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20 juin 2009 6 20 /06 /juin /2009 07:17
Un article du Monde.fr rappelle de manière très intéressante les rapports entre le Roi de France et le Parlement, qui avait été partiellement élu au suffrage censitaire. Cette évocation historique mérite d'être rappelée à quelques heures de l'arrivée à Versailles, en limousine, d'un certain Nicolas Sarkozy, venant délivrer un message politique au Congrès, réuni pour la circonstance. Cette lubie présidentielle coûtera environ un demi-million d'euros aux contribuables pour un message d'une petite heure : c'est plus cher qu'un gala de Johnny Hallyday ! En effet, lundi à 15 heures, le Président de l'Assemblée nationale ouvrira la séance, et il appellera le chef de l'Etat à la tribune : "Monsieur le président de la République, au nom du Congrès du Parlement, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole." A l'issue de la délivrance de la bonne parole, il suspendra la séance, et raccompagnera Nicolas Sarkozy, avec M. Larcher et M. Fillon comme aides de camp, laissant les représentants du Peuple à la buvette.
Ce sera une grande première que personne n'avait osé s'offrir. Même pas de Gaulle ! En juillet 2008, Nicolas Sarkozy a fait modifier la Constitution afin de pouvoir s'exprimer devant les parlementaires et s'offrir une tribune démontrant son pouvoir vis-à-vis des élus de base. Interrompue sous la IIIe République d'Adolphe Thiers, en 1873, la pratique des discours du chef de l'exécutif au Parlement va donc connaître une restauration télévisée, et abondamment relayée par tous les médias. Il a donc fallu réinventer le "protocole de Versailles". Celui-ci a été consigné à l'issue de plusieurs réunions entre les services de l'Assemblée et le cabinet du président de la République. M. Sarkozy le voulait "digne". On a été obligé de le fixer dans le marbre, grâce à une réunion spéciale du Conseil constitutionnel. Le Congrès adoptera en effet, dans la matinée de lundi, une modification de son règlement afin que le président de la République puisse prendre la parole dans l'après-midi. Celle-ci doit être validée dans la foulée par le Conseil constitutionnel, convoqué à cet effet. Problème : avisés tardivement de cette séance exceptionnelle, plusieurs "Sages" étaient pris par des obligations auxquelles ils ne pouvaient se soustraire. Seuls six des neuf membres pouvaient être présents lundi midi, alors que la règle du quorum réclame la présence de sept juges. C'est grâce à Jacques Chirac, membre de droit en tant qu'ancien président de la République, qui s'est libéré, que le quorum pourra être atteint. Et que Nicolas Sarkozy pourra intervenir... comme le faisait le Roi de France il y a plus de deux siècles.
En effet, la Constitution du 14 septembre 1791 avait, la première, établi les "relations du corps législatif avec le roi". Il pouvait, chaque année, "faire l'ouverture de la session et proposer les objets qu'il croit devoir être pris en considération". Pour marquer la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif, la Constitution républicaine précisait : "Toutes les fois que le roi se rendra au lieu des séances du corps législatif, il sera reçu et reconduit par une députation (délégation). (...) Dans aucun cas, le président (du corps législatif) ne pourra faire partie d'une députation." Ce principe ne sera même plus respecté, puisque le Président du Congrès servira d'accompagnateur au Président de la République, faisant ainsi acte d'allégeance ! Aucun membre du Congrès ne sera autorisé à intervenir pendant sa déclaration ni à l'issue de celle-ci. Ce n'est qu'après que M. Sarkozy aura été reconduit que la séance pourra être reprise. Chaque groupe parlementaire - quatre à l'Assemblée nationale et cinq au Sénat - disposera d'un temps d'intervention de dix minutes, et le premier non-inscrit qui en aura fait la demande disposera de cinq minutes. Il n'y aura aucun vote.

AU SECOURS MONTESQUIEU
Pour Montesquieu, le type de régime importait peu, pourvu que ce ne soit pas le despotisme qui refusait toute séparation des pouvoirs. Pour lui, la république présente des risques de dérives en raison de la démagogie ; c' est donc un régime à éviter ; de plus, se reposer sur la vertu de tous en fait une quasi utopie... On n'est pas loin de cette appréciation dans la situation actuelle. Il expliquait aussi que la monarchie risquait toujours, en raison de la simple distribution des pouvoirs entre législatif et exécutif (pas de séparation des pouvoirs), de dériver vers le despotisme. Pour éviter cela, il fallait que la monarchie soit modérée. Cette modération s'opérait par la présence d'intermédiaires ayant une troisième puissance, la puissance judiciaire, indépendante des deux autres (exécutive / législative). La monarchie modérée était donc pour lui le meilleur des régimes. Nous y sommes depuis l'avènement de la Vème République
Par conséquent, Montesquieu ne préconisait pas une séparation des pouvoirs totale, mais une séparation des pouvoirs limitée (que la doctrine qualifiera par la suite de séparation des pouvoirs souple). Néanmoins, avec l'évolution des régimes, on ne peut plus aujourd'hui garder cette classification : on peut difficilement classer dans un même régime les monarchies telles que le Royaume-Uni où le roi est effacé et les monarchies comme le Maroc où le roi, au contraire est, de fait, à la tête de l'exécutif. Cependant, on a gardé de cette classification de Montesquieu la distinction entre les régimes de séparation des pouvoirs (connotation positive) et les régimes de confusion des pouvoirs (connotation négative). Il serait intéressant de connaître son analyse de la situation actuelle où, de fait, il n'y a bientôt plus que des frontières ténues entre les diverses formes de pouvoir. Ce Congrès réduit au rôle de chambre d'écho des volontés présidentielles prend des allures inquiétantes que, bien évidemment, personne ne voudra voir, en raison du caractère abstrait des menaces qu'il porte. On est sur des principes républicains et... ça n'intéresse personne en cette époque, où les contre pouvoirs locaux sont de plus en plus présents dans la vie quotidienne, sur tous les sujets.

DISSOLUTION ET CENSURE
Le critère principal d'un régime parlementaire est l'existence de moyens d'action réciproques entre l'exécutif et le législatif. Ainsi, ils ont des moyens de révocabilité mutuelle. Dans les faits, ce n'est plus le cas en France, puisque le Président n'admet même plus le débat autour de ses positions : il les annonce et s'en va !
La mise en jeu de la responsabilité du gouvernement devant le parlement (ce mécanisme de mise en jeu de la responsabilité permet au législatif de s'opposer à l'exécutif et à sa politique en le renversant) n'a pas lieu d'être, puisque le Président n'a en rien à rendre compte de ses décisions devant le Congrès, alors qu'il peut décider seul de la dissolution de l'Assembleé nationale. Cette mise en jeu de l'existence de l'exécutif, qui n'est pas, dans le droit français, le Président de la République, peut intervenir, par contre, à l'initiative du législatif, à travers la motion de censure (vote censurant le gouvernement par une majorité renforcée). Or en France, depuis 2 ans, la politique est décidée chaque jour par le Président qui, dans les faits, n'en supporte pas les risques vis-à-vis de sa majorité. Il pourrait annoncer à l'Assemblée ce qu'il veut, faire n'importe quelle annonce, sans que les représentants des Françaises et des Français puissent même manifester leur désaccord devant lui ! Extraordinaire République que celle qui nous a été concoctée !
La mise en œuvre du droit de dissolution (l'exécutif remet en cause le législatif en procédant à la dissolution d'une chambre ou de l'ensemble du parlement) appartient, par contre, au seul Nicolas Sarkozy.
Le peuple devrait alors jouer le rôle d'arbitre entre les pouvoirs : soit il réélit la même chambre (par exemple, au début de la IIIe République, après la dissolution de la chambre par Mac Mahon, celui-ci dut se soumettre face à une chambre de même bord) soit il soutient l'exécutif en changeant le bord politique de l'assemblée (par exemple les dissolutions de 1981 et de 1988 par le Président de gauche nouvellement élu, François Mitterrand). On a même vu Chirac dissoudre l'assemblée et... dissoudre sa propre majorité : un exemple d'erreur manifeste de jugement ! Mais lundi, il n'y a aucun risque de ce genre, car tout est désormais inutile, puisque le Président n'est responsable de ses décisions que vis-à-vis de lui-même ! Ce qui, tout de même, est extrêmement confortable. Lundi, la leçon de modestie sera exemplaire dans le temple du Roi Soleil
Mai je déblogue...
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commentaires

E
@ JeanJe ne partage pas ton avis. D'ailleurs, il serait souhaitable, pour éviter que ton commentaire soit considéré comme une "analyse" simpliste, que tu développes ton argumentaire.De plus, si tu as bien lu l'annonce du PS, il n'est nullement question d'aller à Versailles faire les "plantes vertes"... 
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J
@ EM "la politique de la chaise vide n'a jamais servi à grand chose... C'est d'ailleurs plutôt un comportement qui dénote un manque de maturité."C'est sûr que le PS ces dernières années, a fait preuve d'une telle maturité qu'on en est encore tout ébloui. Et il en faut, de la maturité pour aller jouer les plantes vertes à Versailles.
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E
@ Jean,Parce que la politique de la chaise vide n'a jamais servi à grand chose... C'est d'ailleurs plutôt un comportement qui dénote un manque de maturité.L'opposition se construit, cherche une stratégie, s'oppose... 
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J
<br /> <br /> <br /> Le porte-parole du PS Benoît Hamon a qualifié dimanche de "déni de démocratie" le fait que Nicolas Sarkozy intervienne devant le Parlement réuni en Congrès lundi à Versailles sans assister au débat parlementaire.C'est très bien, ça, mais pourquoi les parlemnatires socialistes y participent-ils, à ce déni de démocratie ? Pourraient pas rester chez eux, et laisser le roi-soleil faire le beau devant les godillots de sa majorité et les radicaux cassoulet ?
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E
Le porte-parole du PS Benoît Hamon a qualifié dimanche de "déni de démocratie" le fait que Nicolas Sarkozy intervienne devant le Parlement réuni en Congrès lundi à Versailles sans assister au débat parlementaire.<br /> <br /> AFP - le 21 juin 2009, 18h46<br /> <br /> <br /> "Il y a clairement un déni de démocratie quand quelqu'un parle et qu'il ne reste même pas entendre la réponse du Parlement", a déclaré M. Hamon lors de l'émission "Dimanche soir politique" i-Télé/France Inter/Le Monde.<br /> Il a justifié la décision des parlementaires PS de quitter l'hémicycle après le discours du président de la République, car, a-t-il demandé, "à qui va-t-on parler? A M. Copé (chef de file des députés UMP), à M. Accoyer (président de l'Assemblée nationale)? Ca ne nous intéresse pas". "Le peuple à travers ses représentants parlera à quoi? à une chaise vide", a ajouté l'ex-député européen.<br /> "La parole qui nous est donnée est une parole qui n'a aucun poids réel, c'est pour ça que nos présidents de groupe s'exprimeront de manière solennelle en conférence de presse" à l'extérieur de l'hémicycle du Congrès, a-t-il dit.<br />
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