Depuis une vingtaine d’années les pouvoirs publics et leurs organismes, au premier rang desquels l’Agence de l’eau, étaient au courant de la présence massive des résidus de pyralène dans le Rhône et ses affluents. Ils montrent aussi que, contrairement à ce qui est souvent mis en avant, l’usine Tredi, spécialisée dans le retraitement des déchets chimiques, et particulièrement du pyralène (nom commercial des PCB), n’était pas la seule à rejeter, dans les années 80, des quantités de ce produit dans le fleuve.
Ces rejets massifs d’alors, auxquels s’ajoutent aujourd’hui ceux qui continuent à être déversés dans le Rhône, se sont piégés dans les sédiments du fleuve. Ingurgités par les poissons, ils les ont rendus impropres à la consommation. Il s’agit d’une véritable catastrophe naturelle dont on n’a pas longtemps débattu lors du grenelle de l’environnement. Plus de 20 ans sans que personne ait alerté les responsables sur la dangerosité des produits venant du fleuve, et liés aux divers déversements de PCB dans les affluents ou le Rhône. Incroyable… mais révélateur de la puissance des lobbies industriels qui contournent, faute de contrôles suffisants exercés par des fonctionnaires impartiaux, le fonctionnement des installations classées.
Le Rhône est désormais pollué jusqu'à la mer. Il présente des taux de PCB de 5 à 12 fois supérieurs aux normes sanitaires européennes ! Analyse après analyse, les arrêtés préfectoraux sont tombés comme des couperets : l'interdiction de consommer ces poissons, décrétée d'abord au nord de Lyon, puis appliquée jusqu'aux confins de la Drôme et de l'Ardèche, a été étendue le 7 août aux départements du Vaucluse, du Gard et des Bouches-du-Rhône. Elle pourrait bientôt frapper les étangs de Camargue, alimentés par l'eau du fleuve, voire la pêche côtière en Méditerranée et celle des coquillages et crustacés du bord de mer. "La pollution du Rhône préfigure ce qui risque d'apparaître partout en France ", prévient Alain Chabrolle, ingénieur spécialisé dans l'eau, et hier on apprenait que la Seine et d’autres rivières ou fleuves atteignaient des concentrations néfastes mais que personne n’avait osé le dire ! D'autres sites sont touchés, dont la Moselle, le lac Léman, la Seine, la Loire...
PLUSIEURS FACTEURS ACTIFS
Comment expliquer cette diffusion généralisée des PCB ? Parmi les hypothèses avancées, les incinérateurs, coupables de rejets atmosphériques et de pollution des sols. Ainsi certaines entreprises, notamment celles fabriquant des transformateurs au pyralène, ont laissé leurs huiles aux PCB s'infiltrer dans la terre puis dans la nappe phréatique et les cours d'eau voisins, où ils se sont fait piéger dans les sédiments. C'est là, et sur les matières en suspension entraînées par les courants, que les poissons ingurgitent les PCB.
Sur le Rhône, on retrouve tous ces facteurs. Plus un autre, paradoxal : la présence à quelques kilomètres en amont de Lyon, à Saint- Vulbas, de Trédi, une unité d'élimination des déchets. Trédi a pourtant pour mandat de lutter contre la pollution, notamment en éliminant les PCB. Mais en créant, vers 1975, cette plate-forme de retraitement, les industriels de la chimie rhônalpine n'avaient pas pris suffisamment de précautions. Résultat : au milieu des années 1980, des quantités de PCB ont pu s'écouler dans le sous-sol puis s'infiltrer dans le Rhône. D’ailleurs, il n’est véritablement pas recommandé de parler de ces problèmes, car l’économie est actuellement largement supérieure au politique. Et l’on sait bien que le libéralisme tend à sabrer toutes les contraintes pouvant entraver la… libre entreprise. Il suffit de se plaindre, d’évoquer la suppression d’emplois conduisant ceux qui les occupent à une mort anticipée, pour que les critères disparaissent et que les fermetures administratives s’éloignent.
Pendant toutes ces années, les services administratifs n'ont pas, en effet, examiné l'état des sols et de la nappe sous le site de Trédi, affirme la Frapna. Pas plus qu'ils n'ont effectué de contrôles systématiques et fiables de son environnement. S'ils l'avaient fait, la pollution actuelle aurait été décelée bien avant que Cédric Giroud ne réclame une enquête. Cet apparent laxisme était-il dû au fait que Trédi était alors dans le giron de l'Etat ? On peut le penser. Mais il faut avouer que ce serait un peu gros. Il est vrai que cette entreprise n’est pas la première venue sur le marché puisque, par exemple, elle a été retenue pour traiter d’urgence le problème scandaleux des déchets… ivoiriens ! L’entreprise française, TREDI International, commise par le Gouvernement ivoirien pour l’enlèvement des déchets toxiques déversés sur divers sites de la ville d’Abidjan, le 19 août 2006, est une filiale de la société Séché Environnement qui se taille chaque année un succès phénoménal au Congrès des Maires de France en distribuant des cannes de randonnées pédestres… par milliers, aux élus avides de petits cadeaux.
Spécialisée dans le domaine de la gestion des matériaux dangereux, elle est représentée à travers le monde par des filiales. TREDI International est certifiée ISO 9001, ISO 14001 et OHSAS 18000 (Normes de sécurité) et possède de solides références à travers le monde. Notamment en Afrique (Mali, Mauritanie et Cap Vert), et au Moyen Orient. L’équipe dépêchée en Côte d’Ivoire par TREDI International pour l’enlèvement des déchets toxiques était composée de 25 membres dont 23 techniciens. Elle est fiable… tellement fiable qu’on ne peut pas imaginer qu’elle puisse avoir " triché " sur les doses rejetées.
LES PCB S’ACCUMULENT INEXORABLEMENT
Les PCB ou polychlorobiphényls sont des dérivés chimiques chlorés, regroupant pas moins de 209 substances apparentées. Entre 1930 et le début des années 80, les PCB ont été produits pour des applications liées aux transformateurs électriques et aux appareils hydrauliques industriels. Leurs propriétés remarquables en matière d’isolation électrique et de stabilité thermique, leur lubrification excellente et leur résistance au feu y furent bien utiles. Cependant, leur production a été interdite en 1985 lorsqu’il est apparu qu’ils présentaient un danger pour l’homme et pour l’environnement. Ils doivent être éliminés de manière contrôlée par des entreprises agréées de destruction des déchets et leur utilisation doit être définitivement arrêtée pour 2010.
Les PCB sont toxiques, sujets à la " bioaccumulation ", ils persistent en effet dans l’environnement à cause de leur lente biodégradabilité et dégagent des dioxines sous certaines conditions. Ils sont fortement soupçonnés d’être cancérigènes, sans pour autant que cela ait été prouvé.
Les PCB sont susceptibles de provoquer de sérieux problèmes de santé, tels que l'acné (éruption de la peau), l'irritation des voies respiratoires et des maux de tête . En plus, ils seraient responsable d'une diminution de la fertilité. Leur stabilité, si utile dans les applications concernées, les rend difficilement biodégradables. De plus, ils sont solubles dans les graisses et peuvent, de ce fait, s’accumuler dans de la chaîne alimentaire et ainsi, être retrouvés dans l'homme, l'animal (les poissons le prouvent) et l'environnement. Ils ne se distinguent pas, par leur aspect, des huiles minérales classiques et ils n’ont en outre ni odeur ni goût caractéristique. C’est précisément cette absence de signal de danger qui leur donne une apparence inoffensive et qui les rend invisibles dans l’eau !
Au début des années 80, l’industrie décida d’arrêter la production des PCB de sa propre initiative. En 1985, l’Union européenne frappa d’interdiction la production et le commerce de PCB, mais autorisa toutefois la poursuite provisoire de leur utilisation dans les transformateurs électriques et les condensateurs existants. En 1996, une nouvelle ligne de conduite fut adoptée, devant mener à l’élimination progressive des PCB avant la date limite de 2010. Il n’existe qu’une seule façon vraiment respectueuse de l’environnement d’éliminer définitivement les PCB : le démantèlement des transformateurs électriques et des condensateurs doit être effectué par des entreprises spécialisées et agréées, et les fluides contenant des PCB doivent être incinérés dans des fours spéciaux à haute température. Leur destruction réglementaire est un investissement lourd. Par conséquent, d’importants lieux de stockage pour PCB se sont constitués, avec les dangers qu’ils représentent. Ils y attendent leur destruction, mais risquent de fuir et de causer des dommages à l’environnement, si leur maintenance est peu judicieuse. En outre, il existe un risque pour que des destructions illégales et irresponsables se produisent, afin d’échapper au coût élevé de cette destruction . On ne sait pas exactement combien de transformateurs ont été détruits ou ensevelis sans aucun contrôle réel.
SEULE REPONSE : UN COMITE DE PLUS
Le scandale du PCB illustre parfaitement la difficile gestion des déchets industriels avec leur pollution diffuse dans l’environnement, qui finit dans nos organismes. Et toujours ce risque, trop présent, si l’encadrement institutionnel n’est pas assez strict, d’un abandon en friches industrielles, ou dépôts sauvages, car en fait, le contrôle s’exerce fortement et sérieusement sur les usines en fonctionnement, mais on sait que souvent, dans des espaces abandonnés, le danger peut être beaucoup plus patent.
Si ce scandale touche à notre santé et à l’équilibre fragile de nos écosystèmes, il atteint aussi notre quotidien : est-ce la fin des poissons d’eau douce dans nos assiettes ? Notre alimentation ne cesse d’inquiéter. Poissons cuits aux PCB, fruits arrosés de pesticides, légumes cultivés hors-sol, viandes aromatisées d’antibiotiques, poulets élevés en batterie, maïs OGM, etc, constituent notre pain quotidien, cruels retours d’une activité humaine inconsciente, choisissant comme but et échelle de valeur le profit et non l’avenir de l’homme.
Les responsabilités, aujourd’hui, doivent être assumées. Certaines associations soulèvent la question de l’inactivité de la puissance publique qui, informée de longue date de la pollution du Rhône par les PCB, n’a toujours pas entrepris les mesures adéquates à la sauvegarde de cet écosystème et de notre santé publique. Les organisations invitées ont mis les questions et les demandes présentées dans ce dossier à l’ordre du jour du Grenelle.
La réponse est arrivée. Elle sera à la hauteur des enjeux et dans le droit fil des dogmes sarkozystes : on va créer un comité ! Le premier sur la pollution du Rhône aux polychlorobiphényles (PCB) plus connus sous le nom de pyralène, a été ouvert hier après-midi à Lyon par la secrétaire d'état à l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Il réunit, maintenant qu’il est trop tard, les présidents des conseils généraux concernés, maires, ONG et représentants des pêcheurs et riverains du Rhône.
Elle a donné une conférence de presse durant laquelle elle a notamment présenté un état des lieux des bassins fluviaux contaminés par les PCB : Artois-Picardie, Rhône-Méditerranée et Seine-Normandie. Selon une carte présentée, les mesures effectuées par les réseaux de suivi dans les fleuves et rivières montrent que sur 852 sites analysés, près de 40 % montrent la présence de PCB.
La Ministre avait visité, en compagnie du préfet de la région Rhône-Alpes, Jacques Gérault, un laboratoire lyonnais spécialisé dans l'analyse des sédiments et de la qualité des eaux, ce qui relève du constat et pas nécessairement de l’action. Car dans l’immédiat, à part l’interdiction de consommer les tanches, les carpes, les gardons ou les anguilles, aucune autre mesure concrète n’a été prise ou annoncée. Toutes coûteraient trop cher pour un Etat en situation de précarité financière absolue. Alors tant pis, petit poisson au PCB deviendra grand et le cancer deviendra en 2008 cause nationale !
Mais je déblogue…