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14 mai 2006 7 14 /05 /mai /2006 07:17
Liberté, liberté chérie. Le refrain est bien connu, mais que ne fait-on pas parfois en ton nom ou en celui, encore plus idyllique, de la société parfaite. J’ai déjà eu l’occasion d’écrire, dans une chronique, que j’étais pour l’obligation absolue de déclaration de domicile. Je n’ai jamais compris en quoi le fait, en arrivant dans une commune, de passer en Mairie donner son nom, son prénom et son adresse réelle constituait une atteinte à la liberté individuelle. Cette démarche éviterait tellement d’abus qui mettent en péril la crédibilité de tous les avantages sociaux dispensés par la puissance publique! On sait, en effet, que la fraude porte essentiellement sur les fausses déclarations, dans ce domaine, ou sur la base d’approximations ou de tricheries délibérées.
Il faut savoir, qu’en France, si la triche individuelle, en cette période de déclaration d’impôts sur le revenu, demeure un sport national, on assiste aussi à un développement durable d’organisations structurées pour collecter les fonds publics. Ce qui relevait de l’artisanat mute peu à peu en Petite ou Moyenne Entreprise de la fraude.
Beaucoup moins spectaculaires que les carambouilles de Clearstream ou que les affaires liées à la drogue ou aux cigarettes, ces pratiques sont dissimulées au grand public pour ne pas affoler les " cotisants " honnêtes. On évalue par exemple, au cours des derniers mois, le nombre de groupes structurés identifiés et donc sanctionnés, à une cinquantaine. Jamais on avait atteint un tel niveau.
Des millions d’€, ou même plus sûrement des milliards, s’envolent des caisses de l’Etat ou des orgnaismes parapublics, dans des versements indus. Mais, si l’on y ajoute les effets pervers du travail au noir non déclaré, des tours de passe-passe comptables, on pourrait probablement boucher les déficits constatés.
Mais qui aura le courage d’affirmer qu’il n’y a aucune atteinte fondamentale à signaler son lieu exact de vie solitaire ou familiale. L’inscription sur les listes électorales n’étant même pas obligatoire, le principe voulant que, pour vivre heureux, il faille vivre caché trouve de plus en plus d’adeptes. Les ASSEDIC, la CAF, la Sécurité sociale, la fiscalité locale, la TVA, l’URSSAF, dans leur globalité, sont doublement victimes de cette faiblesse déclarative. Par la perte de recettes dues aux fausses déclarations et, ensuite, par le versement indu d’allocations, le pays assume un volume de fraude croissant malgré des rapports qui s'accumulent.
DES CENTAINES DE SOCIETES FICTIVES
Récemment, les services spécialisés ont, par exemple, découvert un homme d’affaires organisé qui avait créé des centaines de sociétés fictives différentes, dans tous les départements français. Il les domiciliait en des lieux approximatifs, savamment repérés, pour, quelques temps après, en licencier, sans cesse, la même dizaine d’employés complices, qui percevaient ainsi les allocations légales de chômage. Le préjudice atteindrait le million d’€. Un autre, plus modeste, avait ouvert 167 comptes bancaires pour seulement 17 entreprises, toutes liées les unes aux autres, mais impossibles à identifier. Bien évidemment, ils investissaient dans des premiers versements légaux, pour ensuite tuer les " poules  aux œufs d’or " et passer dans tous les  guichets légaux en matière d’indemnisation. Des boîtes postales, des boîtes aux lettres sans logement vérifié, suffisaient à récupérer les pactoles durant des mois. Et les exemples sont nombreux.
Des dizaines de demandes de renseignements parviennent chaque mois en mairie, émanant d’hôpitaux à la recherche d’un patient ayant oublié de payer, et ayant confié au moment de son admission une fausse adresse. Les percepteurs poursuivent aussi vainement des mauvais payeurs, partis sur la pointe des pieds avec des dettes de restaurant scolaire, d’accueil périscolaire, de taxe d’habitation. On quitte une école sans aucune autre formalité que celle de solliciter un certificat de radiation et d’aller où bon vous semble. Pour les arriérés, il faut entreprendre des enquêtes de police pour récupérer les sommes dues.
Des réseaux de fraude à la TVA existent. Il leur suffit de vendre et revendre toujours les mêmes marchandises qui sortent du territoire français en allant simplement prendre un bol d’air au delà des frontières pour revenir 48 heures plus tard avec une nouvelle facture. L’Etat remboursera la TVA sur des sommes jamais payées et qui couvrent largement tous les frais du transporteur, ravi d’avoir des clients aussi fidèles. Bien entendu, il faut des heures et des heures d’enquête pour détecter ces fausses facturations en série et comme l’Etat n’a plus de fonctionnaires, on ne peut que pécher au hasard. Le processus fait donc école.
On parle trop souvent des fraudes individuelles aux organismes sociaux, mais rares sont les dénonciateurs de celles, colossales, du milieu économique. Je connais personnellement des personnes qui ont bâti des empires en réglant absolument toutes les factures en liquide, et en n'utilisant les chèques que dans des circonstances exceptionnelles. Mais cela ne se dit pas, car cela ne correspond pas à l’opinion dominante sur le fraudeur, qui doit avoir l'image d'un immigré sans foi ni loi.
36 MILLIONS D’EUROS
Quelques 36 millions d'€ ont par ailleurs été détournés des caisses des Assedic entre 2002 et 2005 dans le Sud-Est de la France, par près de 2.000 faux chômeurs et 130 gérants de sociétés. Une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Marseille pour "escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et déclarations mensongères en vue d'obtenir des avantages induits". Les contrevenants risquent des peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison. Le principe de la fraude était simple. Des faux emplois étaient proposés à des personnes, qu'il suffisait ensuite de licencier, afin de pouvoir justifier une ouverture de droits aux allocations chômage. Le réseau avait aussi d'importantes ramifications dans les départements des Bouches-du-Rhône, de la Drôme et de l'Isère. Les principaux organisateurs étaient, pour leur part, domiciliés dans la région de Marseille, et vivaient sur un grand pied.
Ces coups de filet, aussi spectaculaires soient-ils, ne suffisent pourtant pas à mesurer toute l'ampleur du fléau : des milliers de personnes bénéficient d'allocations, alors qu'elles n'y ont aucun droit. Des réseaux mafieux se sont introduits au cœur du dispositif. Ils ont organisé une escroquerie à grande échelle qui met en péril notre système d'assurance-chômage. Ce qui se passe actuellement aux Assedic est terrifiant. Des chiffres circulent : on parle de 3 à 4 milliards d'€ de fraude. Plus du quart du déficit de l'assurance-chômage. Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement par un manque évident de courage politique.
Plutôt que de tenter de colmater les brèches, en radiant systématiquement de pauvres gens pour des raisons plus ou moins acceptables, il suffirait de redonner aux Maires le soin, comme je l’ai déjà proposé, de délivrer une attestation de résidence après fourniture de pièces diverses. Des kits de fraude se vendent sous le manteau. Des faux papiers administratifs (bulletins de salaire, quittance de loyers, certificat d'hébergement, abonnement EDF), et les pertes de cartes d'identité se multiplient.
A l'échelle d'une commune paisible comme Créon, c'est déjà perceptible... Alors dans les villes, encore plus anonymes...
Mais je déblogue.  
Dessin de Plantu (Le Monde)
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13 mai 2006 6 13 /05 /mai /2006 09:04
Nous sommes, en permanence, sous la pression de la société de la sur-information. De toutes parts parviennent des messages plus ou moins honnêtes, plus ou moins construits et surtout plus ou moins utiles à la citoyenneté. La plupart d’entre eux s’adressent donc au consommateur qui sommeille dans la peau de tout électrice et tout électeur. D’ailleurs, cette face cachée des individus a vite été exploitée par le monde politique, toutes tendances confondues. Pour réussir, il est indispensable de parler au portefeuille (impôts, déductions, exonérations, procés-verbaux...) ou d’avoir une attitude « people » rassurante, plutôt que de s'évertuer à convaincre. Tout, normalement, s’effectue dans la plus grande médiatisation, et plus encore dans la transparence supposée absolue. Occuper le devant de la scène, sous les feux de l’actualité, constitue en effet l’obsession de bien des personnes dans une système qui multiplie les occasions de se faire connaître.
Paradoxalement, reviennent pourtant, de plus en plus, des habitudes plus sombres et moins glorieuses. Elles sont aussi vieilles que le monde, mais jamais peut-être elles n’ont été aussi présentes dans la vie publique. Ainsi, l’anonymat a désormais pignon officiel sur rue. Il est devenu, au fil des ans, une technique comme une autre de communiquer.
Les récents événements de l’affaire Clearstream mettent brutalement en lumière les bases peu glorieuses de pratiques d’un autre âge. En fait, ce scandale qui fait rire toute l’Europe, a ses racines dans des valises discrètes, et ce que l’on appelle des dessous de tables. Des pratiques discrètes sur des comptes discrets et effectuées par des hommes discrets. Tout s’effondre au moment où, pour une raison ou pour une autre, ce pacte du silence est brisé, ce qui peut être volontaire, ou effectué à l’insu du plein gré des comploteurs.
Il faut bien convenir que l’informatique sous toutes ses formes, avec des codes compliqués, a singulièrement facilité le retour en force du fameux ni vu, ni connu. La sordide manipulation des listings n’est surtout pas la première de l’histoire. Pas de grattage à l’ancienne, de vieillissement du papier, d’imitation pointue d’une écriture plus ou moins torturée : il suffit de scanner, de superposer, de rééditer pour donner au document une véracité délicate à contredire. Dans le secret d’un bureau techniquement solide, vous pouvez vous transformer en dénonciateur efficace.
LES AUTEURS SE REFUGIENT DERRIERE UN PSEUDONYME
Internet est ainsi devenu le nouveau royaume des corbeaux et, il faut bien le reconnaître, les blogs en sont les enfants les plus visibles. Je suis en effet stupéfait par le nombre de ces publications dont les auteurs se réfugient derrière un pseudonyme, plus ou moins évocateur. Peu de gens annoncent clairement, dignement leurs coordonnées exactes, comme si l’anonymat leur donnait un courage qu’ils n’auraient pas autrement. Même les "commentateurs" se défilent en bloquant l'accès à leur mail, afin que l'on ne puisse pas les interpeler personnellement. Tous les blogs du FN sont anonymes, sans que cela soulève de problème.
Ils ont probablement raison, quand je vois les déchaînements hostiles (jusqu'à les évoquer dans les instances officielles du PS au niveau national) que génèrent mes fragments de blog ci-contre, dont pourtant aucun ne fait autre chose qu’annoncer des faits jamais démentis à ce jour. L'honnêté intellectuelle devient dangereuse!
Même parmi vous, les 162 abonnés que compte L’AUTRE QUOTIDIEN, la très grande majorité n’annonce pas franchement la couleur. Certains font dans l’inventif maladroit, qui traduit une vocation d’espion rentrée. Les membres des cabinets des grands de ce monde, se planquent par exemple derrière des anagrammes. En prenant le prénom de leur épouse certains espèrent ne pas être repérés. Le chiffrage, la cabalistique, l’allusion perfide, fleurissent et à peine 30 % des gens ayant rejoint la liste sont nettement identifiables. Cachés, peureux : comme le veut le monde actuel du débat!
Les messageries ne fonctionnent qu’avec des participants masqués. Tout écrire devient possible, et la liberté s’accommode bien de la discrétion absolue. A Venise, ou à la cour des puissants, durant des siècles, on a pratiqué le bal masqué comme exutoire aux convenances. Des millions d’internautes avancent donc comme des ombres mystérieuses, sans trop mettre en jeu leur responsabilité.
Le directeur de la rédaction de Sud-Ouest, dans une lettre moralisatrice peu amicale, adressée il y a quelques mois maintenant, soulignait la facilité de diffuser n’importe quoi sur les blogs et de s’affranchir de la nécessaire professionnalisation de l’information… Il oubliait de préciser que cette remarque justifiée n’était valable que lorsque l’écriture s’accompagne de l’anonymat. Dans tous les autres cas, le courage d'exister par une prise de position atypique ou une information, mérite le respect car on en connaît explicitement l’auteur, ce qui n’est pas, par exemple le cas, dans son propre journal, dans la rubrique hebdomadaire du « Tire-bouchon » et dans bien d'autres cas, où la signature n'est pas évidente.
 TRADITION BIEN FRANCAISE
Le "poulet" à l’ancienne devient pourtant rare. On ne découpe plus les lettres d’une "une" de journal pour composer un message signé « une personne qui vous veut du bien ! ». L’informatique ouvre beaucoup plus de possibilités en un temps plus restreint. Si j’affirme que cette tradition bien française existe encore, c’est que, dans les fonctions, qui sont les miennes, le courrier quotidien m’en apporte encore son lot. Les missives non signées du genre « je ne vous ai rien dit mais si vous allez à tel endroit vous constaterez… » appartiennent à la réalité de notre époque. Le Français cultive l’art de la dénonciation avec un certain talent.
On aime, par exemple, tellement son voisin que l’on ne veut pas qu’il ait des ennuis avec une construction non déclarée et, alors, pour lui rendre service, on le dénonce en tentant de ne pas se montrer. Impossible d’affronter un élu sur ses idées et ses conceptions, alors autant lui expédier quelques insultes non identifiables, que l’on pense bien senties, au fond d’une enveloppe.
J’ai eu ainsi la privilège de recevoir, il y a des années, d’amis qui ne me voulaient que du bien, un poème intitulé « Instit’ soit-il » soigneusement calligraphié. Lorsqu’il m’arrive de prendre des positions atypiques, ou que je n’assume pas des responsabilités aussi durement qu’ils le voudraient, quelques délateurs courageux déposent des messages dans la boîte aux lettres de la mairie.
Chaque fois, je pense que lors de la dernière guerre mondiale, bon nombre de dénonciations ont du parvenir sur les bureaux de la Gestapo ou de la Milice. Il paraît même que des centaines de femmes et d' hommes ont été, déportés ou tués par cet anonymat désastreux.
AUCUNE DES REGLES DE BASE
Depuis quelques jours, on a droit à un florilège de l’anonymat manié par des experts, des maîtres en la matière. On y trouve d’abord des services de l’Etat qui, par essence, relèvent de la discrétion absolue. Pas une trace, pas une preuve, pas une identification. Or, malheur des malheurs, aucune de ces règles de base n’a été respectée. Mieux, le plus éminent des spécialistes a tout fait pour que rien ne soit visible.
Ensuite, on accumule les rendez-vous réputés secrets, mais dont tout le monde connaît le lieu, l’heure, le contenu. Enfin on constate que la justice, dont le cabinet des juges doit étouffer tous les aveux, utilise également le système des preuves arrivées dans des lettres providentielles anonymes. Tout se passe en cachette, ou est réputé même « confidentiel défense » . Or, si tout s’apparente à la théorie forcément anonyme du complot, tout finit sur la place publique, sans que l’on cherche à identifier les livreurs à domicile.
Il y a des choses, dans la vie, qui ne sont jamais réalisées. Ainsi, vous aurez du mal à trouver quelqu'un qui vous envoie une lettre anonyme pour vous annoncer une bonne nouvelle.
Ce n’est pourtant plus totalement vrai, car les journalistes et les juges sont les plus heureux et comblés, quand sur leur bureau, arrive une enveloppe en kraft soigneusement cachetée. Mieux, maintenant ils ont même des courriels qui peuvent alimenter leur soif d’apprendre sur les turpitudes des autres sans efforts
L’ère des vengeurs masqués a sonné. Celles des menteurs masqués aussi. Le problème : ni les uns, ni les autres ne sont là pour sauver le monde ou défendre la veuve et l’orphelin. Ils sont là unqiuement pour défendre leur avenir et tuer les autres. Anonymement bien sûr!
Mais je déblogue…
 
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12 mai 2006 5 12 /05 /mai /2006 13:21
Toute société organisée repose, en fait, sur des piliers identiques. Le politique, l’économique, le médiatique et le judiciaire, restent les quatre grands secteurs que les hommes mettent désormais en place pour gérer leur quotidien ou tenter d’assurer leur avenir. De leur indépendance ou de leur imbrication dépend donc en grande partie l’authenticité de la démocratie.
Leur hiérarchisation révèle également les évolutions profondes qui parcourent les systèmes organisés. Durant des siècles, le politique a occupé la première marche du podium, car il s’était donné les moyens de peser sur tous les autres volets de la vie sociale. Or, depuis une décennie, on assiste, impuissants, à la déclinaison inexorable du politique. La déliquescence des rouages de ce qui fut la base d’un système à peu près convenable est accentuée par le fait que sa primauté est battue en brèche par les autres entités de plus en plus puissantes.
L’affaire Clearstream (ça ne s’invente pas) constitue l’illustration parfaite de la dérive des fondements même de la République. Une sorte de fonte de la " banquise " institutionnelle, qui conduit à la constitution d’un marécage de principes n’inspirant plus confiance du tout au " marcheur " citoyen.
Pas un seul secteur social n’a pas trahi. Pas un seul d’entre eux n’a pas " trempé " dans ce qui restera comme le symbole de la fin d’une époque. Pas un pilier qui ne se fissure pour menacer ruine. Certes, le politique, fortement miné par les attaques incessantes dont il fait l’objet, est au bord de l’effondrement pur et simple, mais les autres ne sont guère plus brillants. De jour en jour, leur crédibilité se lézarde.
La situation devient donc extrêmement grave, car plus les jours passent, et plus le recours à une " autorité sauveuse " va prendre corps. Un peu comme, quand la IV° République a vacillé, le Pays n’a pas eu d’autres recours que d’aller quérir l’homme providentiel, celui qui incarnait la rigueur et la capacité à mettre un terme à la démolition organisée de la maison commune. Le problème, c’est que nous n'avons actuellement, dans les réserves de la République, aucune personne ayant cette stature. Et que si nous vivons sous la menace du " coup d’état permanent ", il ne repose que sur la multiplication des " effets d’annonces " d’un insatiable agité des estrades.
Dans quelques semaines, à ce rythme, le pays ne réclamera pas nécessairement une Lady Di de la politique, mais une femme ou un homme d’état à poigne, décidé à donner un grand coup de pied dans une fourmilière en train de devenir folle et de s’auto-détruire de l’intérieur.
MANQUER D’OXYGENE
Le système politique malade s’oriente vers le coma, avec comme seule excuse potentielle le fameux " ce n’est pas moi c’est l’autre ". Il risque rapidement de manquer d’oxygène, et de sombrer dans l’inaction forcée totale, au moment où justement il devrait faire preuve d’une vigueur accrue. Un peu comme dans la célèbre chanson de music hall :  tous les organes vitaux sont atteints. Victime d’une "légère attaque cérébrale", le Président s’enfonce dans l’irresponsabilité absolue. Il se contente de maintenir une illusion de capacité à gouverner, en effectuant des dénégations permanentes. A chaque mise en cause, il n’a qu’une seule manière de démonter sa lucidité : " je n’ai rien vu, rien entendu, rien dit " de manière ostensiblement méprisante. L’électroencéphalogramme quasiment linéaire devrait affoler la " famille ", alors qu'elle se contente de laisser filer la situation.
Le " coeur " même de l’Etat n’a plus aucune fiabilité. Il est agité de soubresauts constants, attaqué de toutes parts pour avoir probablement tenté d’expédier vers les autres " organes " des toxines mortelles. Là encore, tous les électrocardiogrammes d’opinion s’orientent vers la platitude absolue… Aucun problème : laissons le s’épuiser à petit feu pour tenter la greffe en dernière extrémité.
Et vous avez le " poumon ", celui qui ne manque pas d’air, qui court dans tous les sens en expliquant que sans lui il n’y aura plus un souffle de vie dans la partie droite du corps. Il essaie de récupérer l’enveloppe charnelle, avant autopsie publique, en prétendant que lui, et lui seul, peut lui redonner vie.
Tout le reste, nécrosé et paralysé, est agité de spasmes permanents, totalement inutiles pour estomper ce que l’on appelle la déchéance physique totale, la mort clinique annoncée. Le politique ne se rend même plus compte de la gravité de son état. Elle attend une perfusion de sang frais, mais celle-ci n’est prévue que dans un an, et on ne sait pas si la poche qui arrivera ne sera pas pire que le mal en cours.
MONDIALISATION OUTRANCIERE
Le système économique vient de révéler ses limites dans la vallée d’Aspe et à Toulouse. C’est un tout petit événement à l’échelle des problèmes que pose la mondialisation outrancière, mais qui renforce le sentiment général sur le rôle des investisseurs. La liberté absolue réclamée par ses responsables conduit inexorablement à la mise en cause de décisions dans lesquelles l’humain n’a plus sa place. Ils clament sans cesse leur pureté, leur honnêteté, leurs misères causées par des contraintes outrancières infligées par le monde politique. Cette rigueur morale et philosophique dont ils n’ont rien à faire, par ailleurs, au quotidien.
Dans l’affaire Clearstream, on retrouve en effet l’éternelle notion de profit au centre de la machination. Mieux c’est (et on l'oublie) par le système économique (vente d’armes, commission occultes, luttes de pouvoir interne…) que le scandale est arrivé. On constate avec des cris de vierges effarouchées que EADS, entreprise type de la mondialisation, exemple européen de la réussite, a servi de nid à une machination politique. Un exemple, parmi tant d’autres beaucoup moins médiatisés, de l’absence totale de clarté entre les mondes des affaires et de la politique.
En fait, le problème Toyal soulevé par Jean Lassalle ne fait qu’illustrer le mépris des grandes entreprises vis-à-vis de ces élus du Peuple qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, et qui ne portent pas un regard admiratif sur cette caste dirigeante se croyant tout permis. Ils sont tellement habitués à avoir des gens aux ordres (via des combines liées au profit) et qu’ils transforment en valets de leurs pratiques, qu’ils ont été traumatisés par l’entrée en résistance individuelle de l’un d’eux. La perte de confiance dans les responsables économiques est au moins aussi grande que la défiance vis-à-vis des décideurs gouvernementaux. L’écart considérable entre le phénomène Lassalle, et la vision qu’avaient les PDG de tous poils des hommes politiques, est gigantesque.
DECALAGE AVEC LA REALITE
Pour les médias, il faut bien reconnaître que la situation n’est guère plus brillante. Comment voulez vous que des téléspectateurs un tant soit peu lucides croient dans l’éthique journalistique, quand ils constatent le décalage entre la réalité et ce qu’ils donnent en pâture au bon peuple ?
Comment croire qu’il n’y a pas de manipulation médiatique évidente quand on constate que c’est un… journaliste du Figaro qui a servi d’intermédiaire entre le Général Rondot et Nicolas Sarkozy, que c’est la femme d’un Ministre en exercice, ennemi déclaré de Crin Blanc, qui donne les dernières nouvelles du front de l’affaire, que les enveloppes secrètes arrivent spontanément dans les salles de rédaction ? A qui veut-on faire croire que le déluge de copies des auditions des uns et des autres n’est que le fruit d’un désir citoyen de transparence ? Quel est le gogo qui peut admettre que les silences pesant de TF1 ou de France 2 sur Clearstream relèvent seulement du souci d’indépendance ? Avez vous compté, simplement, en une semaine, à combien de reprises, sur ces deux chaînes, les noms de Nicolas et Ségolène en balade ont été prononcés, comme si c’étaient les seuls porteurs d’un idéal républicain ?
Le système médiatique, incapable de s’assumer financièrement, est devenu l'otage des financiers ( cf le cas Dassault ou la situation de France Soir ou le virage de Libé ou les problèmes traversés par le Monde), pour lesquels le contenu éditorial doit être au service de leur idéologie. Là encore, la perte de confiance s’accélère au détriment de l’information, pilier comme les autres de la démocratie.
CONFIANCE EN LA JUSTICE DE MON PAYS
Il restait la justice. Combien de fois avez vous entendu cette phrase sentencieuse depuis quelques jours : " je fais confiance à la justice de mon pays… " . C’est le hasard, mais après Outreau (bel exemple de fiabilité de la justice), on apprend hier que le plus emblématique des chevaliers Bayard de l’instruction lave moins blanc qu’on le croyait.
La chaîne LCI (un pur hasard) a affirmé hier que le magistrat chargé de l'enquête sur la vente de frégates françaises à Taïwan avait "directement négocié" avec Jean-Louis Gergorin, un vice-président d'EADS, pour que ce dernier lui remette, de manière anonyme, des informations concernant le dossier. Le ministre de la Justice, Pascal Clément, a immédiatement annoncé qu'il avait saisi l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) afin que toute la lumière soit faite sur cette rencontre "hors procédure". Saint Copé a fait un émule : finie la langue de bois!
Renaud Van Ruymbeke, le juge sans peur et sans reproche se trouve à son tour pitoyablement pris les doigts dans le pot nauséabond de Clearstream… Il ne lui reste qu’à faire comme Chirac, De Villepin, Gergorin et consorts : démentir et nier ! La chasse aux élus est fermée pour quelque temps…
Que reste-t-il de solide ? A quel repère se raccrocher ? En quel idéal croire ?
Surtout pas en un président de la République élu avec plus de 80 % des suffrages. Pas non plus en un PDG de multinationale parlant de ratios, de développement. Méfiez-vous des détenteurs de cartes de presse, car elles peuvent en avoir la couleur, la saveur, l’odeur, mais pas nécessairement la valeur qu’on leur attribue.
Mais je déblogue…

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11 mai 2006 4 11 /05 /mai /2006 07:17
J’avais beaucoup aimé le film " Le promeneur du Champ de Mars ". J’ai eu un immense plaisir à suivre cette "fin" de François Mitterrand, magnifiquement interprétée par un Michel Bouquet d’autant plus époustouflant qu’il n’était pas un admirateur de celui qui était arrivé au pouvoir il y a eu 25 ans hier soir.
Ce 10 mai 1981, que j’ai vécu à Créon comme un profond moment de bonheur discret :  je n’ai ni klaxonné dans les rues, ni hurlé de triomphe, ni défilé, ni chanté. J’ai simplement partagé, en compagnie de quelques amis avec qui j’avais travaillé pour que ce moment arrive, à mon niveau, le bonheur de l’arrivée de la Gauche au pouvoir. Rien de plus que le sentiment du devoir accompli, même si, je l'avoue, je me méfiais du vainqueur. 
J’avais rejoint le P.S. cinq ans auparavant, imprégné des errances du PSU, et jamais, malgré toutes mes désillusions, je n’ai rompu le contrat moral avec mon espoir de changer le monde.
En regardant, hier soir, sur Canal +, une fois encore, ce face à face entre un homme et la mort, j’ai retrouvé des dialogues exceptionnels de vérité. Le Mitterrand qui se bat contre ce cancer de la prostate qui lui attaque les os, multiplie des phrases reflets de ce qu’il fut véritablement. Un florilège de mots, qu’il adorait égrainer comme un chapelet de cruautés lucides. Certains ont une résonance particulière en ce 10 mai 2001 pitoyable, avec un président fantômatique, enlisé dans les sables mouvants des affaires. Mitterrand aurait d'ailleurs lancé, à propos de Droopy : "Avec lui, ce sera pittoresque!" On est servi.
DES FINANCIERS ET DES COMPTABLES
" Je serai le dernier Président de la lignée de Charles De Gaulle… après moi, il n’y aura plus que des financiers et des comptables " lance, en sortant de la cathédrale de Chartres, ce Président venu contempler les affres de la mort sur les visages des gisants des Rois de France. Etrange voyage que celui de ce film, qui nous fait essentiellement entrer dans le monde intérieur d’un homme obsédé par la trace qu’il laissera dans l’Histoire. Seul quelqu’un de sa génération, ayant traversé, avec plus ou moins de réussite ou de loyauté, les moments " gris France " de la vie publique, pouvait croire en cette résistance profonde au néant. C’est en l’observant que j’ai compris que, dans le fond,  on ne meurt définitivement que quand on n’existe plus dans le souvenir des autres. 
Le " promeneur du Champ de Mars " érige la souffrance en dopage de l’intelligence, la maladie en refuge de l’esprit. Ses références permanentes aux écrivains, aux poètes, aux musiciens, aux écrits contrastent, tout au long de ses derniers mois d’une vie hors du commun, avec les fuites organisées de sa mémoire. Bloy, Rimbaud, Duras, Lamartine, Grodeck, Valéry, Hugo, Chateaubriand, Balzac, Stendhal, Bach, Dostoïevski…surgissent, tour à tour, dans une phrase, comme autant de références rassurantes à ceux qui sont déjà entrés dans l’Histoire. Il s'accroche à eux avec l'énergie du désespoir ("Je ne suis pas une page qu'on arrache facilement").
Il en arrive à être bouleversant, pathétique, émouvant, maniant le réalisme le plus cru et la poésie la plus tendre. L’homme nu de la baignoire perd ses illusions de gloire. " En cinquante ans de vie publique, il se heurte à la réalité  ("La réalité rêvée et la réalité réelle mais il faut savoir préserver à travers tout ce temps ce que l’on croît être sa propre permanence… "). Dans le fond il sait que l’on ne retiendra pas les miasmes de son parcours dans les marigots politiques, mais seulement les odeurs des parcours dans les champs de coquelicots de la Gauche. Il ne restera que l’écume des bons jours, et le goût amer des mauvais.
" Il faut avoir la passion de l’indifférence car c’est le seul manière d’avancer… ". Le promeneur redevient un contemplateur du temps, de son temps et de celui des autres. " J'ai envie de dormir tranquile..." annonce-t-il en parlant du lieu où il sera enterré.
LA SINCERITE REPREND SES DROITS
Ce Mitterrand des six derniers mois de son " règne " efface tout ce qu’il y avait eu avant. Machiavel ne fait plus que de furtives apparitions. Molière entre parfois en scène avec le secret espoir d’y mourir. Jaurès ne traverse jamais les salles aux parquets cirés. La sincérité reprend froidement ses droits, sous les coups de boutoir d’un destin encore robuste. Il lui faut pourtant absolument revenir sur les racines d’une carrière plongées dans l’eau trouble de Vichy, comme pour en exorciser une " maladie " honteuse. Le promeneur joue alors au chat et à la souris avec celui qui n’a pas trouvé le moyen de démêler la pelote des certitudes. On ne les aura jamais.
Malgré les ombres, malgré les ambiguïtés, malgré les colères froides, malgré des propos cassants, j’aime ce vieillard qui lutte contre un mal implacable, sans illusion sur ses successeurs (" Pourquoi est-ce qu’ils m’en veulent tant ?) et ses ennemis (" Ils me haïssent parce que je suis, pour eux, un traître "). Le droit d’inventaire le sépare des uns. Le symbole qu’il porte en lui (" Moi, j’aurai au moins duré 14 ans et je n’aurai pas été chassé par la rue ") le fait haïr par les autres.
" Les affaires, la corruption, il n’en restera pas grand chose. La droite a fait et fera bien pire "… confie, sur un banc du Champ de Mars, un homme désabusé. Avec le recul, il y a, dans ce film, des moments prémonitoires sur le destin d’un Pays dont il parle toujours avec amour, ce qui lui permet de le tromper à l’occasion sans trop des scrupules. Il n’y a que ceux qui aiment qui peuvent trahir. Or, Mitterrand n’a pas de gêne à manquer à un engagement, car il sait que seul l’essentiel restera dans la mémoire des hommes.
Le pouvoir, drogue dure dont on ne sait plus se passer quand on y a goûté, vous permet de transformer en rêve d’éternité la brièveté des jours (" Le temps ? C’est lui qui me rattrape maintenant ! "). Lorsqu’il lui échappe, on sent bien que l’envie de lutter n’existe plus, que la douleur ne vaut plus la peine d’être endurée. Cette humanité vacillante sincère, nue, contraste avec la mégalomanie dénoncée par celles et ceux qui souvent s’étaient placés dans son sillage.
LISSE, DROIT, PARFAIT
Le promeneur du dernier acte d’une vie, ne regarde plus guère le paysage. Il se contente de se retourner, de temps à autre, pour mesurer le chemin parcouru qu’il voudrait lisse, droit, parfait. Celui des allées forestières de Latché ou de la rue de Bièvre. Sur les autres, il ne voyait que des sinuosités. Or, on sait que pour atteindre les sommets, seuls les sentiers en lacets sont propices à l'ascension. J’ai souvent été déçu par ce parcours tortueux, mais il faut reconnaître que, depuis, on a vu pire sans provoquer les mêmes effrois. Un peu comme si, dans le fond, Mitterrand avait ouvert la voie.
Se plaignant du trop-plein de " fils ", il ne se fait guère d’illusion quand il affirme cependant " qu’on le met en quarantaine ". Propre aux malades contagieux, cette disposition reflète l’angoisse des autres (dont souvent justement les plus proches) d’être contaminés par un microbe néfaste, par une proximité trop grande. Mitterrand inspire davantage la peur que le respect. Nul, parmi ses successeurs, ne sait s’il le supplantera dans l’Histoire. Les statues des commandeurs sont encombrantes.
Dans ce film, la fin du règne ressemble étrangement à celle de la vie de l’homme qui l’assume. Elle s’étiole dans un compte à rebours inexorable avec, comme seule obsession, celle de tenir la faible distance restant à parcourir. Les derniers jours, comme les derniers mètres, sont les plus difficiles à parcourir, quand l’estime et les forces se dérobent. Il faut alors se trouver une raison de regarder devant, au-delà de la ligne d’arrivée.
Mitterrand pensait donc certainement aux lendemains, quand il évoquait la suite : " Le candidat socialiste ? Un homme capable de cristalliser les espérances et les réalités de la Gauche ". Une formule à la fois synthétique et vaste.
" Je crois dans les forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas ! " annonça-t-il au soir du 31 décembre 1994. Esprit es-tu vraiment là ?
mais je déblogue…
 
Relire aussi la chronqiue antérieure :  "MON TONTON A MOI"
en Janvier 2006
 
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10 mai 2006 3 10 /05 /mai /2006 07:17
" Il suffira pourtant de patienter et d’attendre les éditions prochaines du Canard Enchaîné pour en vérifier l’authenticité. Nous en sommes rendus aujourd’hui au top des pratiques politiques que je déteste : s’il y a un problème ce n’est pas de la responsabilité de celui qui le pose, mais de celle des journalistes qui le portent à la connaissance du public. A eux l’indignité nationale, aux " coupables " la pitié du peuple ! … Elles finiront peu à peu par éroder les plus robustes résistances car on sait que les vocations de corbeaux sont, dans notre France démocratique, au moins aussi nombreuses que celles de redresseurs de torts. Il y gros à parier que, dans les prochains jours, les " bernés " ou les " porteurs de chapeaux " potentiels vont laisser filtrer quelques preuves de leur bonne foi. Soyez patients, un document nouveau va arriver dans une rédaction ou une autre, sans pour autant que cette perspective affole les intéressés. Et alors, le mal sera plus fort que les pansements déposés sur des jambes de bois ".
Voici deux extraits de la chronique que je vous proposais dans " La Vérité si je mens 3 " le 3 mai dernier. Partant de ce que je connais du monde de la presse nationale, j’étais certain de mon coup. Pour avoir fréquenté la mouvance des gens bossant pour le Canard Enchaîné, je ne prenais pas grand risque, avec mes affirmations, car je connais leurs habitudes immuables. Chaque fois, le monde politique français de tous bords se laisse trimballer par une rédaction sachant fort bien remuer le couteau dans les plaies du mensonge.
Depuis des décennies, les responsables pris en flagrant délit n’ont qu’une obsession : la fuite en avant! Leur technique est invariable : ils démentent, un peu comme un joueur de poker voulant voir jusqu’où peut aller son adversaire, et  finissent toujours par perdre car ils savent bien que l’adversaire a plus d’un as dans les mains, mais ils espèrent que le bluff portera ses fruits. Ils insistent même car ils ne peuvent pas faire autrement, et finissent vaincus car ils ignorent véritablement ce qu’il y a d’autre derrière une révélation.
Or, pour avoir indirectement travaillé pour le Canard Enchaîné, je sais que ce journal ne prend jamais aucun risque et qu’il possède obligatoirement les preuves matérielles du moindre mot figurant dans l’un de ces " papiers ". Peu de gens d’ailleurs écrivent dans le Canard car il s’agit d’un privilège réservé à ceux qui sont capables de bien ficeler humoristiquement une information, à partir des éléments sûrs en sa possession. C’est probablement l’hebdomadaire le mieux informé qui ne distribue qu’une très faible part du "pactole" qu’il a en sa possession. En plus, si le sujet est délicat, on consultera un pool d’avocats qui dira jusqu’où on peut aller sans risques.

 

 

 

ON TIRE BALLE APRES BALLE
Il y a une foultitude d’exemples qui ont mis à mal des gens certains qu’ils allaient s’en tirer sans trop de mal. Au Canard, on n’arrose pas la cible avec des rafales, on tire balle après balle, pour faire durer le scandale. Je peux vous assurer que, quand paraît une preuveje sais, par expérience, qu’il y en a trois ou quatre en réserve. Si le " coupable " bronche ou tente de se débattre, il en prend une " autre " la semaine suivante. Et ainsi de suite jusqu’à épuisement. Le ravitaillement en vol du Canard est constant et sans limite.
Crin Blanc et Droopy le savent bien, mais ils sont dans la nasse et n’ont aucune autre issue possible que le démenti. Plus ils vont de démener, et plus leur espace politique vital va se refermer. Visiblement, le général Rondot doit avoir un lourd contentieux avec eux. En spécialiste de la fuite organisée, il sait que, pour ne pas risquer un accident dans la vie publique, il vaut mieux mettre dans une enveloppe les copies des documents que l’on possède et les confier au Canard. Ce sera à la fois votre assurance-vie et aussi celle qui vous permettra d'avoir raison au fil des semaines. Vous laissez faire… les autres.
Il m’est personnellement arrivé d’avoir eu, entre les mains, trois dossiers extrêmement explosifs lorsque j’étais journaliste. Sur le premier, en Octobre 81, j’ai le souvenir d’avoir été conduit, comme dans un roman policier, avec mes preuves que j’ai toujours gardées, chez un avocat bordelais du journal pour lequel je travaillais. Il lut mon article, vérifia les pièces en ma possession et… autorisa la publication. En l’occurrence j’avais trouvé un " chef " courageux… Ce ne fut pas le cas pour le second dossier, car il était tellement dangereux (malversations dans des faillites d’entreprises en vue) que, après avoir rencontré, de nuit, celui qui me le proposait, j’eus la mauvaise idée de le confier au responsable de la rédaction, qui s’empressa de le planquer, et m’empêcha ainsi de réaliser un second coup.
Le troisième, en janvier 82, intitulé " le tiroir caisse des Girondins " me valut une menace précise et directe du président d’alors (il réclama à l’époque 400 000 F de dommages et intérêts si je ne fournissais pas les preuves de mes affirmations), ce qui calma définitivement mais velléités d’enquête. Dans les trois cas le Canard récupéra indirectement les infos et des preuves, et en fit d’excellents papiers. Quand le mercredi arrive un missile, il est donc bien plus prudent de ne pas aggraver la situation en assurant que tout est faux : ces gars là ne partent jamais à l’assaut sans une cartouchière bien remplie !
CE QU’IL FAUT LA OU IL FAUT
Rondot, en bon militaire, sait que la meilleure garde rapprochée est celle qui peut frapper vite et précisément, pas celle qui s’abrite derrière un gilet pare-balles. Il a donc lâché ce qu’il faut, là où il faut. Hier, on a donc appris que le " corbeau ", dans l’affaire Clearstream, était l’un des protagonistes de la guerre des chefs chez EADS. Rien d’étonnant car, dans le milieu des affaires, la lutte pour le pouvoir est encore plus rude que chez les politiques, mais elle intéresse moins la France d’en bas ! Ami de Crin Blanc, il a servi de paravent à une manipulation commanditée par Droopy, avec l’espoir d’en percevoir les dividendes.
Le Canard affirme que l’informateur de Crin Blanc , " accompagné de l'avocat Thibault de Montbrial, a rencontré secrètement le 30 avril 2004 le juge Renaud Van Ruymbeke pour lui livrer les pseudo-informations sur les listings informatiques. Il prétendait que des personnalités du monde entier détenaient des comptes à la société luxembourgeoise Clearstream, crédités de sommes d'origine frauduleuse. Jean-Louis Gergorin aurait refusé que l'entretien avec le juge Van Ruymbeke soit enregistré en procédure, et que les listings lui soient remis officiellement, en prétextant qu'il craignait pour sa vie " Et le Canard… enchaîne les dates, les preuves, les éléments compromettants, pour résoudre ce qui n’est une énigme que pour les malvoyants du journalisme.
Ensuite, Droopy prend une nouvelle " balle " qui tuerait n’importe quel élu de base. A l'appui de ses affirmations sur un compte de Droopy dans une banque japonaise, Le Canard publie un extrait restreint du PV de déposition du général Rondot, dans lequel le témoin assure: "il est indiqué sur les documents que vous avez saisis à mon domicile que ce compte a été ouvert à la Tokyo Sowa bank, et a été crédité d'une somme totale évaluée par les services de la DGSE à 300 millions de francs". A mon avis, ce n’est qu’une première " bastos " comme on dirait dans la milieu. Les autres vont suivre… car elles sont dans le chargeur. Laissez donc les démentis forcenés venir, et je vous prédis un tir à vue sans pitié.
QUE DEVIENT LE SECRET DE L’INSTRUCTION ?
Ce que personne ne se demande, c'est comment le P.V. d’une audition devant des juges impartiaux et sérieux peut finir, en intégralité, dans les corbeilles à courrier de la rédaction du Canard ? Imaginez ce que devient, dans notre pays, le secret de l’instruction, quand deux journaux en reçoivent régulièrement des morceaux choisis ! Que vaudrait le dossier d’un élu de base ? Que lui arriverait-il face à une telle pression ? Quelle est la fiabilité de la justice ? Quel est le corbeau ? Ce sont tout de même des questions à se poser.
Jour après jour, le Roquet de Neuilly apparaît comme le chevalier blanc, victime des vilains comploteurs masqués (ou du moins qui croyaient l’être !)… Il jubilait à Nîmes, cité des Crocodiles, où l’on versait déjà des larmes sur son sort.
Il n’est pour rien, garantit le Ministère de l’intérieur, dans les pratiques de ce "brillant" Général Rondot, qui bizarrement, a conservé chez lui, dans le vaisselier familial du salon, tous les documents accablant Crin Blanc et Droopy, afin que les juges ne se fatiguent pas trop à rechercher des preuves. Si ce gars-là a été le plus grand spécialiste français du secret, il y a lieu de s’inquiéter sur le niveau du reste des troupes ! Son incapacité à faire disparaître des éléments de preuve ne m’étonne plus sur le fiasco de l’opération du Rainbow Warrior !
A remarquer aussi que, chaque fois que l’on évoque la déclaration aux juges de cet éminent Général, les personnes mises en cause se déclarent outrées par ses calomnies, par leur caractère tronqué, par leur flagrante inexactitude… Incroyable, il a raconté n’importe quoi, à croire qu’il est atteint d’une mythomanie pathologique. Je comprends qu’on l’ait expédié à la retraite !
En fait, la manœuvre, parfaitement réglée, ressemble à une machine infernale qui a explosé, par un habile retournement de situation, à la figure de ceux qui croyaient l’avoir soigneusement montée. Et, croyez moi, le Roquet de Neuilly n’y est pour rien. C’est le général Rondot qui l’affirme, et ce gars-là, vous pouvez le croire…
Mais je déblogue…
 
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9 mai 2006 2 09 /05 /mai /2006 07:19
Il y a des courants forts qui traversent les sociétés, selon les époques. Ils s’attachent, paraît-il, à des mots ou à des formes de pensée. Ainsi des statistiques sur l’emploi d’une expression ou sur un préfixe dénotent de fortes évolutions des comportements. Le début du XXI° siècle sera marqué par une parcelle dont on méprise l’impact : anti. Désormais, pour exister, il faut absolument être anti quelque chose ou anti quelqu’un. La source de cette méthode de pensée pourrait se trouver dans la lourde période de l’affaire Dreyfus, puisque la France fut partagée en deux camps farouchement opposés.
Le problème vient de la multiplicité des prises de position négatives, dont on se demande parfois si elles ne constituent pas les seuls ferments de la solidarité. L’association, conçue à ses origines pour construire, pour améliorer, pour apporter un supplément de bien-être, grâce à des objectifs bien définis, devient essentiellement, au fil des années, un moyen de s’opposer à un projet, à tout ce qui peut traduire d’une manière ou d’une autre une facette de l’intérêt collectif.
Certes, il est louable qu’il existe, dans une démocratie, des contre-pouvoirs, mais ils deviennent très préoccupants quand ils ne sont que la conjonction d’anti tout et rien. Il suffit que durant une semaine vous suiviez attentivement l’actualité, pour vérifier que les oppositions de toutes natures prennent le pas sur le progrès. Durant ces derniers jours les " anti-ours ", les " anti-OGM ", les " anti-pub ", les " anti-tabac ", les " anti-L.G.V ", les " anti-grand contournement de Bordeaux ", les " anti-pont levant sur la Garonne " ont occupé le devant de la scène nationale ou locale. Ils se croisent d’ailleurs, se retrouvent, se confortent et finissent par accaparer les débats en cours.
UNITES COMBATTANTES SUR LE FRONT DE LA VIE PUBLIQUE
Afin que les choses soient claires, j’appartiens, moi aussi, à quelques-unes de ces unités combattantes sur le front de la vie publique, car il est inévitable de ne pas être d’accord avec chaque conception de la vie collective. Parfois, j’en perçois le caractère difficilement acceptable, surtout quand, à mon tour, je me retrouve face au " mur " des anti… Tous mes efforts de maçon de la conviction pour construire des arguments positifs me paraissent alors vains et sans grande portée.
Le débat ne repose plus, en effet, sur le raisonnable mais sur l’outrancier et l’approximatif avec très loin, là-bas, en toile de fond, l’intérêt de la majorité. On se heurte, en permanence, à une minorité plus ou moins agissante. Compte tenu du fait qu’il n’y a jamais de projets parfaits, de décisions susceptibles de rallier l’unanimité, de propositions idéales, l’armée des anti recrute en permanence. Elle se répand dans les villes et les campagnes à une impressionnante vitesse, mettant parfois en péril les fondements actuels de la représentation politique. Elle-même n’échappe pas à la crise, car les fronts anti-l'un ou anti-l'autre prolifèrent.
D’ailleurs, le principe a atteint son sommet, récemment en France, avec l’élection de Jacques Chirac, il y a exactement 4 ans ; puis iI a été confirmé par le résultat du référendum sur le Traité constitutionnel européen. Bien des malheurs actuels du gouvernement ont leurs racines dans le fait que les dernières échéances électorales nationales n’ont jamais constitué une adhésion à un homme ou à un programme, mais le refus d’un autre homme et d’un autre programme. En 25 ans seul Mitterrand aura réussi la performance d’avoir deux " adhésions " incontestables, malgré tout ce que l’on peut avoir à lui reprocher, du Peuple. Depuis, on vote " contre " avant de voter " pour ". Lionel Jospin, faute d’avoir mobilisé positivement, en a fait la douloureuse expérience. Le Pen en demeure en revanche,  le principal bénéficiaire.
LES FAMEUSES COTES DE POPULARITE
Cette situation permet de relativiser les commentaires actuels sur l’élection présidentielle de 2007. En effet, ils reposent essentiellement sur les fameuses cotes de popularité positive…c’est à dire sur une vision globale, vague, de l’image portée par des personnes.
Si l’on prend un peu de recul, il faut constater objectivement que ces résultats ne correspondent pas au vote ultérieur des " sondés ". En effet, si l’on se donne la peine de revenir en arrière sur les présidentielles, et les intentions de vote plus de 6 mois avant, voici les résultats de l’IFOP avec, entre parenthèses, le score constaté au 1° tour.
1974 : Mitterrand en tête à 36 % (43,2), Giscard affiche 27 % (32,6), Chaban-Delmas 26 % (15,1). Giscard élu !
1981 : Giscard en tête avec 34 % (28,3), Mitterrand  à 19 % (25,8), Chirac à 12 % (18), Le Pen à 0,5 %. Mitterrand élu !
1988 : Mitterrand est à 38 % (34,1), Raymond Barre à 25 % et… Chirac à 18 % (Chirac à 19,9), Le Pen à 10 % (14,4). Mitterrand élu !
1995 : Balladur se promène à 33 % (18) devant Rocard à 25 % devant … Delors à 24 % (Jospin : 21), Chirac à 17 % (21). Le Pen à 11 % (15). Chirac élu !
2002 : Jospin obtient 27 % (16,2), Chirac 26 % (20) et Le Pen… 8 % (16,9). Chirac élu !
Sauf en 1988, jamais, à plus d’un an du premier tour la cote de popularité constatée n'a été confirmée par le résultat. Michel Rocard en est le plus bel exemple, Balladur le second et a contrario Chirac et Le Pen les contre-exemples. Rocard a toujours été plus populaire que Mitterrand. Balladur n’a jamais été devancé par Chirac sauf dans les dernières semaines précédant le scrutin.
Et, toutes les analyses démontrent que ce que l’on croit être la vérité, un an avant, n’a aucune réalité au moment de passer dans l’isoloir. Au passage, il faut avoir le courage de remarquer que Le Pen a, chaque fois, bien mieux fait que les intentions affichées en sa faveur un an avant. Or, actuellement, le dernier sondage lui donne 18 % selon la SOFRES… Si les tendances antérieures se confirment, on peut déjà sortir les pancartes des anti-Le Pen !
UNE MEFIANCE IMPOSSIBLE A ERADIQUER
L’angoisse de l’avenir ne facilite pas l’adhésion positive. Une méfiance qu’il devient impossible d' éradiquer sur les promesses contenues dans les programmes et sur les ménagements. La multiplicité des tromperies n'arrange pas la tâche des femmes et des hommes sincères. Les O.G.M. comportent par exemple des risques, mais il est très difficile de les connaître et les maîtriser. Faute de transparence réelle et de respect des règles élémentaires de précaution, on fabrique des anti…OGM
En proposant des tracés invraisemblables pour le grand contournement de Bordeaux, on facilite la contestation, puisque certains constituent visiblement de la pure provocation. En focalisant tous les maux de la terre sur le tabac, mais en oubliant sciemment la bière, les alcools forts, le cannabis, les produits dangereux contenus dans l'alimentation, on coupe la France en deux : fumeurs et anti-fumeurs. En inondant les boîtes aux lettres, les écrans télé, les pages des journaux, les murs des villes ou les entrées de village, de pub, on exaspère les citoyens qui deviennent anti-pub!
En fait, chaque fois qu’apparaît un renoncement à affirmer des principes clairs, que l’on détecte, sous-jacente, la notion de profit, que la concertation arrive trop tard, que l’on s’éloigne de la notion essentielle du principe de précaution, on détruit un peu plusAinsi au nom d’une conjonction d’intérêts particuliers on étouffe lentement la notion  d'intérêt général. Rançon de l’égoïsme institué en style de vie.
Mais je déblogue…
 
 
 
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8 mai 2006 1 08 /05 /mai /2006 12:35
L’immigration alimente, en ce début mai, le débat national. Ce thème occupera, une fois encore, le devant de la campagne présidentielle et il suffira d’une étincelle naturelle ou artificielle pour provoquer une nouvelle déflagration raciste le moment venu. Malheureusement, sur ce sujet, comme sur bien d’autres, les personnes en ayant vécu les réalités devraient être entendues et surtout écoutées. Les gens issus de l’immigration ne sont pas conviés à cette décision, puisqu' aucun des Français possédant une expérience dans ce domaine ne siège parmi les gens chargés de rédiger la loi. Et il y a fort à parier que ce n’est pas demain ou même après demain qu’ils auront les moyens de défendre leur vision de ce phénomène, pourtant aussi vieux que la société.
En effet, il suffit de se pencher sur un livre d’histoire pour constater que, de tous temps, il y a eu des flux migratoires plus ou moins forts entre les continents. Des milliers de Français sont partis vers les Amériques pour, avec espoir, y vivre ; et découvrir la précarité, le rejet, le combat pour la vie. Ou pour bien d’autres destinations, au moment où le contexte économique les poussait à aller chercher un revenu vital minimum ailleurs. On oublie de dire que les jeunes sont d’ailleurs encore nombreux à quitter leur ville ou leur village pour trouver un boulot, plus ou moins instable, en Angleterre ou en Espagne. Logement médiocre, difficulté de communication, rythme de travail exigeant, regret du pays natal, retours fréquents vers la famille : ils traversent souvent des difficultés similaires à celles que connaissent celles et ceux qui veulent venir chez nous pour tenter, enfin, d’entrer sur le chemin de la réussite. Il faudrait les questionner, leur demander comment ils vivent ou ont vécu cette impérieuse nécessité voulant que, pour exister, il faille se rendre sur une autre terre.
L’immigration n’est vécue que sous sa facette médiatique, et donc sur celle des apparences. Elle est rarement analysée à la lumière de l’histoire, car ce serait admettre des années ou des siècles d’erreurs dont nous payons tout simplement l’ardoise. Comme la tentation française consiste à se considérer comme les seuls porteurs des grandes valeurs humanistes, il s’avère impossible de remettre en cause des pans entiers de ce qui constitue l’image d’Epinal de notre pays. Et ce, d’autant plus que tous les partis politiques actuels ne sont que les héritiers de ceux qui ont plus ou moins bien assumé les décisions, sous toutes les Républiques successives.
EN CONNAITRE LES REALITES
Les hasards de la vie font que j’ai connu, comme petit-fils et fils d’immigrés, le contexte social existant autour de ce choix de vie. Je ne l'ai pas appris dans des livres ou devant la télé. je l'ai vécu. J’ai toujours voulu en connaître les réalités, afin de pouvoir apprécier celles du présent. Ce qui m’a frappé c’est la pérennité du processus.
Tout commence toujours par une terre ne pouvant plus nourrir les personnes qui y sont nées. Une famille nombreuse, une propriété insuffisante, une rentabilité nulle et obligatoirement vient l’envie d’aller louer ses bras ailleurs. Aucun argument n’a raison de ce besoin, reposant sur une vision partielle des autres économies, obligatoirement meilleures que celle que l’on vit chaque jour. Toutes les difficultés présentées (difficulté du voyage, conditions d’accueil, rareté du travail, incertitudes administratives…) ne changent rien à ce qui constitue une obligation.
Mon grand-père, il y a un siècle, a donc été l’un de ces clandestins qui franchissent les frontières de nuit, à pied, pour ne pas se faire intercepter… Il avait accompli, à deux ou trois reprises, des voyages incertains entre la Vénétie italienne et le Nord de la France, comme saisonnier dans les immenses propriétés de Picardie. Chaque retour au pays renforçait sa volonté d’émigrer, car les jeunes autour de lui ne parlaient que de départs vers l’Amérique (pour les plus riches) ou vers d’autres contrées plus proches, ne nécessitant pas l’investissement d’une longue traversée.
Les filières existent depuis des siècles. Les passeurs aussi. Le financement de ces passeport vers une liberté "économique" n’a jamais disparu. Le premier qui réussit indique nécessairement aux autres les moyens de rejoindre ce qui est devenu un Eldorado.
Croire que ce système va disparaître, du jour au lendemain, par une loi relève de l’utopie complète. Il y aura toujours des clandestins à régulariser, sauf à dresser un mur autour de l’Europe. Allez donc durant quelques jours partager dans un village du Burkina Faso, les conditions réelles dans lesquelles vivent les candidats à l'émigration, refusez la chambre d’hôtel climatisée ou le repas aseptisé, et ensuite vous discuterez différemment de l’immigration clandestine. En rassemblant, récemment, pour une soirée conviviale, à Créon, tous les témoins de cette période d'avant-guerre où " les Italiens venaient manger le pain des Français " les participants non concernés ont pris conscience que rien n’avait véritablement changé sur l’accueil réservé aux immigrés !
LES MACARONIS
Les premiers bénéficiaires de ce phénomène social constant sont en fait toujours les mêmes : les acteurs économiques. Mon grand-père endura le martyr dans les hauts fourneaux de Talange, tenus pas les fameux maîtres des forges. Son frère effectuait 16 heures consécutives de travail dans cet enfer, et lui ne sut jamais tenir ce rythme… Dans le quartier où s’entassaient les " Macaronis ", il ne rêvait que de rassembler sa famille constituée d’une épouse enceinte de mon père et d’une petite fille de quelques mois… Une unique pièce, au-dessus d’un café, hébergera tout le monde arrivé bien évidemment dans la clandestinité. Il fallait en passer par là... et dire que ce problème va se régler en l'interdisant par une loi, c'est une fois encore jeter de la poudre aux yeux des citoyens crédules!
L’étape du rapprochement familial n’a pas changé, et ne changera pas. Qui ose prétendre que cette envie est illégitime ? Que dirait-on si on interdisait à un Français expatrié de faire venir à ses cotés ses enfants et sa femme ? Qui peut sans cynisme assurer que la séparation familiale constitue une avancée pour le pays des droits de l’Homme ?
Légiférer sur ce sujet, comme sur bien d’autres, devrait impliquer une prise en compte des réalités, et pas seulement des batailles absurdes de mots à des tribunes, discréditées par leur incapacité à régler le sort des puissants. En se contentant de soigner les effets et pas nécessairement les causes d’un phénomène planétaire (et pas, comme on le fait croire, strictement européen) on met un cautère sur une jambe de bois !
PAPIERS TELLEMENT DESIRES
Mon grand-père mettra plus vingt ans pour obtenir la nationalité française. Quand il arrivera à "toucher" ces papiers tellement désirés, il s’efforcera par tous les moyens de les respecter. Et, lentement, il empruntera l’ascenseur social, traversant des étages plus ou moins difficiles.
Malgré tous ses efforts, il ne devint jamais réellement Français. Il resta pour certains le "Macaroni". Mon père, malgré un mariage " mixte ", comme ce fut le cas pour quasiment tous les gens de la seconde génération, restera lui aussi, durant des années, le fils du Macaroni. J’ai en mémoire les propos tenus, un soir, dans une réunion publique des municipales de Sadirac, où avaient surgi les vieux démons d’avant-guerre. Un affront. La blessure demeure.
En fait, l’immigration ne pose un véritable problème que si le Pays où elle s’exerce traverse une crise sociale. Le racisme qu’elle génère, le rejet qu’elle suscite, ont leurs racines dans l’absence d’avenir pour les femmes et les hommes qui voient arriver ce qu’ils prennent pour des hordes barbares, des sangsues sociales, des prédateurs d’emplois, des marginaux culturels.
On ne fait des lois que pour conforter l’opinion dominante. Il faut absolument, pour les gouvernants, aller dans le sens de ce que l’on croit être celui de l’histoire. La tendance s’accentue : l’Assemblée nationale ne fait que suivre ce qu’elle estime lui apporter la considération populaire, et bien évidemment le Roquet de Neuilly ne se prive pas de conforter un processus désormais incontournable. La France éternue, et les députés s’enrhument.
Ils ne régleront rien du tout avec un texte complexe, répressif, destiné à flatter l’ego d’une partie de l’électorat silencieux, inutile. Ils accentueront le désarroi de gens seulement en quête d’un espoir de vivre mieux. La loi Sarkozy va assurer aux entrepreneurs la possibilité, désormais, de proposer des Contrats Première Embauche (CPE) pour étrangers. Des femmes et des hommes malléables que l’on pourra opposer à ces jeunes Français rebelles à la flexibilité. L’intégration ne sera pas meilleure, et l’immigration se stockera aux portes de l’Europe pour aller vers des pays plus accueillants. Mais les élections présidentielles proches exigent que l’on hurle  avec les loups, qui demeurent des loups pour les hommes !
Mais je déblogue…  
 
Troisième photo : Mes grands-parents avec mon père et ma tante en 1925 à Talange
 

SI VOUS NE L'AVEZ PAS FAIT LISEZ L'ARTICLE "ZIDANE L'ALBATROS"
DANS CE BLOG SUR LA RETRAITE DE ZIZOU
 
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7 mai 2006 7 07 /05 /mai /2006 11:01

Les repas entre amis politiques (je sais c’est déjà antinomique),  constituent pour moi des moments privilégiés. D’abord, parce que ce sont des haltes sur les chemins du quotidien, durant lesquelles les décisions, les faits, les propos, les gestes échappent aux règles habituelles de la prudence. Nul n’est là pour juger, et on peut véritablement se laisser aller : on respire autre chose que l’opinion dominante habituelle. La vie publique ressemble, ensuite, à celle de l’abeille que l’entomologiste a marqué d’un point de couleur, et dont il observe en permanence les allées et venues, les comportements, les actes pour en tirer des conclusions plus ou moins vérifiables sur ses états d’âme. La pression naît de ce sentiment qui plane sur l’interprétation qui pourrait être faite de tout écrit, toute parole, toute attitude. Un soir ou un midi, de temps en temps, il devient donc possible d’échapper, dans une ruche plus ou moins fournie, à la loupe des savants du café du commerce ou de ceux formés pour justement détecter les « pailles » dans les regards des autres.

Dans ce type de moments, trop rares, se pratique le sport le plus agréable. Il devient en effet possible de se défouler en effectuant un parcours de vérité particulièrement bienfaisant, consistant à pouvoir dire ce que l’on ne peut jamais ou rarement dire. Il n’y a rien de plus agréable que ce parcours dans le quotidien qui vous affranchit de toutes les prudences. On tire à vue, avec une propension à la rafale vacharde qui porte, vous vous en doutez bien, toujours sur les absents.

D’ailleurs hier, au Lac, tous les ténors du PS avaient réservé une bout de salle de restaurant pour "dépioter" avec leurs "amis" un contexte particulièrement serré. En revanche, en dehors de ces moments de vérité, ils sont allés faire un tour sous les regards plus ou moins amènes des troupes rassemblées en faveur du projet. Les crimes parfaits ne se commentent que dans un cercle restreint, et s’effectuent dans la pénombre des cabinets. La spécialité française à laquelle on ne fait plus assez référence, repose sur cette propension à régler les choses les plus importantes de la vie, autour d’une table publique ou privée. Quand on lance à quelqu’un : « on se fait une bouffe » c’est, qu’en général, on a besoin d’en expédier aux autres…

AJUSTER LES POSITIONS

Lors de l’apéritif, première étape,  moment clé de ce type de rencontre, se confient les nouvelles les plus proches. On échange sur l’immédiat, pour éventuellement ajuster les positions qui pourraient être prises ultérieurement. Les propos se confient en tête à tête, afin de prendre la température du moment. Les groupes ne se constituent qu’autour des responsables, dont il faut absolument connaître par avance les états d’âmes, au cas où il faudrait s’exprimer un peut trop brutalement. Ce « round d’observation » est particulièrement intéressant à analyser. Il donne, en premier lieu,  la « tonalité » du menu du jour. En général, il vaut d’ailleurs mieux écouter que s’exprimer.

La durée de cette partie apéritive dépend souvent de la ponctualité des invités. L’importance se juge ainsi parfois au retard… Celui qui s’estime indispensable donne du temps au temps, sachant que nul n’osera s’installer en son absence.

Le placement à table devient alors la seconde étape de ce repas entre amis. Il faut, non pas être à coté du mentor du jour (ou supposé tel) mais le plus possible face à lui, car c’est le meilleur moyen de se positionner en tant que référence. Ces places là sont chères, et ne relèvent pas de l’appropriation sauvage. En général, elles sont vite occupées par les plus ambitieux. On les repère aisément, car ils vont discrètement effectuer un droit de préemption en plaçant un objet personnel qui ouvre ensuite, au moins, des possibilités de négociation.

Si on vous affecte une place aux cotés de la personne la plus influente, ce n’est que pour affirmer votre rôle de chef potentiel ou parfois, et c’est beaucoup plus subtil, pour ne vous attribuer qu’un rôle honorifique, et vous écarter de l’action elle-même. Il faut surtout être attentif au fait qu’en se mettant du même côté que le leader, on se privera du fait qu’il mémorise votre visage et votre prise de parole. Mieux vaut donc être visible de lui à une place plus lointaine. Autre détail à ne pas négliger : le sens du parcours des aiguilles d’une montre. C’est en effet sur cette base-là que circulera, ensuite, la première possibilité de donner son avis. En s’asseyant par exemple à côté du leader, mais à sa gauche, on est quasiment sûr que, quand votre tour arrivera, tout aura été déjà dit, et que vous risquez de ne pas faire très original…

INSTALLATION COMPLEXE ET SUBTILE

Cette installation très complexe et extrêmement subtile constitue un préalable au véritable repas entre « amis politiques », qu’il faut nettement distinguer dans la hiérarchie du « buffet entre amis », et du « banquet entre amis », beaucoup moins importants, car beaucoup moins valorisant pour les participants. Ce sont un peu ce que sont les « concerts grand public » au « soirées de cabaret ». Le nombre nuit fortement à l’efficacité du projet.

Dans un premier temps, en général, il est indispensable d’écouter l’analyse de la puissance invitante. Par respect et par tradition, c’est elle qui va donner le « la ». Ce sera, soit la confirmation de ce que l’on a glané dans la période d’attente avant de passer à table, soit la surprise totale qui va nécessiter un réajustement des positions. Ce propos liminaire se prononce très souvent après l’entrée. Il n’est jamais extrêmement agressif ou inédit. Il se contente de faire un point sans trop d’aspérités, dans l’attente des commentaires des uns et des autres. Il ne soulève que rarement de l’étonnement ou des interrogations profondes car, en France, dans un repas, il ne faut surtout pas gâcher les premiers pas dans le menu. Le repas perdra ensuite de son importance quand on entrera dans le débat si c’est l’objet du jour. Souvent, en effet, une extrême prudence autour de la table conduira les convives à … rester sur leur faim ! Ils repartiront sans avoir pu exprimer autre chose qu’un soutien appuyé à l’invitant du jour.

STRATEGIE BIEN MAITRISEE

A contrario, il arrive que, immédiatement, par une stratégie bien maîtrisée les empêcheurs de déjeuner paisiblement entre amis sévissent. Ils savent que, pour affirmer une identité, il est indispensable de faire dans la contradiction. Ils n’ont une chance de marquer des points que s’ils sont dans les premiers ou… les derniers intervenants lors du tour de table, car  ils auront le privilège d’avoir lancé la discussion, et on ne fera plus que référence à leurs propos avec ce début d’intervention dévalorisant pour les autres : « comme on l’a dit tout à l’heure… »  ou, pire : « je partage tout à fait l’analyse de… ». En fin de parcours de la parole, on peut se distinguer en prenant à contre-pied l’ensemble des intervenants et en jouant le vilain petit canard grincheux qui a la digestion des arguments difficiles. Tout dépendra, en fait, de l’ambiance générale, soit optimiste (pas de critiques et tout va bien dans le meilleur des mondes possibles) soit pessimiste (alerte générale, repli stratégique, attente de jours meilleurs…).

La manière de quitter les lieux deviendra alors primordiale : retraite discrète, après un sentiment d’échec, départ pour des raisons d’emploi du temps, quand on a constaté que rien de dangereux ne s’était produit, maintien sur place jusqu’au dernier moment pour savourer son succès ou pour, tout simplement, ne rien manquer au moment crucial du café. C’est en effet à ce moment là que se règlent les comptes, et que tombent les phrases les plus dures ou les plus significatives. Il est bien connu que c’est aussi entre la poire et le fromage que se font, en France, les véritables confidences.

Dans un repas entre amis, il vaut donc mieux ne pas trop s’absenter, car les amis qui vous veulent du bien finiront, un jour ou l’autre, par profiter de votre départ anticipé pour balancer la flèche qui tue.

Allez n’hésitez pas, si par hasard, en politique ou ailleurs, on vous invite à « faire une bouffe… » sachez que la meilleure chose qui puisse vous arriver, c’est qu’à la fin du repas on vous propose d'en faire une autre pour régler les problèmes qui n’ont pas été évoqués lors de celle-ci. Ce sera la preuve que le menu a constitué l’essentiel de la réunion.

Mais je déblogue…   

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6 mai 2006 6 06 /05 /mai /2006 07:17
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais quand un partisan du OUI au traité européen se réveille, et qu’il cherche des arguments destinés à stigmatiser l’idiotie du " mauvais " peuple, il ressuscite, un an après, deux fantômes. Le " plan B " dont il rappelle, avec un sourire narquois, qu’il n’a jamais existé, et le " plombier polonais " dont il se plait à souligner qu’il n’est jamais venu…culpabilisant le citoyen du NON. Ces épouvantails, agités sous le nez rougi par la honte de ces adversaires d’une Europe outrancièrement libérale, sont censés le faire revenir au bercail de la raison.
Hier, ils auraient pu seulement rappeler que la Grande Bretagne de cet admirable Tony Blair n’est véritablement pas prête à s’ancrer au Continent. Et, à la place de Ségolène, je me garderais bien de réaffirmer mon admiration pour celui qui vient d’essuyer un échec patent aux élections de proximité. Il serait étonnant que maintenant le beau Tony lance une consultation sur une Europe, dont les plus ardents défenseurs furent... les Polonais.
On aurait pu aussi revenir sur cette " unanimité " indispensable pour adopter toute harmonisation des statuts sociaux, fiscaux, économiques. Je me souviens avoir rappelé, dans des débats, que cette disposition conduirait à la régression dans tous les domaines. Seule la majorité qualifiée peut relancer un processus européen digne de ce nom. La preuve ? Elle a été fournie, hier, par la situation nouvelle de… la Pologne où, faute de promouvoir les plombiers, on vient de donner leur chance aux pires fachos !
Désormais, après l’Autriche qui avait installé Heider et ses partisans, après l’Italie où Berlusconi a gouverné avec l’extrême droite, il faut se rendre à l’évidence, les xénophobes, les populistes, les anti-européens viscéraux viennent d’accéder au pouvoir dans le pays de sa Sainteté feu Jean-Paul II.
Pour trouver une unanimité sociale et politique à 25, le boulot n’était déjà pas facile; désormais il relèvera de la prouesse. Dommage que nos analystes politiques ne se penchent pas sur cette situation révélatrice du virage brusque à Droite que prend une Europe désabusée, et surtout angoissée, par son avenir.
IL FALLAIT TROUVER UNE SOLUTION
Les élections législatives de septembre 2005 n'avaient pas permis, en Pologne, de dégager une majorité parlementaire. Elles ont, en revanche, rendu la vie politique très instable malgré la victoire globale d’une droite se réclamant du libéralisme économique. Il fallait donc trouver une solution.
Le frère jumeau du Président de la République, apparemment majoritaire, a échoué depuis 6 mois dans ses démarches d’alliances diverses et variées. En pactisant officiellement avec la Ligue des familles polonaises (LPR, extrême droite) et le parti populiste Samoobrona (Autodéfense), le conservateur de Kazimierz Marcinkiewicz vient de réussir à devenir majoritaire au parlement polonais. Il était lassé de diriger un gouvernement minoritaire…
Désormais, il n’y a pas plus à droite, dans toute l’Europe, que la Pologne. Le PIS a été inexorablement contraint de nouer des alliances pour parvenir à former une coalition durable. Après avoir fait entrer au gouvernement " Autodéfense ", parti des populistes antilibéraux d'Andrzej Lepper, les conservateurs sont rejoints à quelques postes clés du pouvoir par l'extrême droite de la Ligue des familles polonaises (LPR).
La coalition disposera de 218 députés sur 460. Une alliance complémentaire avec la frange " poujadiste " assurera au gouvernement une majorité à hauteur de 245 députés. Au cours d'une cérémonie retransmise à la télévision, le président polonais Lech Kaczynski a donc illico nommé, aux postes de vice-Premiers ministres, le chef de Samoobrona Andrzej Lepper et celui de la LPR Roman Giertych. Ils seront chargés respectivement des portefeuilles de l'Agriculture et de l'Education. Samoobrona a obtenu en outre les ministères du Travail et du Bâtiment, et la LPR également le ministère de la Mer, nouvellement créé. Dramatique ! Sur la scène européenne, ces Ministres là ne manqueront pas d’allure quand ils rencontreront l’élite du gouvernement de Crin Blanc.
ADMIRATEUR AFFIRME DE HITLER
De Robien accueillant, à Paris, son alter-ego polonais Roman Giertych, chargé de la défense de la laïcité de l’Europe, ça ne manquerait pas d’allure ! Quant au numéro 2 Nicolas Sarkozy, il pourrait recevoir ce " formidable " démocrate qu’est Andrzej Lepper, 50 ans, ancien syndicaliste paysan, naguère adepte des passages à tabac des huissiers, et grand admirateur des techniques de communication de... Hitler.
Ancien boxeur, éleveur de cochons et paria de la vie politique pendant des années en Pologne, ce populiste a réussi à gagner définitivement une respectabilité en accédant au poste de vice-premier ministre.
Conscient de sa nouvelle importance, Lepper fait aujourd'hui très attention à son image et à ses mots, modérant son hostilité à l'Union européenne, et affirmant qu'il ne veut plus renégocier que quelques articles du Traité d'adhésion. Moins radical sur l'économie de marché qu'il réfutait (il veut une taxe sur les supermarchés étrangers), il affirme désormais volontiers qu'il est lui-même un "capitaliste", propriétaire d'une ferme de 300 hectares. Oubliées les paroles bienveillantes sur la politique économique antilibérale d'Adolf Hitler ainsi que l'admiration pour l'homme fort de la Biélorussie, Alexandre Loukachenko, à qui il avait souhaité une présidence à vie. Incroyable retour de l’histoire que l’arrivée d’un " national socialiste " au pouvoir, dans un pays de l’UE et surtout, quelle claque pour celles et ceux qui rêvaient d’un Traité conduisant l’Europe vers le progrès !
Dans le fond, les deux seuls qui peuvent pousser un ouf de soulagement, sont les frères Kaczynski. Vous vous imaginez un instant, ils doivent recevoir en visite officielle fin mai de sa Sainteté Benoît XVI, et il est impossible qu’il n’y ait pas un gouvernement stable… pour accueillir le successeur très progressiste de Jean Paul II.
EN TRAIN DE CHANGER
Longtemps, dans l'Europe de l'extrême droite, le Royaume-Uni a fait figure d'exception. A la différence de la France, de la Belgique, de l'Italie, de la Scandinavie, des Pays-Bas, aucune formation n'était jusqu'à présent parvenue à émerger en s'attaquant à la question de l'immigration. Cela est peut-être en train de changer, avec la montée en puissance du British National Party, qui a fait une percée aux élections locales de hier. Issu du " National Front ", un ramassis de crânes rasés néonazis et de hooligans, avec lequel il jure n'avoir plus de liens aujourd'hui, le BNP est à 7ou 8 %, ce qui en Angleterre est un score exceptionnel. Il fut un temps où son leader Griffin promettait de défendre "les Blancs d'Angleterre à coups de botte et à coups de poing", dénonçait la "conspiration juive" et courtisait le colonel Kadhafi.
Si l'on en croit ce diplômé de Cambridge (élève moyen mais lui aussi bon boxeur), ce passé est révolu. Le discours s'est policé. Même s'il appelle toujours vigoureusement à mettre fin à l'immigration et dénonce "l'islam, cette religion pernicieuse", Griffin a biffé de son programme l'expulsion des étrangers, et drague des recrues plus présentables.
Toutes les études (secrètes bien évidemment) du Ministère de l’Intérieur le prouvent : la tendance va vers une consolidation de l’adhésion aux thèses défendues par Griffin ou Lepper dans de récentes campagnes électorales. Bien plus que la grippe aviaire, la peste brune menace l’Europe.
Devinez donc à qui, depuis hier, et après analyse, les résultats anglais et polonais vont donner des idées ?
Mais je déblogue…
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5 mai 2006 5 05 /05 /mai /2006 07:17
Hier soir n'a pas été un moment comme les autres dans la vie municipale. Je sais bien que, quand on en connaîtra le caractère exceptionnel, il provoquera l'hilarité générale. J'en ai l'habitude, et je l'assume d'autant plus volontiers qu'il va à l'encontre de l'opinion dominante. Il appartient en effet à ces histoires que l'on se contente de survoler sans en percevoir l'importance. La tendance actuelle ne s'inscrit pas dans l'approfondissement des traditions mais dans leur destruction systématique, au nom d'une modernité obligatoire. Or, rien ne saurait justifier la perte de certains éléments pouvant servir de socle à une identité rassurante. En renonçant à assumer ce que l'on a été, on finit par ne plus être ce que l'on est, ou ce que l'on doit être. Chaque jour en apporte la preuve au plus haut niveau de l'Etat.
Allez, il faut donc se lancer dans le dérisoire, au risque d'être taxé de " ringardisme " avancé.
Hier soir, lors de la réunion mensuelle du Conseil municipal, nous avons donc élu la centième Rosière de l'Histoire créonnaise. Un siècle après ce qui fut la première attribution de ce titre d'une autre époque, les élus ont procédé à cette désignation, sous l'oeil des caméras de France 3 qui va suivre cette tradition, durant six mois, pour un documentaire de 52 minutes. Une demi-heure hors du temps, hors des tabous, hors des modes, hors des préoccupations administratives ou réglementaires. Une demi-heure entièrement consacrée à une certaine idée de la jeunesse et notamment des femmes.
Affirmer que la désignation démocratique de celle qui représentera, durant une année, sa cité constitue un événement réel dans la vie locale, c'est reconnaître qu'il y en a d'autres qui sont surfaits. Par exemple il ne me viendrait jamais à l'idée de participer à un jury destiné à " élire " une miss Créon, contrairement à tout ce que promeut le système médiatique. Il ne paraîtrait pas très valorisant de penser qu'une ville puisse attacher son nom, à une personne allant s'exhiber sur un plateau de télé-réalité.
La tentation s'affirme de généraliser, dans le mauvais sens, les défauts " accidentels " de la jeunesse. Elle permet de constituer un " capital " défiance dont notre société ne sait plus véritablement comment se débarrasser. L'élection de la Rosière, quand on prend le temps d'en apprécier le contexte, va résolument à l'encontre de la double tentation du passéisme désuet et du modernisme absolu.
UN TESTAMENT DE DEPIT
Lorsque Antoine Victor Bertal, parti depuis des décennies de sa commune natale, lui offre son immense fortune dans un testament de dépit, il ne pense sûrement pas que la seule partie qui en subsisterait, 111 ans plus tard, serait celle qui a trait à une tradition très répandue au XIX° siècle. Tous ses rêves de grandeur pour Créon (dotation en oeuvres d'art exceptionnelles, construction d'un hôtel de ville, création d'un musée aussi prestigieux pour l'époque que celui que Pineau voulait il y a peu offrir à la France...) se sont évanouis, à cause du désintérêt manifeste des responsables locaux. Il n'a subsisté qu'une phrase incitant les élus à mettre en évidence la réussite d'une jeune fille.
Bien entendu, cette réussite a évolué, depuis un siècle, et l'absurdité serait de penser que, maintenant, les appréciations sont les mêmes que hier ! Elles ne reposent plus sur la même " vertu ", sur la même " sagesse ", la même sociabilité, mais elles ont le même objectif : mettre en évidence que l'on peut exister positivement !
Le débat ayant toujours lieu à huis clos, peu de Créonnaises et de Créonnais en connaissent les critères. C'est ainsi qu'il faut d'abord savoir qu'à Créon, on n'est pas candidate au "poste" de Rosière. Ca change!  Ce qui signifie qu'il ne peut y avoir d'ambition personnelle derrière cette démarche, car on est élue à l'insu de son plein gré. Ensuite, lors de la présentation des filles de 18 ans, n'est pris en compte que l'engagement citoyen et le rôle durable de la famille dans la vie sociale communale. Il s'agit avant tout de mettre à l'honneur un comportement collectif plutôt qu'un projet personnel. Hier soir, mes collègues ont donné une large majorité à une lycéenne dont la vie personnelle ne fut jamais, jusqu'à présent,  un long fleuve tranquille. Son opiniâtreté, sa volonté farouche de ne jamais renoncer face aux aléas du destin, le soutien qu'elle a sans cesse apporté... aux autres, méritaient qu'elle soit la 100° de celles qui sont entrées dans l'histoire locale.
AMBASSADRICE D'UNE GENERATION
Ce qui est frappant, depuis ce 2 septembre 1907 où Bernard Saligue, maire, couronna Suzanne Salvet, la première à recevoir les dividendes du legs Bertal, c'est qu'aucune de celles qui lui ont succédé, n'a un seul instant, regretté d'avoir accepté ce rôle d'ambassadrice d'une génération. Mieux, quels qu'aient pu être leurs choix ultérieurs de vie, elles gardent un souvenir toujours ému de cette " promotion ". Je sais que, cette année, nombreuses sont celles qui attendaient ma visite, car dans un coin de leur coeur, elles aspirent, avec leur famille, à une reconnaissance officielle de leur engagement.
Il faut bien reconnaître que, dans un système de la sélection par l'échec, les occasions sont rares de valoriser une autre réussite que celle qu'attribue de plus en plus difficilement " l'école ". A 18 ans, une certaine assurance naît après ces moments où l'on se retrouve sur le devant de la scène. Il faut assumer une autre réalité que celle que l'on croit idyllique dans la Star'Ac. La reconnaissance de proximité est tout autant valorisante par son authenticité que celle, éphémère et factice, du show bizz. Encore faut-il, qu'à l'échelle locale, il soit possible de se retrouver dans cette situation. La tradition de la Rosière ne reposant sur aucun support sexiste, sur aucune connotation institutionnelle de parité va, j'en ai conscience, à contre courant, car elle suppose des gaudrioles, des commentaires plus ou moins obscènes, des allusions plus ou moins méprisantes.
D'ailleurs, en tant que Président de l'association des villes des rosières de France, je constate que de plus en plus d'élus " importants " cèdent à la pression des idées préconçues. Ils se croient " modernes en abandonnant des principes séculaires", alors que toutes les études en cours montrent que, dans bien des villages ou des villes, il s'agit de mettre en évidence les réussites, plutôt que de stigmatiser les échecs. Peu importe que les rosières des temps présents aient perdu leur virginité, comme s'en gaussent  ceux qui ont, paradoxalement, une certaine idée perverse du comportement social. Qu'elle ait ou non un ami, un fiancé, n'altère en rien ce qu'elle peut représenter pour son entourage, ses copines, ses voisins, sa ville. Et il faudrait même beaucoup d'autres titres à attribuer, pour compenser cette image négative puissante que colporte l'opinion dominante sur la jeunesse.
CONFORTER SON IMAGE DYNAMIQUE
A partir d'aujourd'hui, nous allons tenter de bâtir les plus grandes et les plus belles fêtes dont Créon a besoin pour conforter son image dynamique, et pour cela, l'implication de toutes les générations va être indispensable. Dans les cités sans âme, il suffirait que l'on recherche des " exemples " , des références, pour que l'on change les regards portés sur ces espaces. Un chanteur, un footballeur, une danseuse, une militante associative, une mère méritante, une jeune, impliquée vers le tiers-monde... n'intéressent absomument pas les médias, dont on ne répètera jamais assez qu'ils ne mettent en évidence que les trains qui n'arrivent pas à l'heure. Dealers, voleurs, traficants, violenteurs, lâches, incendiaires de voitures : à eux la vedette d'une socité reconnaissant leur existence!
Le pari de ne pas renoncer à une tradition, mais de tenter de n'en garder que ce qu'elle peut apporter de positif n'a plus d'adeptes. On jette. On abandonne. On renonce. Hier soir, j'ai pourtant eu l'impression pour ma 24 ° année de participation à une réunion de désignation de la Rosière, que jamais nous n'avions été autant dans le vrai, car notre société a encore besoin de repères durables !
Dans les regards que je croiserai lors du défilé, le dernier dimanche d'août dans les rues de Créon, je lirai, une fois encore, de la tendresse, de l'envie, du respect. Et ce sont des éclairs rassurants dans un monde où chaque minute nous rappelle que ces valeurs foutent le camp. Pour le reste, je reconnais le droit aux " modernistes " de me traiter de vieux c.. attardé, car le seul juge de l'intérêt d'une tradition, c'est le temps. Or la nôtre aura, sans défaillance, déjà résisté un siècle. Pas si mal dans un monde du jetable, de l'instantané, de la réussite reposant sur l'anormal ou le pitoyable.
Mais je déblogue?
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