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10 août 2006 4 10 /08 /août /2006 07:17
Désormais la France sportive va vivre dans l’angoisse. Cette sensation forte n’est paradoxalement possible que quand tout va bien, car elle naît quand on a quelque chose à perdre. En effet, depuis hier soir, avec les médailles d’or de Mehdi Baala sur 1500 m et de Marc Raquil sur 400 m aux championnats d’Europe, on va craindre la détection, dans un flacon d’urine numéroté, de la présence d’une substance surnaturelle… Certes, il y a peu de risques qu’une telle mésaventure arrive, mais désormais plus aucune certitude n’existe en la matière. Il y a maintenant tellement de phénomènes extraordinaires dans le corps des sportifs de haut niveau, que l’euphorie d’un jour peut se transformer en honte en l’espace d’une seconde, le lendemain. Rares sont les personnes lucides qui ne sont pas, depuis quelques années, tenaillées par le doute, quand l’or se met à pleuvoir. La suspicion plane inévitablement sur toutes les performances, empêchant de savourer ce bonheur de voir triompher des femmes et des hommes représentant son pays. Et, malgré les assurances données par des dirigeants, soumis eux aussi, à des obligations de résultat, on espère simplement ne pas être déçu, ou même totalement déboussolé.
Le sport, secteur social dans lequel on voyait les symboles d’une réussite non seulement liée à un talent mais plus encore à un louable effort conforté par une volonté de fer, n’inspire plus le respect antérieur. La faute en revient aux tricheurs qui hypothèquent leur santé pour figurer sur des podiums. La soif de gloire est telle, qu’elle fait perdre la tête à ceux qui n’obtiennent pas leur dose de succès, de retour sur investissement, de reconnaissance nationale ou internationale.
L’athlétisme a toujours constitué, pour moi, la plus belle école de la vie. Je le place au-dessus de tous les autres sports, tant il constitue le fondement même du dépassement de soi qui anime la compétition. Normalement, il ne saurait y avoir aucun artifice dans la course à pied, le saut, le lancer, où chacun se retrouve confronté simplement aux limites de son corps. Et pourtant… malgré des enjeux financiers nettement inférieurs à ceux du vélo, le dopage y a régné en maître. Il s’agissait, durant des décennies, de faire retentir un hymne pour devenir le héros d’une nation, puis on est passé à la nécessité de montrer le logo d’une marque, afin de justifier des contrats, enfin désormais, il devient indispensable de justifier un statut dit de " haut niveau ". La pression demeure.
LA MEILLEURE ARME POLITIQUE
En juillet 1966, soit il y a tout juste plus de 40 ans, j’avais organisé, comme le voulait la tradition, le voyage à l’étranger de ma promotion d’école normale. Nous avions souhaité, par idéalisme et aussi par curiosité, effectuer une visite en Allemagne de l’Est. Rares étaient, alors, dans un contexte extrêmement tendu, les étudiants occidentaux désireux de rendre visite à leurs homologues de la RDA et d’ailleurs, tout était fait pour décourager les demandeurs. A force d’opiniâtreté, j’avais réussi à décrocher un passage par le fameux Check Point Charly de Berlin, pour vivre quatre jours dans un pays recroquevillé derrière son mur de la honte.
L’aventure nous avait permis de dialoguer " institutionnellement " puis " informellement " avec des responsables sportifs. Pour eux, le sport (et notamment l’athlétisme et la natation) constituait la meilleure arme politique. Il devait être aussi efficace que toutes les autres formes d’action, pour obtenir une reconnaissance mondiale que  les Occidentaux refusaient à ce pays "artificiel". Chaque fois que leur drapeau montait à un mat, chaque fois que retentissait leur hymne, les dirigeants de la RDA considéraient qu’ils avaient gagné une bataille diplomatique. Ils nous avaient donc implicitement avoué que " tout " était mis en œuvre pour que les palmarès en athlétisme, en natation et dans les disciplines olympiques soient aussi dominateurs que possible. Aucun mystère sur un choix politique clair : la fierté éprouvée par le Peuple devant ces podiums prestigieux devait le persuader de l’efficacité du système communiste.
Nous n’avions pas compris ce que recouvrait réellement le " tout ", qui devait être mis en œuvre… Et j’avoue avoir été impressionné par la qualité des installations, la motivation des éducateurs, la joie de la jeunesse mais, à 19 ans, les illusions appartiennent à la nécessaire évolution de la personnalité. Mais rares étaient ceux qui doutaient des exploits des athlètes de la RDA… car les observateurs n’imaginaient pas qu’il puisse y avoir une " industrialisation " du dopage au nom de l’intérêt d’Etat. Et je serais bien vaniteux de prétendre que j’étais méfiant… Bien au contraire ! C’était pourtant le début d’une escalade !
LE DOPAGE CAPITALISTE
La seconde phase a consisté à transposer le " dopage nationaliste " en " dopage capitaliste "… Bien évidemment, cette spécialité fut prise en charge par les Etats-Unis, au nom du maintien de leur supériorité planétaire. Les JO de Moscou furent véritablement boycottés, en 1980, afin que les athlètes américains ne soient pas ridiculisés par les " robots surpuissants " du camp communiste. Les prévisions étaient en effet très défavorables au camp occidental, face à une productivité de champions tournant à plein régime. D’ailleurs, même s’il faut relativiser le résultat, en raison de la présence  de  80 pays seulement, ce qui était encore l’URSS trustait 195 médailles (80 en or) et la RDA 126 dont 47 en or…Au total ces deux nations s'adjugeaient 321 des 631 médailles mises en jeu.
La riposte des USA arrivera lors de l'olympiade suivante. Les laboratoires privés se mirent à œuvrer dans la plus grande discrétion et, c’est désormais une certitude, l’utilisation des premiers produits de l’ère moderne donnèrent des ailes à quelques sprinters ou à quelques sauteurs. Des records du monde revinrent dans le giron occidental…
Comme les JO eurent lieu à Los Angeles, les " locaux " raflèrent à eux seuls 174 médailles dans un contexte certes plus défavorable, car si les Soviétiques restèrent à la maison, 140 pays étaient au rendez-vous !. Les grandes marques firent leur entrée en force dans le temple olympique et le système du couple " titre-contrat d'image " entra en vigueur, créant une nouvelle filière, avec des produits indétectables car… non recherchés. Il fallut quelques énormes scandales (Ben Johnson aura été à Séoul le plus énorme), pour que ce brave Prince Alexandre de Mérode, responsable de la commission médicale du CIO se décide à ne plus cacher tous les résultats dérangeants… L’athlète, légèrement plus surveillé, donna des idées aux cyclistes, chez lesquels les enjeux financiers n’étaient pas de la même veine. Une époque nouvelle arriva.
LE DOPAGE RENTABLE
Les pays de l’Est, en pleine déliquescence, ne purent jamais suivre les progrès fulgurant de la chimie, mise au service de la performance. Ils s’effondrèrent brutalement sur la scène internationale, et la RDA disparut sportivement et surtout politiquement des statistiques. La seule reconnaissance qui eut lieu conduisit l’Allemagne réunifiée à indemniser, des années plus tard, 194 sportifs est-allemands qui furent considérés comme victimes de la pharmacologie sportive.
Ils avaient été des " gagne-petit " car, en dehors d’une Traban et d’un appartement un peu plus grand, ils n’avaient sûrement pas fait fortune. La suite permit, en revanche, au " dopage rentable " d’entrer en lice. Peu importe les conséquences de l'acte délictueux, dans la mesure où, médiatiquement, la sanction n' intervient que plusieurs jours après celui de la gloire. On ne revient jamais sur les unes de journaux, les articles dithyrambiques,ou les panégyriques télevisés.
Les professionnels, au nom des nécessités de leur métier, entamèrent la course poursuite entre " utilisation " et " détection ", pour finir par arriver au cas Landis, qui marquera la fin de cette époque, tellement il est dramatiquement indigne du sport. J’ai le souvenir d’un journaliste sportif, aujourd’hui disparu, qui portait sur le Tour de France les ordonnances d’un médecin bordelais, lui aussi disparu, dans des enveloppes à destination de quelques coureurs en perdition. La loi du milieu régnait sur le peloton et, malgré des indices très précis, on adoptait la tactique du " cachez-moi ces problèmes que je ne veux pas voir ".
Tout a bien changé (si vous le croyez, c’est déjà merveilleux !) mais on tremble pourtant de voir, une fois encore, la suspicion envahir les stades. Et c’est là qu’est le véritable problème, car cette hantise gâche le plaisir que l’on ressent à voir mêlées la victoire collective " nationaliste "  (podium et drapeaux) et la rentabilité " capitaliste " individuelle (titre personnel). Alors, parfois, il vaut mieux fermer les yeux, croiser les doigts et attendre le résultat des analyses pour déboucher le Champagne !
Mais je déblogue…

Retour sur chronique (articles publiés dans la presse après celle-ci) :
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6 août 2006 7 06 /08 /août /2006 07:17
La balle ronde a repris le contrôle des écrans de télévision français. Après avoir transformé la terre elle-même en un gigantesque terrain de jeux et avoir eu le " génie " de placer un médiatique " coup de boule " au cœur du débat mondial, elle va se contenter du menu ordinaire. La Ligue 1 installe, en effet, son barnum pour dix mois seulement, sur la pointe des crampons, car un " Lorient-Le Mans " ou un " Sedan-Sochaux " auront bien du mal à faire oublier un " France-Brésil ". Il faudra se contenter de pâté de foie deuxième choix, alors que nous nous sommes tartinés des plateaux repas au foie gras, lors des grandes soirées de juin et juillet…
Le grand malheur du foot hexagonal impose un douloureux constat : il n’a plus de vedettes permettant aux foules de rêver, ce qui est essentiel pour drainer les spectateurs vers les stades (sauf Ribery mais, selon moi, ça ne durera pas!). En dehors de Lyon, qui possède quelques noms de première catégorie, les autres vivent en recyclant des " anciens " en fin de carrière dans d’autres championnats, en dénichant des Brésiliens désireux de se faire un nom de leur prénom, en récupérant des talents, venus d’Afrique, la faim (et pas seulement celle de ballon) au ventre ou, surtout, en puisant dans leurs réserves. Les tarifs (et notamment les salaires) sont devenus tellement délirants que l’économie française, en petite forme, ne peut absolument pas entrer sur le marché. Elle attend donc les soldes, qui vont précéder, dans quelques jours, le début des compétitions dans les autres pays européens.
LE PACTOLE DES PLACES EUROPEENNES
La seule incertitude réside donc dans l’état actuel du Calcio italien car, bien que faramineusement endetté, il pesait sur les transferts. L’imbroglio transalpin va doper les achats et les ventes, dont on sait qu’ils constituent la principale préoccupation aoûtienne des dirigeants de clubs professionnels. La Juve, prise les doigts dans la confiture de la corruption, et ses principaux rivaux, s’arrangeaient pour se faire leur compétition à quatre ou cinq pour, en définitive, se partager le pactole des places européennes. Croire que ces pratiques n’ont jamais existé à d’autres niveaux ou dans d’autres championnats relève de la naïveté du supporteur débutant.
L’Espagne, de son coté, secouée par des magouilles électorales au sein de ses grands clubs (Real et Barcelone) a du mal à revenir dans l’après mondial. Elle possédait déjà la très grande majorité des grands talents de la planète foot. Elle vient d’augmenter son palmarès en récupérant les " mercenaires italiens perdus ". Ceux qui ont la chance de disposer de Canal Satellite vont encore mesurer l’incroyable différence, au niveau du rythme, du spectacle, des scores, entre les rencontres de la Liga. Les soirées tardives au Camp Nou, à Santiago Bernabeu, Mestalla ou San Mamès… ont une autre saveur, malgré la distance, que celles que l’on vit au Parc des Princes, à Gerland, à Chaban-Delmas ou même au stade vélodrome marseillais. Il y a une passion communicative, une atmosphère permanente de défis, une exigence de qualité que l’on ne ressent nulle part en France.
En Angleterre,  les milliards de Roman Abramovitch, sentant fortement le pétrole russe " blanchi ", ont écrasé, avec Chelsea, le marché et donc le championnat. Il faut convenir que l’intérêt a baissé, tant la lutte se limite vite à trois ou quatre équipes phares. Manchester a baissé d’un cran, Arsenal entame sa cure de rajeunissement, Liverpool stagne. D’ailleurs, le nombre de " vedettes " a baissé cette saison, en raison de la priorité accordée à la conservation de celles qui furent tentées par une émigration choisie.
CONCURRENCE THEORIQUE
La Ligue 1 souffre de la comparaison. Lyon a une telle avance dans tous les domaines que la concurrence ne s’avèrera que théorique. Jean Michel Aulas a, par exemple, vigoureusement protesté contre le fait que les instances dirigeantes obligeaient l’OL à débuter sans ses internationaux français ou étrangers. Ce devait être un lourd handicap, clamait-il, pouvant coûter, à son club, une défaite dans le Challenge des Champions, et plus encore une mauvaise entrée en matière en championnat. Il a tempêté, menacé, lancé des recours pour finalement…gagner les deux rencontres que Lyon devait perdre ! Impossible de ne pas y voir un signe fort de supériorité des Gones sur le reste de la troupe. Ils devraient être intouchables !
Même si Diarra se prépare à partir vers le ciel madrilène pour essayer de faire oublier Makélélé, l’OL possède un tel potentiel qu’il faudrait une improbable catastrophe pour que Bordeaux, le PSG (quel départ !), l’O.M., Lille ou Monaco le menacent dans la conquête de son sixième titre consécutif.
Il s’agit d’une publicité mensongère que celle qui consiste à vendre une L1 indécise ou attractive. Seuls les " chauvins " ou les " inconditionnels ", deux catégories de spectateurs que je déteste, trouveront matière à s’astreindre à suivre toutes les péripéties d’un championnat couru d’avance.
En fait, la seule glorieuse incertitude de ce sport peut venir de l’avénement de nouveaux entraîneurs beaucoup moins charismatiques que leurs prédécesseurs, mais certainement plus exigeants. Puel, Ricardo, Boloni, Hantz, Dréossi, Emon, Gillot… ont la réputation d’être plus exigeants avec des " joueurs " largement rémunérés, mais peu enclins, parfois, à respecter un minimum de professionnalisme. Souvent d’ailleurs, les coaches sont les victimes expiatoires d’un système voulant que la valeur marchande d’un effectif soit plus importante que son comportement moral. On sait par exemple, dans le milieu, que les Rennais ont fêté le départ de Boloni qui les faisait lever à six heures du matin, que Puel passe pour un bourreau, que Ricardo ne plaisante pas des masses et sanctionne dur (n’est-ce pas Mavuba ?). Cette attitude rebute quelque peu les " artistes " n’ayant plus rien à prouver, à part quand les caméras de télé sont présentes pour un grand rendez-vous. Ces nouveaux " managers " à l’anglaise ont peut-être la possibilité de créer une surprise, comme l’a fait Ricardo la saison dernière.
LES CHAMPIONNATS NATIONAUX DEVALORISES
En définitive, le Mondial aura mis en évidence que les championnats nationaux n’ont guère d’importance et qu’ils sont dévalorisés par rapport au véritable objectif unique qu’est la conquête d’un fauteuil européen, économiquement indispensable. Par ailleurs, la multiplicité des nationalités présentes modifie radicalement la perception d’un titre. On arrivera, dans peu de saisons, à ce qu’une formation parvienne à s’imposer, alors qu’aucun représentant de son pays ne figurera parmi les titulaires.
La Ligue 1 de football est la compétition qui accueillait déjà le plus de nationalités différentes (48 en 2004-2005 contre 27 dans le Tour de France cycliste 2004, 31 à Roland Garros-hommes 2004 et 33 à Roland Garros-femmes 2004). La proportion des footballeurs étrangers en Ligue 1 était cependant inférieure à celle constatée en Premier League anglaise (54,92%) et en Bundesliga allemande (50,10%). Il va falloir que Sarkozy adopte des dispositions spéciales pour que le métier de footballeur soit privilégié dans sa loi sur l’immigration, ou bien la pénurie va menacer.
Le coté positif de cet éclectisme des origines venait,, jusqu’à présent, du peu de racisme constaté dans les vestiaires et dans les tribunes. La situation évolue désormais dangereusement, depuis quelques années.
Cris de singes, saluts hitlériens, jets de bananes et de cacahuètes ou encore insultes racistes. Les terrains de football européens, souvent présentés comme des havres de mixité sociale et ethnique, sont, de plus en plus, pris d’assaut par des groupuscules néo-nazis et fascistes, arrivés au stade de la haine. Ce phénomène ne cesse de prospérer… beaucoup plus aisément que le nombre de buts inscrits dans les championnats !
En observant son évolution en France, on aura une idée exacte du problème. Le foot n’est en effet que le reflet d’une société. C’est ce qui fait sa force et sa faiblesse.
Mais je déblogue…
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2 août 2006 3 02 /08 /août /2006 07:17
Le château de Pitray sur les hauteurs de Gardegan et Tourtirac, près de Castillon la Bataille, a des allures des vastes bâtisses royales écossaises. Il accueillait hier les Princes de la Grande Boucle et leurs invités pour la 33° édition du Critérium d’après Tour de France, sous les frondaisons d’arbres séculaires. Un cadre à la Cecil B. De Mille pour une manifestation surtout destinée à favoriser la rencontre entre des " héros " et leur public.
Le repas d’avant " match " qui rassemble traditionnellement toutes les générations et tout ce que le monde régional de la Petite Reine compte comme personnalités, a au moins autant d’importance pour analyser l’un des sports les plus populaires que tous les reportages de France Télévision. Il suffit d’écouter, d’observer, pour mesurer l’évolution en cours. Depuis maintenant trois décennies, soit professionnellement, soit amicalement, je participe à ces agapes post déchaînement médiatique de Juillet.
Les lieux ont changé, tous plus prestigieux les uns que les autres, sans que leur influence soit réelle sur l’appréciation que l’on peut porter sur le cyclisme spectacle. Point n’est besoin d’avoir un grand sens de l’analyse pour savoir où en est la fameuse légende des cycles. L’épilogue castillonnais du Tour résume à la perfection les épisodes précédents.
Georges Barrière, l’irremplaçable organisateur de cette épreuve, réputée comme l’une des plus exigeantes du genre, accueillait hier ses invités avec la gueule des très mauvais jours. C’était déjà un signe avant coureur de la catastrophe en cours. Passionné, redoutable connaisseur des us et coutumes du milieu, ami discret des plus célèbres fugueurs du peloton, sans illusion réelle sur le système actuel et passé, il ne pouvait cacher son désespoir. Lui qui apportait, au début de sa carrière bénévole d’organisateur, du rêve à des milliers de spectateurs ne pouvait que constater que, désormais, il a du mal à ne pas vivre dans le cauchemar. Constituer un plateau de participants crédibles et accessibles relève depuis quelques années du même genre d’exploit que de monter vers l’Alpe d’Huez en moins de 35 minutes ! " Je ne suis certain de la présence des coureurs prévus que quand ils descendent de leur voiture devant l’hôtel " avouait-il au milieu de plusieurs centaines de convives, visiblement peu préoccupés par la liste des engagés.
UN NOM POUR QUE LA FOULE COURE
En effet, il fut une époque où il suffisait d’un nom pour que la foule coure vers la côte de Belvés. Et son seul souci consistait à avoir les moyens financiers de s'assurer la présence de celui que les frustrés du contact direct avec les archanges du petit écran, voulaient approcher. Arracher un autographe à celui que l’on avait vu passer comme une fusée au bord d’une route ensoleillée, se faire photographier avec une gueule d’ange aux pois rouges, pouvoir simplement toucher la tunique de l’idole suffisait au bonheur des gamins et des dames. D’ailleurs, j’ai le souvenir, lors d’un reportage m’ayant permis de suivre, pas à pas, pour Sud-Ouest, avant le rendez-vous de Castillon, Richard Virenque durant trois jours, d’avoir été ébahi par la folie populaire qui entourait chacune de ses apparitions. Extravaguant, délirant, démoralisant ensuite... quand on eut connaissance de la suite, mais tellement révélateur d’une société avide de toujours plus d’exploits pour se sortir de la grisaille dévastatrice du quotidien. Les " anciens " regardaient cette " Virencomania " avec étonnement, et même avec une pointe de dérision.
Hier, on se bousculait davantage au repas pour s’installer à la table de Miss France et de ses dauphines qu’à celle de Moreau, Dessel ou Calzati et consorts. Autre signe des temps ! Il régnait, dans le cadre bucolique de Pitray, une évidente indifférence. Applaudissements polis lors de la présentation, au dessert, des " vedettes " par Daniel Mangeas, une seule caméra présente et des photographes se comptant sur les doigts d’une seule main, des tables qui se vidaient rapidement, aucune furia pour approcher de ceux qui roulent pour une caisse de retraite ou pour un vendeur d’abonnement téléphonique.
Raymond Poulidor lui-même paraissait absent. Lui, le philosophe des vérités toutes faites, semblait étrangement ignoré par les habitués, comme si un doute général planait sur ces retrouvailles. Les "anciens" présents, même sans aucune illusion sur les obligations connues, générées par la notion de résultat, ne pavoisaient pas. La crédibilité de la passion qui fut leur métier a pris un sérieux coup de pompe !
JAMAIS LE MILIEU NE PARDONNERA
La fringale " tostéronique " de Landis avait " repoulidorisé " le cyclisme. Paradoxalement, l’envie de voir les idoles réaliser des miracles quotidiens s’accommodait mal de la domination suspecte du pote inconditionnel de " dobliou Buche ". Poulidor ne pouvait plus raconter la malchance qui fit sa notoriété, et les défaillances malvenues qui le transformèrent en admirable victime. Elles ne correspondaient plus, depuis des années, à la réalité du terrain. Jamais le milieu (coureurs, sponsors, médias, supporteurs, grand public…) ne pardonnera au transfuge de la religion mennonite sa résurrection mal dosée, qui a suivi sa montée poussive aux enfers!
Personne, autour des tables rondes où le vin des Côtes de Castillon coulait à flots, ne pipait mot sur le sujet. Landis n'était pas là. Inutile de réveiller les morts! D’abord par peur d’être rangé au rayon des gens qui s’acharnent lâchement sur un sport professionnel moribond. Toutes les rustines médiatiques n’empêcheront  probablement pas, en effet, le vélo de crever tout seul !
Ensuite, parce qu'à chacune d’entre elles, se trouvait forcément une personne qui, de près ou de plus loin, se nourrissait à la mamelle de cette activité devenue surnaturelle. L’inquiétude de la " tribu " sur son sort, probablement scellé, samedi soir, avec le verdict qui démentira le principe voulant que, peu importe le flacon pourvu que l’on ait l’ivresse, était palpable. Mieux valait donc ne pas en rajouter. Les esprits étaient échauffés. Heuruesement qu'un athlète alméricain a été pris la seringue dans la peau!  Et, le seul micro radiophonique présent, semblait égaré au milieu d’un bassin de carpes.
Enfin et surtout, il n’est pas bien venu de faire perdre leurs illusions de pureté aux croyants encore présents. Ils ne supportent pas, un peu comme les adeptes des sectes, que vous les rameniez à la raison, car ils perdraient la face, et surtout l’estime qu’ils avaient pour leur foi dans l’autre. En terme d’image, le vélo, pourtant tellement populaire, tellement ancré dans la société, tellement démultiplié par la télé, ressemble désormais à celle de Canal + sans décodeur. Il faudra une passion décuplée pour y trouver un intérêt…
ETONNANT ESPRIT COCARDIER
Le verdict se trouvait sur le circuit. Moins de monde, bien moins de monde aux guichets. L’ambiance familiale habituelle, la ferveur militante, la confiance aveugle n’étaient plus de mise. Bizarrement, il y régnait un étonnant esprit cocardier, comme si les erreurs des Américains, des Italiens, des Espagnols, des Allemands avaient redonné des couleurs à Moreau, Dessel, Calzati, Fédrigo, Jalabert, Pineau, Portal et consorts. Des noms qui, parfois, appartenaient au peloton des… etc et qui, maintenant trouvent un courant de sympathie compréhensif. Leur faiblesse antérieure, dont on se moquait, est devenue un gage de sincérité provisoire. Si, par malheur, ils venaient à " trahir ", ils couperaient définitivement le fil de plus en plus mince qui relie encore le Peuple à un sport qui l’a fait rêver.
Au fait j’ai oublié de vous le confier : il y a eu une course sous les encouragements de milliers d’inconditionnels. Le vainqueur ? Ah ! Oui ! Ca vous intéresse encore ?… Consultez donc votre quotidien, et regardez un peu la place qu’il réservera à ce Critérium, et vous aurez une idée précise du principe voulant que l’on vous oublie d’autant plus vite que l’on vous a beaucoup encensé à tort ! Les journalistes n’aiment pas beaucoup se tromper. Alors, le vainqueur… On le désignera par un sondage !
Mais je déblogue…
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10 juillet 2006 1 10 /07 /juillet /2006 00:07
La halle séculaire de La Sauve Majeure a dû connaître, dans son histoire, des affluences exceptionnelles. Elle a reçu des milliers et des milliers de personnes venant en pèlerinage. Dans leur costume avec la coquille Saint Jacques ou sans aucun repère, ils passaient par l'abbaye pour se régénérer en espoirs dans leur long périple vers la cité du monde médiéval la plus connue. Elle s'est réveillée hier soir pour accueillir lors d'une fête païenne, des centaines et des centaines de personnes arrivant à pied de tous les lieux. Un moment humainement fastueux que celui de voir surgir aux quatre coins de la place des familles entières, des générations différentes, des adeptes plus ou moins convaincus. Tous croyants mais aussi parfois peu pratiquants venaient assister à la plus grande célébration qui ait jamais été organisée à l'échelle de la planète.
De Berlin, d'un lieu de sinistre mémoire, où devaient naître le racisme le plus odieux, la haine la plus féroce arrivaient les premières images pieuses. Elles permirent aux premiers arrivants de prendre leurs marques et de trouver une place sur les prie dieux des stades.
Nombreux étaient ceux qui portaient le signe distinctif permettant de connaître leurs convictions. Peintures sympas, perruques repères, maillots bleus, drapeaux du coeur et non pas de la guerre, jeunes et moins jeunes partageraient le bonheur pourtant simple des retrouvailles. Un peu comme ces gens que l'hiver des sentiments aurait contraint, durant trop longtemps, à la disette du partage, ils quittaient la quarantaine imposée par la télévision pour venir retrouver la foule.
La rencontre, la surprise de retrouver l'autre, quelques mots échangés avant que la ferveur ne prenne le pas sur toute autre considération, constituait les seuls viatiques pour trouver sa place dans le groupe. Le premier cantique fut repris en choeur par des travées largement garnies. Il ne fut pas dénué d'émotion, et toutes les poitrines se mirent à se soulever un peu plus rapidement. La fumée païenne des grillades montait vers la haute stature imperturbable de l'abbaye, qui dans le soleil couchant, témoignait qu'en pratiquement mille ans d'existence, elle avait connu bien des rassemblements plus nombreux. Les verres de bière ambrée circulaient de mains en mains. Les gamins excités couraient dans les allées comme des fourmis déboussolées par un événement imprévu. Il fallut que le bedeau argentin, sélectionné pour organiser la grand-messe, signale que l'office débutait, pour qu'un semblant de silence s'établisse.
LA HALLE EXULTAIT
Le peuple rassemblé n'avait d'yeux que pour Zidane. Au moindre signe de son idole, la halle exultait. L'ange blanc galvanisait ses fidèles, prêchant l'exemple pour une cène où les apôtres n'étaient que dix. Il provoqua admiration et respect en inscrivant miraculeusement un penalty laissant croire qu'il annihilerait à lui seul les facéties musclées de ces diables bleus italiens. Personne ne resta insensible à ce signe fort du destin. Les mères de famille fraîchement converties hurlaient leur joie. Les véritables connaisseurs restaient muets de stupeur en revoyant au ralenti l'audace de leur grand prêtre. Les gamins se transformèrent en fourmis volantes. Les oriflammes trouvèrent une souffle d'air frais pour vibrer. L'extase envahissait des esprits sains. Impossible de ne pas pencher du côté des croyants.
Le calme revint l'espace de quelques minutes. Le temps que la réaction s'inverse. La joie fit place au dépit quand Materasi s'envola surnaturellement pour expier sa faute. Il avait décidé de n'en faire qu'à sa tête. Têtu comme un Italien, il expédia une claque dans un ballon qu'un Vieira altruiste lui avait abandonné. Un hurlement de supplicié parcourut la halle. Les adeptes du " On a gagné ! " se mirent illico à déboulonner les idoles pendant une minute de commentaires peu amènes. Les autres, majoritaires, firent contre mauvaise fortune bon coeur, et ne songèrent pas un instant à renier ceux qu'ils adoraient. Heureusement qu'une barre bienveillante vint contrarier un second soubresaut des diables d'azur. Un ouf de soulagement vint sur les lèvres.
Il fallut que les pèlerins du ballon rond se transforment en mouches à miel pour que l'office connaisse un moment paisible. Les marchands de pub envahirent le temple durant un bon quart d'heure, et faute de vin et d'osties, on communia au demi et au sandwich merguez. La France bière, blanc, beurre s'ébroua avant de reprendre sagement le chemin de ce que l'on espérait ne pas être celui du calvaire.
ACTIONS MANQUANT DE GRACE
Les premières haltes semblèrent conduire vers le paradis. Malouda, Henry, Zidane soulevèrent de leur siège des inconditionnels déçus par le résultat d'actions manquant d'état de grâce. Avec une abnégation de Bénédictins, les hommes de blanc vêtus accomplissaient un formidable travail de sape. Paradoxalement, cette supériorité manifeste énerva les troupes qui ne tenaient plus en place. Se tortillant sur les sièges, arpentant les travées, se levant tel un diable hors de sa boite, chacun cherchait à aider les disciples de Zidane à trouver la solution. Un coup de pied dans le vide. Un saut de cabri. Un conseil susceptible d'être salvateur. Une critique acerbe. Le cantique entonné dans une douce pénombre d'été. Rien ne permit de renverser le cours des événements. Même pas une frappe rageuse de Zinedine, que Buffon détourna avec désinvolture.
Les visages s'assombrirent quand Saint Zizou se retrouva au sol. La grimace ne disait rien que vaille. Les mamans aussitôt inquiètes comme elles l'auraient été pour leur fils, se préoccupèrent de sa santé avec une attendrissante bienveillance. Soigné par l'imposition de la bombe " magique ", il reprit heureusement la direction de l'office. Malgré une supériorité manifeste, une solidarité sans faille, les ouailles de Domenech ne purent se dispenser des vêpres dont on sait qu'ils constituent parfois une véritable corvée. Une part de la halle en profita pour regagner discrètement ses pénates dans la nuit claire. Les occasions perdues ne rassuraient pas les spécialistes, car ils savaient qu'elles ne se rattrapent jamais, ou du moins c'est ce que l'on dit. La chaleur était tombée. Le coup de froid arrivait...
UN CIEL QUI NE VOULAIT PLUS VIRER AU BLANC
La tour de l'abbaye se découpait sur un ciel qui ne voulait plus virer au blanc. Ce ciel tomba sur la halle quand "Saint Zizou" se mua, à la surprise générale, en malandrin. Une réaction excédée dont nul ne connaissait les causes. Un moment d'égarement ? Une fracture de fatigue ? Une inexcusable perte de sang-froid ? Drame personnel ? réaction à des injures?.. Peu importe dans le fond, le mal était fait. La stupeur frappa la foule. Incompréhension totale. Perte de confiance dans l'être suprème.
Il y eut alors ceux qui refusèrent de voir la triste réalité en face, et ceux qui, éberlués par un geste n'ayant rien d'une bénédiction urbi et orbi, ne songèrent pas un instant à lui reprocher quoi que ce soit. Au blanc et au bleu présents dans le temple, s'ajouta le rouge de la honte. Le drame ! On se prit la tête dans les mains. On cria sa rage. On resta muet de stupeur....On quiita le lieux ! La finale n'était plus la même.
Il restait à attendre le verdict de l'épreuve de vérité. Certaines se cachèrent pour ne pas en voir l'issue. D'autres tournèrent les talons pour aller lire dans les étoiles l'issue d'une finale. Barthez n'avait pas effectué un seul arrêt de tout l'office. Il eut droit au même sort. Il ne put intercepter le moindre tir. Trézeguet deviendra le Judas de service. La halle sentit que la messe était dite... et les fidèles se dispersèrent en silence.
Ils garderont en mémoire seulement les quatre coups de tête de Zidane qui résument la soirée. Deux l'avaient fait ange, et avaient donné la victoire de 98. Un autre aurait pu le faire Dieu, et donner celle de 2006 à son camp. Un quatrième et dernier causa enfin sa perte, et le fit démon. Il y a fort à craindre que seul, celui-ci fasse le tour d'un monde du ballon rond qu'il aura quitté par une porte dérobée...On ne parlera probablement plus que de ce geste. Le reste deviendra anecdotique. Dommage ! Véritablement dommage !
Mais je déblogue... 
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9 juillet 2006 7 09 /07 /juillet /2006 11:01
Les enfants de la balle laissent toujours l'impression que ce qui relève de l'exploit pour tout être, non né sur la piste, constitue, pour eux, un véritable jeu. Ils ne se prennent jamais au sérieux, car ils n'ont jamais vécu que dans la facilité. Ils accomplissent des prouesses comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans le savoir et parfois même sans le vouloir. Cette spontanéité créative repose pourtant sur des heures et des heures d'apprentissage, qu'eux n'ont jamais considéré comme une contrainte. Le secret essentiel de leur réussite se base sur une qualité fondamentale : ils ne font aucune différence entre ces deux facettes contradictoires de la vie que sont le travail et le jeu. Cette capacité à rendre agréable ce qui est rébarbatif pour toute autre personne " normale ", s'occulte souvent dès que l'on évoque le talent. Or, c'est le fondement de toute réussite exceptionnelle.
Il est, par ailleurs, indispensable qu'il y ait eu un contexte général très difficile afin que les gestes, aisés dans des conditions normales, deviennent encore plus parfaits et fluides. Quand on a domestiqué une boîte de conserve, une pelote de chiffons, sur un sol aride et rugueux, quand on a évolué dans un périmètre restreint et surpeuplé, la balle que découvre l'adulte sur une pelouse fraîche et rase relève du jeu... d'enfant. Il y a ainsi des lieux banals qui entrent dans la légende : les moindres espaces des favelas brésiliennes, le pied des immeubles des banlieues, les pseudo stades couleur ocre de l'Afrique, les rues défoncées des bidonvilles.
La place Tartane va se retrouver, ce soir à Marseille, dans ces endroits qu'il faudra, dans cette perspective, inscrire au patrimoine mondial de l'UNESCO. Elle n'a pourtant rien de remarquable sur le plan des façades, du genre décrépies et anonymes. Or elle deviendra sûrement, pour tous les enfants de la balle, grands ou petits,un nouveau but de pèlerinage. On y viendra vêtu de bleu vérifier que c'est sur les sols les plus ingrats, dénués d'intérêt, que se forgent les plus grands destins.
CHEVALIERS POTENTIELS DE LA BALLE RONDE
Il n'y a pourtant pas encore de plaque commémorative, de mausolée fleuri, de signes particuliers, et la Bonne Mère n'y a accompli aucun miracle. Les enfants qui y évoluent ont tous l'étoffe de chevaliers potentiels de la balle ronde. Ils y cultivent le rêve comme les jardiniers de Marseille s'échinent à entretenir des fleurs sous le soleil. Ils poursuivent des chimères bleues, dont on sait qu'elles apparaissent désormais plus facilement dans les banlieues comme La Castellane que dans les villages paisibles de la France profonde.
Certains témoins, assis sur un banc, répètent que c'est bien ici qu'est passé, il a maintenant plus de 20 ans, le maître des clés, celui qui sait donner une âme à un objet inanimé que l'on appelle ballon. Un gamin à l'oeil noir, taciturne, quasiment muet, qui ne parlait qu'avec ses pieds. La force s'était installée en lui et se traduisait par une capacité à pratiquer le langage universel du jeu. Aucune ambition. Aucune hargne à vaincre. Aucune prétention. Seulement la recherche permanente du plaisir...du simple plaisir d'accomplir les prouesses que les autres refusaient d'imaginer et de tenter. Une audace naturelle qui contrastait beaucoup avec justement sa timidité habituelle. Rien de prodigieux dans cet enfant qui usait davantage ses fonds de culotte sur le sol de la Place Tartane que sur les bancs d'une école, ne reconnaissant pas le plaisir du jeu comme discipline de base. Il n'avait pas plus d'avenir que les jongleurs, les saltimbanques, les fildeféristes, les acrobates, les amazones cultivant leur savoir faire inné au milieu des caravanes du cirque.
LE REVE A BESOIN D'UNE SAGE FEMME
Pour éclore, le rêve a en effet besoin d'une sage femme. Surtout quand il n'existe qu'à l'état embryonnaire dans l'esprit de celui qui le porte. L'Union Sportive de Saint Henri près de la Castellane remplira cette fonction en menant le minot immigré sur la piste aux étoiles. Des dirigeants bénévoles, accoucheurs de talents plus ou moins affirmés, accueillirent celui qui n'était que Yazid pour une mère ultra protectrice. Ils n'auront pas le temps de s'émerveiller des envolées victorieuses du surdoué, de son goût pour le passement de jambes, pour le coup du sombrero, pour le petit ou le grand pont ou pour la roulette. Le poussin kabyle va en effet être repéré par Robert Centenero, spécialiste de "l'élevage" des coqs de combat. Au sein des équipes du S.O. Septèmes, les actes naturels vont devenir techniques, utiles au collectif, mais jamais on a pu empêcher, chez le lutin de Tartane, l'imagination de conserver le pouvoir.
Quand il fut un cadet première année, il eut les honneurs de la sélection chez les Mousquetaires de Ligue. Grâce à sa capacité de bouter cul par dessus tête les plus solides défenses, en sortant vainqueur de n'importe quel duel, Zinedine fit alors oublier Yazid. La classe, non pas celle formatée qui étouffe le talent, mais celle que respirent justement les génies, va attirer la convoitise d'un sergent recruteur venu de Cannes où l'on sait que tout festival a besoin d'acteurs exceptionnels pour exister. Le parcours nécessitera le départ du cocon familial qui, plus il est modeste et plus il devient parfois protecteur. Un coup à vous faire perdre l'amour du jeu, à teinter de morosité le moindre de vos gestes, à rendre encore plus sombre le regard d'un ado entrant en... formation. Zinedine en soufrira en silence mais gagnera en forces morales
Dans la famille Elineau, qui tentait de pallier la séparation avec les habitudes de la place Tartane, il demeura Zinedine, mais sur les pelouses naquit peu à peu Zidane. La mue, comme celle de ces modestes chenilles en papillons flamboyants, dura six ans avec comme premier stade de la métamorphose celui de la Beaujoire, à Nantes, grâce à l'oeil expert de Jean Fernandez pensant déjà que la valeur n'attendrait pas le nombre des années.  A à peine 17 ans, l'ex- poussin kabyle entrait dans la basse cour des Coqs.
AU BOUT DU CHEMIN : LA PLACE TARTANE
Dans le fond, la suite n'a guère d'importance car, ce soir, au bout du chemin pavé de tellement d'exploits, de tellement d'argent, de tellement de gloire, il n'y aura que la place de la Tartane. J'espère que Marseille a eu la bonne idée d'y placer un écran pour géants aux pieds agiles, afin que le sol se souvienne. Une carrière qui se clôt est étonnante : elle n'est faite que d'ombres et de lumières, de souffrances et de bonheurs, de peurs et d'audaces. Pourtant, à tout moment, elle ne se nourrit que grâce à ses racines. Nul ne peut réfuter le principe voulant que tout ce qui se passe entre la naissance et la retraite ne compte pas. La seule période révélatrice de l'existence demeure celle de la construction personnelle. Aucun fruit ne peut mûrir sans puiser dans le sol de la vie. 
Zidane, ce soir, s'il sait donc être le gamin de la Castellane, jouant pour son plaisir et notre plaisir sur la place Tartane sera irrésistible, et partira avec le sentiment profond d'avoir renoué avec l'essentiel. Les génies retombent parfois en enfance. C'est ce qui fait leur force, et leur permet de demeurer créatifs, imprévisibles, généreux ou capricieux. Ils perdent leur âme quand ils veulent absolument oublier leurs origines pour se contenter de monnayer ce qu'ils croient être unique et exceptionnel.
Yacid, Zinedine, Zidane laissera derrière lui Yacid et Zinedine pour devenir définitivement et simplement... Monsieur Zidane dont c'est certain, un jour, on placera la statue de bronze sur la place Tartane, pavée à neuf, à La Castellane.
Mais je déblogue...
 
 
NDLR : En ce jour de finale de la Coupe du Monde est décédé, affreux signe du destin, André Noguès,qui fut mon maître journaliste sportif à la rubrique football de Sud Ouest durant 20 ans. André était un honnête homme, courtois, intègre et d'un humour exceptionnel qui avait en mémoire plus d'un demi-siècle de football qu'il avait vécu à tous les niveaux. Je lui dédie cette chronique ainsi que celle du 22 avril dernier intitulée "Zidane l'albatros" et que je vous convie à relire (voir ci-contre). Merci pour tout André!
 
 
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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 00:07
Il y a maintenant presque 40 ans, je n’avais jamais eu le privilège, aussi incroyable que ceci puisse paraître, d’être allé à Paris. Le voyage représentait pour moi un déplacement extraordinaire, que j’ai pu accomplir à plus... de 20 ans. J’en garde un souvenir extrêmement précis. D’abord, parce que ce furent mes débuts officiels d’une vie militante qui n’a toujours pas trouvé son terme. Le seul fait de représenter mon syndicat, en cette année 1967, me gonflait ensuite d’une fierté particulière, puisque je n’avais été jusque-là élu que responsable de promotion à l’Ecole normale. Le sérieux que j’apportais à cette mission me paraît, avec le recul, un peu ridicule, mais je ne vivais pas les responsabilités à moitié.
Le billet m’ayant été payé par la section départementale du Syndicat National des Instituteurs (feu le SNI) je pus donc prendre un train la veille, pour représenter, comme secrétaire de la Commission des… Jeunes à une réunion nationale. Une véritable aventure pour quelqu’un qui n’avait jamais emprunté le train (et oui à 20 ans, je n’étais jamais monté dans un wagon !) encore moins le métro, et ignorait tout de la vie parisienne. J’aurais tant de sensations à conter, mais je me garderai de vous gâcher votre euphorie en ce lendemain de demi-finale de Coupe du Monde. Je ne vous citerai qu’une seule phrase de Michel Bouchareissas, alors secrétaire national des jeunes du SNI. Appliqué, attentif, silencieux, j’écoutais un discours fleuve de celui qui maniait l’humour incisif avec un talent que je n’ai retrouvé depuis chez personne d’autre.
En une époque où l’Education encore nationale recrutait massivement celles et ceux que l’on appelait les " suppléants éventuels ", il eut cette envolée critique qui me sidéra : " ils ne sont que les Portugais de l’Education nationale. Ils sont exploité comme les Portugais… " Je fus surpris par cette comparaison, car elle choquait ma conscience et mes souvenirs de petit-fils d’immigré italien. J’ai toujours eu peur de " payer " un jour ces propos qui n’étaient pourtant empreints d’aucune animosité. Ils reflètent pourtant une époque, celle où l’immigration était déjà choisie. Après justement les Italiens et les Espagnols, les Portugais avaient aboli une nouvelle frontière, en la franchissant clandestinement par les chemins des contrebandiers du Pays Basque. Ils devenaient, en arrivant sur notre sol, des " Portos " comme leurs prédécesseurs avaient été les " Espadres " ou les " Macaronis ".
LA FRANCE DE LA MIXITE SOCIALE
Ces " Portos " retrouvaient, hier soir, d’égal à égal, la France de la mixité raciale, celle qui désormais ne peut plus les empêcher de vivre de leur savoir-faire où bon leur semble. La plupart de ceux qui s’alignaient sur la pelouse de Munich, appartenaient aux artistes du football européen alors qu’ils ont, eux aussi, des origines bien diverses. C’est probablement ce qui a fait la force du football : permettre aux immigrés, depuis un siècle, de s’intégrer grâce à un jeu aux règles simples, universellement comprises. Point n’est besoin de parler l’espéranto pour jouer, côte à côte, alors que l’on ne possède pas, à l’origine, la même langue. De tous temps, avant l’invention du communautarisme, le ballon rond, symbole de la forme même de la planète servait d’outil formidable d’intégration.
Dans combien de villages ," l’immigré " trouvait sa place dans la société grâce à sa participation à la pointe de l’attaque, ou en pilier d’une défense intransigeante protégeant un gardien d’une autre nationalité… Il finissait par se faire accepter, par forcer l’admiration, et parfois par... épouser une supportrice plus sensible aux dribbles que les autres. Cette " machine à intégrer " n’a jamais cessé de fonctionner jusqu’au moment où des clubs à vocation nationaliste ou même confessionnelle sont arrivés sur le tapis plus ou moins vert des stades. La machine a alors bafouillé quand les Portugais de Pau, le Maccabi, le Solar, l’Etoile algérienne…et beaucoup d’autres ont souhaité montrer leur supériorité collective. L’exemple du repli identitaire a servi de support à bien des excès que parfois, dans les " banlieues ", certains ont vite exploités. Cette lente évolution, si elle s’accentuait, mettrait à mal les valeurs portées par le sport collectif et notamment le football, dont on ne sait pas qu’il concerne plus de " pays " que l’ONU elle-même !
LE PORTUGAL A MANQUE DE CULOT
Dans la confrontation entre une France bizarrement moins sûre d’elle que contre le Brésil, le Portugal a manqué de culot, comme si le complexe des années soixante ressurgissait. Une forme d’impuissance collective vis à vis de ceux qui demeuraient les " patrons ". Une certaine forme de culture séculaire entre peuples planait sur la rencontre. Elle reposait sur ces difficultés qu’ont les arrivants au haut niveau à être eux-mêmes. Ils hésitaient à se livrer totalement, comme ces gens venus d’ailleurs qui se cachent pour conserver leur identité. En fait, plutôt que de s’épanouir dans leur jeu, ils surveillaient les patrouilles françaises susceptibles de leur coller une seconde contravention avant l’expulsion définitive du tournoi. On aurait dit des  sans papiers pensant que le salut résidait dans le chacun pour soi.
Ronaldo jouait au mauvais gamin râleur, en tentant de tricher pour devenir une vedette qu’il peut être sans ses simagrées inutiles. Figo, en vieux de la vieille, utilisait la technique des poseurs de pavés en frappant sans arrêt pour tenter de faire craquer un sol plus résistant que prévu. S’époumonant comme un manœuvre cherchant désespérément à approvisionner le chantier, Déco finissait par voir s’enfuir tout son talent. Ricardo, sanctionné par un coup de patte destructeur du maître Zidane, multipliait les gages de solidité, sans pour autant parvenir à rassurer son camp.
Cette impuissance collective venait justement de cette défense française, pourtant composée de talents venus d’horizons divers. Un véritable mur infranchissable renvoyait les espoirs des Portugais à plus tard. Pas de larmes pour eux en fin de match. Seulement un zeste de résignation dans les regards, comme si le ciel qu’ils imploraient tous en entrant dans le temple n’avait pas voulu les aider. Nombreux parmi eux vinrent embrasser leurs " bourreaux " comme un acte symbolique de soumission.
UNE ARDEUR EFFACANT TOUS LES RENONCEMENTS
Les Bleus, en patrons intransigeants, se sont pourtant contentés de camper sur leur avantage, acquis un peu injustement, car contre le cours global du jeu, mais jugé non négociable. Ils ont résisté avec une ardeur effaçant tous les renoncements antérieurs. Visiblement soucieux de respecter le " devis " qu’ils avaient collectivement signé, ils ont témoigné d’une solidarité dont on se demande comment elle pourrait être plus forte. Un Thuram exceptionnel, incisif et décisif. Un Sagnol toujours aussi vaillant. Un Gallas sûr et sobre. Un Abidal d’un niveau inférieur mais finalement solide. Un Makélélé insatiable dévoreur d’espace et de ballons. Vieira le héron des stades dégotait dans le marigot central quelques belles prises. Zidane grappillait quelques miettes, incapable de rassasier sa faim de ballons. Totalement abandonné, Thierry Henry se contentait de cavaler après son rêve. Ribéry, juché sur sa trottinette narguait les piétons adverses en tentant d’échapper à leur poursuite.
Les " bleus de chauffe " enfilés permirent de sauver les meubles sans gloire, mais pas sans mérite. Les " ouvriers " manièrent la truelle à béton avec un enthousiasme de tâcherons… portugais soucieux de faire du chiffre. Ils posèrent des barbelés avec le concours d’un Barthez se complaisant dans le rôle du chat de gouttière.
 Ils préservèrent jusqu’au bout, comme des Harpagon, la cassette dans laquelle ne brillait qu’un seul écu… il le sauvèrent d’une convoitise de plus en plus désespérée, mais visiblement brouillonne.
Je me retrouve depuis hier soir dans la pire des situations pour un petit-fils d'imigré, avec un France-Italie en finale. Le téléphone ne mit d'ailleurs pas longtemps à sonner en provenance de Milan, comme pour me rappeler que quelques radicelles me rattachient toujours à une autre terre. Mais ce n’est plus le football qui m’y ramènera.
Mais je déblogue…
 
 
 
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28 juin 2006 3 28 /06 /juin /2006 00:17
Il y a une formidable injustice dans la corrida : on sait par avance qu’une issue fatale attend le taureau.  Il lui faut une prestation exceptionnelle pour espérer avoir la vie sauve. Et encore, seule la caste des Miura entre dans la légende, celle qui parfois se moule dans le bronze à l’entrée d’une arène. Dans leur habit de lumière, les matadors s’évertuent à contrôler les moindres inspirations de ces animaux imprévisibles. La moindre erreur, d'un coté ou de l'autre, ne se pardonne pas. Elle se paie au prix fort, d’une blessure dont on sait qu’elle peut être mortelle.
Dans les gradins de l’anneau coloré, on ne pressent pas quel est majoritairement le préféré du fauve ou du" meneur du jeu".
Ils étaient donc toutes et tous venus, de bleu ou de rouge vêtus, afin de soutenir, hier soir, le "taureau" français ou le "torero" espagnol dans un face à face que l’on savait, par avance là aussi, décisif. Une corrida avec mise à mort! Pas une place vide. Pas une seconde de silence. Pas l’ombre d’une défaillance. La passion ruisselait des tribunes. Elle envahit très vite l’espace magique de l’affrontement.
A la fois massif et agile, "Zinédine", symbolisait à merveille cette caste dont on espérait le réveil. Plus fin, plus délié, "Ribery" attendait de se lancer dans des courses folles destinées à tout bouleverser sur son passage. Méthodique, appliqué, laborieux, "Makélélé" ressemblait à ces combattants qui tentent d’être sur tous les fronts à la fois. "Thuram" encaissait les piques adverses, multipliant les coups de têtes rageurs pour éloigner la pression…"Sagnol" bien campé sur ses "pattes" se préparait à défendre son corral... "Henry" ne pensait qu'à secouer le bel ordonnancement de la quadrilla adverse. La ganaderia bleue avait belle allure.  
CORRIDA AUX MULTIPLES FACETTES
Le premier tercio vit donc entrer, tour à tour, les combattants français, sur le plateau de lumière. Une " corrida " aux multiples facettes dont les Ibériques, avec un Raul assisté de ses peones, cherchèrent à vite s'accaparer la maîtrise. Immédiatement, on s’aperçut qu’il n’y aurait pas beaucoup d’écart entre les belligérants. Chaque passe générait en effet une clameur d'espoir. 
La force des uns contrasta avec l’application artistique des autres. Soucieux de ne pas subir les attaques musclées de leurs adversaires, les matadors multiplièrent les " véroniques ", histoire de prendre en mains la" faena". La réponse fut vigoureuse, avec des soubresauts sans cesse à la limite de l’orthodoxie. A la fois vifs et puissants, les Français semblaient dans un bon soir.
Ils rêvaient davantage de grands espaces, prenant leur élan pour encorner ces petits bonhommes rouges adroits et un tantinet sûrs d’eux. Les " barbelés " des étapes antérieures durant lesquelles l’angoisse les avait marqué, tenaillaient visiblement encore un peu les entrailles de ceux qui n’avaient pas encore endossé leur statut de " fauves ".
Le tercio des banderilles qui suivit, ne fit guère vibrer les travées. L’alternance des affrontements ne laissait pas présager un coup de théâtre. L’académisme de l’affrontement fut donc singulièrement perturbé quand un " matador " trébucha sous une pichenette incongrue de Thuram. En s’effondrant, il entraîna une sanction de la présidence. La faute, imputable à un moment d’égarement, offrit un geste que l'on crut déjà victorieux.La bête blessée ne faiblit pourtant pas beaucoup.  Elle contribua à persuader les sceptiques de l’inutilité d’un combat qu’ils avaient annoncé perdu d’avance. Ils devaient exulter sur leur canapé, devant leur écran, alors que dans l’arène les craintes de voir le combat cesser trop tôt fit quelques ravages. On sentit pourtant illico que les ressources demeuraient intactes.
EFFACER L'AFFRONT 
En petit taureau furieux, Ribéry, court sur pattes, fila prestement effacer l’affront. Habilement lancé par un Vieira dominant de sa stature le "corral", il affronta le picador pour filer l’expédier cul par dessus tête, dans la " talanquère ". Un formidable élan, une exceptionnelle résurrection. Cazillas sur les fesses, le nez sur le sol, le clan des toréadors n’allait jamais se remettre véritablement de cette réaction immédiate de l’un des taurillons fraîchement débarqués dans la cour des grands. Que l’un des plus inexpérimentés des candidats à la gloire puisse berner ainsi les plus célèbres des spécialistes espagnols donna des ailes à ses congénères.
Il allèrent fièrement à la corne. Ils résistèrent à toutes les tentatives de déstabilisation de jeunes ambitieux désireux de ne pas perdre la face. On dit qu’il y a un moment clé dans une corrida, c’est celui où le taureau prend le pas sur le manieur de la cape ! Il ne vint pas avant que chacun parte pour un repos mérité… mais on sentait que la volonté n’abandonnerait pas la "ganaderia" de Domenech.
On eut à peine le temps de se souvenir des mauvais moments passés que, le plus léger des " novilleros ", Malouda, manqua d’un rien l’envoi à l’infirmerie des certitudes espagnoles. On ne trembla plus jamais, car la faena ne fit jamais tourner en " bourrique " ceux qui se voulaient être devenus des bêtes de combat. Du classique, de l’appliqué, de l’attendu, mais rien qui puisse mettre les genoux à terre des adversaires, paraissant sûrs de leur force. Le temps leur donna pourtant raison.
Un coup de corne du fougueux Vieira offrit un avantage psychologique définitif. Son port de seigneur, sa carcasse raide et pourtant proche de la liane, rappelait que l’on pouvait toujours contourner la technique avec un brin de naturel. La victoire avait choisi son camp. Elle ne l’abandonnera pas, tant le ciel semblait préférer le bleu à toute autre couleur.
LA FIN NE RECOMPENSE PAS TOUJOURS LA BRAVOURE
Il restait à entamer ce fameux tercio de mise à mort… dont on sait que malheureusement la fin ne récompense pas toujours la bravoure. L’issue, plus ou moins nette, reste cependant le moment clé de ce spectacle cruel de l’élimination directe. Il y eut donc une longue faena de muleta. Le travail à pied du matador, à l'aide d'une petite cape rouge, était censée préparer un " taureau " requinqué à la mort. Les Espagnols ne songeaient plus alors à soigner leurs passes, ils tentaient vainement de mettre à mal un opposant robuste sous les piques. Ils s’affolaient de plus en plus, oubliant la prudence qui sied en telle circonstance. En cherchant à se venger trop vite ils ouvraient les portes du drame. Le danger vient en effet toujours, dans cette sorte de va-tout fébrile,  des moments d’inattention. La plus grande corrida ne repose sur aucune certitude. Elle peut basculer en une fraction de seconde. L’issue n’en a jamais été assurée.
Il suffit de tomber sur un " vieux " rusé et revanchard pour que la mort ne tombe pas du " bon " côté. Zinedine, que tous les commentateurs ibériques annonçaient moribond, porta ainsi, rageusement, un dernier coup fatal. Extraordinaire renversement des pronostics… Aucune "queue" et aucune "oreille" ne manquaient à la ganaderia bleue.
Il lui restait à apprendre la samba. Une toute autre aventure…car on sait que la facilité est probablement le plus grand péril qui menace les vainqueurs, et, il faut le savoir, le plus dur pour les taureaux de combat c'est de durer!
Mais je déblogue...
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24 juin 2006 6 24 /06 /juin /2006 07:17
La vérité finit toujours par vous rattraper, même si vous courez plus vite que tout le monde. Ben Johnson en fut l’illustration parfaite et désormais, il faut bien convenir que Lance Armstrong en devient l’incarnation. Le paradoxe réside dans le fait que l’EPO, les corticoïdes, les hormones de croissance, les transfusions, qui font de vous un surhomme, vous ramènent de plus en plus souvent sur terre. " L’extra-terrestre " n’était qu’un soutier de laboratoire mais, dans le fond, il n’aura jamais à répondre de cette métamorphose car l’escroquerie sportive n’existe pas à posteriori. Or, j’ai souvenir des propos de ce garçon courageux (que j’ai maintenant l’occasion de côtoyer dans un autre contexte) : Christophe Bassons. Ce Tarnais au caractère bien trempé avait dénoncé un milieu dans lequel régnait l’omerta, alors qu’aucun observateur lucide ne pouvait croire dans une domination caricaturale de quelques surdoués ou de ressuscités. Son constat impitoyable ne reçut aucun véritable écho, car les orgnaisateurs, préoccupés par l'image de leurs épreuves, ne lui accordèrent aucun crédit.
Lorsqu’il fut contraint à abandonner le Tour de France sous la pression du peloton qui ne supportait pas ses prises de position anti-dopage, Christophe en a eu gros sur la patate, car il était certain que les chaudières programmées pour la grande boucle tournaient à plein régime. Seulement, il fallait surtout ne rien dire. Tout le monde connaissait les astuces de nombreux coureurs pour échapper à des contrôles extrêmement prévisibles. Par exemple, les limiers les plus perspicaces notaient que les préparations des vainqueurs potentiels se déroulaient dans des contrées lointaines, et selon des calendriers communiqués au dernier moment.
La tactique consiste à tabler sur deux carences du système de répression : le manque de moyens financiers, qui empêche de payer aux contrôleurs agréés des voyages onéreux, les délais de réaction qui ne correspondent pas à la vitesse de déplacement. Lance Armstrong aura chaque année utilisé ces réalités à son profit, durant toute sa carrière. En toute impunité. Christophe lui, ne s'y résoudra jamais, et ne tiendra pas, sous les critiques, au-delà du Tour 99 !
J’ai une pensée particulière pour lui, car il a oublié un principe clé de la société actuelle : il ne faut absolument jamais avoir raison avant tout le monde, car on froisse l’opinion dominante, celle qui croit que ses idoles ne vivent que d’amour et d’eau fraîche.
Pourtant, l’étau se resserre, car à peine retraité, Armstrong était déjà sur le banc des accusés. Un mois après sa septième et dernière victoire sur le Tour de France, il était mis en cause dans une affaire de dopage. L’Equipe affirmait que le coureur cycliste américain avait menti lorsqu’il a déclaré, à plusieurs reprises, au long de sa carrière, n’avoir jamais utilisé aucun produit dopant, puisque des tests avaient mis en évidence des traces d’EPO dans ses urines prélevées lors du Tour de 1999. Ce fameux Tour au cours duquel Christophe Bassons avait été banni des pelotons. De quoi vous donner un sourire jaune...
RACONTE SOUS SERMENT
Depuis, on n'a plus aucun doute. Le 28 octobre 1996, Lance Armstrong amaigri, mal en point, qui n'a plus grand chose à voir avec un coureur professionnel, rencontre ses médecins avant son opération consistant à enlever des métastases qui ont touché son cerveau. Au moment d'établir le nécessaire protocole post-opératoire, de rigueur après une intervention de cette ampleur, l'Américain, entouré de sa petite amie de l'époque, Lisa Shiels, de son premier entraîneur, Chris Carmichael, et de son épouse, mais aussi de ses proches et amis, est sondé sur d'éventuelles consommations de produits dopants. C'est une question de vie ou de mort !
La suite, c'est Betsy Andreu, la compagne de l'ex-coureur américain Frankie Andreu, ancien meilleur ami d'Armstrong qui, présente ce jour-là, l'a raconté sous serment devant le tribunal de Dallas, dans le cadre d'une procédure judiciaire, dite d'arbitrage, engagée, à l'initiative du septuple vainqueur de la grande Boucle, contre sa propre compagnie d'assurance, SCA Promotions. Voici son témoignage : "(Le docteur) a commencé à lui poser des questions banales. Je ne me souviens pas. Et tout à coup, boum, avez-vous déjà pris des produits dopants? Et il répond, oui. Il demande lesquels. Et Lance répond: EPO, hormones de croissance, cortisone, stéroïdes, testostérone."
Frankie Andreu, fidèle d'Armstrong sous le maillot de l'US Postal, et très proche de l'Américain à l'époque, pour l'aider à traverser cette épreuve, était lui-même présent ce jour-là. Il confirme: "Je ne sais pas comment le docteur a formulé sa question, mais la réponse était qu'il avait pris de l'EPO, de la testostérone, des hormones de croissance et de la cortisone." Autre personne ayant assisté à ces aveux, Stephanie McIlvain, salariée d'un des sponsors d'Armstrong et amie du coureur US, n'a, elle, pas confirmé cette version des faits, niant que l'Américain avait admis s'être dopé. Une surprenante volte-face quand on sait que celle-ci avait, le 21 septembre 2004, soit un an avant de comparaître devant le tribunal de Dallas, soutenu, lors d'une conversation téléphonique avec... Greg Lemond, qu'elle répèterait la confession d'Armstrong face à ses médecins, si elle devait être amenée à témoigner: "Si je suis citée, je le ferai (...). Car je ne vais pas mentir. Tu sais, j'étais dans cette pièce. J'ai entendu." Une conversation qui, toujours selon Le Monde, aurait fait l'objet, par Lemond, d'un enregistrement versé au dossier! C’est plus clair que les urines soumises au contrôle anti-dopage…
LUI QUI FUT HAI
Christophe Bassons doit aujourd’hui se poser bien des questions. Lui qui fut haï comme aucun autre coureur ne le fut; et qui compte encore ses amis sincères sur les doigts de la main. Il lui suffirait de se souvenir de ce qui fut prononcé sur son compte, pour se réconforter sur la mentalité de quelques acteurs actuels du monde du cyclisme. Il est trop timide pour le faire, alors je vais le faire à sa place.
Jean-Réné Bernaudeau, formateur de jeunes talents qui " marchèrent " à la " Brioche vendéenne " (ancien coureur professionnel, directeur sportif) : "Laissez-le, c'est qu'un connard, faut pas lui adresser la parole."
Stéphane Heulot (co-équipier), suite à son abandon dans le fameux Tour 99: "C'est lâche (...) On est 22 à la Française, qui avions tous envie de faire ce Tour. Il a pris la place de quelqu'un et se retire sans véritable raison."
Lance Armstrong en personne : "Ses accusations ne sont pas bonnes pour le cyclisme, pour son équipe, pour moi ni personne. S'il pense que le cyclisme fonctionne comme cela, il se trompe et c'est mieux qu'il reste chez lui".
Bernard Hinault : "Bassons a eu tort de dire qu'il était propre et que les autres étaient sales (...). Il a dit que les autres étaient mus par l'argent, mais s'il a fait ces articles, c'est bien qu'il était payé pour le faire ? Et j'ai lu qu'il avait multiplié par trois ses contrats dans les critériums, c'est donc qu'il n'est pas si blanc que ça." Fermez le ban, sur la pire des formes de cynisme. 
La preuve que l’on ne peut pas nécessairement avoir une vision honnête quand on se trouve dans un milieu qui vous nourrit… ou vous fait bien vivre. Rappelez vous, l'affaire VA-OM en football. Qui avait payé au prix fort sa franchise? Jacques Glassmann. Qui se souvient de son courage? Il a eu la sanction que méritent, dans notre société, ceux qui dévoilent une vérité pas bonne à dire...
Mais je déblogue...
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19 juin 2006 1 19 /06 /juin /2006 07:17

La tragi-comédie est un genre tombé en désuétude. Le mondial est en train de le remettre au goût du jour, avec certaines adaptations. Elle se joue toujours en trois actes, séparés (et c'est la nouveauté) de quelques jours dans le temps. Elle a changé de style, mais se déroule encore devant des foules passionnées qui vivent chaque réplique comme un moment "gaspillé", car elles n'attendent systématiquement que celles qui tuent, qui font mouche, qui mettent à mal l'adversaire! il faut du drame pour que vivent les certitudes! Le respect pour les acteurs n'en constitue pas pourtant la plus forte des valeurs. Comme à la plus belle période des farouches rivalités entre les classiques et les romantiques, chaque camp peut conspuer les personnages antipathiques du camp adverse, ou même ceux qu'il est censé supporter. Des bordées d'insultes ou de sifflets descendent donc très souvent du "paradis".

Chaque "match" constitue alors  une oeuvre complexe, dont le scénario a la particularité de s'écrire au fil des minutes. Impossible d'en connaître l'issue, même si les données essentielles en sont parfaitement analysées. Il faut bien reconnaître que ce type de représentation connaît un succès planétaire, et que les enceintes qui les accueillent ne sonnent jamais creux. On vient y vivre des émotions par procuration. Chaque camp a encore et toujours ses héros salvateurs et ses traîtres, capables sur une seule faute de bouleverser le dénouement initialement espéré. Les Horaces et les Curiaces s'affrontent avec des schémas tactiques secrets, plus ou moins compliqués. En une fraction de seconde, le combat change d'âme, plongeant les peuples dans l'exaltation ou la détresse profonde. La tragi-comédie du Mondial a ainsi frappé hier soir!

UN COMBAT REPUTE INCERTAIN

Hier soir, la France alignait donc autour de son roi prestigieux, des chevaliers de la balle ronde en quête d'un Graal qui les fuit depuis huit terribles années. Zinédine le ténébreux, vénérable " Arthur " de légende à la voix lasse, conduisait ses troupes en un combat réputé incertain. Toutes les réunions autour d'un " enchanteur ", Raymond ayant soit-disant la science des astres mais pas celle des potions magiques, n'avaient pas rassuré la famille. Il se comportait comme ces alchimistes énigmatiques, se réfugiant derrière le secret pour éviter de justifier leurs échecs. On doutait donc fort de l'issue de la campagne d'une " armée " dont la motivation n'était guère évidente. "Etre ou ne pas être...de la seconde phase". Telle était la question. On n'a pas eu la réponse !

Elle préoccupait un royaume " pourri ", dans lequel l'espoir manque autant que l'enthousiasme. Prêt à mettre à bas ou à vouer aux gémonies ces géants aux pieds agiles, les adeptes les plus adorateurs avaient consulté les pythies du petit écran durant toute la semaine. On n'accordait plus, dans les chaumières de France, qu' une confiance de moins en moins aveugle aux idoles. A elles de redonner son âme aux temples fréquentés par ces fidèles, sous peine de perdre totalement leur crédibilité. La période des hérétiques pouvait conduire à brûler ceux que l'on avait adulés, et à un schisme dont le pays ne se remettrait pas. L'unité d'action, de temps, et de lieu, étant respectée dans la cité de Beethoven, on pouvait dérouler le processus traditionnel, celui de la chandelle. Un début rassurant, et peu à peu une flamme qui s'éteit pour être soufflée par le premier coup de vent !

La scène 1 de l'acte 2 (le premier n'avait guère convaincu !) ne donna lieu qu'à un bref moment d'euphorie. Il naquit d'un duel victorieux entre " Don Henry " parti seul au port se débarrasser d'un gardien un peu trop gênant. Ce coup d'éclat donna l'espoir d'une issue rapide, tant la domination paraissait acquise. Le Roi Zidane ne savait pas où donner du dribble, donnant le tournis à des lutins rouges surtout préoccupés de parer au plus pressé. Le chevalier Vieira se faisait un point d'honneur à mettre la légion en bon ordre. Le cavalier Malouda conduisait des chevauchées endiablées dans la défense adverse. Les tours de défense tenaient aisément, face aux maigres offensives d'adversaires, incapables de monter le moindre complot offensif. Chaque action des Princes de 98 mettait au supplice : " Dame Corée " prête à perdre le Nord dans une tourmente permanente. De tragédie, il ne paraissait pas y en avoir au programme. Elle ne résidait en définitive que dans la capacité potentielle du camp des Bleus à tuer le suspens. On attendit pourtant en vain cette réplique " mortelle ", susceptible de faire entrer son auteur dans la légende.

LE COMBAT CHANGEA D'AME

" Sous moi donc cette troupe s'avance,
Et porte sur le front une mâle assurance... "

Ce constat initial rassurant fut vite perdu sous la pression des événements des scène suivantes. Lentement mais sûrement, le combat changea d'âme. Les occasions succédaient aux occasions mais rien ne semblait pourtant susceptible de dénouer le drame. Le chevalier Vieira faillit ajouter l'avantage décisif que tout le monde attendait, mais un félon en jaune le priva de cette satisfaction. Chaque entrée, chaque sortie dénotaient pourtant un bouleversement total de la donne initiale. Le temps prenait une importance capitale. Les acteurs bafouillaient leur texte et perdaient le fil de l'action. Ils donnaient déjà des signes de lassitude. Aucune accélération des actions, aucun soubresaut dans une trame convenue et passive. On tira le rideau sur de sombres présages.

Ils se confirmèrent immédiatement lors du retour sur la scène verte, car on retrouva les vieux démons, ceux qui transforment les espoirs en craintes. La tragédie prit forme. Incapables de maîtriser les foucades de Dame Corée, les fringants destriers blancs se révélèrent des chevaux de trait, lourds et essoufflés. Ils ne dominaient plus la situation, ils la subissaient. Plus aucune agilité, plus aucune arabesque, plus aucune inspiration : on attendait le coup de poignard fatal, celui qui transformerait l'amour pour les Bleus en dépit. Le chevalier Vieira perdit de sa superbe. Le voltigeur Malouda piétinait. Zinédine justifiait sa préretraite, se comportant comme un seigneur déchu, râlant nerveusement contre des manants se permettant de lui voler des ballons décisifs. L'intrigue échappait totalement à ceux qui devaient la construire.

DES LENDEMAINS QUI CHANTERAIENT

Des jambes lourdes, un moral dans les chaussettes, une crise de confiance générale : le contexte changea, le combat prit une allure prévisible. Il finit par se traduire de la manière le plus terrible. Un Pyrrhus coréen passant par là, plongeant un pays dans la stupeur. Ce coup de patte " assassin " mit à bas une bonne part de cette foi que l'on avait dans des lendemains qui chanteraient. Le temps devint alors le principal ennemi d'une troupe déboussolée. Il fila sur un sentiment profond d'insatisfaction et de grande frustration. Tous les critiques trouveront des bribes de satisfaction, des zestes d'excuses, et se rassureront avec des calculs d'apothicaires. Me vinrent alors en mémoire ces vers :

" Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? "

Vendredi soir, le troisième acte constituera probablement la fin d'une génération et d'une époque. Il serait véritablement extraordinaire qu'il en soit autrement, quelle que soit la fin de ce qui ressemble bel et bien à une " tragédie " cornélienne. Les idoles vont quitter le temple par la petite porte. Elles n'auront que le sort que mérite leur volonté d'avoir laissé les marchands entrer dans leur temple !

Mais je déblogue...

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10 juin 2006 6 10 /06 /juin /2006 07:40
C’est parti. Le coup d’envoi du Mondial a été donné, et désormais place est faite à tous les espoirs les plus fous et les déceptions les plus fortes. Les yeux sont rivés sur la ligne bleue des Vosges ou même plus loin, au-delà du Rhin. Plus question d’organiser quoi que ce soit ou de penser à autre chose qu’aux rebonds, que l’on sait plus ou moins capricieux, de la balle ronde ! Le monde qui, justement, ne tourne pas très rond, va tenter de faire oublier ses turpitudes durant un mois. Etrange planète que celle qui se passionne pour des jeux, qui paie des sommes folles pour assouvir son esprit de conquête, alors qu'elle manque parfois de... pain.
Elle sait que, de toutes les manières, il sera bien temps de retourner aux affaires horribles, le moment venu. On peut s'étriper en Somalie, mourir de famine au Darfour, croupir dans des camps de réfugiés en Indonésie, s'égorger en Irak, s'entretuer en Palestine...le résultat d'un match passera avant tout les reste. Le grand débat sur "l’insécurité" qui sévit, on l’oublie trop, lors de nos confrontations franco-françaises, va angoisser, dans tous les pays participants,   les " sélectionneurs " de tous bords, et notamment,  depuis hier,  les Allemands. Ils ne veulent surtout pas que leur "gardien du temple"  prenne trop de coups au but. Une défense hermétique,  et plus encore une attitude offensive percutante, contre les tentatives de repli sur soi du camp adverse, préoccupent désormais les Peuples. Mieux, de la réussite de onze manchots, va dépendre la croissance économique des prochains mois. C’est écrire combien le challenge est rude à relever…Combien la pression est forte.
Le Mondial, avant d’être une compétition sportive, est devenu d’abord un événement décisif pour la réussite des "affaires" en tout genre. Pas un seul geste, pas une seule décision, pas un seul but qui ne serve la cause d’un sponsor ou qui n'aie pas d’importance pour l’avenir de la nation. Les enjeux revêtent une exceptionnelle importance et nul n'a honte d'être un patriote du ballon rond, race éphémère dont on sait qu'elle ne pousse que tous les 4 ans. La réussite de tous les gouvernements en dépend !
RETOMBEES ECONOMIQUES
Celui d'Allemagne, pragmatique, se moque du résultat sportif : il table sur trois milliards d'€ de retombées économiques, réparties sur trois ans. Il s'agit "d'estimations prudentes", a même expliqué le ministre de l'Economie Michael Glos. Le tourisme, les transports, l'électronique grand public ainsi que les fabricants d'articles de sport seront les grands gagnants. De nombreux économistes ont déjà annoncé un quart de point de croissance en plus pour 2006… On rêve à ce que rapporterait une victoire de la Manchaft!
Jusqu’en Thaïlande, on se frotte les mains. Là, si le Mondial est une bonne nouvelle pour sa croissance économique, elle ne l’est pas pour son tourisme. Selon une enquête de la Chambre de commerce locale, les Thaïlandais pourraient dépenser environ 300 millions d'€ supplémentaires pendant le mois de la compétition. Principaux postes budgétaires concernés: nourriture, boisson et communications. Les économistes estiment que ce supplément de consommation pourrait rapporter... 0,07 points de croissance à la Thaïlande. En revanche, la florissante industrie touristique craint une désaffection (-20% selon le ministère) de ses sites, les supporteurs préférant rester chez eux pour regarder les matches
En France, le secteur de la culture, déjà mal en point, s'inquiète. Les Théâtres, à Paris, font des rabais et des promotions, les musées s'affolent et les cinémas ont interrompu le flot régulier de sortie des films, car on n’attend pas de miracles des recettes. Drôle de planète, qui dissimule ses échecs, en espérant que des pousse-citrouilles vont transformer les chars poussifs des états en carrosses.
LA DEPRESSION ET LA NATIONALISME
Certains peuples, avant même de connaître le moindre résultat, sont au bord de la dépression. Les Algériens, passionnés de foot sont, par exemple, au bord de la dépression collective, à l'idée de ne pas pouvoir suivre le Mondial allemand sur leurs petits écrans. Et pour cause ! les chaînes de télévision françaises diffusées… sur le bouquet TPS, sont désormais cryptées. Et ils n'ont donc plus l'opportunité de les regarder, car leurs chaines nationales n’ont pas acheté des droits exorbitants. Ils n’auront droit qu’à des images volées.
Comble de désespoir, même les chaînes satellitaires arabes ne diffuseront pas les rencontres, l'exclusivité ayant été acquise par le milliardaire saoudien Cheikh Salah Abdellah Kamal. Cette exclusivité fait que les Algériens sont obligés d’acheter une carte qui coûte l'équivalent de 100 Euros. Autant dire une fortune, surtout pour les jeunes, en proie au chômage terrible qui ravage leur pays. Conséquence imprévue, face au verrouillage, les regards se braquent en effet sur les "hackers" qui deviennent, par la force des choses, des acteurs clés. Ceux qui ont, jusque-là, réussi à "craquer les codes", s'avouent vaincus devant le nouveau système de verrouillage.
Le problème prend aujourd'hui l'allure d'une affaire d'Etatj et les… politiques s'en mêlent. L’Algérie, déjà secouée par une contestation permanente, est au bord de la révolution.
En revanche, quelques petits malins veulent anticiper sur un succès potentiel de leur sélection, histoire d’en tirer bénéfice le moment venu… Le plus optimiste, à quelques mois de sa seconde campagne électorale, n’est autre que Lula, le truculent président brésilien. "Les autres équipes rentrent sur le terrain pour, d'abord, ne pas prendre de buts du Brésil, et ensuite prendre… des notes". Cette amicale forfanterie de supporteur a été prononcée, par le charismatique Lula, dans le journal O Globo. Il a ajouté, prudent, que le Brésil avait "la meilleure sélection du monde et la meilleure attaque du monde. Mais ça ne fait pas gagner des matches". Puis, le président brésilien a certifié qu'il n'y avait "pas de favori" pour ce Mondial ; il a mis les Auriverdes en garde contre les excès de confiance, et les a engagé à faire preuve "d'humilité". "Tout le monde rêve de battre le Brésil", a-t-il ajouté… pour flatter un peuple qui ne va vivre que pour les exploits de Ronaldinho. Il conjugue le nationalisme le plus basique et la prudence gestionnaire la plus réaliste. Ainsi, " Lula " ouvre la voie aux exploitations personnelles d’éventuels succès collectifs. Il y a fort à parier que d’autres vont lui emboîter le pas.
LE NUMERO 10 DE DE VILLEPIN
Droopy a déjà effectué une approche prudente à Saint Etienne. De Villepin était allé, avant lui, à Clairefontaine quérir un maillot 10, remis par Zizou en personne, avec les signatures de tous les joueurs… Tout un symbole pour quelqu'un qui rêve de redevenir un capitaine, et le meneur de jeu d'une équipe éparpillée en clans divers. Il le revêtira peut-ëtre quand il se rendra à l'Elysée, où la consommation de Corona va doubler !
Sarkozy lui, attend. Si le bleu demeure la couleur favorite d'un Ministre de l'Intérieur, il ne s'est pas aventurer à aller rencontre Thuram, Henry, Wiltord et consorts qui ne le portent pas dans leur coeur. Il sait qu’à tout moment il pourra débarquer sur un stade allemand, et recueillir quelques plans flatteurs de TF1. Ce sera mieux qu'en France, et surtout, il ne risque pas un tacle musclé de ces "blacks", qui ont appartenu aux Karchérisables des banlieues. Et le climat actuel ne correspond pas, à son sujet, à la " couleur " majoritaire au sein de cette France qu’il aurait pu, pour une grande part, renvoyer chez elle, sur la base de son "immigration choisie". Les footballeurs ne figurent pas, en effet, dans les quotas prévus avec le Mali, le Togo, le Sénégal ou le Cameroun.
Quand à Ségolène, elle pourrait bien aller serrer des mains dans les vestiaires, si les sondages l’exigent. Elle devrait bientôt faire une déclaration musclée sur le football… et revendiquer que les entrainements se déroulent dans des camps militaires, afin que la rigueur tactique soit cultivée dans la rigueur absolue. D'ailleurs, Domenech pense un peu comme elle, ce qui est bon signe pour sa cote de popularité, en cas de victoire.
Rassurez-vous, tout le monde répète déjà le principe numéro un et universel de la politique, celui que je connais depuis des décennies que je milite. Il sort, le soir de chaque consultation électorale : "on a gagné!... on a gagné!..." si le résultat correspond aux espoirs. "Ils ont perdu... Ils ont perdu!..." dans le cas contraire. La suite sera tout aussi convenue : "Je vous l'avais bien dit : ils sont tous pourris, et il n'y a que le pognon qui les intéresse...". Pensez-y devant votre télé. 
Mais je déblogue...
Photo extraite du site www.lematin.ma
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