31 mars 2009
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Le blé... tout le monde rêve de se faire du blé par les temps qui courent. C'est un espoir secret que d'éviter la crise pour, au minimum, maintenir les profits que l'on vous a garantis durant des décennies. Une rente de situation, qui doit traverser une crise aussi sévère que celle qui se profile, ne se protège pas facilement. Il faut agir au bon moment pour obtenir des assurances sur l'avenir. Les périodes pré-électorales restent les plus propices à cette mobilisation des énergies qui peuvent sauver autre chose que les apparences. Tout le monde sait que, si les ventres affamés de voix n'ont pas d'oreilles, ils sont dotés d'étranges pouvoirs nés de la facilité des promesses dont ils se nourrissent. Et durant la disette idéologique, il faut bien renforcer le pactole des soutiens dont on aura besoin. En présentant aux élections européennes bon nombre de Ministres, l'UMP a effectué un choix en parfaite conformité avec celui de son maître élyséen, qui avait parcouru l'avant campagne officielle comme Ministre de l'intérieur, Président de l'UMP et Président du Conseil général le plus riche de France. Désormais, la France va entamer des semaines européennes avec des « candidats » plus officiels les uns que les autres. En voyage dans leurs provinces, les Ministres exploiteront à fond les moyens dont ils disposent sans que les citoyennes et les citoyens y voient un mal quelconque. La parade a commencé dès hier.
Nicolas Sarkozy a promis la bagatelle de 170 millions d'euros aux céréaliers français, qui protestaient contre la réorientation des aides agricoles européennes décidée par le ministre de l'Agriculture Michel Barnier. Or on sait que ce dernier va être tête de liste en Ile de France... et que les braves propriétaires de milliers d'hectares peuvent peser sur le résultat du scrutin. Le chef de l'Etat, qui n'est absolument pas en campagne, a réuni en fin d'après-midi à l'Elysée, en présence de Michel Barnier, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) Jean-Michel Lemétayer, le président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture Luc Guyau et des représentants des agriculteurs du... grand bassin parisien. Il faut ce qu'il faut pour arracher le soutien de ce monde agricole qui a depuis des années accumulé des profits substantiels.
Selon l'Elysée, ce plan de 170 millions d'euros sera mis en œuvre en 2010, année d'entrée en vigueur de la réorientation des aides européennes, pour « accompagner » les exploitations qui pourraient être fragilisées par cette réforme. Mais que va-t-on faire pour toutes les autres disséminés sur le territoire français et qui ne voteront pas en faveur du Ministre provisoire de l'Agriculture ? Sur ce montant, 90 millions seront puisés, par redéploiement, dans les aides agricoles européennes reçues par la France et 60 millions seront des mesures nouvelles financées par l'Etat. Avec quelles recettes ? Mystère. Mais d'ici 2010, le déficit ne sera pas à 60 millions d'euros près.
Ces 60 millions d'euros serviront à payer aux céréaliers une prime de 32 euros à l'hectare, dans le cadre de la gestion de l'assolement des exploitations. Les 20 millions d'euros restant seront puisés dans des aides non utilisées, et mobilisés en faveur de jeunes agriculteurs au moment de leur installation (il n'y en aura plus, car la faillite guette la majorité des exploitants « ordinaires »), a ajouté le président de la FNSEA, qui s'est montré satisfait de ce plan d'accompagnement.
UN SIGNAL FORT
Nicolas Sarkozy a, pour sa part, réaffirmé son soutien à la réforme de la répartition des aides agricoles et confirmé les mesures de réorientation annoncées le 23 février, y compris dans leurs montants. Le 23 février, Michel Barnier avait annoncé la réorientation en 2010, en faveur des élevages ovin, caprin et à l'herbe et des agricultures de montagne et biologique, de près de 18% des aides agricoles versées à la France par l'Union européenne. Les céréaliers, jusqu'ici principaux bénéficiaires de la politique agricole commune européenne, s'estiment lésés par une mesure qui les privera d'une partie de ces aides.
Ils étaient 4.000 à 8.000 le 25 mars venus manifester à Paris, et il fallait absolument les calmer. Le déplacement de Nicolas Sarkozy, à Rambouillet, sur le thème de la santé, avait été plus agité que prévu. Des agriculteurs d'Ile-de-France avaient tenté d'interpeller le président sur un thème un peu particulier : ces céréaliers protestent contre la désignation de Michel Barnier, l'actuel ministre de l'Agriculture, à la tête de la liste UMP pour les élections européennes... Et cette alerte avait été décisive.
Michel Barnier commençait donc à s'inquiéter : la grogne montait en Ile-de-France, où les gros céréaliers restent très puissants. Ils menaçaient de pourrir sa campagne européenne et chercheraient à le faire perdre. La campagne de déstabilisation avait même commencé la semaine dernière, avec la publication d'un encart publicitaire caricatural dans un petit journal agricole francilien. On murmurait même que les céréaliers franciliens rêvaient de monter leur propre liste aux Européennes : ils estimaient leur électorat à 50.000 voix. Certains espéraient déjà tout haut un score de 10%. On a mis fin à leurs velléités sécessionnistes avec... 170 millions d'euros ! Une pacotille, comparée aux milliards mis dans des banques qui ne prêtent toujours pas aux artisans, aux PME et aux investisseurs qui en ont besoin. On va donc faire payer au budget de l'Etat les voix ralliées à ce brave Michel Barnier. Il ne reste plus aux viticulteurs du Midi ou du Bordelais qu'à s'en prendre à Dominique Baudis pour arracher les fonds qui leur manquent.
DES PROFITS SYMPATHIQUES
Ce clientélisme tente de mettre des rustines sur une situation plutôt inquiétante pour l'UMP (avez-vous remarqué que les sondages sont actuellement peu nombreux ou plutôt discrets ?) mais comme toujours, avec l'argent des plus démunis, auxquels on refuse le pouvoir d'achat minimum pour maintenir celui maximum réservé à une caste !
Impossible d'oublier que les céréaliers se frottaient les mains en 2007. Les grandes exploitations françaises de la Beauce avait connu une année 2007 exceptionnelle. La flambée des prix des céréales (+60 % pour le blé tendre) avait permis à ces producteurs spécialisés de doubler le montant de leurs revenus. Entre 2006 et 2007, ces agriculteurs avaient vu leurs revenus nets avant impôt (aides comprises) bondir de... 98 %, alors qu'ils avaient déjà augmenté de 39 % entre 2005 et 2006.
Une performance spectaculaire néanmoins atténuée par une mauvaise récolte estivale, puisqu'en 2007, la production céréalière s'était située à 8 % en dessous du niveau moyen des cinq dernières années. Les pluies de l'été avaient nettement réduit les rendements de toutes les céréales à l'exception du maïs. Cette production, moins rentable, avait néanmoins battu des records.
Selon les statistiques officielles, les céréaliers ont touché en effet en 2008 un revenu moyen de 30 000 euros, deux fois plus que les éleveurs bovins et presque quatre fois plus que les éleveurs ovins. Une position difficilement défendable, d'autant que les céréaliers perçoivent les deux tiers des aides européennes, qui s'élèvent à 8,5 milliards d'euros...
UN CONGRES A CONTROLER
L'ouverture du congrès de la FNSEA pèse aussi sur l'avenir du gouvernement qui devra arbitrer entre les « céréaliers » et les « éleveurs » qui s'affrontent sur ces revenus européens garantis. Car la FNSEA est une véritable machine de guerre, comparable dans son organisation au premier syndicat des salariés, la CGT. Elle a su, au lendemain de sa création en 1946, constituer une organisation verticale très efficace imbriquée dans tous les domaines.
Le premier syndicat agricole préside en effet... 90 des 94 chambres d'agriculture françaises, est majoritaire à la Mutualité sociale agricole (MSA, la Sécu des agriculteurs), et possède des sièges d'administrateurs dans les caisses du Crédit agricole et de l'assureur Groupama. Sans oublier sa présence dans les organismes d'emploi et de formation telles l'Anefa (Agence nationale pour l'emploi et la formation agricole) ou l'Apecita (Agence pour l'emploi des cadres des ingénieurs et techniciens agricoles). La FNSEA contrôle aussi 38 associations spécialisées, dans le lait, les bovins, le porc, la volaille, les fruits et légumes... Et elle a créé des passerelles avec les industries de transformation au sein des interprofessions (Interveb pour la viande, le Cniel pour le lait...). Sans oublier un groupe de presse dans lequel elle relaye toute la vie de ses filières. C'est dire que si les salariés ne savent pas se faire entendre car ils ne mettent jamais solidairement leur bulletin de vote en avant, la FNSEA et son empire peuvent couler n'importe quelle liste de droite ! Et les fonctionnaires devraient en prendre de la graine. Sans OGM, bien évidemment.
Mais je déblogue...
Nicolas Sarkozy a promis la bagatelle de 170 millions d'euros aux céréaliers français, qui protestaient contre la réorientation des aides agricoles européennes décidée par le ministre de l'Agriculture Michel Barnier. Or on sait que ce dernier va être tête de liste en Ile de France... et que les braves propriétaires de milliers d'hectares peuvent peser sur le résultat du scrutin. Le chef de l'Etat, qui n'est absolument pas en campagne, a réuni en fin d'après-midi à l'Elysée, en présence de Michel Barnier, le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) Jean-Michel Lemétayer, le président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture Luc Guyau et des représentants des agriculteurs du... grand bassin parisien. Il faut ce qu'il faut pour arracher le soutien de ce monde agricole qui a depuis des années accumulé des profits substantiels.
Selon l'Elysée, ce plan de 170 millions d'euros sera mis en œuvre en 2010, année d'entrée en vigueur de la réorientation des aides européennes, pour « accompagner » les exploitations qui pourraient être fragilisées par cette réforme. Mais que va-t-on faire pour toutes les autres disséminés sur le territoire français et qui ne voteront pas en faveur du Ministre provisoire de l'Agriculture ? Sur ce montant, 90 millions seront puisés, par redéploiement, dans les aides agricoles européennes reçues par la France et 60 millions seront des mesures nouvelles financées par l'Etat. Avec quelles recettes ? Mystère. Mais d'ici 2010, le déficit ne sera pas à 60 millions d'euros près.
Ces 60 millions d'euros serviront à payer aux céréaliers une prime de 32 euros à l'hectare, dans le cadre de la gestion de l'assolement des exploitations. Les 20 millions d'euros restant seront puisés dans des aides non utilisées, et mobilisés en faveur de jeunes agriculteurs au moment de leur installation (il n'y en aura plus, car la faillite guette la majorité des exploitants « ordinaires »), a ajouté le président de la FNSEA, qui s'est montré satisfait de ce plan d'accompagnement.
UN SIGNAL FORT
Nicolas Sarkozy a, pour sa part, réaffirmé son soutien à la réforme de la répartition des aides agricoles et confirmé les mesures de réorientation annoncées le 23 février, y compris dans leurs montants. Le 23 février, Michel Barnier avait annoncé la réorientation en 2010, en faveur des élevages ovin, caprin et à l'herbe et des agricultures de montagne et biologique, de près de 18% des aides agricoles versées à la France par l'Union européenne. Les céréaliers, jusqu'ici principaux bénéficiaires de la politique agricole commune européenne, s'estiment lésés par une mesure qui les privera d'une partie de ces aides.
Ils étaient 4.000 à 8.000 le 25 mars venus manifester à Paris, et il fallait absolument les calmer. Le déplacement de Nicolas Sarkozy, à Rambouillet, sur le thème de la santé, avait été plus agité que prévu. Des agriculteurs d'Ile-de-France avaient tenté d'interpeller le président sur un thème un peu particulier : ces céréaliers protestent contre la désignation de Michel Barnier, l'actuel ministre de l'Agriculture, à la tête de la liste UMP pour les élections européennes... Et cette alerte avait été décisive.
Michel Barnier commençait donc à s'inquiéter : la grogne montait en Ile-de-France, où les gros céréaliers restent très puissants. Ils menaçaient de pourrir sa campagne européenne et chercheraient à le faire perdre. La campagne de déstabilisation avait même commencé la semaine dernière, avec la publication d'un encart publicitaire caricatural dans un petit journal agricole francilien. On murmurait même que les céréaliers franciliens rêvaient de monter leur propre liste aux Européennes : ils estimaient leur électorat à 50.000 voix. Certains espéraient déjà tout haut un score de 10%. On a mis fin à leurs velléités sécessionnistes avec... 170 millions d'euros ! Une pacotille, comparée aux milliards mis dans des banques qui ne prêtent toujours pas aux artisans, aux PME et aux investisseurs qui en ont besoin. On va donc faire payer au budget de l'Etat les voix ralliées à ce brave Michel Barnier. Il ne reste plus aux viticulteurs du Midi ou du Bordelais qu'à s'en prendre à Dominique Baudis pour arracher les fonds qui leur manquent.
DES PROFITS SYMPATHIQUES
Ce clientélisme tente de mettre des rustines sur une situation plutôt inquiétante pour l'UMP (avez-vous remarqué que les sondages sont actuellement peu nombreux ou plutôt discrets ?) mais comme toujours, avec l'argent des plus démunis, auxquels on refuse le pouvoir d'achat minimum pour maintenir celui maximum réservé à une caste !
Impossible d'oublier que les céréaliers se frottaient les mains en 2007. Les grandes exploitations françaises de la Beauce avait connu une année 2007 exceptionnelle. La flambée des prix des céréales (+60 % pour le blé tendre) avait permis à ces producteurs spécialisés de doubler le montant de leurs revenus. Entre 2006 et 2007, ces agriculteurs avaient vu leurs revenus nets avant impôt (aides comprises) bondir de... 98 %, alors qu'ils avaient déjà augmenté de 39 % entre 2005 et 2006.
Une performance spectaculaire néanmoins atténuée par une mauvaise récolte estivale, puisqu'en 2007, la production céréalière s'était située à 8 % en dessous du niveau moyen des cinq dernières années. Les pluies de l'été avaient nettement réduit les rendements de toutes les céréales à l'exception du maïs. Cette production, moins rentable, avait néanmoins battu des records.
Selon les statistiques officielles, les céréaliers ont touché en effet en 2008 un revenu moyen de 30 000 euros, deux fois plus que les éleveurs bovins et presque quatre fois plus que les éleveurs ovins. Une position difficilement défendable, d'autant que les céréaliers perçoivent les deux tiers des aides européennes, qui s'élèvent à 8,5 milliards d'euros...
UN CONGRES A CONTROLER
L'ouverture du congrès de la FNSEA pèse aussi sur l'avenir du gouvernement qui devra arbitrer entre les « céréaliers » et les « éleveurs » qui s'affrontent sur ces revenus européens garantis. Car la FNSEA est une véritable machine de guerre, comparable dans son organisation au premier syndicat des salariés, la CGT. Elle a su, au lendemain de sa création en 1946, constituer une organisation verticale très efficace imbriquée dans tous les domaines.
Le premier syndicat agricole préside en effet... 90 des 94 chambres d'agriculture françaises, est majoritaire à la Mutualité sociale agricole (MSA, la Sécu des agriculteurs), et possède des sièges d'administrateurs dans les caisses du Crédit agricole et de l'assureur Groupama. Sans oublier sa présence dans les organismes d'emploi et de formation telles l'Anefa (Agence nationale pour l'emploi et la formation agricole) ou l'Apecita (Agence pour l'emploi des cadres des ingénieurs et techniciens agricoles). La FNSEA contrôle aussi 38 associations spécialisées, dans le lait, les bovins, le porc, la volaille, les fruits et légumes... Et elle a créé des passerelles avec les industries de transformation au sein des interprofessions (Interveb pour la viande, le Cniel pour le lait...). Sans oublier un groupe de presse dans lequel elle relaye toute la vie de ses filières. C'est dire que si les salariés ne savent pas se faire entendre car ils ne mettent jamais solidairement leur bulletin de vote en avant, la FNSEA et son empire peuvent couler n'importe quelle liste de droite ! Et les fonctionnaires devraient en prendre de la graine. Sans OGM, bien évidemment.
Mais je déblogue...