La véritable astuce c'est d'exploiter à son compte l'insécurité sociale.
Tous les sondages le démontrent massivement : il règne en France un climat d'angoisses cumulées. Angoisse vis-à-vis de l'avenir professionnel, angoisse vis-à-vis des moyens financiers, angoisse vis-à-vis de la démolition du système collectif protecteur, angoisse pour sa quiétude personnelle... Ce cumul des angoisses se cristallise sur un sujet unique : l'enfer ce sont les autres ! Les autres ce sont les terroristes, les casseurs, les révolutionnaires, les patrons, les élus, les étrangers, les profs, les jeunes... et on en arrive non pas à rassurer, mais à exploiter cette terrible vision sociale, pour transformer une préoccupation non avouée en certitude. Tout devient dangereux : les écoles pour les chères têtes blondes, les lycées pour les ados en échec, les cages d'escaliers, les rues, les espaces collectifs... Enfin, partout il existe un climat détestable qui conduit à penser que le moindre village n'est que le germe d'un Chicago potentiel ! En fait, c'est uniquement pour masquer les causes de ces « impressions », qui ne reposent sur aucune véritable appréciation sociale, que l'on monte en épingle des effets ponctuels ayant toujours existé mais n'ayant jamais été médiatisés. C'est le brouillard qui dissimule la faiblesse des forces dont dispose l'amirauté sarkozyste et ses échecs dans la construction des réponses. Alors que l'insécurité sociale repose sur la baisse du pouvoir d'achat et sur la crainte de la perte d'emplois, sur les suppressions massives de postes préjudiciables à celles et ceux qui ont accompli des parcours universitaires ou de formation ne leur ouvrant plus le droit au travail, on la focalise sur des incivilités éphémères !
LA TACTIQUE DE LA FUITE
Dans ce cadre-là, la supercherie consiste à compléter l'utilisation du rideau de fumée par l'histoire des Horaces er des Curiaces. On fuit le combat dès qu'il devient dangereux. Pas de débat, pas de contradiction, pour sans cesse conduire l'adversaire sur son terrain. Dans le rôle des Horaces on trouve les UMP et dans celui des Curiaces, le PS. Rappelons l'histoire. Sous le règne de Tullus Hostilius, une guerre meurtrière éclata entre les habitants d'Albe et ceux de Rome. Pour mettre fin à ce conflit, les chefs des deux « partis » conclurent un accord : trois frères défendraient chaque camp, les Horaces pour Rome et les Curiaces pour Albe. Dès le premier choc, le cliquetis des armes fit passer un grand frisson dans l'assistance ; tous en perdaient la voix, et le souffle. Mais au cœur de la mêlée, les trois Albains furent blessés, tandis que deux Romains tombaient, mourant l'un sur l'autre. Leur chute fit pousser des cris de joie à l'armée albaine : les légions romaines tremblaient pour leur unique champion, que les trois Curiaces avaient entourés. Par bonheur il était indemne, trop faible, à lui seul, il est vrai, pour tous ses adversaires réunis, mais redoutable pour chacun pris à part. Afin de les combattre séparément, il prit la fuite, en se disant que chaque blessé le poursuivrait dans la mesure de ses forces. Il était déjà à une certaine distance du champ de bataille, quand il tourna la tête et vit ses poursuivants très espacés.
Le premier n'était pas loin : d'un bond, il revint sur lui : Horace avait déjà tué son adversaire et vainqueur, et marchait au second combat. Poussant des acclamations, les Romains encouragent leur champion : lui, sans donner au dernier Curiace, qui n'était pourtant pas loin, le temps d'arriver, il tue l'autre. Maintenant, la lutte était égale, survivant contre survivant; mais ils n'avaient ni le même moral, ni la même force. L'un, deux fois vainqueur, marchait fièrement à son troisième combat ; l'autre s'y traînait, épuisé. Ce ne fut pas un combat : c'est à peine si l'Albain pouvait porter ses armes ; il lui plonge son épée dans la gorge, l'abat, et le dépouille. Rome triomphait pour avoir eu l'idée de la fuite victorieuse. Sur les Européennes, les leaders de l'UMP se défilent et partent avec, aux trousses, des socialistes affaiblis par les combats perdus antérieurement, et surtout désunis. Il suffit de les attaquer séparément pour les dominer et mettre en évidence leurs faiblesses. L'Elysée le sait et utilise cette manière d'opérer pour tout le monde, avec une certaine faiblesse dans le dispositif pour Bayrou, que personne n'arrive à bien saisir puisqu'il passe d'un camp à l'autre.
LA FUMEE DE PENTECOTE
Regardez bien le déroulement de la campagne : la semaine prochaine les sarkozystes vont allumer un nouveau feu, avec de la fumée. L'inénarrable Lefebvre va sortir un amendement le plus polémique possible pour focaliser toutes les « déchaînements » possibles. C'est une volonté et un sacrifice destiné à faire courir après lui le reste de la troupe. Tant qu'ils sont en course, ils vont continuer, avec des sondages fallacieux, destinés à influencer les masses hésitantes sur leur volonté d'aller s'exprimer ou de juger Sarkozy. Lors du week-end de pentecôte, on espère un accident meurtrier, un tueur en série ou des gamins volant un vélo pour occuper la une des jités de TF1 ! En attendant, on va essayer de développer un rideau de fumée devant les résultats du chômage. La nouvelle poussée du chômage en France va disparaître derrière un long week-end ! Le nombre de chômeurs inscrits au Pôle emploi en catégorie A (sans aucune activité, même réduite) a pourtant connu une nouvelle hausse de 2,4% en avril, soit 58.500 demandeurs d'emploi supplémentaires, a annoncé Bercy vendredi soir dans un communiqué. Leur nombre s'établit à 2.506.700 en France métropolitaine. Sur un an, la hausse est de 24,6%. Le chômage des jeunes flambe (+39,9% sur un an) et les offres d'emploi diminuent, elles aussi, fortement.
La ministre de l'Economie Christine Lagarde n'a pu que "prendre note" de cette "hausse importante", dans un communiqué, mais ajoute qu'elle est "inférieure à celles des trois premiers mois de l'année" (90.200 en janvier, 79.900 en février, 63.400 en mars). Elle qui avait inventé la croissance négative se régale d'un nombre de chômeurs inférieur mais en oubliant de préciser que depuis la fin du gouvernement Jospin, et celui de Fillon, c'est un véritable désastre, qu'elle a totalement oublié. Un trou de mémoire qui évite toute comparaison ! En comptant les catégories B et C, c'est-à-dire les demandeurs d'emploi ayant une activité réduite, cette hausse en avril est de 90.800 chômeurs et leur nombre en France métropolitaine, avec ou sans activité réduite, s'établit à 3.571.500 (3.785.600 en comptant les DOM).
Sur un an, en comptant ces trois catégories, le nombre de demandeurs d'emploi augmente de 16,2%. Les jeunes paient le plus lourd tribu, avec un chômage des moins de 25 ans inscrits en catégorie A en hausse de 4,6% sur un mois et de 39,9% sur un an. Dans un contexte de crise, selon les statistiques diffusées par Bercy, les offres d'emploi collectées par Pôle emploi (né de la fusion de l'ANPE et des Assedic) ont diminué de 1,4% en avril, et de 26,1% sur un an. Au total, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A s'établit à 2.506.700 en France métropolitaine fin avril 2009, précise Bercy dans son communiqué, soit un niveau équivalent au nombre de chômeurs de catégorie A que comptait la France en mars 2006, selon les statistiques de la DARES. Le gouvernement n'en parlera plus, dès mardi matin. Allez, bon week-end chers « enfumés » de la politique. C'est ainsi que les apiculteurs endorment les ouvrières des ruches pour les mettre ailleurs, dans une espace clos, au service d'une reine. Là, ce n'est que d'un roitelet, qui fait son miel avec l'indifférence de celles et ceux qui le servent !
Mais je déblogue...