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10 février 2007 6 10 /02 /février /2007 11:37
Il paraît que, quand les Résistants sont entrés dans certains immeubles de la Milice ou de la Gestapo dans les jours qui ont suivi la libération d’une ville, ils ont été effarés de découvrir des monceaux de lettres de dénonciations anonymes. Les Français les plus discrets avaient en effet pris la bonne habitude d’envoyer quelques missives laconiques à qui de droit pour expédier un rival, un voisin, un malheureux juif ayant échappé aux rafles, un ennemi héréditaire, vers les prisons ou les camps de concentration. La dernière guerre fut, à cet égard aussi, le reflet le plus noir de l’âme humaine. Plus de 60 ans plus tard il en reste des séquelles dans une petite cité comme Créon, où rien ne fut pire ou meilleur qu’en d’autres villes de sa taille. On le sait par des non-dits, des souvenirs douloureux, des sourires gênés, des confidences fielleuses : la dernière guerre reste présente dans le tissu social historique. En revanche, toutes les traces matérielles de cette période peu glorieuse ont été soigneusement effacées et les « archives » contenant quelques-uns de ces documents pestilentiels ont disparu avec la mort de celui qui les possédait.
Cette manière d’agir appartient, croit-on, à un moment douloureux de notre Histoire. Elle était liée, pense-t-on, avec une idéologie haineuse dont on ne pouvait imaginer qu’elle effectuerait son retour sur la planète. En fait, il faut bien constater la pérennité des comportements sociaux. La forme se modifie, mais le fond demeure. Comme les techniques évoluent et que l’écrit perd de son importance, les nostalgiques du découpage des lettres à la une de la presse quotidienne, pour confectionner un message patiemment collé, se raréfient. Ils laissent la place aux virtuoses du clavier ou aux corbeaux téléphoniques. Mais rien n’a véritablement changé ! Les délateurs se refont une santé grâce aux technologies modernes, qui n’ont jamais autant favorisé la lâcheté. Ces accusateurs zélés, ces justiciers masqués, ces roquets peureux, reviennent à la mode, dans le plus pur style de leurs illustres prédécesseurs. Ils envahissent la toile après avoir utilisé quelques bonnes vieilles recettes. Cette semaine m’aura convaincu que notre démocratie n’a guère progressé, contrairement aux apparences.
TOTALEMENT BOULEVERSEE PAR TANT DE HAINE
D’abord, l’une de mes plus proches amies est arrivée hier matin, totalement bouleversée, dans mon bureau, pour me confier son désarroi. Elle avait, sur son répondeur téléphonique, un morceau de bravoure anonyme la couvrant de boue. Une femme, probablement bien pensante, déversait sa haine sur son engagement associatif local. Cette voix, filtrée par un mouchoir, commentait en termes véritablement orduriers son passé et son action actuelle. Démoralisée, abattue par tant d’insultes anonymes, cette proche n’ose plus sortir de chez elle, tellement elle a honte… de ce qu’elle a pourtant été la seule à entendre. Un fait récent, dont on n’imagine pas combien il est courant.
Ce bel acte de bravoure en suivait en effet un autre, similaire, qu’était venu me conter une autre personne, elle aussi victime de cette « corneille » commentatrice de l’actualité. Même méthode, même hargne, mêmes dénonciations… et même résultat sur le moral de la victime. Renseignements pris, le « sport » se pratique avec un talent répétitif et d’autres personnalités créonnaises subissent également la pression de cette harpie se prenant pour une justicière de caniveau. Depuis le début de l’année, une demi-douzaine de personnes m’ont confié leur détresse face à cet acharnement qui les poursuit, sans qu’ils puissent porter plainte car les messages sont très fortuits et espacés dans le temps. Ce comportement demeure cependant classique, mais confiné à des périmètres réduits. Il porte essentiellement sur des querelles futiles, qui finissent par obséder des esprits dérangés.
Le malheur, c’est qu’il existe encore à notre époque, dans laquelle, tout de même, la liberté d’expression permet, avec un brin de courage, de régler ses comptes en direct. Jamais peut-être les opportunités de se prononcer publiquement, ouvertement sur les comportements sociaux publics n’ont été aussi nombreuses. D’ailleurs, dans la majorité des cas, les coupa
REVOLTANT MAIS TELLEMENT REEL
Toutes les semaines, arrivent ainsi en Mairie, avec un style plus ou moins alerte, des courriers destinés à « attirer mon aimable attention » sur quelques broutilles effectuées par un habitant ou un autre. J’ai vu, par exemple, mardi des lettres dénonçant, pour une affaire tout à fait banale (une construction de 5 m² modifiée sans permis de construire) un jeune couple qui tente de remettre en état une maison. L’affaire, portée devant les services officiels, a été marchandée 15 000 € avant attaque en règle… Devant le refus des intéressés de s’acquitter de cette somme, des courriers recommandés avec accusé de réception ont été adressés au Maire, par le voisin soucieux de l’urbanisme,  lui demandant la démolition. Révoltant, mais tellement réel. La technique du Zorro de la réglementation n’a pas évolué, mais elle s’est seulement adaptée au contexte favorable actuel. Ces délateurs de proximité utilisent en général oralement une phrase symbolique qui donne immédiatement le ton de leur intervention « je ne vous ai rien dit, mais si vous voulez voir c’est facile… » et ils enchaînent par toutes les précisions qu’ils ont soigneusement relevées. Cette attitude « bienveillante » se trouve amplifiée par le fameux et incontournable « bouche à oreille ». Paradoxalement, alors que nous sommes dans une société de l’information, elle s’amplifie au fil des mois.
Le cheminement de ces « nouvelles de première bourre » relève du parcours secret. La technique est mortelle, car elle ne repose sur aucune preuve, mais s’accrédite justement par son développement. Cette semaine courait sous les arcades le syndrome de l’insécurité créonnaise basé sur des faits commis dans la nuit de samedi à dimanche dernier. On y avait transformé des pétards en attentats, une porte mal fermée en effraction et saccage, des déambulations nocturnes en bandes organisées, une hypothétique présence inquiétante auprès d’une fillette en tentative d’enlèvement… Bien évidemment on ne cite pas de noms pour tout cela, mais on en suggère quelques-uns, et il ne fait pas bon alors pour ces gens de supporter le regard des autres. Pour l’insécurité, l’amalgame est vite fait : ce sont les jeunes en général et surtout pas ses enfants ou petits-enfants. Dans les domaines plus graves, on cherche dans le paysage celui qui détonne un peu en raison de sa supposée marginalisation sociale. De toutes manières, dénoncer ne fait pas de mal et permet de jouer enfin un rôle.
Il existe donc des spécialistes de ce type d’accommodement de la vérité, dont le trajet passe parfois par un comptoir de bistrot, ou un local public de rencontre. La sortie des écoles regorge de porteuses de vérités adaptées. Les dénonciations s’y amplifient, sur des sujets parfois portés par l’actualité nationale, comme si quelques personnes voulaient  absolument rejoindre le rêve du témoignage diffusé durant le Jité de 20 heures sur TF1 !
UNE CLASSE SUPERIEURE : LE JUSTICIER INTERNAUTE
Désormais on trouve aussi une classe supérieure : l’internaute anonyme justicier. Elle a abandonné les trottoirs, les cafés, les rencontres du marché hebdomadaire, pour se replier devant son ordinateur. C’est à la fois encore plus discret et surtout beaucoup plus rassurant car les risques sont très limités. En se planquant derrière un pseudonyme, on peut facilement agresser n’importe qui, et régler son compte à tous ceux que l’on hait, parce qu’ils ne portent pas les mêmes idées que vous. En fait, cette technique nouvelle a remplacé la lettre soigneusement agencée pour devenir un « post anonyme », ce qui fait évidemment plus branché. Tant que la dénonciation ne porte que sur les idées, le mal n’est pas terrible et l’on s’en remet, mais dès qu’elle touche à la personne, les dégâts sont plus importants. Et pourtant, le phénomène ne cesse de croître. Dans la période actuelle, il vaut mieux, par exemple en politique, être un fan dégoulinant d’enthousiasme qu’une pauvre « truie qui doute un peu ». La surveillance est organisée, et les attaques deviennent de plus en plus indignes du débat… sous le couvert de cet anonymat tellement paisible.  Des pools d’internautes masqués ont en charge cette déstabilisation des résistants. Ils existent, ces Dieux du clavier : je les ai rencontrés cette semaine ! Dans tous les camps, ils envahissent les espaces pouvant être investis pour attaquer les « amis réputés ennemis » ou conforter les « ennemis devenus amis ».
Même les silences sont pointés du doigt et dénoncés, comme en 42, comme une preuve de collusion avec l’adversaire, ou pire, comme une probable responsabilité future dans la suite des événements. Durant la dernière guerre celui qui ne chantait pas « Maréchal nous voilà… » et qui demeurait solidement ancré silencieusement dans ses convictions, risquait sa vie car sa passivité devenait suspecte. Il en va de même dans les travées du stade, où les supporteurs entonnent « celui qui ne saute pas n’est pas Marseillais ! ». On en est rendu là ! Le travail sérieux, quotidien, la participation contradictoire aux débats, le doute, sont devenus dénonçables par les ayatollahs de la pensée unique, au nom de l’efficacité et du suspect présumé coupable.
Internet favorise grandement le développement de cette tendance, puisque si vous prenez la plate-forme over-blog on vous y recommande fortement d’utiliser, pour l’écriture de votre blog,  un pseudonyme, en sachant que de toutes les manières on peut vous identifier (comme je le fais) facilement grâce à l’I.P. de l’ordinateur. Cette délation technologique va connaître, dans les semaines à venir, sa période faste. Une sorte de printemps de l’anonymat s’annonce… La démocratie en sortira grandie ! Gloire aux acolytes anonymes : le royaume leur est ouvert.
Mais je déblogue…
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9 février 2007 5 09 /02 /février /2007 07:42
Il est certain que le thème de la laïcité ne fera pas la une des journaux durant la campagne présidentielle. C’est pourtant un sujet qui devrait préoccuper le plus grand nombre de citoyens tant, chaque jour, se pose avec acuité le respect de ce véritable fondement de la République, dont nous aurons à choisir le Président. Le système craque de partout, les attaques viennent de tous les côtés, les accrocs aux principes se multiplient… et pratiquement personne ne réagit, car on continue à assimiler laïcité et anti-cléricalisme ou laïcité et athéisme. Grâce à cette simplicité infantile, on bloque tout débat possible et on se permet d’enterrer le plus précieux des biens de la société française, pour faire le lit des communautarismes religieux les plus angoissants.
Dans un tel contexte, Nicolas Sarkozy s’en donne à cœur joie, affirmant tout et son contraire, selon le public auquel il s’adresse. D’autres sont muets ou tout aussi vagues sur leur philosophie à cet égard. Le philosophe, écrivain, ancien membre de la commission Stasi sur l’application du principe de laïcité dans la République, Henri Pena-Ruiz vient de publier une lettre ouverte au " ministre-candidat-président ". Il tente d’installer au cœur de la campagne une réflexion sur ce qui sera la véritable valeur du XXI° siècle, face à la montée des intégrismes de tous poils.
La France, grâce à des combats parfois ardus, aura été durant des décennies le pays référent en matière de laïcité, ce qui lui a souvent permis d’avancer sur la voie du progrès dans un monde plutôt réactionnaire. Désormais, le climat change et le naufrage menace, car rares sont celles et ceux qui osent rappeler publiquement leur attachement à une certaine vision de la cohabitation respectueuse entre les philosophies. Henri Pena-Ruiz va devoir hurler pour que les candidats veuillent bien se préoccuper d’un thème crucial. Voici donc son texte, tel qu' adressé à Nicolas Sarkozy, car j’en partage absolument tous les mots.
 
Monsieur le Ministre, vous avez repris à votre compte une formule forte. " Pas de tabou ". Très bien. Alors posons cinq questions devenues cruciales après la publication du rapport Machelon. La laïcité, aujourd’hui menacée de toutes parts, mérite bien que toute la lumière soit faite sur des révisions annoncées. Le débat public pourra ainsi être pleinement éclairé.

Les humanistes athées doivent-ils jouir des mêmes droits que les croyants ?


Dans votre livre sur la République et les religions, vous accordez un privilège à l’option religieuse. Selon vous, en dehors de celle-ci, il ne serait pas possible de donner à la conduite de l’existence les repères de sens dont elle a besoin. Sartre l’athée, et Camus l’agnostique, devaient donc être perdus devant les problèmes de la vie...Et Bertrand Russel, qui écrivit " Pourquoi je ne suis pas chrétien " devait se trouver démuni devant les questions éthiques. Ne pensez-vous pas que celui qui ne croit pas au ciel a de quoi être blessé par votre préférence ?
Dans votre livre sur la République et les religions, vous accordez un privilège à l’option religieuse. Selon vous, en dehors de celle-ci, il ne serait pas possible de donner à la conduite de l’existence les repères de sens dont elle a besoin. Sartre l’athée, et Camus l’agnostique, devaient donc être perdus devant les problèmes de la vie...Et Bertrand Russel, qui écrivit " Pourquoi je ne suis pas chrétien " devait se trouver démuni devant les questions éthiques. Ne pensez-vous pas que celui qui ne croit pas au ciel a de quoi être blessé par votre préférence ?
Honoré d’Estienne d’Orves, catholique résistant, méritait-il davantage de considération que Gabriel Péri, athée résistant ? Tous les deux tombèrent sous les balles des nazis. Vous connaissez le mot du poète. " Celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas, qu’importe comment s’appelle cette clarté sur leurs pas, que l’un fût de la chapelle et l’autre s’y dérobât " (Louis Aragon, La Rose et le Réséda)


Quelle égalité s’agit-il de promouvoir ?


Vous dites vouloir l’égalité des religions entre elles, et pour cela vous envisagez de construire sur fonds publics des lieux de culte, notamment pour permettre aux citoyens de confession musulmane de compenser leur déficit en la matière par rapport aux catholiques, qui jouissent d’un usufruit gratuit des églises construites avant 1905, même si cet usufruit, par " affectation spéciale " est limité aux seuls moments de pratique religieuse. Vous ne demandez pas le même financement pour des maisons de la libre-pensée ou des temples maçonniques. Êtes-vous donc partisan de la discrimination entre les citoyens selon les options spirituelles dans lesquelles ils se reconnaissent ? L’égalité républicaine se réduirait-elle pour vous à l’égalité des divers croyants, à l’exclusion des humanistes athées ou agnostiques ?
Parler en l’occurrence de " toilettage " de la loi de séparation de 1905 est un euphémisme trompeur. Rétablir le financement public des cultes, c’est raturer un des deux articles de cette loi, inscrits sous la rubrique " Principes ". " La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte " Avouez que renoncer à un principe sur deux, c’est plus que " toiletter " la loi. C’est l’abolir. On ne peut, en l’occurrence, assimiler l’entretien du patrimoine historique et artistique constitué par les édifices du culte légués par l’histoire, et laissés en usufruit partiel aux associations cultuelles, à une règle de financement. Dans un état de droit, aucune loi n’est rétroactive. Depuis le premier Janvier 1906, toute construction d’un nouveau lieu de culte est à la charge des seuls fidèles, quelle que soit la religion en jeu. Telle est la règle, et les entorses trop fréquentes qui la bafouent ne sauraient pas plus faire jurisprudence que le fait de griller les feux rouges n’appelle leur abolition.


Quelle priorité pour les pouvoirs publics ?


Le rapport Machelon, qui a votre sympathie, utilise le concept de liberté de religion pour permettre le glissement du " libre exercice des cultes ", garanti par le premier article de la loi, à la nécessité supposée de financer les cultes. Joli jeu de mots et vrai tour de passe-passe, qui risque de tromper. En République, seul l’intérêt général, commun à tous, portant sur les biens et besoins de portée universelle, mérite financement public. Or la religion n’est pas un service public, comme l’instruction, la culture ou la santé. Elle n’engage en effet que les fidèles, c’est-à-dire une partie des citoyens seulement. La puissance publique, dont les fonds résultent des impôts payés par des athées autant que par des croyants, n’a donc pas à financer les cultes, pas plus qu’elle n’aurait à financer la diffusion de l’athéisme. En convenez-vous ?
La question est grave, à l’heure où l’ultralibéralisme économique entend dessaisir l’État de son rôle social, et soumettre à la loi du marché les services publics préalablement privatisés. L’État, jugé trop pauvre pour assurer les finalités sociales des services publics qui concernent tous les citoyens (éducation, culture, santé, accès à l’énergie et à la communication) serait donc assez riche pour financer l’option religieuse qui, pourtant, n’en concerne que certains. Voulez-vous sacrifier l’universel sur l’autel du particulier ? Nos hôpitaux manquent de moyens, notre école publique également. Révoltant paradoxe. Briser la laïcité en même temps que les services publics. Et faire passer cette régression par le supplément d’âme d’un monde sans âme, alliant le baume communautariste et le privilège public des religions.
Jean Jaurès et Aristide Briand, préparant la Loi de séparation de 1905, savaient qu’en supprimant le budget des cultes, ils ne faisaient pas qu’abolir un privilège : ils transféraient à l’Etat des ressources publiques bienvenues pour ce qui est d’intérêt commun. Les retraites ouvrières, en gestation, n’allaient-elles pas être attribuées aux travailleurs croyants comme aux athées, permettant aux premiers de se cotiser plus aisément pour financer eux-mêmes leurs lieux de culte ?


Quelle conception de la lutte contre le fanatisme ?

Vous dites vouloir éviter les interventions étrangères, notamment les financements venus de pays peu respectueux des valeurs républicaines et démocratiques. Et vous affirmez qu’en payant, on pourra mieux contrôler. Fausse évidence. Car enfin, quel lien juridique y a-t-il entre le financement et un droit de regard sur les propos des responsables religieux dans les lieux de culte ? Il ne peut exister que par le rétablissement d’une démarche concordataire, c’est-à-dire antilaïque. Napoléon avait fait le concordat de 1801 en assortissant le financement public des cultes, d’allégeances obligées des autorités religieuses à son pouvoir. Le catéchisme impérial de 1807 a radicalisé ce système assez humiliant pour les croyants, puisqu’en somme il les achète.
Dans une république laïque, il ne saurait y avoir d’allégeance assortie de privilège. Veut-on imposer une orthodoxie aux religions ? Qui ne voit le caractère infaisable, et irrecevable d’une telle perspective ? Seule une loi commune à tous doit dire le droit. Elle proscrit par exemple toute violence, toute discrimination entre les sexes, toute entrave à l’exercice de la médecine. Un pasteur ou un curé incitant des commandos à perturber les interruptions volontaires de grossesse, comme on l’a vu en Amérique, tombe sous le coup de cette loi. De même un imam qui inciterait à battre la femme adultère. Bref, il n’est pas nécessaire de payer pour contrôler. Seul vaut l’état de droit. Et ce qui importe n’est pas la nationalité d’un imam, mais son respect des lois républicaines. Ne nous trompons pas de combat. Ce n’est pas l’étranger comme tel qui pose problème à la République, mais celui qui entend s’affranchir de la loi commune pour lui substituer sa loi particulière, qu’elle soit religieuse ou coutumière.


Que reste-t-il de la laïcité, et de la République, si on rétablit un financement discriminatoire ?


La République n’est pas une juxtaposition de communauté particulières. Il n’y a pas en France cinq millions de " musulmans ", mais cinq millions de personnes issues de l’immigration maghrébine ou turque, très diverses dans leurs choix spirituels. Une enquête récente, dont Le Monde s’est fait l’écho, précise que seule une petite minorité de cette population fréquente la mosquée, la majeure partie faisant de la religion une affaire privée, ou ne se référant à l’Islam que par une sorte de solidarité imaginaire. Dès lors, la République doit-elle renoncer à la laïcité pour satisfaire cette minorité, ou concentrer les deniers publics sur la redistribution par les services publics, la gratuité des soins, le logement social, ou la lutte contre l’échec scolaire, qui concernent à l’évidence tous les hommes, sans distinction de nationalité ou de choix spirituels ? N’est-ce pas le devoir des hommes politiques d’expliquer que c'est en assurant des missions de service public, profitables aux croyants comme aux athées, et en luttant contre tous les types de discrimination, que l’État facilite aux uns et aux autres le financement volontaire de la conviction de leur choix ?
Il est évidemment essentiel, dans cet esprit, de permettre aux croyants l’acquisition des terrains qu’ils financeront, et toute discrimination foncière doit être combattue. Le prétexte invoqué pour l’abolition de la Loi de séparation laïque de 1905 - car il s’agit bien de cela - est l’aide à apporter aux citoyens de confession musulmane. Or la promotion du bien commun à tous, et non la prise en charge publique de la religion, est la meilleure réponse au problème soulevé. C’est aussi la seule légitime. On sait bien qu’en république on ne peut accorder des droits aux uns sans les étendre à tous. La construction de mosquées sur fonds publics appellerait aussitôt celle de nouvelles églises, de temples, ou de synagogues. Et si l’on brouille la frontière pourtant nette entre le culturel et le cultuel, comme le propose le rapport Michalon, on parachève le démantèlement de la loi.
Est culturel ce qui peut intéresser tous les hommes, comme l’art religieux ou les mythologies, qu’éclaire une approche laïque. Est cultuel ce qui réfère à la croyance religieuse de certains. Les mots ont donc un sens, et tout glissement visant à confondre ce qui est distinct est une malhonnêteté. Cela s’appelle du détournement de deniers publics. Veut-on obtenir le rétablissement du financement indirect du culte, en utilisant le financement direct de la culture ? Ce tour de passe-passe relèverait de la sanction légitime de la Cour des Comptes, comme la discrimination donnant plus de droits aux croyants qu’aux athées appellerait un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.


Nulle polémique, Monsieur le Ministre, dans de telles interrogations, mais l’inquiétude vive d’un républicain qui n’est pas décidé à admettre de nouveaux empiètements programmés contre la laïcité. À l’heure où les communes de France croulent déjà sous des charges indues, comme les nouvelles obligations à l’égard des écoles privées, l’abolition des lois laïques serait très mal vécue. À l’heure où certains parlent de rétablir le délit de blasphème, à contre-courant des grandes conquêtes de l’esprit de liberté, la conscience citoyenne ne peut que s’insurger. Rassurez-nous, Monsieur le Ministre. Dites clairement qu’il n’est nullement dans votre programme de dresser certains citoyens contre d’autres, en donnant aux uns des privilèges qui n’avouent pas leur nom, et qui spolient le bien public, tout en stimulant le communautarisme. Et ne dissimulez pas ce projet de délaïcisation sous la rhétorique ressassée des " évolutions nécessaires ".
Vous savez bien que la seule question qui vaille n’est pas de savoir si une chose est ancienne ou nouvelle, mais si elle est juste ou non. En bref, ne brisez pas ce que bien des peuples nous envient. Car l’idéal laïque est un vecteur d’égalité comme de liberté, une source de fraternité. Pourvu qu’il aille de pair avec la justice sociale, il répond au grande défi de notre époque : partager un monde commun à tous.

Je vous assure que les producteurs des futures émissions de télé ou de radio inviteront Henri Pena-Ruiz a venir questionner le minsitre-président-candidat, François Bayrou ou Ségolène Royal sur ce thème. Leurs positions sur la laïcité constitueraient en effet le terrain le plus facile pour observer le clivage droite-gauche. Selon les réponses, il serait aisé de se prononcer sur leur véritable engagement républicain. Il serait pourtant fort étonnant que cette question envahisse les ondes et les écrans… car il n’est pas dans les esprits bien-pensants, qui se défilent au prétexte qu’il ne faut pas rallumer une guerre jugée moyenâgeuse. La laïcité est en effet considérée comme dépassée, absurde, inutile par les conseillers en communication, car il est plus aisé que la liberté consiste à imposer aux autres sa manière de penser. Etre laïque n’a pourtant jamais autant constitué un signe de modernisme. On s’en apercevra probablement trop tard… quand les intégrismes auront étouffé les soubresauts d’hommes comme Pena-Ruiz !
Mais je déblogue…
JE VOUS AVAIS PREVENUS MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU... Je vous propose de relire la chronique "Breton se fait discret" et d'aller ensuuite sur http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/economie/politique_eco/20070209.OBS1584/deficit_commercial_record_en_2006.html
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8 février 2007 4 08 /02 /février /2007 07:40
C’est fait : la France va entrer dans le livre des records planétaires. Elle va s’offrir un luxe que peu de pays se sont offerts à ce jour : celui d’avoir un candidat à la présidence de sa République au minimum sous la menace d’une incarcération. Ce fait surréaliste intervient en plein débat sur… l’étendue exacte des amnisties éventuelles que décréterait le nouvel élu. José Bové, quelle que soit l’opinion que l’on porte sur son parcours ou ses frasques, se retrouve dans une situation totalement inédite, pour avoir détruit des pieds de maïs soupçonnés d’être dangereux pour les hommes.
Sa condamnation à 4 mois de prison ferme a été rendue définitive hier par la Cour de cassation qui a rejeté son pourvoi, et son incarcération dépend maintenant d'une prochaine décision d'un juge d'application des peines. L'Astérix du Larzac, accusé d’obscurantisme scientifique, avait tenté, avec Noël Mamère et cinq autres militants, une ultime démarche contre sa condamnation infligée le 15 novembre 2005 par la cour d'appel de Toulouse pour l'arrachage de maïs transgénique en juillet 2004 à Menville en Haute-Garonne. C 'est un juge qui doit donc désormais décider de la manière dont la peine sera appliquée. Nul doute que son téléphone va chauffer dans les prochains jours, et que, s’il est dans l’Himalaya, on enverra vite un hélicoptère le quérir.

Dans les faits, compte tenu de la durée de la peine requise (moins d'un an), une peine alternative est possible, comme le port d'un bracelet électronique. Mais José Bové a indiqué, sur Canal +, hier matin, qu'il refuserait cette mesure de… faveur. Le candidat à la présidentielle a déclaré, droit dans ses bottes de paysan : "Si je suis condamné cela veut dire que, quatre mois derrière les barreaux, je ferai quand même campagne". Hier soir, à Aubagne (Bouches-du-Rhône), pour son premier meeting électoral, il n’a pas vu arriver les gendarmes du GIGN pour l’arrêter comme un dangereux criminel. Ils connaissent mieux sa ferme du Larzac, car ils ont déjà eu l’occasion de s’y produire devant les caméras de télévision, convoquées pour le spectacle.
Interrogé sur le même sujet par l'Express, José Bové avait affirmé que, puisqu’il devra effectuer quatre mois de prison, il "ne se cachera pas". "Je ne me cacherai pas, tout le monde sait où j'habite, je mène une campagne publique, si on veut m'arrêter, si on veut m'incarcérer, ce sera de la responsabilité de ce gouvernement de le faire", a-t-il dit.
AUCUNE REFERENCE AU PRINCIPE DE PRECAUTION
"J'assumerai, quelle que soit la décision" de la Cour" et "je continuerai ma campagne de quelque manière que ce soit","décision lourde". "C'est avec une certaine gravité que je vais l'accueillir", a-t-il dit. Mais, a-t-il ajouté, "cela n'enlève rien à mes convictions, j'ai toujours agi dans l'intérêt général, parce que 90% des Français rejettent les OGM et qu'il y un vrai problème d'environnement". La difficulté pour lui c’est que, pour l’instant, il ne peut pas avoir raison contre une loi ne faisant aucune référence au principe de précaution. Il est responsable de ce qu’il a fait et forcément coupable ! Il ira donc derrière les barreaux, de manière rapide ou différée. 
Il sera maintenant intéressant de savoir avec quel type de délinquants on le mettra. Il a au moins une certitude, il n’y retrouvera pas les protagonistes de l’affaire Clearstream. Eux, ils ont fait mieux que résister : ils ont obtenu la peau du juge qui avait osé se pencher sur leurs complots divers. Dans le fond, José Bové a peut-être eu le tort de se produire au grand jour. S’il avait utilisé des corbeaux, des prête noms, des agents secrets, du Polonium, il aurait probablement pu battre la campagne sans aucune angoisse d’être enfermé dans la boîte de Pandore. Il retrouvera des dealers de substances interdites, lui qui, comme les gamins de mon époque n’oserait même pas fumer de la barbe séchée de panouille de maïs génétiquement modifié !
Désormais, il peut enregistrer au plus vite ses interventions télévisées, s’organiser pour participer aux débats via une webcam (à moins que TF1 envoie un car régie pour qu’il soit en duplex de sa prison), acheter un fax pour répondre à la presse écrite, et se procurer du papier afin d’écrire sa profession de foi. Dans la cour de la maison d’arrêt, lors des promenades, il pourra tenter de tenir une ou deux réunions publiques déambulatoires, ou haranguer ses gardiens, mais son impact électoral sera tout de même réduit.
L’EQUITE DE TRAITEMENT PAR LA JUSTICE
Il aura au moins le temps de regarder la télé et de voir ses concurrents de droite réclamer l’ordre et surtout l’équité de traitement par la justice. Il devrait avoir le moral en hausse en en voyant quelques-uns que les condamnations n'ont pas empêchés de vivre des triomphes électoraux. Le citoyen est indulgent, et on ne voit pas pourquoi il serait plus sévère pour un faucheur de maïs que pour des personnes ayant détourné des fonds publics. Il serait profondément injuste que les faucheurs de blé soient mieux traités par le suffrage universel que ceux qui veulent sacrifier des plants douteux au champ d’honneur. Ou alors, ce serait à désespérer de la démocratie. Chaque jour ou presque, le facteur lui apportera des milliers de lettres de soutien, mais il reste à savoir si, pour le Conseil constitutionnel, les timbres pour les réponses, les oranges que lui porteront ses amis, le " cantinage " qu’il fera, devront être imputés à ses comptes de campagne. Le pire, ce serait que sages décident de lui demander de déclarer ses frais d’hébergement et de séjour durant toute la durée de la campagne.
Dans quelques jours, celui qui garantit l’indépendance de la justice va tranquillement s’exprimer sur son avenir personnel. Il le fera dans les ors et sous les lustres ce Palais, devenu un véritable blockhaus judiciaire, où l’on se trouve à l’abri de toutes les attaques possibles en tant qu’OJP (organisme juridiquement protégé). La convocation d’un Congrès, qui coûtera des centaines de milliers d’€, pour que les Parlementaires puissent envoyer en cadeau, au maximum d’électeurs philatélistes de leur circonscription, des enveloppes frappées par un bureau de poste spécial installé pour la journée, le rassurera.
Si le texte sur le statut du Président de la république de la liberté, de l’égalité et de la fraternité est voté (et on ne voit pas comment il pourrait en être autrement), José Bové, toujours libre, a un véritable espoir : s’il est élu, son incarcération sera repoussée en 2012 puisqu’il sera " intouchable " pendant son mandat. Certes, il lui reste encore à trouver les signatures des élus du peuple qui accepteront de soutenir un taulard potentiel, car c’est moins glorieux que d’accorder son soutien à Nicolas Hulot, mais le côté Jacquou le Croquant peut générer un nouvel élan de solidarité. Fort de son expérience concrète sur les prisons, et si la gauche l’emporte, il pourra également espérer devenir Garde des Sceaux. Pour une fois la France aurait un Ministre qui sait de quoi il retourne…
LA BIBLE DU DEVELOPPEMENT DURABLE
Il lui reste un espoir : signer avec les autres le pacte écologique de Nicolas Hulot. Il pourrait bénéficier, comme autrefois les larrons qui se réfugiaient dans les églises,  d'un texte d’asile. A l’arrivée des gendarmes pour lui passer les menottes, il brandirait devant eux la bible du développement durable. En criant " vade retro satanas " il ouvrirait un espoir d’être sauvé par... un Saint Nicolas pouvant intervenir en sa faveur, comme il vient de le faire pour Charlie Hebdo. Impossible d’expédier au trou un homme qui témoignerait d’une croyance aussi forte dans l’écologie et qui respecterait un texte fondateur signé par tous ses concurrents. Malheureusement, têtu comme une mule du Larzac, José Bové a déjà déclaré qu’il refusera  d’être un mouton de Panurge, fût-il vert de vert, et ne bénéficiera pas de l’immunité médiatique. Il préfèrera le statut de martyr à celui de grâcié !
D’ailleurs, dès hier soir, la croisade a débuté : Libérez Bové!", ont en effet crié les militants réunis à Aubagne pour le premier meeting de campagne du candidat. "Ce soir, ou j'étais au bagne ou j'étais à… Aubagne", s'est amusé le leader altermondialiste devant plus de 2000 sympathisants réunis à la salle des congrès. "Ce rassemblement me fait chaud au cœur, chaud au cœur de voir que j'ai tant d'amis", a-t-il dit, affirmant qu'il est l'objet d'une "condamnation politique. J'ai une épée de Damoclès au-dessus de la tête, je risque de me retrouver derrières les barreaux dans une situation que, j'espère, vous ne connaîtrez jamais, une situation indigne de ce pays", a-t-il ajouté. Il a aussi ajouté que sa candidature avait déjà recueilli plus de 40 000 signatures. Et ce n’est qu’un début, car les Français ont toujours préféré Mandrin ou Cartouche aux privilégiés qui tirent les ficelles d’un pouvoir injuste.
Par contre, heureusement que personne n’a entendu les propos pour le moins ambigus de Nicolas Sarkozy, l’autre soir sur TF1, car si l’on se fie à la législation, et si un courageux, non fiché par les RG, se décidait à porter plainte, le ministre-président-candidat risquerait de tomber sous le coup d’une éventuelle mise en examen pour "injure commise par les mêmes moyens envers les corps ou les personnes désignés par les articles 30 et 31 de la présente loi sera punie d'une amende de 12000 €. L'injure commise de la même manière envers les particuliers, lorsqu'elle n'aura pas été précédée de provocations, sera punie d'une amende de 12000 €.

Sera punie de six mois d'emprisonnement et de 22500 € d'amende l'injure commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap".
Chiche…qui va se lancer? 
Se serait bien de voir la justice à l’œuvre pour trancher entre le thème " des moutons égorgés dans les baignoires " et les " pieds de maïs OGM trucidés dans des champs ouverts"… Et deux candidats en prison, ce pourrait être un super événement de télé réalité pour TF1. On doit en rêver chez les producteurs !
Mais je déblogue…
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7 février 2007 3 07 /02 /février /2007 07:41
Hier matin, dans de nombreux bureaux, dans les salles des profs, au comptoir des bistrots on ne parlait principalement que d’une émission : "j’ai une question à vous poser" que PPDA et son sourire complice proposaient sur TF1. Il est vrai que plus de 8,2 millions de téléspectateurs français avaient regardé Nicolas Sarkozy répondre aux questions d’un échantillon de Français. Selon les chiffres, ce sont environ 33 % des téléspectateurs qui ont, depuis leur canapé, scruté les réponses de ce qui aurait pu s’appeler " questions pour un champion " pour le candidat de l’UMP. Une audience qui a placé TF1 en tête des audiences de la soirée. Un pic a même été enregistré avec 9,7 millions de téléspectateurs… ce qui vaut un grand match de coupe d’Europe de football.
Les responsables de la Chaîne se sont bien évidemment félicité de ce résultat, car en 2005, seulement 7,4 millions de téléspectateurs avaient regardé l’échange entre le président Jacques Chirac et des citoyens, dans le cadre de la campagne du référendum de 2005 sur la Constitution européenne. Jean-Marie Le Pen (Front national), Marie-George Buffet (parti communiste français), et Olivier Besancenot (Ligue communiste révolutionnaire) quiseront les invités de la même émission lundi prochain, avant la candidate Ségolène Royal, auront du mal à mieux faire.
Ce véritable sommet du lancement de la campagne sarkozienne à la télévision va lui donner quelques longueurs d’avance supplémentaires dans les sondages, et donc accréditer l’idée qu’il n’y a que lui qui propose des réponses précises aux préoccupations concrètes des Françaises et des Français. Il sera maintenant difficile de le déloger de sa pôle position. D’autant que je suis certain qu’il a vite profité du vide actuel pour s’installer sur ce concept de l’homme qui devance les autres dans tous les domaines. Quel que soit l’équilibre ultérieur, on ne retirera pas à Sarkozy les avantages acquis : c’est un principe social que les gens de gauche ne sauraient contester. Ses conseillers lui ont certainement proposé d’exploiter cette période pour s’ancrer en tête du peloton des prétendants à l’Elysée. Et TF1 a ouvert, à point nommé, son antenne !
Paradoxalement le concept même de cette émission a été fortement inspiré de la méthode adoptée par sa rivale la plus dangereuse. Elle prône l’expression directe du maximum de personnes pour décliner son programme, et elle range les " experts " au rang d’arrangeurs d’une partition réputée confectionnée par le plus grand nombre. " J’ai une question à vous poser " utilise exactement les mêmes valeurs : donner aux citoyens le pouvoir habituellement confisqué par d’autres. Ils s’expriment directement, avec leurs mots, leurs préoccupations spécifiques, leur contexte particulier, face à celui ou celle qui devra porter leurs mots, leurs préoccupations, leur contexte. On ne débat plus de l’intérêt général mais on part des cas particuliers qui sont censés permettre à votre interlocuteur de vous expédier ses vérités. La crédibilité médiatique de l’exercice en sort considérablement renforcée, car ce forum citoyen télévisé, qui ne coûte pas un Euro sur la campagne, mobilise en deux heures, huit fois plus de participants passifs que les milliers d’autres antérieurement organisés !
DELIQUESCENCE DU SYSTEME MEDIATIQUE
Ce type d’émission porte en elle les germes de la déliquescence du système médiatique en cours. En effet, le journaliste réputé critique, frondeur, pousseur hors des pistes balisées, n’a plus aucun rôle. Il abandonne ce qui fait toute sa puissance, sa volonté de ne jamais se contenter des vérités toutes faites, pour se muer en distributeur de temps de parole. Il sert de médiateur complaisant entre celles et ceux qui ont été sélectionnés pour représenter le peuple, et celui qui aspire à en mériter la confiance. PPDA avait le sourire satisfait du gars qui fait plaisir à tout le monde, et le regard narquois de celui qui joue un bon tour à tout le monde. Plus démocrate que lui, tu meurs. M. Dupont ou Mme Durand sont repartis pleinement satisfaits : leurs parents, amis et voisins les ont vus à la télé et ils y tenaient le rôle… du journaliste.
Il leur a cependant manqué à toutes et à tous ce droit  au débat, si précieux pour la citoyenneté. Ils n’ont servi que de faire valoir pseudo-démocratique à un Nicolas Sarkozy toujours prompt à leur répondre. Jamais un affrontement, jamais une question qui creuse davantage un sujet, jamais une réplique argumentée, à ce qui n'avait pas davantage de valeur qu’une énumération de phrases de Confucius. Le ministre-candidat-président a eu réponse à tout avec des formules parfois contradictoires entre elles mais avec la certitude qu’il ne serait pas contredit par un journaliste vétilleux sur la déontologie de son métier. En acceptant que disparaisse le médium entre le public et le candidat, TF1 a fait un pas de plus dans la liquidation du journalisme. Il deviendra bientôt tout à fait inutile, et sera remplacé par un présentateur de jeu télévisé.
D’ailleurs, pour avoir participé sur TF1 à ce genre d’émission, j’ai retrouvé le studio, l’agencement, les méthodes, les éclairages utilisés en pareille circonstance. Laurence Bocolini arrivera un jour à animer un maillon faible inversé, qui verrai les citoyens disparaître les uns après les autres quand leur question sera jugée inconvenante. L’expert, le possesseur d’une vision globale, l’intervieweur pugnace n’ont plus leur place dans un monde du direct devant accréditer l’idée que l’on a rendu le pouvoir au Peuple. TF1 a inventé le méga forum citoyen plébiscitaire qui a, c’est évident, un grand avenir car il offre le passage du statut de téléspectateur passif à celui, éphémère, de questionneur vedette de présidentiable. Le bonheur !
LE PREMIER DYSFONCTIONNEMENT
Sur le Nouvelobs.com, on pointait cependant hier soir, grâce à une internaute avisée, le premier dysfonctionnement de ce type d’émission. Même s’il veut être " zen, cool, lexomil ", Nicolas Sarkozy ne pouvait pas tenir deux heures sans déraper. Bien qu’il n’ait jamais été sous pression, il a en effet disjoncté l’espace de quelques secondes. Il faisait face à un jeune homme qui lui demandait si l'emploi de certaines formules du type "La France tu l'aimes ou tu la quittes" n'était pas susceptible de faire le lit de l'extrême-droite. Une question que,  je l’avoue, aucun journaliste de TF1 n ‘aurait osé poser…car l’effet aurait été immédiat. "Pas une fois en 30 ans de vie politique, je n'ai défendu une idée qui n'était pas profondément républicaine", a répondu fièrement Nicolas Sarkozy. "Je suis le premier homme politique de droite à dire qu'il faut une immigration choisie. Mais je dis aussi une chose avec la plus grande force : personne n'est obligé d'habiter en France. Et quand on aime la France, on la respecte", a-t-il ajouté. Jusque-là, on reste " zen, cool, lexomil " pour un ministre de l’intérieur.
"On respecte ses règles, c'est-à-dire qu'on n'est pas polygame, on ne pratique pas l'excision sur ses filles, on n'égorge pas le mouton dans son appartement et on respecte les règles républicaines", a-t-il insisté.

Ce à quoi une jeune Lilloise d'origine algérienne a répondu : "les propos que vous venez de tenir sur les moutons, ce sont des propos racistes. Il y a des réglementations, il y a des abattoirs, on est civilisés", a-t-elle dit, en ajoutant. "c'est honteux, je suis d'origine algérienne et je suis musulmane et je me sens insultée, complètement".
Figurez-vous que ce passage qui aurait déchaîné le MRAP ou les élites intellectuelles si elle avait été prononcée par toute autre personne que le " ministre-candidat-président " a disparu de la diffusion des deux vidéos de l'émission mises en ligne sur les sites de TF1 et LCI… Pas plus qu’il n’a été repris par une chaîne du service public. Etonnant…mais outrancièrement révélateur du climat actuel, dans un système médiatique allant au-devant des désirs les plus fous de Sarkozy !
Je suis certain que vous le croirez aisément : aucune consigne n’a été donnée, aucune censure préventive n’a été effectuée, aucun problème de rigueur professionnelle pour enlever au montage ces propos. Il s’agit d’un incident technique indépendant de la volonté des journalistes de ces chaînes dégoulinantes de déontologie active. A partir d’aujourd’hui, ils élimineront de la même manière les bourdes éventuelles de ses adversaires… et ils continueront à jouer à la télé leur rôle d’investigation au service de la vérité. Inspirez… Expirez : l’opinion dominante envahit l’atmosphère. J'ai toujours la même question à vous poser : êtes vous sûr que Sarkozy n'avait pas les questions à l'avance ? Ah la déontologie...
Mais je déblogue… 
 
JE VOUS AVAIS PREVENUS MAIS VOUS NE M'AVIEZ PAS CRU...
Allez donc faire un petit tour sur le lien suivant ou lisez le Canard Enchaîné
http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/politique/elysee_2007/20070207.OBS1050/sarkozy_sur_tf1__avaitil_les_questions_.html
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6 février 2007 2 06 /02 /février /2007 07:34
Quoi que l’on soutienne dans le camp de moins en moins fourni des patriotes bien pensants, il n’y a aucune guerre glorieuse. Mieux, nous devrions en permanence faire la guerre à la guerre, et tenter de l’exterminer de la pensée humaine. Quitte à choquer, nous pourrions solidairement enseigner aux jeunes générations qu’il n’y a aucune raison qui justifie un affrontement entre les hommes. Malheureusement, les " grands " (comme les appelait mon grand-père en parlant de ceux qui l’avaient conduit dans les tranchées) qui décident de faire se tuer entre eux les gens du peuple, dénichent toujours une motivation particulière, puisée dans les instincts les plus bas, pour enclencher les processus des combats. Aucun exemple n’existe, dans l’histoire des confrontations humaines, qui mérite au minimum l’indulgence pour celles et ceux qui les initient. Pourtant, nous continuons collectivement à faire comme si ces tristes réalités devenaient inévitables, comme si ce n’étaient que des fléaux inexorables ou des maux dont l’humanité de pouvait se passer. Impossible de justifier réellement une mort pour conquérir un territoire, imposer une idée, assouvir un rêve de puissance, asseoir son pouvoir…
La société réputée civilisée répugne à s’interroger sur son propre comportement. Elle préfère dénoncer la barbarie des autres plutôt que de se remettre en cause. Elle a même une capacité d’oubli phénoménale, qui lui permet de donner des leçons de paix à des pays qu’elle a elle même souvent plongé dans d’intolérables conflits. Comme si, au fil des siècles, elle n’avait pas tiré de leçons de sa propre histoire.
Tenez, prenez par exemple l’enrôlement des enfants dans les armées régulières. On vient de s’apercevoir que les Anglais et les Américains n’étaient pas très regardants sur les dates de naissance de leurs recrues combattantes. Eux qui sermonnent officiellement les Africains se permettent de redoutables entorses à  la plus élémentaire des morales. Quinze soldats britanniques, âgés de moins de 18 ans, ont en effet été envoyés pour combattre en Irak depuis 2003, en dépit de la ratification par la Grande-Bretagne d'un protocole de l'ONU sur les enfants soldats, a admis dimanche le ministre de la Défense, Adam Ingram. Cet aveu est compris dans une réponse écrite à un parlementaire à ce sujet. Parmi ces soldats de 17 ans, quatre étaient… des filles.
"Aucun d'entre eux n'a été déployé après juillet 2005, a affirmé le ministre de la Défense. La majorité de ceux qui ont été déployés étaient à une semaine de leur dix-huitième anniversaire, ou ont été retirés du théâtre d'opération moins d'une semaine après leur arrivée. Moins de cinq jeunes âgés de dix-sept ans ont été déployés pour une période de plus de trois semaines", a-t-il précisé. Les mots ont des subtilités politiques qui font froid dans le dos : " théâtre d’opérations "… "  déployés "… mais ils appartiennent bel et bien à ce monde de la guerre qui a toujours prévalu sur toutes les considérations morales. Nous voici rassurés !
MINEURS EXPEDIES DANS L’ENFER IRAKIEN
En général recrutés par la force, et arrachés à leurs familles par des groupes armés, les enfants soldats sont habituellement endoctrinés et utilisés par des groupes informels de rebelles à une autorité quelconque. On estime qu’il y en aurait dans le monde un peu plus de 300 000, dans des conflits touchant des pays comme le Sri Lanka, la Colombie, la République Démocratique du Congo, le Népal ou la Sierra Leone. Mais, à ce jour, on n’avait pas imaginé que des mineurs occidentaux puissent être expédiés, en toute connaissance de cause, dans l’enfer irakien, par les " donneurs de leçon ".
Dans 44 pays de la planète, certains gamins qui n'ont parfois pas plus de 8 ans, participent directement aux conflits. Ils sont soldats ou porteurs, contraints de travailler pour des adultes porteurs d’armes destructrices. Certains autres ont appris à tuer et à torturer. Si leur nombre global reste stable, ce qui devient le plus inquiétant c’est que les pays ayant recours aux services de ces gamins sont, eux, plus nombreux qu'il y a trois ans.
Chair à canon dans les conflits armés, les enfants-soldats sont aussi démineurs, espions, porteurs, esclaves sexuels, gardiens des exploitations de pétrole ou de diamants finançant les rébellions d'Afrique, selon la Coalition pour l'arrêt du recours aux enfants soldats, fondée en 1998 par six ONG dont Amnesty International, Human Rights Watch, Save The Children, Terre des Hommes, rejointes par plus de 500 organisations dans le monde entier.
Dans certains pays, en Afrique en particulier, des enfants, le plus souvent orphelins ou séparés de leur famille, sont enrôlés de force dans l'armée ou dans des bandes qui luttent contre les gouvernements au pouvoir. En Angola, par exemple, ils étaient ainsi 3000 à avoir reçu, dès l'âge de 10 ans, un uniforme, des bottes et une mitraillette. Placés en première ligne lors des attaques, mais souvent livrés à eux-mêmes lors des replis, ces garçons ont participé à plusieurs batailles, ont connu la faim et la peur, et se souviennent d'avoir tué des soldats ennemis pour se défendre. Ils n’auront jamais plus d’enfance ou d’adolescence.

LA PALME A LA BIRMANIE
Parmi les 41 pays qui les exploitent (contre 30 il y a trois ans) la palme revient à la… Birmanie: les enfants soldats y seraient quelque 50.000. S’ils sont aujourd'hui moins nombreux au Proche-Orient ou en Amérique latine, en raison de la réduction du nombre des conflits, ils seraient 120.000 dans les différentes guerres d'Afrique, et combattent aussi dans les rébellions des Philippines, de Papouasie-Nouvelle Guinée, et les conflits de Macédoine, ou de Colombie. Fréquemment drogués pour devenir insensibles à la peur et à la violence ils entrent dans le monde des adultes par la pire des portes, celle du crime, de l’assassinat en bandes organisées, du pillage, de la violence à l’état pur.
Parmi eux un tiers environ, soit 120 000, seraient enrôlés en Afrique (Soudan, Somalie, République centrafricaine, Ouganda, Rwanda, Burundi, République démocratique du Congo, République du Congo, Guinée, Sierra Léone, Liberia, Côte d’ivoire, Tchad, Angola). 20 à 30 000 se trouveraient dans la seule République Démocratique du Congo (soit près de 10 % des enfants soldats dans le monde).
Bien que l’Afrique soit le continent le plus touché, la participation des enfants au conflit armé est un problème à l’échelle mondiale, depuis le Myanmar en Asie où l’on en dénombre 70 000, jusqu’aux " Little Bees " de Colombie, recrutés dans les groupes paramilitaires et les milices privées, aux bombes humaines juvéniles de Palestine, en passant par l’Europe où des enfants ont été recrutés lors du conflit en ex-Yougoslavie. Nombreux, bon marché, malléables et facilement remplaçables, leur recrutement touche essentiellement des groupes vulnérables socialement (orphelins) ou économiquement, dans des périodes d’affrontements qui détruisent tout le tissu social organisé.
ENTRE LE STATUT DE VICTIMES ET DE CRIMINELS
Fin 2003, des programmes de démobilisation et de réintégration avaient été mis en place dans une dizaine de pays (en Colombie, au Congo, au Rwanda, au Sierra Léone, en Somalie, au Soudan, en Ouganda, au Burundi, au Liberia au Sri Lanka). Entre mai 2001 et janvier 2002, près de 6900 enfants soldats ont, en Sierra Léone, été démobilisés  des forces rebelles et autres milices armées (48 000 combattants au total).
Mais la confusion autour du statut, à mi-chemin entre celui de victimes et de criminels, la question de leur responsabilité juridique autant que la question des opportunités économiques qui leur sont offertes après leur retour à la vie civile sont autant de difficultés à résoudre pour favoriser leur réintégration et empêcher un nouveau recrutement. La réintégration des enfants soldats est au cœur d’un complexe problème social, économique et militaire qui, pour réussir, doit s’articuler avec une construction de la paix sur le long terme, à laquelle personne ne travaille véritablement.
La Cour pénale internationale vient cependant de prendre en compte ce phénomène en jugeant Thomas Lubanga Dyilo, un chef de guerre congolais accusé d'avoir utilisé des enfants soldats. Arrêté en 2005 à Kinshasa, il pourrait devenir la première personne à être jugée par cette instance à La Haye pour ce motif. L'accusation affirme que le suspect est un chef de guerre, dont les miliciens ont obligé des enfants à se battre, après les avoir enlevés sur le chemin de l'école. Cette école qu’avait également quittée les jeunes Britanniques avant de s’enrôler dans l’armée, pourtant parfaitement légale, de leur pays. Ils sont partis vers l’Irak pour accomplir la mission pacificatrice que leur a confiée le gouvernement de Tony Blair.
Chaque jour ou presque, des enfants plus jeunes qu’eux, et qui ne sont pas du tout soldats meurent dans les attentats, ou dans des com, mais dans le feu et les flammes déchaînés par des adultes, inspirés par un dieu qui ne doit guère aimer la paix et les enfants… Ou alors, il est aveugle !
Mais je déblogue…  
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5 février 2007 1 05 /02 /février /2007 07:41
Canal + a placé beaucoup d’argent de ses abonnés dans la L1 de football. Sa récente fusion avec TPS, filiale des groupes TF1 et M6, vient de donner à la chaîne payante française une justification à cet investissement colossal. Grâce à cette union, elle a en plus repoussé une ouverture du marché de quelques années. Le métier de la télévision payante est très particulier. Il consiste à investir des sommes considérables dans l'achat de droits premium, dont le football (600 millions d'€ par an sur trois ans ), le cinéma de première exclusivité français et étranger et les programmes décalés, qui tranchent par leur ton et leur impertinence avec les émissions de flux disponibles sur les chaînes gratuites. Résultat, le coût de grille d'une chaîne comme Canal + est pratiquement 1,5 fois supérieur à celui de TF1, alors que son audience plafonne à 3 %, contre 33 % pour TF1.
Mais l'important pour une chaîne de télévision payante n'est pas de rassembler une large audience, c'est de "s'assurer une large base d'abonnés, prêts à payer pour des contenus qu'ils ne trouvent " nulle part ailleurs ". L'équation économique est alors simple : il faut amortir sur un nombre toujours plus grand d'abonnés les coûts fixes de la grille. C'est le but du rachat du 1,7 millions d'abonnés de TPS. Avec 8 millions d'abonnés actuellement, le coût d'une saison de football est de 75 € par abonné et par an pour Canal+. Avec plus de 10 millions d'abonnés, ce même coût descendrait à 60 €. En janvier, on a donc fait du gringue aux accros éventuels des soirées " ballon rond " en faisant des tarifs très alléchants. L’essentiel du dispositif réside dans la volonté de faire entrer les téléspectateurs dans le dispositif de telle manière qu’ils goûtent à une autre télé que celle qui les ennuie profondément par son manque total d’initiative.
En s’assurant un quasi monopole (même à perte), le calcul est tout simple : rafler sur le marché tous les abonnés potentiels pour empêcher tout prétendant sérieux de tenter une nouvelle percée. L'unique câblo-opérateur français, NCNuméricable-Noos, dispose bien de 4 millions d'abonnés, mais il n'a jamais été éditeur de chaînes et, d'ailleurs, avant de penser à le devenir, il doit consacrer de lourds investissements à moderniser son réseau. Du côté des fournisseurs d'accès ADSL, la base d'abonnés à des bouquets de TV ADSL de chacun d'entre eux est trop faible pour amortir les coûts de l'exclusivité du football et du cinéma. Par exemple, pour Orange, qui dispose de… 310.000 abonnés à son service de télévision par ADSL, le coût du football serait de 2.000 € par abonné et par an. Impensable. Et même si on y ajoute les 2 millions d'abonnés à la téléphonie mobile 3 G, cela ne passe toujours pas. Dans ce contexte là, il faut bien en convenir, Canal + a mis la main sur ce qui reste de spectaculaire dans le football national.
Et, hier soir, la chaîne diffusait le fameux Marseille-Paris Saint Germain. Un must de " seconde division " comparé à un certain Barça-Réal, c’est à dire un affrontement entre le club provincial mythique et celui de la capitale à la dérive ! Il y a dans le monde du ballon rond une part de symbolique sociale reflétant la réalité d’une période. Aucun match ne ressemble à un autre, même si les clubs demeurent, puisqu’un stade constitue le condensé d’une région en temps T. Un public donne la température réelle.
UN EXTRAORDINAIRE CONDENSE D’UNE AGGLOMERATION
Marseille a investi le football pour se donner une identité. Ville carrefour où se sont rencontrées, à toutes les époques, des civilisations différentes, elle fusionne dans un amour irraisonné pour une activité qui lui permet de justifier son statut de ville réfractaire à tout pouvoir central. Au stade, qui n’est plus du tout vélodrome, on tente de se donner un rôle de Zorro irrespectueux de l’ordre supposé établi. Vivre une rencontre dans les travées marseillaises n’a pas son pareil dans l’hexagone. Un extraordinaire condensé d’une agglomération garnit les tribunes  non pas pour obtenir une victoire, mais surtout pour voir mettre à genoux un adversaire.
Paradoxalement, à Marseille on n’aime pas...perdre, et pas nécessairement gagner. Il y règne un parfum de fierté collective malsaine, qui fait que chaque spectateur fait une affaire personnelle de la mise à mal de l’adversaire. L’ambiance délirante conforte, dans une immense cohésion sur cet objectif, un positionnement différent de bien d’autres enceintes sportives. D’ailleurs, hier soir, une immense banderole illustrait parfaitement cette spécificité : " pas de pitié, écrasez-les ! " comme un slogan de jeux du cirque. Si la notoriété de l’O.M. dépasse les frontières marseillaises, il faut en chercher les explications dans cette fierté, basée sur la seule capacité à damer le pion à ceux qui viennent pour donner la leçon.
La chance des Parisiens hier soir reposait dans leur situation actuelle. Il n’y avait pas d’idoles à déboulonner comme l’autre soir face à Lyon. En entrant sur la pointe des crampons et en se présentant comme des victimes faussement résignées, les troupes de Paul Le Guen espéraient diminuer la pression potentielle, et justement priver le public phocéen d’une motivation décuplée par l’esprit de vengeance. D’ailleurs, lentement, le stade décrit comme en fusion, s’apaisa et baissa d’un ton. Paris mettait tactiquement le couvercle sur le bouillonnement potentiel, ou jetait de l’eau froide sur ce qui aurait pu être de la lave. En faisant profil bas, les joueurs de la capitale transformaient ce qui devait être un affrontement musclé, en rencontre bon chic bon genre, ce que le public olympien ne supporte pas longtemps. Il dut même patienter un bon quart d’heure avant de se réveiller pour un spasme d’espoir, consécutif à une prompte escapade de la mobylette Ribéry.
BONIMENTEURS DE FOIRES DE PROVINCE
L’armada des commentateurs VRP de Canal + s’efforça de trouver un intérêt à une rencontre qui devait entrer dans la catégorie des tragédies, alors qu’elle ressemblait à une comédie à la guimauve. Leur rôle ressemble depuis quelque temps à celui de ces bonimenteurs des foires de province, devant vanter les mérites d’un produit pour faire briller les cuivres des cheminées de fermes. Ce rôle, bien rémunéré si l’on en croit les informations du milieu du ballon rond, tient de la prouesse, comparable à celle d’un critique d’art devant apprécier une peinture de Rika Zaraï. Ils le savent tous en signant leur contrat : ils devront transformer en bijou télévisuel du plaqué or de venta espagnole.
Le sport spectacle exige que l’on modère ses propos, et que l’on valorise au maximum les miettes d’un festin annoncé, mais vite oublié. Et ce d’autant que le producteur vous assure une rente de notoriété. Il en va ainsi dans de multiples domaines : la formule 1 qui paie les voyages aux envoyés spéciaux des journaux qui n’ont pas les moyens, l’athlétisme et ses meetings pour villes riches qui invite les journalistes, les stations de ski qui ne se gênent pas pour organiser des compétitions bidons, avec séjours gratuits pour les médias intéressés, les fédérations qui organisent des voyages de presse, pour arracher une part de traitement médiatique.
Cette propension à transformer une compétition en moyen de promotion à tout prix, tend à transformer si l’on y met les moyens, un événement ordinaire en événement extraordinaire. C’est ainsi qu’à la mi-temps, dans un stade muet, après un triste zéro à zéro, l’art de la cerise sur le massepain se pratiquait avec un talent digne des débats politiques, même si Christophe Dugarry fut le plus honnête dans ses commentaires.
LETTRES DE NOBLESSE ET APPELLATION ORDINAIRE
L’avantage pour Canal + réside dans ses moyens techniques. La multiplicité des ralentis donne l’impression que les faits exceptionnels ont été très nombreux. Disséqués sous des angles différents, présentés à chaud, et représentés en intermèdes, ils donnent ses lettres de noblesse à un produit d’appellation ordinaire incontrôlée. Un poteau devient criminel, un pied en avant se révèle coupable, un hors-jeu inexistant relève de l’erreur judiciaire, un coup franc paraît tordu : le match se résume à des faits divers qui se succèdent pour un public affamé.
Les bonnes intentions ne suffisent pas au bonheur du peuple de la principauté du stade vélodrome. Il n’adore que les pétards donnant le départ des fêtes. Djibril Cissé, venu du diable vauvert se chargea donc de faire parler la poudre, pour donner une poignée de minutes de fierté aux Marseillais. Juste le temps de s’y croire et de faire surgir une bordée de superlatifs qui étaient en réserve. Elle ressurgit quand Pédro Miguel Pauletta, tel un larron en maraude, vola la gloire de son homologue marseillais. Le club de Canal (comme on dit chez les branchés) allait mieux, car il y avait eu au moins deux moments forts. Marseille ruminera cette semaine sa désillusion. La bastille a tenu sans grande difficulté.
Cette résistance permettra de revenir sans cesse sur un spectacle qui ne vaut pas nécessairement le prix que l’on y met. Il faudra chaque fois regarder, avec les yeux de Chimène, ces rencontres dont le niveau est très éloigné de ceux de l’Espagne, de l’Angleterre ou de l’Italie. Hier soir, la montagne a accouché de deux souris. Elles ont été passées sous la loupe Canal, et sont devenues des monstres sacrés dont raffolent les supporteurs qui s'étaient déjà bien évidemment distingués à leur manière en attaquant le bus des joueurs du PSG. L'incident aurait pu être grave puisque le véhicule a été caillassé à son arrivée. Une vitre située sur l'un des côtés de l'autocar a explosé sous l'impact. Mais cet incident a été soigneusement passé sous silence, pour éviter de ternir l’affiche du jour... Dommage pour la vérité!
Mais dans le fond, payer aussi cher des confrontations entre des équipes de nains dorés, relève de l’œuvre de bienfaisance. Vivement Barça-Real pour voir du football.
Mais je déblogue…
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4 février 2007 7 04 /02 /février /2007 09:50
Autour des chroniques de L’AUTRE QUOTIDIEN il y a parfois, en coulisses, du remue-ménage. Ces contestations, plus ou moins franches, me permettent de vérifier la difficulté que l’on a, en France, à considérer qu’un engagement, quel qu’il soit, peut s’accompagner de la liberté d’apprécier l’actualité. Il faut du formaté, de l’aseptisé, du politiquement ou médiatiquement correct et, dès que l’on ose s’exprimer sans langue de bois, il se trouve quelqu’un pour stigmatiser ce comportement. Dans un article que je n’ai pas conservé, un journaliste connu et estimé dans la presse écrite girondine me qualifiait ainsi de " socialiste atypique ". C’est certainement le plus beau compliment que l’on m’ait adressé en quarante ans ininterrompu de vie publique.
Pourtant, depuis que L’AUTRE QUOTIDIEN existe, on ne peut pas dire que mes rapports avec les médias se sont améliorés, comme si les gens qui les animent considéraient que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. L’actualité appartient à leur pré carré, et toute critique sur la manière dont il la traite prend vite des allures d’attentats à leur honorabilité. C’est ainsi qu’un soir, j’ai eu droit à une algarade (devant une vingtaine d’étudiants en DESS d’aménagement du territoire ébahis), avec un rédacteur en chef courroucé par un texte écrit le 26 août 2006 (1) et qui évoquait les arrières cours médiatiques. Il n’avait pas aimé que je critique la part people prépondérante accordée par son quotidien à la venue de Nicolas Sarkozy sur les rives du Bassin d’Arcachon. Comme le haut-parleur d’un téléphone permet désormais aux témoins silencieux de profiter des conversations téléphoniques, j’ai pu leur démontrer en direct combien il était délicat d’affronter, comme élu local, la presse de proximité. Le blog, lorsqu’il n’est pas au service des autres médias, mais plus modestement " libre ", et rattaché à une personne du monde politique, dérange dans le paysage. Il est au minimum ignoré, et au pire combattu. D’ailleurs over-blog, la plate-forme qui supporte l’AUTRE QUOTIDIEN ne fait pas figurer les 6700 blogs de la rubrique politique dans son classement général. Ils en sont exclus, comme si cette rubrique puait la malhonnêteté !
En stigmatisant une pré campagne électorale aux présidentielles, entièrement tournée vers le paraître, plusieurs semaines avant qu’elle ne débute véritablement, le texte d’août dernier détonnait trop. Il débloguait irrévérencieusement, notamment en parlant de l’attention particulière que ce journal et la presse en général accordaient à Sarkozy. Ce lui fut vivement reproché ! Et, d’autre part, étant écrit par quelqu’un ayant fréquenté durant deux décennies, de manière quasiment permanente les rédactions, il constituait une trahison inqualifiable.
L’explication en deux mi-temps (beaucoup plus tempérée au cours de la seconde que de la première) ne changea rien à mon appréciation de la réalité incontestable des places accordées aux présidentiables en cette période estivale. La suite ne devait pas, au minimum, contredire fondamentalement le contenu de cette chronique.
Hier, est même sortie une étude savante sur ce que l’on décrit comme étant la mesure de l’impact médiatique des candidats aux présidentielles. Elle constitue une base d’appréciation indépendante du nouveau phénomène hexagonal du rôle des médias, tous supports confondus, dans une élection capitale.
LE PLUS FORT IMPACT MEDIATIQUE
Nicolas Sarkozy, " ministre-candidat-président ", est incontestablement la personnalité politique qui a bénéficié du plus fort impact médiatique en 2006. Loin devant la candidate socialiste, Ségolène Royal, l'actuel ministre de l'Intérieur est celui qui a connu la plus forte médiatisation. Son implication dans l'affaire Clearstream, sa prise de position sur les magistrats, et enfin sa déclaration de candidature, restent les moments forts de son année médiatique. Cité par Le Monde, Bruno Lalande, directeur des Etudes de TNS Media Intelligence affirme : " En 2006, la pression médiatique de Nicolas Sarkozy est de 38% supérieure à celle de Ségolène Royal".
Cette dernière a, notamment, connu un pic de médiatisation, à l'occasion de son intronisation par les militants socialistes mais contrairement à ce que l’on pense elle ne sert désormais que de faire valoir à Sarkozy qui, en plus de ses interventions personnelles, a l’occasion de réagir aux propos de son adversaire. Il n’est d’ailleurs pas souvent questionné sur les autres candidats car ce serait gâcher des minutes ou des espaces dévolus à ses déclarations. Il surfe sur ce système, qui lui offre une vague quotidienne pour l’emmener sur les plages d’écoute ou de lecture les plus favorables.
Il est par contre quasiment impossible de trouver un commentaire développé du " ministre-candidat-président " sur les positions de Le Pen ou de Bayrou car peu de journalistes lui pose des questions à leur sujet : inutile de gaspiller du temps d’antenne et des colonnes précieux. Il conserve ainsi son écrasante avance en présence médiatique cumulée avant la campagne officielle.
De son côté, François Bayrou, président de l'UDF, qui le premier, avait critiqué le traitement de la campagne par les médias, en dénonçant la bipolarisation, a eu un "bruit médiatique" (L'unité de bruit médiatique (UBM) mesure la présence d'un acteur dans les quotidiens, dans les journaux télévisés, et à la radio) huit fois inférieur à Nicolas Sarkozy. Quant aux autres ils peuvent toujours courir, ils ne referont jamais le terrain perdu !
DONNEDIEU DE VABRE JUBILAIT
Cette situation n’est pas le fruit du hasard mais la résultante de la situation économique du système médiatique français. Elle a perdu ou est en passe d’étrangler toute véritable liberté éditoriale. Même si cette affirmation est farouchement combattue par les rares amis que j’ai conservés dans les rangs de ceux qui dirigent le système, je maintiens que la situation devient extrêmement préoccupante. Dans un pays du libéralisme triomphant tous les médias sont sous perfusion étatique !
En présentant, le budget 2007 de la Communication, le ministre Donnedieu de Vabres jubilait : les aides de l’Etat aux journaux (274 millions d’€) ont progressé de 22% en deux ans! Une manière de rappeler aux médias papier, à quelques semaines de la présidentielle, que leur compte d’exploitation dépend pour partie du gouvernement… Selon un rapport d’Henri Pigeat publié en 2001 par l’Académie des Sciences morales et politiques, ces aides publiques représentent 11% du chiffre d’affaires de la presse. Un vrai maquis de subventions déguisées : soutien à l’acheminement postal, aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, à l’investissement, à la distribution… Sans ces aides indispensables les quotidiens en crise qui survivraient seraient peu nombreux et les emplois qui subsisteraient deviendraient rares en cette ère du profit roi.
Paradoxalement, la faute n’en incombe pas uniquement aux politiques mais davantage aux citoyens, dans la mesure où, ne faisant plus confiance à la presse, ils achètent de moins en moins les journaux, se ruant sur la presse gratuite et oubliant que cette dernière est totalement tributaire… de la publicité et donc du milieu économique. Quand vous tenez les cordons de la bourse aux aides, que vous pouvez débloquer des crédits pour acheter des pages de pub, que vous pouvez délivrer quelques informations sensationnelles, vous devenez forcément plus crédible que celui qui n’a que ses idées à développer. Si vous ne le croyez pas, astreignez vous, dans un quotidien, à découper la semaine prochaine tous les articles consacrés aux présidentielles (nationaux ou locaux) et comparez simplement les surfaces accordées à chaque candidat. Ou mieux, passez au stabilo le nombre de fois qu’un nom est cité durant cette même semaine dans un quotidien. Edifiant !
INFLUENCE DIRECTE ET INDIRECTE
Le cas de la télé est plus complexe. Là, pas de subventions à gogo, mais une régulation omniprésente qui permet de régler les éventuelles velléités d’indépendance. L’influence peut être directe : quotas de programmes culturels, limitation de la publicité pour les enfants… Ou s’exercer par ricochet. En 2000, le gouvernement a réduit la publicité sur France Télévisions. "Si on nous fait des cadeaux, je ne vois pas pourquoi on les refuserait", commentait, narquois, Patrick Le Lay, PDG de TF1. Ses bénéfices ont crû illico de presque 100 millions d’€! Et en cette fin janvier la loi sur l’audiovisuel, en discussion au Parlement, prévoit d’octroyer une chaîne "bonus" sur la TNT à Canal+, à TF1 et à M6 pour des raisons assez contestables. En 1944, le programme du Conseil national de la Résistance visait à "assurer la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent et des influences étrangères". Celles et ceux qui avaient émis ce vœu seraient effarés de la passivité dont font preuve les citoyens dans ce secteur clé de la démocratie. Ils avalent avec une désarmante docilité tout ce que l’on peut leur " mixer " quotidiennement.
Même si je me suis éloigné de lui en raison de sa dérive vers le centre droit, je suis obligé de me rallier, sans condition et avec enthousiasme, à l’analyse de Michel Rocard dans le Nouvel Obs : " Entendons-nous bien. Je n’ai aucun grief à formuler contre la profession journalistique, sans laquelle il n’y aurait pas de vie démocratique. Ce que je constate, c’est l’évolution préoccupante d’un système. La concurrence entre les médias menace de faire dérailler la démocratie. Dominée par la télévision, qui privilégie l’émotion sur la réflexion, et obsédée par le traitement événementiel, la sphère médiatique a fait démarrer la campagne beaucoup trop tôt alors même que, tous les rédacteurs en chef le savent bien, une campagne présidentielle est un sprint qui se joue dans les dernières semaines et dont le résultat final comporte toujours une énorme surprise. C’est au finish que les candidats doivent livrer leurs propositions les plus surprenantes et chaleureuses (…) Les médias agissent plus que de raison sur la sélection des candidats. Peu importe que ceux-ci n’entendent rien aux grands déséquilibres internationaux qui menacent notre planète du moment qu’ils se prêtent à la mise en scène du people et apparaissent comme des personnalités neuves échappant à la bureaucratie des appareils. En retour, ces candidats prétendument anti-establishment – Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal – font l’objet d’une indulgence médiatique prodigieuse. Leurs bévues respectives auraient déjà valu à des candidats plus classiques une mise à l’index. Mais on les protège. Jusqu’à quand ? En vérité, la "pipolisation" ravageuse comporte de grands risques. Il faut être un saint pour résister à une telle attention! Etre transparent jusqu’au fond de son portefeuille, ne pas avoir fumé un joint, ne jamais avoir trompé sa femme… Les candidats partis trop tôt et surexposés ont toutes les chances de lasser, d’imploser et de finir broyés ".
Cherchez donc qui sera la victime et qui finira broyé(e) ?
Mais je déblogue…
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3 février 2007 6 03 /02 /février /2007 13:34
Dans sa fameuse liste des 100 propositions lors des présidentielles de 1981, François Mitterrand avait rangé au beau milieu d’un inventaire de réformes à la Prévert, l’abolition de la peine de mort. Cette mesure allait totalement à contre courant de l’opinion, et surtout elle n’avait pas l’heur de plaire à tous les militants de son propre parti. S’il y avait eu, en cette époque de conquête du pouvoir, des forums particiNSCRIREpatifs, cette décision courageuse n’aurait pas émergé comme prioritaire. Pire, elle n’aurait été acceptée que par une minorité de participants, malgré le talent incontestable de Robert Badinter. La guillotine garantissait la sécurité des Françaises et des Français. Du moins une majorité d’entre eux le pensait. Et l’affaire Grégory, venant après celle de Ranucci, avait exacerbé les esprits comme si la vengeance permettait d’oublier l’horreur indéniable des crimes. Si l’on avait prêté, en 1981, considération aux sondages, le cinquantième rang des promesses mitterrandiennes n’aurait absolument pas été accordé à cette suppression de la peine dite capitale. Seule une volonté politique affirmée et maintenue (pour une fois) a servi une noble cause.
Cet après-midi à Paris, une manifestation à laquelle j’aurais aimé participer, va rassembler quelques centaines de personnes et de rares personnalités (le courage manque) au départ de la Place de la Bastille, afin de réclamer l’abolition totale, sur la planète, de la peine de mort. Elle conclura le sommet, qui a réuni 125 intervenants du monde entier - juristes, militants des droits de l'Homme et personnalités politiques-, en France depuis plusieurs jours. Cette France où le Président a pris l'initiative d'inscrire l'interdiction de la peine de mort dans la Constitution, une proposition qui sera soumise au vote du Parlement, réuni en Congrès à Versailles, juste avant la fin de la législature.
Quelques lâches oublieront certainement de venir ce jour là, ou s'arrangeront pour ne pas participer au scrutin, mais un large consensus devrait exister pour cette modification constitutionnelle. Le Front national, et l’extrême droite en général, demeurent en effet les seuls à revendiquer ouvertement le rétablissement de l’exécution d'un criminel par décision de justice.  Avec des nuances diverses, il existe pourtant dans la population un courant également favorable à cette réhabilitation du principe de la loi du talion. Ce sentiment semble ancré dans les esprits depuis la nuit des temps. Et il est partagé par de nombreux pays qui ont pourtant des cultures différentes.
EN RECUL SUR LA PLANETE
Le châtiment suprême est néanmoins en recul sur la planète, mais la situation reste préoccupante en Chine et dans le reste de l'Asie, ainsi que dans le monde arabe et aux Etats-Unis. La conférence organisée par l'organisation "Ensemble contre la peine de mort" (ECPM) avec le soutien de la "coalition mondiale contre la peine de mort" a tenté de mobiliser les opinions publiques des régimes, encore portés sur la peine capitale. Encore faut-il que ces derniers aient envie de donner un écho à cette rencontre mondiale, et que les citoyens en soient informés. Or il y a eu fort peu de retombées médiatiques de ces débats… dans les pays concernés. Et il faut, par contre, constater que les images officielles ou volées de l’exécution de Saddam Hussein en Irak, qui ne sont pas à la gloire de l’humanité, ont fait le tour du monde,  afin de justifier une intervention militaire qui, chaque jour, cause la mort de dizaines d’innocents absolus.
L'objectif du rassemblement étant de renforcer la pression de la communauté internationale sur les pays qui exécutent encore, il y a du boulot à accomplir pour convaincre déjà la plus grande "démocratie " du monde occidental, et tous ses supports médiatiques se délectant d’images d’hommes devenus des loups pour les autres hommes. L’écart entre les pratiques et les consciences est en effet très grand.
Certes, il était opportun que la réunion se penche sur le sort particulier de cette Chine que personne ne veut véritablement réveiller, de peur de perdre les retombées énormes de son entrée dans la mondialisation, ainsi que sur les conditions qui pourraient permettre de peser sur les Jeux olympiques de Pékin en 2008, pour y faire reculer la peine capitale ...mais il y aussi du ménage à faire dans d’autres états plus évolués.

Selon Amnesty International, depuis 1990, seulement 40 d’entre eux ont aboli la peine de mort pour tous les crimes.
Au total, 128 pays ou territoires l'ont abolie de droit ou de fait, mais… 69 la maintiennent encore et l'appliquent encore. Les Nations unies et l'Union européenne, qui demandent un moratoire sur les exécutions, font campagne pour l'abolition, sans grand succès pour le moment.
EXECUTIONS EN SERIE
En 2005, ajoute Amnesty International, au moins 2.148 prisonniers ont été mis à mort dans 22 pays, dont 94% dans quatre pays: Chine (1.770 personnes exécutées), Iran (94), Arabie saoudite (86) et Etats-Unis (60). Pour les trois premiers pays, l'organisation de défense des droits de l'Homme précise que ces chiffres sont vraisemblablement en deçà de la réalité, notamment pour la Chine. On ne se pose pas trop de questions philosophiques à Pékin : on exécute à tour de bras comme si une vie n’avait aucune valeur !

L'Europe fait figure de bon élève. Le continent est aujourd'hui débarrassé de la peine de mort, en droit ou en fait, à l'exception du Belarus. Rappelons au passage que la France, qui s'apprête à inscrire l'interdiction de la peine de mort dans sa Constitution, est devenue en 1981 le 36ème Etat au monde à l'abolir. Elle était alors le seul pays d'Europe de l'Ouest à conserver un tel châtiment dans son droit pénal.
La peine capitale reste en vigueur dans une vingtaine de pays en Afrique, et une trentaine en Asie, dont la plupart des Etats du Moyen-Orient et la Chine, championne mondiale des exécutions.
Aux Amériques, une dizaine de pays l'appliquent encore, dont Cuba,et surtout les Etats-Unis. Il paraît possible de faire désormais un lien entre ce maintien et le niveau culturel global du pays, tant ce processus barbare dénote une incapacité à juguler la violence par un autre moyen qu’une pseudo peur de la loi du talion.

Selon Washington, la justice américaine a ainsi condamné à mort 128 personnes en 2005, un chiffre en recul constant depuis 1999. Cependant en 2006, les Etats-Unis ont exécuté 53 détenus, selon le Centre d'information sur la peine de mort, basé à Washington.

De son côté, les observateurs signalent une situation préoccupante dans la zone Afrique du Nord - Moyen-Orient. "Aucun des 22 pays de la région n'a aboli la peine de mort", souligne une ONG spécialisée, dans un communiqué. "Le Maroc, la Tunisie, l'Algérie notamment, n'exécutent plus depuis plus de dix ans mais condamnent toujours à la peine capitale. D'autres, comme l'Arabie saoudite et l'Iran, pendent ou lapident chacun plus d'une centaine de condamnés chaque année."
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UN BUT ULTIME
"Le droit international général n'exige pas expressément l'abolition" de la peine capitale, souligne un récent rapport parlementaire français. Mais l'abolition n'en reste pas moins un "but ultime" en matière de droits de l'Homme. "Depuis plus de vingt-cinq ans", poursuit ce rapport, "les traités, protocoles et déclarations se multiplient pour dessiner un chemin vers l'abolition universelle de la peine de mort."
C’est à la fois long, un quart de siècle, mais ce n’est pas extraordinaire quand on sait qu’en 1863, le Venezuela fut le premier pays au monde à abolir, pour tous les crimes, ce châtiment, ce qui reste tout de même un exemple pour bien d’autres états émergeants empêtrés dans cette misère, mère de nombreuses violences. Des décisions politiques éloignées des sondages, des intérêts économiques, des principes religieux obscurantistes, sont encore, plus de 140 ans après cette décision courageuse, à assumer de par le monde. Elles ne règleront pourtant pas tout.
Car, dans le fond, ce n’est pas en supprimant les conséquences de la délinquance que l’on en efface nécessairement les causes. Mais le jour où on s’attaquera véritablement à cette réalité dans le monde, il n’y aura plus besoin de défiler dans les rues de Paris en partant symboliquement de la Bastille. Les crimes les plus horribles sont d’abord un échec pour la société, car elle n’a pas su collectivement les prévenir. Elle a sans cesse cherché, même de la manière la plus cruelle à certaines époques, à les réprimer sans jamais parvenir à les éradiquer. Nul n’a été capable de démontrer de manière irréfutable que la peine de mort avait une influence réelle sur le comportement instantané d’un criminel.
Je garde de mes lectures de jeunesse une émotion particulière, lors de la découverte des livres de Caryl Chessman dont le fameux " Cellule 2455 couloir de la mort " qui témoignait non pas de l’hostilité philosophique à la peine capitale (alors la… chambre à gaz) mais à tout ce qui la précédait. C’est de ces moments passés à découvrir que vient mon aversion profonde contre tout acte de mort officiellement organisé. Elle ne variera pas au gré des faits divers ou des sondages.
Mais je déblogue…
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2 février 2007 5 02 /02 /février /2007 07:53
La porcelaine la plus raffinée et la plus originale, n’a jamais aimé les éléphants. Il paraît même qu’il vaut mieux les éloigner des magasins où l’on cherche à attirer la clientèle. Survivants d’une époque révolue, ces pachydermes feraient fuir les personnes potentiellement intéressées par un soutien à la patronne qui attend le bon moment pour lancer son action commerciale. Il est vrai que certains d’entre eux ont véritablement mauvaise réputation, tant ils ont causé de ravages dans la réserve des idéaux disparus. Alors, il paraît qu’il faut faire du nouveau, de l’inédit, et oublier celles et ceux qui souvent, à la base, ont déjà à de nombreuses reprises, obtenu la confiance majoritaire du peuple. Trop vieux, trop dogmatiques, trop obtus, trop marqués, trop présents, trop autoritaires, trop sourds, il ont été volontairement exclus depuis des mois, afin qu’ils ne perturbent pas outre mesure une soif supposée de renouvellement.
Le troupeau, conduit par quelques vieux chefs chenus, rompus au combat et aux cheminements délicats sur des espaces " minés ", se prélasse paisiblement dans les vertes prairies de l’indifférence. Ils attendent la saison des pluies de promesses, pour faire demi-tour sur la route du cimetière auquel on les voyait, avec un sourire narquois, condamnés. Des appels directs ou indirects sollicitent un geste de la part de ces éléphants honnis ou raillés. On s’aperçoit que, quand le mauvais temps menace, il vaut mieux exposer quelques valeurs sûres pour mener des combats devenus plus ardus que prévus. Ils ont le cuir tanné par les affrontements. Ils savent aussi donner de la voix dans une cacophonie incompréhensible. L’éléphant va redevenir à la mode !
Depuis quelques jours, au plus haut niveau, on cherche justement, après avoir mené une chasse forcenée à tout ce qui pouvait symboliser un attachement au système antérieur, à revenir vers quelques fondamentaux. A la base, on n’y croit pas encore, car on espère que dans la jungle actuelle, il suffira d’exprimer des bons sentiments pour survivre. On cherche la direction à prendre. On attend que la décision arrive. Malheureusement, tout le monde sait que ce qui manque le plus dans notre monde impitoyable et confus, ce sont les repères. Les habitués des lieux aiment bien savoir où ils vont aller, et surtout ils adorent recevoir des mots d’ordre concrets pour progresser vers l’objectif à atteindre.
REDECOUVERTE DE L'AUTOGESTION IDEOLOGIQUE
Comme diraient celles et ceux qui redécouvrent l’autogestion idéologique, c’est lamentable d’attendre pareilles affirmations, alors que rien ne doit être proposé à l’ancienne. Mais ils ignorent encore que la société n’a pas toujours envie de se prendre la tête, mais attend encore majoritairement que l’on fasse le boulot pour elle, et qu’on  ne lui propose pas nécessairement de moudre le grain,  mais qu'on lui offre tout cuit le pain prometteur des idées. Et si on laisse trop d’avance aux autres, il faut ensuite courir après eux pour refaire son handicap. Ils s’installent sur les marchés, sur les grandes avenues médiatiques et s’emparent, faute de concurrence, de la " clientèle " en mal de certitudes sur des lendemains qu’elle espère chantants. Il va donc falloir rapidement retrouver l’esprit de groupe, et rappeler ces pelés, ces galeux, ces moribonds pachydermiques, incapables d’écouter, de dialoguer, de proposer, mais qui, malgré tout, représentent un potentiel qu' Hannibal lui-même avait su utiliser pour franchir les sommets.
Les chemins de la campagne présidentielle ne sont pavés que de mauvaises intentions. Pour s’installer sur celui qui conduit à l’Elysée, il ne suffit pas d’attendre trop longtemps que l’on vous ouvre la voie, mais il urge de la tracer. Les bons éléphants peuvent jouer dans ce domaine le rôle de défricheurs. L’affrontement ne leur déplait pas. Le face à face a plutôt tendance à tourner à leur avantage, car il n’ont jamais été sans défense. Ils possèdent des arguments convaincants, pour peu qu’on sache les utiliser. Le problème réside dans la manière de les remettre en tête de la longue marche, ces " bêtes pour plateaux de télé ou estrades ", qui ont usé leur énergie sur des terrains parfois ingrats. Plus les jours passent et plus leur rôle deviendra essentiel. C’est désormais une certitude.
INFLUENCE REELLE SUR UNE OPINION FLUCTUANTE
Personne, dans quinze jours, ne pourra se passer de leur influence réelle sur une opinion fluctuante, de plus en plus plus sensible à la solidité des leaders, plutôt qu’à leur apparence. La confiance n’a jamais reposé sur le vide. L’angoisse est telle dans les tréfonds de cette société des incertitudes que l’effet miroir fascine toujours. Le désarroi existe. Le besoin de se raccrocher à quelques idées clés, portées par des figures connues, ne l’atténuera pas totalement mais… ne le renforcera pas. Il y a chez certains un flagrant besoin de combats clairs, reposant certes sur de vieux concepts, mais que personne ne saurait ignorer.
L’arrivée dans la jungle d’un baroudeur comme José Bové va même nécessiter, dans ce contexte, une réaction rapide. Car l’Astérix de Millau ne va pas faire dans le détail. Il va décocher des ruades qui vont blesser les gencives sensibles. Il va rappeler que, lui, n’a jamais hésité à mener des luttes collectives délicates, que la rébellion a son chantre, que lui, il tape fort et vite. Il va mettre le feu sur la gauche du terrain, et vite occuper un système médiatique qu’il connaît encore plus précisément que beaucoup d’autres.
Il peut même mieux faire que Le Pen, car il aura le 7 février l’occasion de se retrouver dans la peau de Jacquou le Croquant puisque la cour de Cassation peut, l'expédier, lui, le candidat à l’Elysée, derrière les barreaux d’où il pourrait effectuer la plus sensationnelle des campagnes électorales susceptible de mobiliser les médias du monde entier ! Drôle de situation que celle qui verrait Chirac pérorer sur les raisons de son renoncement, dans les lambris de l’Elysée, alors que José Bové vendrait son programme depuis une prison… pour avoir fauché quelques plants de maïs transgéniques. Impossible de faire mieux pour saborder une démocratie.


REVEILLER LES ELEPHANTS SUR LA POINTE DES PIEDS
Dans ce tohu-bohu potentiel, on ira rapidement réveiller les éléphants solitaires, sur la pointe des pieds, et surtout sans clamer qu’on leur a demandé de reprendre du service, car ce serait une démarche trop humiliante. Sans appels répétés de leur part, sans invitation mobilisatrice pour d’autres catégories, sans ratissage du terrain pour ramener les citoyens égarés ou hésitants, il n’y aura pas maintenant de remise réelle dans la course. C’est désormais une certitude, que personne n’ose aborder publiquement.
Dans tous les camps, il reste encore de fortes inconnues qui modifieront considérablement la donne prévue. Il manque encore, par exemple, à Nicolas Sarkozy une poignée de Gaullistes réputés du canal historique pour donner les derniers repères qui manquent à une droite pratiquant la guérilla d’affaiblissement. Et on attend toujours la position du Chirac déchu et déçu ! Telle une grenade quadrillée, la gauche antilibérale vient d’éclater et nul n’aura désormais le pouvoir réel de s’imposer dans la bande des quatre. José l’écolo altermondialiste va débouler dans le magasin de faïence. Une rivalité farouche va naître jusqu’à la fin de la quête des 500 signatures dans de nombreux camps. Elle fait rage sur l’extrême droite, car il est à peu près certain que Le Pen arrivera à ses fins, mais que, par contre, De Villiers restera sur le tapis vendéen.
SERRER LES DENTS ET AVALER LEUR SALIVE
Il faut être lucide et il va falloir recoller rapidement les morceaux socialistes, sous peine d’apparaître comme aussi peu crédibles que les autres. Les éléphants seront alors probablement les bienvenus dans les salles, et il n’est pas certain qu’ils soient tous adulés. Il leur faudra serrer les dents et avaler leur salive, car ils entendront certainement des propositions de leur cru rejetées avec dédain, et remises en toute hâte au goût du jour. La chasse sera suspendue pour quelques temps, avant que ne débute la grande période des amours, celle qui devra redonner confiance au plus grand nombre.
Ce revirement inavouable se produira dans le courant de la semaine prochaine de part et d’autre. Il reposera sur des coups de fil discrets, sur des " je t’aime moi non plus " largement distribués, sur des " tout sauf l’autre " réunificateurs, sur la démolition de tous les murs de Berlin idéologiques, sur des corps à corps sanglants… La campagne sera lancée pour deux petits mois, et on oubliera tout ce qui a précédé, pour régler éventuellement, le 7 mai au matin leur sort à tous ces éléphants forcément responsables de l’échec, ou inutiles dans la victoire, mais qui devront pourtant encore recoller la fragile porcelaine des idées.
Mais je déblogue…

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1 février 2007 4 01 /02 /février /2007 08:03
A partir de ce matin, il faudra oublier le fameux principe voulant qu’il n’y ait point de fumée sans feu. Il sera à remplacer par "feue la fumée" puisque nous entrons dans l’année un après J.C. (je clope) et que si certaines et certains doivent en griller une, ce ne pourra être qu’en allant dehors. C’est un nouvel air qui débute, avec pour les uns la satisfaction de le respirer à plein poumons, et pour les autres, la frustration de ne plus pouvoir mégoter à loisir. Dès l’aube,deux mondes qui ne se supportent plus, vont pouvoir se séparer, forcément dans la douleur, car il existe des victoires dont on est certain qu’elles provoqueront d’inévitables rebellions.
Impossible, en pareille époque, qu’il n’y ait point des résistants prêts à mettre leur environnement à feu et à sang, sous prétexte qu’on leur interdit d’exercer librement leur droit au suicide. Ils vont ostensiblement en allumer une, comme le feraient ces condamnés lors de leur dernier moment avant d’aller rendre leur ultime souffle au bourreau. Dans un défi anarchiste à un décret qu’ils estiment forcément néfaste pour leur équilibre psychique, ils goûteront à ce délice consistant à braver goulûment l’ordre établi. Les moins audacieux ne lâcheront les volutes de leur cigarette que dissimulés dans un recoin discret, avec l’espoir que leurs émanations tabagiques ne seront pas repérables par des censeurs zélés. La guerre de la cibiche va donc faire rage, au nom de la liberté pour les enfumés à prétendre à une atmosphère qui n’ait pas sale gueule !
En fait, toute interdiction ne résiste à l’épreuve du temps que si elle s’accompagne d’une sanction possible. Or véritablement, nul n’est encore capable d’expliquer la manière d’empêcher un pyromane de mettre le feu aux poudres dans un espace public. On voit mal les Renseignements généraux ouvrir un dossier pour terrorisme, par attentat suicide à la cigarette. Il serait étonnant que les policiers envoient un fourgon pour placer en cellule de dégrisement celui qui aura fait une consommation coupable de Malboro filtres. On voit encore mal un duo de gendarmes pénétrer dans un établissement scolaire pour interpeller un dangereux fumiste, tellement leur nombre a progressé depuis quelques années. Enfin, il n’entre pas dans les missions des sapeurs-pompiers d’intervenir sur un incendie de Camel extra douces. Il reste le maire. On pourra toujours lui adresser une lettre anonyme pour dénoncer un réfractaire du sans tabac. Aucune autre solution ne paraît efficace, car tout le monde sait que l’addiction à un produit illicite conduit aux pires dérives, et que rien ne saurait y faire renoncer les plus atteints.
 
175 000 SURVEILLANTS DE FUMEURS
Depuis hier soir minuit, il est pourtant interdit de fumer dans "tous les lieux fermés et couverts qui accueillent du public et qui constituent des lieux de travail. Ainsi en est-il dans les moyens de transports collectifs, dans les espaces non couverts des écoles, collèges, lycées, [...] ainsi que dans les établissements destinés à l'accueil, à la formation ou à l'hébergement". En revanche, il sera possible de fumer dans des "salles closes, affectées à la consommation de tabac et dans lesquelles aucune prestation de service n'est délivrée"."sont des transports particuliers de personnes, et non des moyens de transport collectif". 175 000 agents seront habilités à contrôler l'application de la réglementation et à verbaliser les contrevenants. C’est dire si nous allons avoir besoin de ces fonctionnaires que tout le monde veut supprimer ! Ou dans les taxis, puisque ce
Une cigarette allumée "hors des emplacements réservés à cet effet", et le fumeur sera sanctionné par une contravention de troisième classe forfaitisée de 68 €. Mais, si les emplacements réservés aux fumeurs ne sont pas aux normes, si la signalétique fait défaut et si tout a été fait sciemment pour "favoriser la violation de l'interdiction de fumer", il en coûtera alors une contravention de quatrième classe de 135 € pour le responsable des lieux. Il y a fort à parier que les premières sanctions porteront sur cette situation bien plus que les autres. En effet, peu de décideurs vont investir dans un espace spécifique, alors que les panonceaux interdisant de s’enfumer librement sont devenus introuvables depuis plusieurs semaines. Il y aura en effet de moins en moins de candidats à la mort anticipée, tant tout sera fait pour les mettre à la porte des lieux fréquentés par le public.
On comptait en effet fin 2006 chez les 15 - 75 ans 31,8% de fumeurs, contre 31,2% en 2004, 30,4% en 2003 et 34,5% en 1999, selon une étude de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, réalisée du 3 octobre au 10 novembre 2006. 48,5% des 18 - 25 ans fumaient en 2006 (47,5% en 1999). La prévalence pour cette tranche d'âge avait chuté à 40,3% en 2003. On estime par contre à 25 millions le nombre de Françaises et de Français intoxiqués par celles et ceux qui avancent clopin-clopant
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UN PERMIS DE FUMER
On pourrait imaginer un permis de fumer payant à points sur le principe de celui qui autorise à mal se conduire sur la route. Il serait brûlé en place publique le jour où son propriétaire aurait perdu son pactole initial. On lui accorderait la dernière cigarette du condamné avant de le contraindre à abandonner définitivement son véhicule vers le bonheur. La mesure ferait un véritable tabac surtout si on peut imaginer qu’un automobiliste fumant au volant en roulant à 55 km/h dans un village, et utilisant son téléphone portable (ne vous y méprenez pas : il y en a sûrement !) se ferait… descendre immédiatement.
Le gouvernement met le paquet pour, dans le fond… diminuer les recettes de l’Etat car on oublie trop souvent que le premier bénéficiaire du tabagisme, comme de la consommation d’alcool, comme de l’addiction au jeu n’est autre que le ministre des finances qui taxe à mort ces créneaux jusque là extrêmement porteurs, puisque le total de ces taxes approcherait en 2006 plus de 15 milliards d’Euros. Pour la première fois depuis 2002, qui marquait le début d’une forte hausse des prix, la consommation de tabac avait recommencé à augmenter en France en 2006, selon les chiffres publiés par la Confédération des débitants de tabac de France.
Les ventes avaient ainsi progressé de 2,8% sur les cinq premiers mois de 2006 par rapport à la même période de 2005. Le marché avait reculé de 0,4% en volume en 2005 par rapport à 2004 et de 32% entre début 2003 et fin 2004. Les ventes de cigarettes avaient également augmenté de 3,2% en volume (+5,8% pour les blondes, -10,5% pour les brunes) et de 5,45% en valeur. Plus de la moitié des départements métropolitains avaient enregistré une hausse supérieure à 5% pour les cigarettes. Quinze autres, notamment dans le grand Sud-ouest et dans le Nord, où les achats transfrontaliers en Espagne et en Belgique sont favorisés, étaient en revanche en recul sur les mêmes périodes. C’est donc un gros manque à gagner pour les finances publiques, mais probablement un bonus dans des décennies pour la Sécurité sociale.
UN ABSENTEISME TABAGIQUE PREJUDICIABLE
Non d’une pipe ça va donc chauffer dès aujourd’hui dans certains bureaux. Celles et ceux qui ne se parlent plus depuis des lustres vont continuer à se faire la gueule et celles et ceux qui échangeaient encore un peu vont rapidement se fâcher en voyant leurs collègues fumeurs s’éclipser pour en griller une devant la porte. On va sortir les chronomètres afin de mesurer l’absentéisme tabagique préjudiciable à la fameuse rentabilité de l’entreprise. Par ailleurs, selon les régions, un petit tour dehors en bonnet, en gants, et en parka, en plein hiver, favorisera les rhumes, les angines ou les bronchites… Autant de problèmes que le décret n’a pas prévu.
En ce qui me concerne, je suis heureux de cette décision, car je n’ai pas touché à la moindre dose de tabac depuis 40 ans. Ma pipe a été rangée au rayon des objets symboliques d’une jeunesse marquée par l’exemple de Brassens. J’adorais l’odeur de l’Amsterdamer grillant dans le foyer d’une bouffarde en bruyère. Elle a disparu de la planète avec la mise en évidence des dangers de ces drogues officielles qui permettaient pourtant à de nombreuses personnes de vivre.
L’odeur du tabac reste, en effet, pour moi celle des veillées chez mon grand-père et mon oncle qui appartenaient, à Sadirac, à un groupe de producteurs avant-gardistes. Patiemment, toute la famille, en hiver, lissait les longues feuilles patiemment séchées pour constituer des " manoques " homogènes destinées à être livrées à Tonneins. Vivre durant des heures dans cette odeur de tabac froid, pénétrante, constituait la meilleure manière d’en dégoûter les novices. Il me restera également des images. Celle de mon grand-père arrêtant son attelage pour " s’en rouler une " en sortant un paquet de tabac gris et un paquet de papier job. Celle de mon père, qui avait un goût prononcé pour les "Balto", qu’il me fallait parfois aller lui quérir dans un bureau de tabac tenu par un ancien de 14-18 et sa femme, maîtresse femme. Celle de cette guerre permanente, à l’Ecole normale, entre les fumeurs de gauloises, de Gitanes filtres ou papier, maïs affirmant leur attachement à une vision populaire de l’acte, et celle des élégants, les bécheurs, tirant sur une Camel.
Il y avait en effet une typologie sociale, un engagement politique, qui correspondaient à chaque choix de cigarettes, et  observer le paquet sorti d’une poche illustrait à coup sûr la tendance politique de son utilisateur. Chaque volute de fumée portait donc, parfois, un idéal. Lentement, la symbolique s’est estompée… pour laisser la place à la course au profit menée par des fabricants soucieux de plaire et de faire consommer, au mépris de la santé de leur clientèle. Désormais ils ont été rattrapés par leurs abus.
Mais je déblogue…
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