, celui, extrêmement symbolique, du bouclier fiscal. A la suite de la consternante sortie du ministre du Budget, ce bon ultralibéral d'Eric Woerth, qui le qualifiait de "mesure de justice fiscale, tout simplement"  personne n'imaginait une justification aussi dérisoire d'une mesure purement idéologique. Il fallait en effet oser justifier ainsi qu'on reverse, par exemple, l'équivalent de 30 années de Smic à des contribuables possédant un patrimoine de plus de 15,5 millions d'euros, en invoquant la justice, fût-elle fiscale. C'est sa manie en matière de langue de bois, Woerth ajoute un mot pour noyer le poisson. On se souvient par exemple, lorsque le gouvernement refusait encore d'admettre que la France était entrée dans la crise, malgré le diagnostic de la récession économique posé sans contestation par les chiffres de croissance négative, qu'il se contentait d'avouer une « récession technique »... Même procédé pour le bouclier de la discorde : s'il est, à  l'évidence , immoral et injuste, il est pour Woerth « fiscalement » juste. « Il est logique que, dans l'impôt, il y ait un plafonnement », ajoute-t-il. Voilà autre chose : après la justice, voici la logique appelée en renfort. Logique d'après quoi ? Peut-on aussi affirmer : « Il est logique que, dans les revenus, il y ait un plafonnement » ? Ah non, pas là ? Mais pour les impôts oui ? Mais quelle est cette logique ? Bref, Woeth amuse la galerie avec ses  explications foireuses inexactes.
La droite au pouvoir possède-t-elle d'autres arguments plus convaincants pour interdire qu'on touche à son saint-bouclier ? il n'y en a aucun ! D'abord l'impôt serait confiscatoire dès lors qu'il dépasse 50% des revenus. L'idée semble de bon sens dans l'absolu et appuie sur un vieux fond de poujadisme : « regardez, au secours, on me vole plus de la moitié de ce que je gagne ! » Sauf que le problème est déplacé en l'abordant sous l'angle d'un pourcentage. Si l'on considère plutôt le montant, de combien a besoin quelqu'un qui gagne par exemple 200 millions d'euros par an - ne cherchez pas ailleurs, ce sont les vrais plus grands bénéficiaires du bouclier ! Sur quel poste de son budget devrait-il consentir de douloureux sacrifices, si on ne lui laissait que 20 millions ? Devrait-il renoncer à se nourrir correctement, à cause de la hausse des denrées alimentaires, légumes, fruits, viandes, poissons, pâtes et pain compris ? Non, il aura toujours beaucoup plus que largement assez pour s'offrir le meilleur du bio et du raffinement gastronomique. Quoi alors ? Avec ses maigres 20 millions, risquerait-il de ne plus pouvoir payer son loyer ou les charges de son domicile et de basculer parmi les mal-logés, voire les SDF ? Pas davantage. Il pourra toujours, à ce prix-là, financer en plus de la propriété, le court de tennis privé et la piscine à bulles qui va bien. Sera-t-il alors privé de vacances, comme ces millions de Français qui ne partent plus, faute de boucler les fins de mois ? Plaisanterie : les cinq étoiles du bout du monde lui seront toujours promis pour assouvir ses désirs de farniente. La question qui se pose donc est : que confisque-t-on au juste à notre victime fiscale ?
La rémunération méritée de son labeur ou l'obscène augmentation de l'écart à l'intérieur de l'échelle des revenus - de 1 à 300 ? Elle a créé une caste de princes, régnant sur la multitude de leurs concitoyens (plus cons que citoyens d'ailleurs, de se laisser faire !), une infime minorité pour une légion de serviteurs - voire d'esclaves - économiques. Parce qu'il y en a un paquet, il y a aussi des gens qui ne peuvent plus acheter tous les jours de la nourriture saine à leur famille, qui sont dans la rue, ou mal logés, ou se saignent aux quatre veines pour payer leur logement, pour qui l'idée de vacances relève de l'utopie. Huit millions de pauvres en France, comptabilise l'Insee. Mais pour aider ceux-là, l'Etat n'a pas d'argent ! Alors comment justifier que le demi-milliard d'euros remboursé avec zèle aux protégés du bouclier fiscal ne soit pas, à la place, affecté à ceux qui en ont  vraiment besoin ?

INEGALITES CREUSEES
Quelle philosophie adopter pour parvenir à trouver normal que les inégalités se creusent toujours davantage entre ceux qui n'ont rien - le peuple - et ses élites économiques qui vivent comme des rois ? Au nom de quel humanisme est-il légitime que certains gagnent en quelques mois des sommes qu'un Smicard ne parviendrait pas à approcher durant sa vie entière, usée à travailler plus pour gagner plus ? A l'argument qui dénonce le caractère confiscatoire de l'impôt, la réponse est donc simple : au lieu de regarder combien on prend, voyons combien il reste et on en reparle ensuite !
Deuxième argument, que la droite imagine massue, le bouclier fiscal profiterait (aussi) à des foyers modestes. Sur la base de certains chiffres de 2007 portant sur l'exercice 2006 (avec un bouclier égal alors à 60%), soigneusement sélectionnés, on claironne en Une du Figaro : Le bouclier fiscal profite à des foyers très modestes. Et l'inénarrable Frédéric Lefebvre, toujours présent en tant que porte-parole de l'UMP pour dire une sarkonnerie, de surenchérir en attaquant la gauche, qui « a prétendu que ce dispositif était pour les riches », et « doit reconnaître publiquement son erreur ». Sauf que, pas du tout, évidemment. La manipulation des chiffres était démontée : « les trois quarts des bénéficiaires (74%) ont un revenu fiscal annuel inférieur à 3 750 euros », annonce le quotidien, oubliant de préciser que 234 millions sur les 241 qui ont été reversés sont revenus aux 38% des bénéficiaires les plus fortunés, ceux dont Le Figaro et Lefebvre parlent se partageant les miettes. Confirmation officielle : le bilan intégré au rapport d'information sur l'application des lois fiscales concernant le premier trimestre 2008, que l'on doit au rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée, l'UMPiste Gilles Carrez, établit que 91% des montants sont reversés aux patrimoines supérieurs à 3,7 millions d'euros. Voilà pour l'imposture d'un bouclier fiscal qui ne serait qu'un cadeau aux riches, ce que le pouvoir s'agace d'entendre répéter, mais qui n'en reste pas moins la stricte vérité. « Le bouclier, c'est juste un moyen d'augmenter sans effort et sans mérite la fortune de ceux qui sont déjà les plus riches », résume avec justesse Vincent Drezet, Secrétaire national du Syndicat national unifié des impôts.
Dernière tentative de justifier le bouclier antisocial, l'épouvantail des expatriations fiscales. « On peut désormais rester en France avec des prélèvements supportables", se réjouit la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, annonçant que les expatriations fiscales ont diminué de 15% en 2007, alors que le nombre de retours d'expatriés fiscaux s'est accru de 9%, chiffres de Bercy aussitôt repris par - on vous le donne en mille - Frédéric Lefebvre. L'ennui, explique Le Monde, c'est que ces statistiques s'appuient sur un très faible nombre de personnes : « 719 contribuables redevables de l'impôt sur la fortune (ISF) étaient partis à l'étranger en 2007, contre 843 en 2006 ; 246 expatriés fiscaux sont revenus en France en 2007 quand 226 étaient rentrés en 2006. Difficile, donc, de quantifier l'impact du dispositif. Et si les chiffres se sont améliorés par rapport à 2006, ils restent moins bons qu'en 2005, avant même la création d'un quelconque dispositif. Cette année là, 649 contribuables assujettis à l'ISF s'étaient installés à l'étranger." Même le député Ump Philippe Marini l'admet, contredisant Lagarde : "Il est possible que le dispositif ait eu un impact sur les expatriations fiscales, mais ce n'est pas certain : les échantillons sont trop petits et l'angle de vue des services fiscaux est très mince". On voit bien que ce problème des expatriations fiscales est largement surévalué par la droite et que sa solution pour y remédier est illusoire : même avec le bouclier. Le bouclier fiscal n'est donc finalement qu'une mesure idéologique, emblématique de la droite ultralibérale qui nous gouverne. Dans le fond, c'est consternant, et l'effondrement du gouvernement, qui effectue une retraite sur tous les sujets, a de quoi rendre plus inquiet que satisfait.
Mais je déblogue...
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commentaires

J
Pour vous assurer que l'histoire est un éternel recommencement, je vous conseille de lire l'ouvrage de François Bouloc : Les Profiteurs de Guerre, édité par Editions Complexes (2008).On y découvre, à travers une étude de documents et une analyse très objective comment, sous le prétexte patriotique, et alors que des millions d'hommes vivaient (ou mouraient ) dans l'Enfer des Tranchées, des margoulins de tout poil se sont fait des génitoires en métal précieux.Ce qui ne les empêchait pas de crier  au scandale et à l'assassin sous prétexte que l'on avait l'intention de les associer à l'effort fiscal national, à la hauteur de leurs bénéfices. Nos modernes prédateurs n'ont même plus l'argument patriotique pour se défendre !Décidément pour eux également  les temps sont durs !
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