22 décembre 2006
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Il existe des maladies insidieuses, car impalpables et surtout non identifiables au scanner et à l’IRM. On n’en parle que fort peu, tant elles appartiennent désormais au quotidien de la vie des uns et des autres, alors qu’elles posent un véritable problème de société. Elles transgressent même les frontières, les cultures, les niveaux sociaux. Elles demeurent cependant l’apanage des systèmes les plus organisés et également les plus préoccupés par la richesse. Qu'elles soient originaires des Etats-Unis, du Canada, de France, d'Italie ou de Corée du Sud, trois personnes sur quatre connaissent ainsi le sentiment de stress, de manière fréquente ou occasionnelle, a-t-on appris par un sondage repris par l’agence de presse A.P. Les Espagnols semblent moins touchés par le phénomène, "seulement" 61% disant souffrir fréquemment ou occasionnellement du stress. Les Mexicains font encore mieux : plus de la moitié affirment ne connaître que rarement ou jamais ce sentiment dans leur vie quotidienne. Mais ce n'est pas le cas de la majorité des sondés dans les 10 pays étudiés, surtout chez les femmes.
Environ trois personnes sur quatre en Allemagne, Australie, Canada, Corée du Sud, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Italie disent ainsi souffrir souvent ou parfois du stress dans leur vie quotidienne. Le sentiment d'angoisse est encore plus prononcé durant… les vacances. Le stress, selon beaucoup de médecins généralistes écoutant leurs patients, constitue chez nous le facteur déclenchant d’autres maladies le plus répandu. On le sait, mais bien souvent on réclame des médicaments pour soigner un art de vivre déglingué.
En France, 38% des personnes interrogées disent donc souffrir du stress fréquemment et 38% occasionnellement. "L'idée selon laquelle nous, les Français, menons la belle vie est totalement utopique", estiment les gens interrogés dans le cadre du sondage. "Nous sommes aussi stressés que les autres." Ce phénomène ne cesse de s’amplifier et dans une journée, les opportunités de cumuler du stress deviennent incessantes. Un professeur entrant dans une classe difficile, un chauffeur livreur prenant la route, un commercial obligé d’atteindre ses objectifs, une maman constatant que son enfant est enrhumé au moment de partir vers l’école, un retraité sachant que sa petite-fille passe un entretien d’embauche ou un examen : au sens propre, nous nous faisons du mauvais sang pour nous-même et surtout pour les autres. Mieux, la situation s’aggrave, car tout est fait dans les administrations, les entreprises, les familles, pour institutionnaliser le stress. Au point que parfois naît un autre stade : l’angoisse !
Les causes en sont multiples, mais les dégâts toujours les mêmes : renoncement fort à simplement vivre en raison de l’accumulation de la pression de faits parfois anodins, mais gonflés par la peur. La principale angoisse est devenue celle de l’argent qui obère et ronge la vie des ménages, car nul n’est désormais certain de son avenir à court ou moyen terme. Une suppression de poste dans la fonction publique, un rachat par des fonds de pensions anglo-américains qui passaient pas là, un plan social, un examen médical décevant, et le gouffre s’ouvre sous les pieds d’un individu et de toutes celles et tous ceux qui l’entourent.
L’ARGENT ET LA TRAVAIL
Les Allemands ressentiraient le stress de manière plus intense. Les Américains, rien d’étonnant, citent les questions financières comme leur première source d'inquiétude. Près de la moitié des Britanniques disent avoir parfois ou souvent eu l'impression que leur vie leur échappe. Dans la plupart des pays, les hommes sont plus susceptibles de dire qu'ils contrôlent toujours leur destinées et prétendent être moins touchés par la dérive du stress oppresseur.
Les facteurs à l'origine de ce fléau sont en augmentation dans les démocraties modernes, comme le fait d'avoir plusieurs emplois, les longs trajets domicile-travail et une technologie de plus en plus complexe qui éloigne de la simplicité de la vie.
Le niveau de stress dans les sociétés technologiques en évolution rapide s'accélère et, comme aux Etats-Unis on met particulièrement l'accent sur la richesse, ils exportent progressivement cette valeur dans le monde. D’une manière directe ou indirecte la notion de profit pesant sur l’employé ou sur le patron déclenche les mêmes phénomènes. Les uns doivent être productifs, les autres rentables ! Et donc la principale source de stress devient l'argent aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et au Mexique selon l’enquête. Le travail arrive en première position en Australie, au Canada, en Allemagne, en Italie, en Corée du Sud et en Espagne. En France, les deux facteurs font jeu égal et j’y ajouterai personnellement en corollaire, le problème du logement.
Dans plusieurs pays, ceux qui gagnent les plus hauts revenus considèrent leur travail comme la principale source de stress, alors qu'à l'autre bout de l'échelle, ceux qui gagnent le moins évoquent sans surprise l'argent comme leur premier motif de préoccupation.
LEADER MONDIAL DE LA CONSOMMATION D’ANXIOLITIQUES
Le stress professionnel apparaît depuis une dizaine d'années comme l'un des nouveaux risques majeurs auquel les organisations et entreprises vont devoir ou doivent déjà faire face. Il s'agit d'un risque professionnel à double titre : des études scientifiques ont mis en évidence des liens entre des situations de travail stressantes et l'apparition de problèmes de santé mineurs ou de maladies plus sérieuses, et il est probable que le stress contribue à la survenue de certains accidents du travail. Cette nouvelle donne pèse financièrement sur la sécurité sociale bien qu’elle reste difficilement chiffrable.
Derrière cette situation, beaucoup d’arrêts de travail ; et ce n’est pas pour rien que la France est leader mondial de la consommation d’anxiolitiques. Elle détient encore en 2006 de nombreux records du monde ou d’Europe. Elle se situe tout particulièrement en tête dans la surconsommation de médicaments. Nous consommons 2 à 2,5 fois plus d’antibiotiques qu’en Allemagne ou qu’au Royaume-Uni, et selon les familles d’antibiotiques, jusqu’à 7 fois plus qu’en Allemagne et 5 fois plus qu’en Grande Bretagne.
La France est largement championne pour les 4 catégories de psychotropes. Elle en consomme 3 fois plus que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, et largement 2 fois plus que l’Italie. En moyenne, de 2 à 4 fois plus de psychotropes que n’importe quel autre pays européen. Mais c’est avec les tranquillisants que nous nous distinguons de la façon la plus radicale : 2 fois plus que les Espagnols, 5 fois plus que les Allemands…8 fois plus que les Anglais ! Chaque année, 80 millions de boîtes consommées. Avec les hypnotiques : 2 fois plus que l’Allemagne ou l’Italie, et nettement plus que le Royaume-Uni. Avec les neuroleptiques et les antidépresseurs, l’exception française est un peu moins marquée, mais nous restons toujours bons premiers, et de loin.
Ce qui aboutit au paradoxe suivant : certaines personnes qui devraient prendre des médicaments psychotropes (par exemple) n’en consomment pas, alors que de très nombreuses personnes qui ne devraient pas en consommer en sont dépendantes, au long cours, avec une extrême difficulté à arrêter d’en prendre. Une surconsommation flagrante,et ayant des effets indésirables graves, s’est installée pour ce qui ne relève parfois que d'une manière de vivre ou d'un stress inévitable dans un contexte particulier.
MEDICATIONS PARFOIS EUPHORISANTES
Plus personne ne peut vivre sans recours à ces médications parfois euphorisantes. Tenez, je suis certain que Nicolas Sarkozy a pris du Témesta ou du Bromazépan avant chaque débat interne de l’UMP. Il devait être tellement inquiet sur la valeur de ses contradicteurs qu’il en nourrissait un stress particulièrement fort. Et, pour ne pas apparaître comme un agité du bocal, il a avalé une barrette de Buspar. On murmure même que dans les minutes qui précèdent un conseil des ministres à l’Elysée il ne résiste pas à glisser sous sa langue un véritable Lexomil.
De Villepin hier, avant d’aller voir les juges, devait être pas mal stressé, car chaque mot prononcé a eu une valeur particulière : il lui fallait donc ne rien dire, tout en démontrant sa volonté de tout dire. Si vous estimez que ce n’est pas stressant comme position ! En sortant probablement très éprouvé par son interrogatoire de 17 heures en tant que témoin ne sachant pas grand chose, il a eu probablement besoin d’un sérieux cachet de Zoloft.
Même Ben Laden n’échappe pas à ce mal du siècle. Figurez -ous qu’il a dû découvrir dans la presse que des soldats français auraient pu le tuer par deux fois en 2003 et 2004 en Afghanistan, mais qu’heureusement pour lui, ils n'en ont pas reçu l'ordre de leurs supérieurs américains. Rétrospectivement, il doit se demander comment il a pu échapper à ces balles tricolores… A moins qu’il ait été difficile pour les Américains de laisser aux Français la gloire de cette exécution. Et si ce double mépris constituait la véritable raison du retour au pays des forces spéciales ? Un coup à saboter le moral des troupes. Or, depuis des années ,la "gnole" qui constituait le principal antidépresseur des armées n’est plus de mise. On remplacerait le stress du combat par celui de se faire arrêter sur la ...route dans un contrôle d’alcoolémie. Nulle part sur la planète, on n'échappe à ce phénomène qui s’insinue dans tous les actes sociaux. Regardez vous dans une galce le matin, et vous verrez que vous aussi vous avez une tête de stressé(e)!
Mais je déblogue…