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22 juin 2009 1 22 /06 /juin /2009 07:17
En mai 2002, quelques jours après la réélection de Jacques Chirac, un kamikaze fait exploser à Karachi un bus rempli de salariés français de la Direction des constructions navales (DCN), qui travaillaient à la construction de sous-marins pour la marine pakistanaise. 14 morts et 11 blessés graves qui depuis traînent leur misère. Une enquête délicate débute, car il n'y a aucune revendication ce qui parait troublant. De 2002 à 2008, les familles des victimes de l'attentat de Karachi ont surtout été invitées à se taire. A ne pas trop en demander, y compris en matière d'indemnisation. L'épais dossier pénal montre pourtant que l'employeur de leurs pères ou de leurs maris connaissait les risques physiques encourus sur place quand il les dépêchait à Karachi. Une note du service juridique de la Direction des constructions navales (DCN) datée du 17 juillet 2002 tranche froidement : « Les sommes versées ou susceptibles d'être versées sont modestes. [...] Le quantum du préjudice matériel pour la DCN est par contre difficile à évaluer.» Tant pis pour eux, car ils savaient bien où ils allaient ! Certaines veuves ou orphelines ont donc décidé d'en finir avec ce cynisme. Parmi elles, Giselle Leclerc et Magalie Drouet. Les souvenirs de Magalie font froid dans le dos : «Mon père est parti pour retrouver le chantier de Karachi le 26 avril 2002 (deux semaines avant l'attentat). Il avait peur de ne pas rentrer. Il a laissé une liste des actes à accomplir pour le cas où il ne reviendrait pas.» Et de rajouter : « Mon père avait l'habitude de tout scanner et de tout archiver sur son ordinateur portable sur ce qui passait dans son travail à Karachi. On nous a rendu son ordinateur après en avoir arraché le disque dur.»
L'enquête n'avancera véritablement jamais, car le dossier a été confié de 2002 à 2008, au juge Jean-Louis Bruguière, qui instruisait alors l'affaire, et celui-ci, comme l'avocat de l'association SOS Attentats se sont montrés d'une grande discrétion à l'égard de ces femmes. Pendant six années, ces parties civiles d'un procès instruit en France, n'ont jamais pu consulter le dossier d'instruction, qui les intéresse pourtant au premier chef. Entre temps, le juge Bruguière a été candidat UMP aux législatives et aux municipales de Villeneuve sur Lot... avec deux échecs à la clé ! Silence radio et télé sur cette affaire, qui a pourtant récemment donné lieu à un scénario très crédible (mais toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé ne seraient que pure coïncidence) de la série « Reporters » sur Canal +. On tarde à instruire. On tente de faire oublier les faits. On parle de secret défense.
En France, rien ne filtre et on se contente d'une explication similaire à celle qui justifie la situation économique et sociale actuelle (« ce n'est pas nous c'est la crise mondiale ») avec une affirmation simple : « cet attentat est une affaire intérieure pakistanaise et vient des terroristes d'Al Qaïda » ... responsables et coupables de tout ce qui peut arriver de terrible sur la planète. Comme de toutes manières, ces derniers ne démentiront pas et ne se montreront pas, le risque est minime.

DEUX VICTIMES DESIGNEES
Le dispositif - une Toyota piégée avec un explosif sophistiqué - allait pourtant vite convaincre les enquêteurs de la DNAT (Division nationale antiterroriste) que la France et la DCN étaient directement visées, comme «Libération» le révélait le 27 novembre dernier... sans soulever la moindre attention de la part des autres grands médias. Nul ne veut remettre en cause la version officielle. D'ailleurs, deux islamistes pakistanais ont été condamnés à mort pour « assassinats par explosifs et terrorisme » avant, bizarrement, d'être acquittés par la cour d'appel de la province du Sind dont Karachi est la capitale. Asif Zaheer et Mohammad Rizwan avaient pourtant été condamnés à mort en première instance, le 30 juin 2003, un après l'attentat. La cour d'appel a pourtant estimé que « faute de preuves suffisantes », ils « doivent être remis en liberté sur le champ ». Ces deux islamistes avaient été arrêtés en décembre 2002. Où sont-ils maintenant ? Mystère ! Tous ces faits étalés dans le temps ont été occultés par des médias « oublieux », et plus prompts à parler de la feuille d'impôts du couple Hollande-Royal que des enquêtes « dangereuses » pour la majorité présidentielle alors au pouvoir.
En 2008, il avait néanmoins été révélé qu'un rapport de... septembre 2002 avait mis en cause des milieux militaires pakistanais, et que la mouvance islamiste avait été instrumentalisée pour lancer cette attaque. La police pakistanaise aurait reconnu que les activistes appartenaient à l'organisation Harkat ul Moudjahidine al-Alami, scission totalement « inconnue » d'un groupe islamiste combattant au Cachemire et lié aux services de renseignements pakistanais. Mais l'affaire était classée, avec la même promptitude que le sera la fin tragique des passagers du vol Rio-Paris.
En France, il n'y pas de commission d'enquête parlementaire suffisamment puissante pour troubler la quiétude des services secrets, dont on ne cesse pourtant de constater  l'implication dans tous les coups tordus de la vie politique ! Or, brutalement, on s'aperçoit qu'il y a, pour le moins, un doute sur les versions officielles, car le mystère, 15 ans plus tard, plane toujours sur les commanditaires.

RETOUR DES COMMISSIONS
En enquêtant sur une affaire de corruption au sein de la DCN, un juge saisit une note, baptisée Nautilus, rédigée par un ex-agent de la DST, pour qui l'attentat de Karachi s'expliquerait par l'arrêt de commissions que devait verser la France à des militaires pakistanais, en marge du contrat sur les sous-marins. Les affirmations sont extrêmement précises, et reposent sur des pièces écrites trouvées dans diverses perquisitions, mais dont le bon peuple de TF1 n'aura jamais connaissance... car tout va vite être étouffé ! Or, sur liberation.fr on dresse la distribution des rôles dans cette opération avant l'attentat. Véritablement passionnant !
En 1994, ministre délégué au Budget, Nicolas Sarkozy qui a un trou de mémoire sur son passage dans la gestion financière de la France, donne son feu vert à la DCN, en vue de créer une structure... luxembourgeoise, « Heine », par laquelle transiteront des commissions à l'exportation. A l'époque, ces flux offshore étaient déductibles de l'impôt sur le bénéfice des sociétés, après accord de Bercy. Le feu vert de Sarkozy est strictement logistique : il ne vaut pas autorisation à des fameuses « rétrocommissions » versées à des décideurs français, il signifie encore moins que lui-même en serait éventuellement bénéficiaire. Simplement, Sarkozy autorise alors des virements à l'étranger - discrets, à défaut d'être occultes - dont tout le monde sait qu'ils font l'objet de rétrovirements. Son feu vert est doublé de celui de Nicolas Bazire, alors directeur de cabinet d'Edouard Balladur à Matignon, toujours intime de l'actuel président de la République. Mais aussi de François Léotard, alors ministre de la Défense, désormais pourfendeur de la Sarkozie.
François Pérol (tiens donc !) aujourd'hui nommé dans les circonstances que l'on connaît à la tête du groupe Caisse d'épargne-Banque populaire, ex-secrétaire général adjoint de l'Elysée en charge des affaires économiques, déjà membre du cabinet de Nicolas Sarkozy lors de son second passage à Bercy (en 2004), a été au moins... administrateur de la DCN et donc parfaitement au courant des pratiques de l'époque. C'était à la fin des années 90, quand Pérol était membre de la direction du Trésor - et quand valsaient les commissions baladeuses. Mais bien entendu, en tant que haut fonctionnaire, il n'en a jamais entendu parler !
Bien des années plus tard, en 2005, Brice Hortefeux intervient auprès des services fiscaux. Depuis l'adoption de la directive anticorruption de l'OCDE, en 2000, les commissions « offshore » sont proscrites. Mais la DCN entend continuer à les déduire de son bénéfice imposable, sous couvert de « frais commerciaux ». Bercy accepte dans un premier temps, avec un plafond de 15 %. Trop peu pour la DCN, manifestement plus généreuse en matière de grands contrats. Elle charge Hortefeux, alors ministre délégué de Sarkozy au ministère de l'Intérieur, de jouer l'avocat de ce système auprès de Bercy, en transmettant ce courrier : «S'il est bien vrai que des fonds ont transité vers des sociétés au Luxembourg et en Belgique, ceux-ci ont servi, pour l'essentiel, à s'assurer de la rétribution des sources et du paiement de documents confidentiels.» Hortefeux s'exécute, et transmet à son collègue des Finances... Jean-François Copé.
Ce dernier, ministre du Budget, fait répondre à la DCN : «J'ai fait procéder à un examen particulièrement attentif de cette affaire. Les commissions versées ont été considérées comme engagées dans l'intérêt de l'entreprise à hauteur de 15 % du chiffre d'affaires réalisé. Aucun événement nouveau n'étant présenté, le taux de commission admis, particulièrement bienveillant compte tenu des pratiques courantes en la matière, ne me paraît pas pouvoir être remis en cause.» Refus et ultime sursaut chiraquien, Copé qui en a assez d'en prendre plein la gueule en tant que supporteur de Chirac, transmet le dossier au parquet : le fisc est à l'origine du déballage pénal de l'affaire DCN. C'est parti...

CHIRAC SOUS INFLUENCE
Le contrat signé en 1994 porte sur 5,4 milliards de francs, soit 835 millions d'euros. Selon un spécialiste, les commissions prévues officiellement sont de 6% pour deux décideurs pakistanais, et 4% pour l'intermédiaire syrien, qui devait vraisemblablement verser des « rétrocommissions » en France. Là-dessus, Chirac est élu en 1995 et donne l'ordre de cesser le versement des commissions. Il pense, à tort ou à raison, qu'une partie des fonds a été destinée au financement de la campagne de Balladur. A ce stade, une partie des fonds a déjà été versée à une banque suisse, qui les a transférés à deux sociétés panaméennes dont on ignore tout. On trouvera d'ailleurs bientôt, car, vous le savez, le Président Sarkozy est un ardent pourfendeur des paradis fiscaux et du trafic financier via des pays qu'il voue aux gémonies. L'attentat serait donc un message « fort » adressé à la France.
Auparavant, deux incidents étaient passés inaperçus: un membre du consulat français avait fait l'objet d'une tentative d'enlèvement, et une bombe avait été découverte sous la voiture d'un autre officiel français. Bien sûr, les Pakistanais ont immédiatement mis l'attentat de Karachi sur le dos des islamistes. Mais il est apparu que l'explosif utilisé était d'origine militaire, et que leur histoire ne tenait pas debout. Aujourd'hui, 15 ans plus tard, on est incontestablement face à une affaire d'Etat... au moins aussi sombre que celle des vedettes de Taiwan, des listings de Clearstream, des fonds des casinos pour Pasqua, puisqu'aucune de ces embrouilles financières n'a causé la mort de 14 Français !
Il faut remarquer qu'il y a d'étranges coïncidences médiatiques, car au moment où éclate une vérité potentielle sur l'attentat de Karachi et ces histoires de financement occulte de la vie politique française, les journaux évoquent les liens financiers entre Jacques Chirac et Omar Bongo. Un nouvel avertissement sans frais, au cas où certains voudraient divulguer ce qu'ils savent. On est dans le fameux jeu enfantin : « je te tiens, tu me tiens par la barbichette !.. » L'avocat des familles de victimes pourrait en effet demander dans les prochaines semaines les auditions de M. Balladur et Jacques Chirac.
« C'est ridicule (...) c'est grotesque (...), qui peut croire une fable pareille ?", a répondu le président français vendredi à la presse, à l'issue du Sommet européen à Bruxelles. "Si vous avez des éléments, donnez-les à la justice!" a-t-il lancé, agacé. Chiche. Mais il sait bien que dans quelques temps la passivité des Françaises et des Français conduira à la suppression des juges d'instruction, et au verrouillage complet du système judiciaire. Il suffit de nier et de menacer pour remettre le couvercle sur cette affaire explosive. Surtout pour les pauvres 14 victimes.
Mais je déblogue...
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commentaires

Y
La chape de plomb est bien retombee. J'ai beau tendre l'oreille, scruter a la loupe, peu ou pas de "bruit" mediatique ...
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