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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 08:07

Que n’a-t-on pas vu, lu et entendu sur le financement des partis politiques ? Il fut une période durant laquelle on a, de manière tout à fait logique et normale, stigmatisé des méthodes catastrophiques de participation du milieu économique à la vie des partis. Nul ne songerait à critiquer les mesures qui furent prises. Il n’est pas inutile de redire que la première mise au clair de ces pratqiues est due au gouvernement de Michel Rocard mais il faut bien convenir que l’hypocrisie a longtemps régné dans le fonctionnement social de la République. Ce qui a alors fait débat ne semble plus aussi préoccupant dans la période actuelle. Il est vrai que l’argent n’a plus la même odeur pestilentielle, et la notion de pactole providentiel venant de la propension des Françaises et des Français aux jeux de hasard, rendent les malversations moins honteuses qu’en d’autres temps. La mutation du concept de profit massif masque une évolution des esprits.

Depuis quelques jours, un véritable scandale, qui aurait conduit bien des gouvernements à être mis en accusation pour leur laxisme, entre dans l’actualité et défraie l’actualité. Il n’affole pas les rédactions, et ne suscite pas de prises de position fracassantes, comme si tout le monde avait intérêt à ce que l’on ne tire pas le bout de laine qui dépasse pour éviter de détricoter un système, perverti mais admis, comme le fut, durant des décennies, celui du financement occulte des partis politiques.
Hier, les enquêteurs du parquet de Paris ont en effet mené de nouvelles perquisitions, dans le cadre de l'affaire des retraits de fonds suspects sur les comptes de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM), opérés à la demande de son président Denis Gautier-Sauvagnac. La première s'est déroulée hier matin au siège de l'organisation patronale, avenue de Wagram (évidemment dans le XVIème) à Paris. Les bureaux de son président, Daniel Dewavrin, aujourd'hui président d'honneur, et de Dominique de Callan, délégué général adjoint, ont notamment été fouillés, de source proche de l'organisation patronale. On cherche des explication sur des fuites considérables d’argent liquide de l’UIMM. Quatre autres perquisitions ont eu lieu aux domiciles de divers membres de l'Union, parmi lesquels Daniel Dewavrin, qui a présidé la fédération de 1999 à 2006, selon des sources proches du dossier.
Par ailleurs, la Brigade financière, chargée par le parquet de Paris d'une enquête préliminaire le 26 septembre, a entendu plusieurs personnes, depuis la première perquisition au domicile de Denis Gautier-Sauvagnac et à l'UIMM le 3 octobre, selon une autre source proche du dossier. On cherche des valises bourrées de billets de banque. Dans un téléfilm, lundi soir sur Canal +, sur la vison du monde des " Prédateurs " qui ont vécu sur les bénéfices colossaux d’Elf, on parlait quasiment de sommes équivalentes. Une estimation voudrait que l’organisation patronale ait simplement stocké sur un seul compte bancaire la bagatelle de 7 millions d’€ en un an et, selon des indications, sur 7 ans, la caisse noire aurait pu grimper au total à hauteur de 20 millions d'€. La brigade financière enquête depuis septembre sur des retraits de fortes sommes en liquide, effectués sur des comptes de l'UIMM à la demande de son président et elle n’en finit plus de trouver des millions d’€ planqués ici ou là. Impossible de savoir où sont passées ces sommes, puisque la tradition veut que l’on brûle toutes les traces des comptes.

LE FLUIDE DORE
Il s'agit donc, pour le Parquet, de déterminer si l'on est en présence d'un " abus de confiance ", c'est-à-dire de vérifier si la destination de l'argent était illégale, ce que nie bien évidemment Denis Gautier-Sauvagnac. Voici en effet un homme, premier négociateur de un ou deux Euros de plus sur le SMIG des salariés, qui se considère comme totalement intègre, alors qu'il puise, en liquide, des somme affolantes dans les caisses de l’organisation dont il avait la charge afin de les distribuer autour de lui pour " fluidifier les relations sociales ". Il est certain que ces largesses ont dû mettre du beurre dans les épinards de quelques uns, mais il serait étonnant qu’elles aient eu uniquement des utilisations d’intérêt collectif. Dans un entretien au Monde daté de hier, Daniel Dewavrin affirme que " les retraits en espèces (des caisses de l'UIMM) ne sont pas des infractions ". Il anticipe sur la loi sur l’exonération de condamnations prévues pour les responsables du monde économique, promise par Nicolas Sarkozy.
Nous sommes […] dans un cadre juridique délibérément souple et peu contraignant, ce qui nous permet de conclure très clairement que ces retraits en espèces ne sont pas des infractions ", précise-t-il. Le président d'honneur de l'UIMM souligne " qu'il n'y a pas d'obligation comptable pour l'UIMM, qui est une organisation syndicale soumise à la loi Waldeck-Rousseau de 1884 ", et qui a pour objet " d'assurer l'indépendance des organisations syndicales ". On croit rêver quand des responsables d’entreprises affirment n’avoir à rendre compte à personne de l’utilisation de près de 20 millions d’€ en argent liquide ! Incroyable mais vrai. Mais parfaitement révélateur de l’inégalité entre le politique et l’économique. " Ces sommes n'ont absolument rien d'occulte, ce n'est pas de l'argent sale, et les retraits eux-mêmes n'ont rien non plus d'occulte ", conclut-il, après avoir confirmé sa " confiance totale " en Denis Gautier-Sauvagnac. Circulez, il n’y a rien à voir, et malheur à ceux qui voudraient savoir où sont parties ces valises sur roulettes dorées. Vers le monde syndical, pointent vite les accusateurs zélés… C’est une bonne idée, quand on annonce pour jeudi une grande mobilisation des syndiqués.

DES PARLEMENTAIRES BIENVEILLANTS
Le Monde publie par ailleurs un long article qui ouvre une autre piste en mettant en évidence la puissance de l’UIMM dans la vie parlementaire. Bizarrement, il est arrivé que pour des projets dérangeants pour le patronat, des amendements soient fournis, clés en mains, pour des députés ou des sénateurs très attentifs. Le quotidien cite des faits précis ayant vu, par exemple, le RDSE (essentiellement composé de radicaux de droite et de gauche) dépositaire d'un amendement, taillé sur mesure pour la métallurgie, voté en toute discrétion, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2002, au projet de loi de modernisation sociale présenté par François Fillon. La loi du 17 janvier 2002 a porté à 10 % l'indemnité de précarité pour les salariés en contrat à durée déterminée. L'amendement prévoit que, "en vue d'améliorer la formation des salariés en CDD, une convention ou un accord collectif de branche peut limiter ce versement à hauteur de 6 %". Il est adopté après avoir reçu l'avis favorable… du rapporteur de la commission, M.Gournac, et du gouvernement. Un mois plus tard, il est évidemment entériné par un accord de branche sans que l’on fasse le lien entre les deux faits. Dans le même temps, le RDSE qui ne compte aujourd'hui que 16 membres, a tenu ses dernières journées parlementaires, les 5, 6 et 7 octobre, en Corse, au Maquis, hôtel classé Châteaux et hôtels de France donnant sur la baie d'Ajaccio. Mais bien entendu, il est impossible d’y voir autre chose que des moyens personnels convenables de la part de ce groupe de vénérables amis des industriels de la métallurgie.
Second exemple, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, l'UIMM a usé de son influence pour faire barrage à une disposition prévoyant de mettre fin aux accords de mise à la retraite d'office des salariés de moins de soixante-cinq ans. Les accords déjà conclus – au nombre desquels figurait la métallurgie – auraient cessé de produire leurs effets à compter du 1er janvier 2010.
En première lecture à l'Assemblée, Bruno Gilles (UMP, Bouches-du-Rhône), Dominique Tian (UMP, Bouches-du-Rhône) et Philippe Vitel (UMP, Var) déposent un amendement prolongeant les mesures d'exonération pour les départs en retraite anticipée, décidés d'un commun accord entre le salarié et l'employeur. Il est adopté, malgré… l'avis défavorable du gouvernement, représenté par Philippe Bas, ministre délégué à la Sécurité sociale. Alors que le gouvernement envisage une deuxième délibération, le président du groupe UMP, Bernard Accoyer, s'y oppose fermement. Le Sénat supprime néanmoins les dispositions adoptées à l'initiative des députés. Le Medef fait le siège du gouvernement pour obtenir leur rétablissement. Lors du vote à l'Assemblée du texte de la commission mixte paritaire, le gouvernement introduit un nouvel amendement, reprenant les propositions auxquelles il s'était opposé en première lecture. L'UIMM a eu gain de cause. Cet article du Monde met le doigt sur le rôle des lobbies ayant… les moyens financiers d’imposer leur point de vue, avec des arguments purement…techniques ! 

D'ETONNANTES FACILITES
Pour Yves Bur (UMP, Bas-Rhin), qui avait alors exprimé son opposition à ce revirement de dernière minute, il ne fait aucun doute que "l'amendement initial avait été porté par un certain nombre de collègues au nom des industries métallurgiques". "Le gouvernement a dû céder alors même qu'il y avait un débat contradictoire au sein du Medef", ajoute-t-il. Selon M. Accoyer, "on est là dans un fonctionnement tout à fait habituel". "Il est normal que des représentants d'industries importantes alertent les parlementaires, surtout quand elles sont implantées dans leur circonscription, estime l'actuel président de l'Assemblée nationale. J'ai moi-même, dans mon département de Haute-Savoie, de nombreuses entreprises de la métallurgie. J'ai été averti par M. de Virville (membre du bureau de l'UIMM)que le dispositif du gouvernement télescopait la négociation avec les syndicats." Rien que de très normal. L'enchaînement des faits conduit pourtant à s'interroger sur les facilités dont dispose l'union patronale de la métallurgie pour trouver, au sein du Parlement, les relais par l'intermédiaire desquels ses positions peuvent être défendues. C’est probablement ce que l’on appelle la fluidification des relations sociales au sein du Medef.
On dispose de plus de 200 millions d’Euros de caisse noire pour atteindre des objectifs précis. Bien évidemment, personne ne les a vu passer. Personne ne sait à quoi ils peuvent avoir servi. Personne ne peut en justifier l’emploi.  L’existence d’une telle opacité dans le fonctionnement des structures publiques des grands patrons du CAC 40 fait écho aux événements qui viennent de se produire autour d’EADS. Les millions disparaissent, engloutis dans des systèmes pervertis, qui contrastent singulièrement avec l’extrême sévérité pesant sur d’autres secteurs de la vie publique. On entre de plain pied dans un monde de l’argent roi. Le pire, c’est que désormais on utilise la notion de liberté pour excuser des comportements dramatiquement préjudiciables aux valeurs républicaines. Les dégâts seront considérables. 
Comment expliquer à des centaines de salariés licenciés par l’un des porteurs de valises prétendant qu’il ne peut plus assumer le financement des emplois ? Prenons un exemple concret : où cotise Ford Blanquefort en Gironde ? Où a cotisé Solectron? Tous ces fonds ne posent pas de problèmes particuliers, alors que les charges sociales sont, elles, des entraves à la rentabilité des entreprises. On pourrait proposer que les 0,1 % du chiffre d’affaires versé pour constituer la caisse noire de l’UIMM soit simplement versé dans les caisses de la Sécurité sociale ou dans les caisses de retraite des régimes spéciaux, puisque les entreprises peuvent le faire sans se ruiner.
Mais je déblogue…
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commentaires

E
@ JP<br /> Il me semble que c'est pourtant très clair !<br /> Ceux qui ont des moyens très importants ont tendance à fédérer davantage car leur communication ainsi que leurs actions sont davantage "médiatisées" !<br /> J'espère que tu sais d'où viennent les financements des divers syndicats, JP, non ?
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R
@Eric"J'appartiens à un syndicat qui n'est financé que par ...ses adhérents ! C'est un gage d'autonomie, mais c'est un peu difficile d'exister à côté de certains !""difficile d'exister à côté de certains": Il serait intéressant que tu précises ta pensée!
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E
@ Candide<br /> Tes commentaires sont toujours aussi inutiles !<br /> Ce n'est pas parce que ton voisin bat sa femme que tu dois toi aussi le faire ! Tu es bien un mec de droite pour avoir de telles réactions stupides ! Immature !<br /> <br /> @ Youkaidi<br /> 1) Parisot n'est pas à plaindre. Elle paraît peut-être plus "innocente" que ses prédécesseurs, mais ce ne sont que des apparences. Elle "manoeuvre" beaucoup plus finement ! ;-)<br /> 2) J'appartiens à un syndicat qui n'est financé que par ...ses adhérents ! C'est un gage d'autonomie, mais c'est un peu difficile d'exister à côté de certains !
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P
accusations sans fondement de candide à propos de la CGT. Ce messieur sera étonné lorsque la justice statuera!!!Coluche disait que si la télé disait la vérité y a longtemps qu'elle serait interdite. Tu accuse sans savoir et par réflexe conditionné.
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Y
On peut donner des leçons aux autres les accusant d'être des républiques bananières où la corruption règne mais au vu de ce qui est en train d'émerger je crois que dans certains secteurs on a rien à envier au reste de la planète.Reste à savoir pourquoi maintenant alors qu'apparemment celà dure depuis très longtemps (avec la "pauvre" Parisot qui va devoir nettoyer les déchets des autres ) et surtout si comme promis la Rupture va avoir lieu ... c'est à dire que l'on va changer radicalement les moyens de financement des syndicats, faire disparaître les caisses noires etc. Bref, un peu plus de contrôle et de régulation, mais ça ne semble pas du tout être le chemin suivi avec la dépénalisation des affaires financières.C'est le moment de prouver que la Rupture ce n'est pas que pour les autres.Ce qui me sidère aussi c'est le montant des fonds en réserve, après on vient nous dire qu'il n'y a pas d'argent en France, qu'il est impossible de faire ceci ou celà car il n'y a pas assez de capitaux ...
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