La seule différence, c'est que chez ces gens-là, on cause moins qu'au PS, par peur de représailles ! Le « parrain » veille et n'hésite pas à régler son compte politique à celle ou celui qui la ramène un peu trop librement. C'est une constante, qui transforme en or le silence, même désapprobateur.
Du coup, Nicolas Sarkozy aurait clos la discussion entre amis en soupirant qu'il n'avait plus qu'à revendiquer son « ouverture » d'esprit, et sa colère s'est abattue sur Pierre Méhaignerie, coupable d'avoir proposé de se donner des moyens supplémentaires de lutter contre la crise en mettant les plus hauts revenus à contribution. Il n'a véritablement pas aimé que l'on émette le moindre doute sur cette mesure emblématique de son quinquennat, et qui relève davantage de la politique symbolique que de l'efficacité économique réelle.
Les participants à la réunion de hier auraient eu droit à un rappel des engagements de campagne du candidat. «Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts !», leur aurait-il lancé. Une phrase qu'il a répétée et agrémentée de commentaires ironiques sur le manque de « colonne vertébrale » de ses « amis politiques », l'après-midi, lors de sa visite dans le Doubs. « Visiblement exaspéré », selon un témoin, le chef de l'État aurait rappelé à ses lieutenants les victoires qu'il considère avoir remportées sur le front des grèves « qui ne paralysent plus le pays, à part les grands mouvements », sur celui des 35 heures qui « ne bloquent plus » la croissance, et sur la fiscalité galopante. Autant de sujets sur lesquels il a fermement invité ses « amis politiques » à tenir bon.
Ce sont exactement les fondements de sa politique : faire de rodomontades avant les échéances qui ne lui sont pas favorables. Demain, il aura une illustration de la manière dont les salariés de tous ordres vivent sa victoire, jugée capitale, contre le droit de grève (l'inspection académique de la Gironde était incapable hier, soit 48 heures avant le mouvement de grève, de transmettre le nombre des grévistes aux mairies concernées, rendant ainsi la mise en œuvre du SMA impossible). Sur la libéralisation des 35 heures, il aura une autre réponse, selon une confidence nationale glanée à Paris hier, avec un chiffre actuel d'une moyenne de 3 000 licenciements par jour ouvrable actuellement ! Il est vrai que l'exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires n'est en rien responsable de cette situation, et que l'Elysée soutiendra qu'elle a favorisé... les embauches ! Même analyse pour les impôts !
Le président de la république ayant totalement oublié qu'il devait être le Président du pouvoir d'achat, a osé déclarer : « Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts ! ». Comme tous les élus ! Une prétention qui dénote véritablement un culot sans bornes. En effet, il aurait dû préciser « je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts de l'Etat mais... pour transférer les charges sur les collectivités, et les obliger à la faire à ma place ! » C'est vrai que cette tactique quotidienne est plutôt une réussite, puisque les dégâts pour les départements, les communautés de communes et les communes sont considérables. D'autant que ça ne fait que commencer, et que le délestage va s'accentuer au cours de 2009. Nicolas Sarkozy a inventé les transferts masqués, et s'offre le luxe de faire des cadeaux avec l'argent des collectivités, en sachant fort bien que quand tous les services de proximité ne seront plus rendus (éducation, santé, cadre de vie...) faute de moyens, la colère se tournera vers les maires, seuls élus de proximité pris à la gorge par des décisions ne leur appartenant pas. Et ce, quelle que soit leur option politique. Le Président peut être celui qui baisse « ses » impôts mais en refilant aux autres les défaillances que ces choix induisent.
DEJA VULNERABLES
Le 18 mars débuteront, à l'Assemblée nationale, les discussions autour du projet de loi de finances rectificative pour 2009. Ce texte devrait traduire le fait que les finances publiques françaises, « déjà vulnérables avant la survenance de la crise mondiale, sont frappées de plein fouet », indique le rapporteur général du budget, Gilles Carrez qui, doit-on le préciser appartient à la majorité présidentielle. Mais, bien évidemment, il a mal compris son rôle et il ne va pas tarder à être convoqué au château !
« La nouvelle prévision de déficit public retenue par le gouvernement pour 2009 est de 5,6% du PIB, soit plus de 100 milliards d'euros. Avec un déficit public de 6,4% du PIB, seule l'année 1993 avait connu pire situation », précise son rapport examiné la semaine passée en commission des finances. Selon le gouvernement, le déficit de l'ensemble des administrations publiques atteindrait 5,6% du PIB en 2009. Le produit intérieur brut s'élèverait à 1.939 milliards d'euros en 2009. Sur cette base, le déficit de l'ensemble des administrations publiques, aggravé par les mesures du plan de relance que le député juge « aussi ambitieuses que pertinentes » (il vaut mieux, s'il ne veut pas être porté sur la liste noire), atteindrait donc environ 109 milliards d'euros en 2009...
Quelle collectivité pourrait baisser ses impôts en accumulant un tel déficit de fonctionnement ? Bien sûr que l'on peut baisser « ses » impôts, quand on ne rend aucun compte à une autorité de tutelle du déséquilibre faramineux de son train de vie. En revanche, pour boucler le leur, les maires, les conseillers généraux n'auront eux aucun autre choix que de tailler dans l'aide aux écoles, dans l'éducation, dans la culture, dans le sport, dans l'entretien des voiries, dans les services sociaux, dans l'amélioration de l'environnement...et d'augmenter, en plus, leur fiscalité, pour compenser la débandade de l'Etat !
ABSURDE ET INEFFICACE
Le président de la commission des finances, le socialiste Didier Migaud, ne partage d'ailleurs pas l'enthousiasme du rapporteur général : « Ce qui frappe surtout, c'est à quel point les collectivités locales n'ont pas été associées à l'élaboration du plan de relance gouvernemental, alors qu'elles représentent les trois quarts de l'investissement public ! Prétendre relancer l'investissement sans associer les collectivités locales, et en les privant de leurs moyens financiers, est absurde et inefficace .» Et on le constatera vite. Très vite , car les ordres des services vont se raréfier en 2009 pour les routes, les collèges, les stades, les salles, les crèches, les réseaux...
Le rapport économique et financier et la loi de programmation des finances publiques prévoit, pour les administrations publiques locales, une stabilisation du déficit à - 0,3% du PIB, soit environ 5,8 milliards d'euros. La prévision est revue à la hausse par le gouvernement dans le loi qui va venir en discussion, à - 0,4%.
« Il convient certes d'améliorer le solde initialement prévu de 2,5 milliards d'euros correspondant au versement anticipé de FCTVA pour les collectivités qui augmentent leur effort d'investissement », note Gilles Carrez avant de conclure que « plusieurs éléments viendraient toutefois dégrader le solde des administrations publiques locales ». Ouf ! Un brin de lucidité ou mieux d'honnêteté intellectuelle. Il considère en effet, tout d'abord comme « probable » que le revenu supplémentaire tiré de la « mesure FCTVA » ne soit pas être affecté à la réduction des déficits. « Sa raison d'être est en effet de créer un effet de levier tendant à l'augmentation des dépenses d'investissement », rappelle le député, mais en fait il faudra aussi emprunter pour réaliser le contrat.
Ensuite, le député UMP observe que les collectivités locales, et notamment les départements, sont confrontées à un effet ciseau : « Leurs dépenses, notamment sociales et d'investissement, apparaissent dynamiques dans un contexte de dégradation du marché de l'emploi et de multiplication de plans d'investissement lancés par les grandes collectivités. Leurs ressources, en revanche, tendent à s'éroder.» Et le rapporteur général de détailler que « sur la base du taux de croissance de - 1% par rapport à la prévision, prévu dans la loi qui arrive, le produit de la quote-part de taxe intérieure sur les produits pétroliers affectée aux départements et aux régions diminuerait de 95 millions d'euros.» Cherchez l'erreur, car ces sommes là étaient affectées, soit - disant, à des compensations de transfert de responsabilités jusque-là exercées par l'Etat.
RECETTES EN CHUTE LIBRE
Enfin, le projet de loi prévoit que le rendement des droits de mutation de biens immobiliers à titre onéreux serait, en 2009, inférieur de... 38% à leur montant de 2008. Une évolution similaire des impôts affectés aux collectivités locales (fortement corrélées à l'évolution du marché immobilier pour certaines) signifierait un manque à gagner de 3,6 milliards d'euros», prévient Gilles Carrez. Il aurait pu préciser qu'en Gironde, la chute sera de 18 millions d'euros, soit environ 4 points de fiscalité, qu'il va donc falloir combler. Il est certain qu'avec le RSA décrété par l'Etat, et refilé aux Conseils généraux, aucun responsable sérieux ne peut assurer que les départements finiront l'année sans coupe sombre dans le fonctionnement quotidien (transports, éducation, aide aux communes...). Il souligne donc « la nécessité de maintenir la maîtrise de la dépense pour limiter le glissement des déficits, sauf à rendre particulièrement périlleux le rétablissement des finances publiques ». Si la fiscalité locale n'augmente pas en 2009, ce ne sera que pour bondir encore plus haut en 2010 ou 2011, mais c'est inéluctable. Les élus locaux qui clameront : « Je n'ai pas été élu pour augmenter les impôts ! » ne feront que camoufler les effets dévastateurs de la politique gouvernementale.
S'agissant des mesures de la loi rectificative, Didier Migaud juge que « d'une part, la mesure de suppression des derniers tiers provisionnels de l'impôt sur le revenu est injuste et mal ciblée ; d'autre part et surtout, la faiblesse de l'effort budgétaire supplémentaire est malheureusement remarquable. Ce n'est pas avec les 2,6 milliards d'euros que consacre ce projet de loi de finances rectificative à l'emploi et au pouvoir d'achat que la France sortira de la crise. » La conclusion du rapport de Gilles Carrez, UMP bon teint, n'est pas plus optimiste : « Il est d'ores et déjà acquis que l'actuel accroissement de la dette obérera durablement les capacités d'action des pouvoirs publics dans les années à venir ». Ce qui veut tout simplement dire que ce qui n'a pas été fait avant 2009 ne sera plus réalisable dans l'avenir !
Le député UMP s'inquiète tout particulièrement des charges d'intérêt de la dette, facteurs de « rigidification de la structure des dépenses de l'État et de réduction des marges de manœuvre budgétaires ». Un phénomène qui sera, selon lui, « considérablement renforcé par l'accumulation supplémentaire de dette induite par la détérioration conjoncturelle et par les différentes mesures de relance : à titre indicatif, si les administrations publiques continuaient à acquitter sur leur dette un taux d'environ 4,4%, la part des intérêts dans le PIB atteindrait 3,4% en 2012, soit un surcoût par rapport à 2007 d'environ 0,7 point de PIB. En d'autres termes, en 2012, la charge de la dette publique serait supérieure d'environ 14 milliards d'euros à celle versée en 2007.»
Et il faut inlassablement rappeler que cette dette ne permet pas de réaliser des investissements tangibles, alors que les collectivités locales, pour leur part, empruntent certes parfois beaucoup mais pour réaliser et construire. Il y aura encore des petits-déjeuners agités à l'Elysée, car les élus locaux UMP vont avoir bien du mal à expliquer à leurs électeurs un discours parisien, et à faire le contraire, par obligation, chez eux. Ce sera un exercice de dédoublement de personnalité intéressant à suivre.
Mais je déblogue...