Impossible de nier que la violence est en voie de banalisation, sous l'influence des feuilletons télévisés et des divers jeux vidéo qui la virtualisent à longueur de journée. Dans une vie d'enfant ou d'adolescent, un joueur, devant un petit écran, aura vu tuer ou aura tué lui-même des milliers si ce n'est des dizaines de milliers de personnes, sans autre conséquence que celle de la persuader que ces actes n'ont aucune incidence, puisque jamais la condamnation (même théorique) n'est affichée ou montrée ! En fait, plutôt que de tenter de faire incarcérer des mineurs de 12 ans, il vaudrait beaucoup mieux lancer un grand plan d'éradication de la violence artificielle dans tous les médias ! Mais c'est probablement plus dur de modifier les mentalités, d'éduquer, de responsabiliser, que d'inventer un texte de loi inapplicable. Un collégien de 12 ans, parmi d'autres, en a été la victime. Il a été placé en observation, après avoir été frappé par d'autres élèves au collège Evariste-Galois à Sevran. Le garçon participait au jeu dit, dans le langage collégien, du « petit pont massacreur ». Il se trouvait encore en observation mercredi soir, a-t-on appris de source judiciaire, sans que cela provoque une mise en cause des comportements enracinés dans l'enfance d'une frange de plus en plus importante des accros de la télévision : la vie des autres est virtuelle et n'a donc aucun prix réel.
Le collégien s'est fait frapper lors de la récréation de 10 h dans le cadre du jeu du « petit pont massacreur » et, pris de malaise, a été évacué par les pompiers , a-t-on laconiquement annoncé, mais sans poser, en corollaire, les conditions de la surveillance dans les établissements scolaires. Il est, en effet, impossible d'admettre que ces faits puissent se dérouler sans que les adultes responsables en aient connaissance. Le principe de ce jeu, de plus en plus répandu dans les cours d'école, veut que l'enfant qui laissera passer une balle entre ses jambes soit roué de coups par ses camarades. Le collégien aurait été au départ volontaire, avant de refuser de jouer, et six à huit élèves de sixième et cinquième lui auraient alors porté des coups de pied et de poing, sans que personne ne réagisse. Par peur ? Par inconscience ? Par indifférence ? Des témoins ont été entendus à la brigade des mineurs de Sevran. Les jeunes agresseurs sont en cours d'identification. "Nous allons veiller à ce que les auteurs de cette action collective fassent l'objet d'un conseil... éducatif ", avant un éventuel conseil de discipline, a précisé un inspecteur d'académie, extrêmement peu inquiet sur la situation, malgré ses déclarations. Le mal est beaucoup plus profond que l'on veut bien le reconnaître ou l'avouer. On est loin de la « guerre des boutons » !
« Les jeux dangereux sont une préoccupation constante dans l'académie » et font l'objet d'actions de préventions régulières, a souligné cet homme responsable, tout en soulignant que des hospitalisations sont... « très rares ». On se rassure comme on peut : ce n'est pas grave puisqu'il n'est pas mort ! Ouf ! mais le problème se développe à vitesse très grande, laissant tout le monde adulte au bord du chemin, avec comme seule réponse des sanctions, de plus en plus déconnectées des causes de la violence. Un exemple publié sur le site nouvelobs.com en apporte la preuve.
JUSTICE VIOLENTE
Ça s'appelle le « jeu du jugement » ou « jeu des juges ». Jeu pour les ados? mais casse-tête pour les grands. Une de ces histoires qui plongent les adultes dans des abîmes de perplexité: est-ce juste parce qu'ils ne comprennent plus les jeunes, ou bien est-ce que ceux-ci sont réellement devenus des monstres incontrôlables? Le « jeu » donc. Pour ce qu'on en sait, ses règles sont assez sommaires : des « juges » autodésignés édictent une « loi », ceux qui n'y obéissent pas sont sanctionnés. Jusqu'ici tout va bien. Mais, lorsque le jeu dérape vers le règlement de comptes à peine déguisé, surgit le problème. Des élèves du lycée Jules-Verne de Sartrouville, dans les Yvelines, en ont fait l'expérience il y a quelques mois. C'était un lundi après-midi. La classe de BEP « maintenance des systèmes mécaniques automatisés », exclusivement composée de garçons, et considérée comme une des plus dures de l'établissement, avait cours de sport. Le prof avait prévenu : lundi, test d'endurance. Les « juges » ont sauté sur l'occasion: ce jour-là, la loi consisterait à boycotter le test. Sur les vingt-deux lycéens de la classe, une quinzaine se rendent sur le stade. Mais cinq d'entre eux seulement acceptent d'user leurs baskets sur la piste: les autres s'installent, goguenards, dans les tribunes. Première sanction, les coureurs reçoivent des pierres chaque fois qu'ils passent devant les gradins. La justice telle qu'ils la jouent est expéditive, elle ne s'embarrasse ni d'enquête ni de défense des accusés. Le prof intervient, les jets cessent. Mais, à la fin du cours, la punition continue: les désobéissants, les «jugés», doivent payer. Le professeur surprend ainsi un groupe d'élèves en train de rouer de coups un des leurs. Il les sépare et, comme c'est l'usage en cas d'incident, fait un rapport, que la proviseur découvre le lendemain matin.
BANALISATION DES FAITS
Coup de téléphone chez le "jugé" : ses parents expliquent que leur enfant maltraité est traumatisé. Il a raconté les pressions subies depuis des semaines. Ils portent plainte. Une rapide enquête montre que trois autres élèves ont été frappés. « On a découvert alors que seuls les "gouères" avaient été punis », raconte la proviseur. Les «gouères»? Qu'est-ce que c'est ? Les «Français», répondent les jeunes, ou plus exactement les «vrais Français», de souche, les « Blancs ». Effectivement, sur les cinq élèves qui ont couru se trouvait un jeune Maghrébin, bon élève. Il a désobéi, a reçu des menaces verbales, mais a échappé à la punition. Pour la proviseur, qui dirige un lycée flambant neuf «plutôt serein, où les élèves posant problème sont très peu nombreux», ce n'est pas un hasard: «Nous connaissons des problèmes de racisme plus forts qu'auparavant. On ne se mélange pas, il y a une véritable crispation sur les questions communautaires.»
Lors de leur garde à vue, les trois «juges» frappeurs ont semblé tomber des nues: «On n'a rien fait de mal, c'est un jeu ! » L'excuse est tombée : un jeu. La violence est devenue un jeu. L'alcoolisme fulgurant : un jeu ! La conduite automobile irrespectueuse de toutes les règles ou celle des scooters ou autres boosters : un jeu ! Les insultes lancées aux adultes : un jeu ! le racisme : un jeu ! Mettre le feu à des poubelles : un jeu ! détruire la signalisation : un jeu ! Tout devient jeu et ne doit avoir aucune conséquence en matière de responsabilité.
PEU D'INQUIETUDE
Les jeux vidéo ciblent principalement les garçons de 7 à 14 ans. Ce sont les catégories « aventures » et « sports », au contenu souvent violent qui obtiennent le plus de succès auprès de ces jeunes. Une étude réalisée en 1998 à l'université Simon Fraser révèle que 60 % des adolescents grands utilisateurs de jeux vidéo préfèrent ceux où il y a beaucoup d'action et de batailles. L'avènement des médias interactifs étant relativement récent, il est difficile de savoir comment la violence, combinée à l'interactivité, affecte le comportement. Il semble que le fait de répéter les mêmes gestes violents dans les jeux vidéo peut prédisposer à l'agressivité chez certains enfants, spécialement ceux chez qui on note un trop-plein de colère et d'hostilité.
Le lieutenant-colonel américain Dave Grossman expliquait d'ailleurs dans son livre "Stop Teaching Our Kids to Kill" que les jeux vidéo fournissaient « un champ de pratique où les enfants peuvent perfectionner leur tir et attiser leur instinct meurtrier ».
Les jeunes enfants ont facilement accès à des jeux au contenu violent. À preuve les nombreux détaillants qui louent et vendent régulièrement à des mineurs des jeux classés pour adultes. Afin de réduire l'exposition des enfants aux contenus violents, le gouvernement fédéral canadien annonçait, en septembre 2000, la nécessité d'instaurer, pour les jeux vidéo, un système de classement qui permettrait aux gouvernements provinciaux de créer et de réglementer leur propre système de classement. La violence est un élément majeur des jeux vidéo. Il faut pourtant nuancer, puisqu'il y a différents degrés. La violence enfantine de Pokémon, par exemple, n'est pas comparable à la cruauté de Quake. Cependant, la violence qui y est présentée se veut souvent extrême :
Elle est sans pitié, et explicitement décrite (sang qui gicle, hurlements, tortures, etc.). L'amélioration de la technologie entraîne une description de plus en plus réaliste de la mort et de la souffrance.
« La violence, dans bien des jeux, peut paraître d'autant plus condamnable qu'elle ne cherche même pas à se présenter comme un instrument, regrettable mais malheureusement inévitable, permettant l'accession à un monde meilleur ou la défense de valeurs éthiques », comme l'écrit Pierre Bruno (auteur de Les jeux vidéo, 1993).
Il est difficile d'affirmer sans équivoque que la violence dans un jeu vidéo va inciter l'enfant à se comporter violemment, mais il faut bien constater qu'il y a une modification profonde des rapports entre son existence virtuelle et les enfants. Le seul problème, c'est que quand elle devient réelle, il est trop tard... Le Père Noël, selon ce qu'il apportera dans sa hotte, pourra véritablement être une ordure !
Mais je déblogue...