Les sans-papiers qui travaillent au noir, ou déclarés ostensiblement aux organismes officiels sans avoir droit aux avantages sociaux qui vont avec : c'est lui qui cause ! Quand on annonce la baisse de la TVA pour améliorer l'ordinaire de ses potes : c'est encore lui qui cause ! Enfin depuis dimanche, quand on prône l'interdiction de la vente d'alcool aux mineurs : c'est toujours lui qui cause ! Demain, s'il faut commenter aux « Grosses Têtes » ou aux « Grandes Gueules » sur RMC le taux de croissance, c'est lui que l'on invitera, car ce philosophe des fourneaux à un avis sur tout, et essentiellement sur tout ce qui peut rapporter à ses ouailles.
André Daguin, rappelons-le, est un ancien chef étoilé de l'Hôtel de France à Auch, dont il assura la destinée jusqu'en 1997, avant de le céder à Roland Garreau. Il a connu le succès quarante ans durant. Héraut d'une cuisine régionale revisitée, il est l'"inventeur" et le promoteur du magret, qu'il met à son menu dès 1959. Il conçoit également des plats audacieux comme un foie gras frais aux langoustines, ou une glace de haricots blancs. Avouez qu'un personnage aussi doué ne peut pas se compromettre dans le subalterne et le factice.
Ancien rugbyman, troisième de la dynastie des Daguin dans leur fief gersois, il eut moins de succès en politique. Ses tentatives pour s'imposer à Auch sous les couleurs de l'UDF restèrent vaines. Il prend saucée sur saucée et, malgré sa verve, il reste un élu local polémiste mais peu estimé. Il est aujourd'hui président de la puissante Union des métiers de l'industrie Hôtelière (UMIH) qui rassemble les professionnels de ce secteur, gérants de bar-PMU, de discothèques, ou restaurateurs. Grande gueule s'il en est, il a fait, le 30 août 2004, lors de l'université d'été du Medef, une déclaration mémorable qui traduit sa philosophie du libéralisme : « Vous devez être ceux qui menacent, pas ceux qui sont menacés. Vos dents doivent rayer le parquet. L'indulgence est comme la pitié, elle vous déshonore et elle déshonore aussi ceux qui en bénéficient. La société a besoin de durs, pas de mous. L'ennui, c'est qu'il y en a beaucoup, des mous, beaucoup trop. Il faut arrêter de reculer le moment de l'effort. Ne soyez pas indulgents avec vos salariés. Il y a tout plein de "bacs + 12" qui sont infoutus de travailler, ils ne sont même pas capables de trouver un balai pour faire le ménage. Quand on doit licencier quelqu'un, il ne faut pas cacher la vérité. Vous savez, c'est aussi difficile pour celui qui coupe que pour celui qui est coupé. Moi, je préfère les assassins aux escrocs : les escrocs, les gens les trouvent sympas. Les assassins, non, évidemment ; mais pourtant, ils ont un grand mérite, c'est de ne pas être hypocrites. » Superbe déclaration de celui qui a couvert, durant des années, le travail des sans papiers dans les plus grandes cuisines françaises.
VOS PAPIERS SVP
Lui, c'est un « escroc » du libéralisme, car il souhaite la liberté absolue d'entreprendre, mais il sollicite sans arrêt l'intervention de l'Etat pour imposer, encore et toujours, moins de règles; et c'est un « hypocrite » de première lorsqu'il prétend que les patrons ne connaissaient pas, par exemple, la situation administrative de leurs « soutiers » des offices ! Il est encore plus faux-cul quand il se déclare favorable à « l'esprit général » de la proposition faite par Roselyne Bachelot sur l'alcoolisme des jeunes. Un monument d'hypocrisie !
La ministre de la Santé s'est en effet prononcée pour interdire la vente d'alcool aux mineurs. « Nous ne pouvons nous soustraire à cette lutte contre l'alcool car notre métier, c'est de servir de l'alcool et nous voulons continuer à l'exercer dans les meilleures conditions pour nos clients », a bravement commenté le représentant de la principale organisation patronale de l'hôtellerie-restauration. « Toutes les mesures qui vont vers la préservation de la santé de nos clients auront notre assentiment", a-t-il ajouté avec un coup de menton vers le haut. Parole de vendeur de « petits jaunes anisés ! » Il sait de quoi il parle.
Les cafetiers, rappelle-t-il, s'étaient déjà eux-mêmes imposé une contrainte, à savoir le permis d'exploitation de licence. Trois jours de formation sont nécessaires pour obtenir cette autorisation. On leur apprend durant cette période à reconnaître un mineur d'un majeur. André Daguin a admis que le contrôle des mineurs risque pourtant de se révéler « un peu compliqué ». Il s'est aussi félicité que « pour la première fois, un ministre ait compris que l'alcool ne se vend pas seulement dans les bistrots », affirmant être favorable à « l'esprit général » de la mesure prise par Roselyne Bachelot.
D'après lui, les cafés et bars ne représentent que 15% du marché de la vente de boissons alcoolisées. Il faudrait demander leur avis aux inspecteurs des impôts pour connaître le volume des ventes... oubliées, dans les chiffres d'affaires des bars ! La fraude, on le sait, est phénoménale, avec des achats en grande surface et des ventes avec règlements en espèces au comptoir acceptés de quiconque, les yeux fermés. « Au bistrot, vous êtes chez quelqu'un de... responsable, qui doit s'assurer de votre santé et d'une certaine discipline citoyenne », a insisté le chantre du Café des Sports devant lequel il ne faut pas rire. « Pour toutes ces raisons, ces mesures ne nous font pas peur », a-t-il ajouté, sûr de lui.
Il sait bien qu'aucun exploitant ne demandera ses papiers d'identité à un jeune qui demanderait un baby Whisky en boîte de nuit ! Et d'ailleurs toutes celles et tous ceux qui sont sur le terrain savent que les jeunes s'enivrent de plus en plus chez eux, entre copains, après avoir acheté les boissons au supermarché du coin. Dans les espaces publics, il suffit qu'un adulte apporte dans le coffre de son véhicule les bouteilles et les... revende sur place ! Le reste n'est que de la poudre aux yeux, car personne ne sait comment on appliquera ces nouveaux textes.
SANS PAPIERS RIEN N'EST POSSIBLE
Il avait déjà réalisé un exploit sur le travail déclaré ou... non déclaré des sans-papiers. Employés dans des secteurs comme l'hôtellerie, la restauration, le bâtiment, la sécurité, le nettoyage, l'agriculture ou les services à la personne, ils sont cuisiniers, plongeurs, ferrailleurs, manœuvres, agents d'entretien, saisonniers... Avec ce dénominateur commun d'être des travailleurs salariés, qui disposent de contrats ou de feuilles de paie, s'acquittant de leurs impôts et de leurs cotisations salariales. En commun aussi, la méthode : « Les patrons ne contrôlent pas à l'embauche, témoigne l'un d'entre eux. Il suffit de présenter les papiers d'un cousin ou d'un ami, voire des faux papiers achetés entre 300 et 500 euros. »
Combien sont-ils dans cette situation ? « Ne serait-ce que pour des raisons évidentes de survie, une très grande majorité d'étrangers travaillent, d'une manière ou d'une autre. Les quelques centaines de travailleurs grévistes d'Ile-de-France ne sont donc que l'avant-poste de centaines de milliers d'autres », explique le responsable de l'association Droits devant ! A en croire certaines associations - comme le Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade) ou encore Uni(e)s contre une immigration jetable (UCIJ) -, on compterait en France, en 2008, de trois cent mille à six cent mille travailleurs sans papiers.
La délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal estime, pour sa part, que la proportion des infractions constatées au titre de l'« emploi d'étrangers sans titre de travail » a presque doublé en France entre 2004 et 2006 (14,8 %, contre 8,4 %). Selon une enquête de l'Acoss-Urssaf sur... l'hôtellerie-restauration, des cas de travail illégal ont été constatés dans 25 % des sept mille cent vingt-trois restaurants étudiés, et la proportion passe à 61 % en Ile-de-France. « Nous sommes dans une pure logique de flexibilité et de rentabilité, explique par exemple Grand Filoche. Et la mondialisation n'y est cette fois pour rien car les secteurs concernés sont tenus par des groupes français, qui investissent sur le territoire national, sans concurrence internationale». André Daguin avait réclamé une régularisation importante, de 50 000 à 100 000 travailleurs. « Si on ne les régularise pas, il faut les licencier. Donc, dans Paris des tas de restaurants seront totalement désorganisés, on va tuer une partie du tourisme », avait prévenu le chantre de la restauration propre. «Les gens qui travaillent chez nous, qui sont déclarés par leur patron, qui paient leurs impôts, leurs cotisations à la sécurité sociale (...), ceux qui donnent satisfaction dans leur boulot, qui n'ont jamais agressé qui que ce soit, ceux qui mènent une vie normale, il faut les régulariser » expliquait-il. Dommage qu'il ne demande pas un point actuel sur sa demande... car la saison touristique est bien engagée, et il reste beaucoup de sans-papiers dans les arrière-salles des restaurants.
Il est cependant souhaitable en France d'être bien dans les petits papiers du président de la puissante Union des métiers de l'industrie Hôtelière. Imaginez un instant l'impact d'une grève des leveurs de coude de comptoirs qui bloqueraient les usines d'embouteillage de boisson anisée. Un cataclysme pour la France, dont le taux de croissance ne serait que de
1 % cette année. Alors ce n'est pas le moment de contrarier les tenanciers, qui mettraient en bière la notoriété présidentielle au moment même où il touche au but : la réduction de la TVA permettra à André Daguin, le maître queux de la politque, d'obtenir ses 4 étoiles au guide du poujadisme français.
Mais je déblogue...