31 octobre 2007
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Lorsque l’on prend le temps, comme je l’ai fait, de lire attentivement plus d’un siècle de comptes-rendus des réunions du conseil municipal d’une petite ville comme Créon on est ébahi de constater que ce que nous prenons pour des problèmes d’une actualité brûlante a forcément meublé les débats des édiles. Le non respect des règles civiques élémentaires n’appartient pas à notre époque mais à toutes les époques. Les abus de circulation, les soucis liés à l’éclairage public, les communications les horaires du train, les crédits aux écoles, les querelles sur le privé et le public, les baisses ou les hausses des impôts locaux, le sort à faire aux " bourriers ", l’entretien des routes, les subventions qui se raréfient, le taux des emprunts… Impossible de ne pas retrouver ce présent que nous croyons unique dans un passé porteur de nombreuses leçons de modestie.
J’adore prendre une année au hasard et lire ces textes narrant les péripéties d’une vie que certains estiment meilleure mais qui n’était guère différente et que d’autres rangent au rayon des moments désastreux alors qu’ils avaient l’avantage de porter le progrès. Fabuleux ces lectures pagnolesques car elles rendent modestes en permettant de vérifier que la modernité n’est en fait qu’une adaptation sociale d’un comportement oublié. En ressurgissant dans une actualité factice les fameux " problèmes " se refont une virginité.
Par exemple les élus créonnais furent préoccupés par le manque de propreté de leur ville et le fait que leurs mandants oubliaient sur les trottoirs les épluchures de légumes, la paille des étables ou les objets dont ils ne voulaient plus ans leur environnement immédiat. Ils firent des déclarations tonitruantes contre les maires incapables de faire respecter un minimum de discipline après les marchés laissant la cité sous les détritus.
Le conseil municipal décida donc, grande nouveauté pour le siècle dernier, de mettre en place " la collecte des bourriers " deux fois par semaine. Il trouva même un muletier qui acheta ces déchets pour fabrique du terreau qu’il revendait ensuite aux agriculteurs. Les créonnais avaient inventé le tri sélectif avec fabrication de compost alimentée par un système écologique. La chaîne parfaite dont rêverait un grenelle de l’environnement et n’importe quel adepte du développement durable. Malheureusement un jour on décida que la mule et son tombereau n’étaient plus dans l’air du temps et l’on inventa le camion poubelle… Mais avouez que c’est assez cocasse de découvrir parmi les dépêches de constater que parfois on présente comme à la pointe de l’ingéniosité ce qui a été ridiculisé des décennies avant.
Le conseil municipal décida donc, grande nouveauté pour le siècle dernier, de mettre en place " la collecte des bourriers " deux fois par semaine. Il trouva même un muletier qui acheta ces déchets pour fabrique du terreau qu’il revendait ensuite aux agriculteurs. Les créonnais avaient inventé le tri sélectif avec fabrication de compost alimentée par un système écologique. La chaîne parfaite dont rêverait un grenelle de l’environnement et n’importe quel adepte du développement durable. Malheureusement un jour on décida que la mule et son tombereau n’étaient plus dans l’air du temps et l’on inventa le camion poubelle… Mais avouez que c’est assez cocasse de découvrir parmi les dépêches de constater que parfois on présente comme à la pointe de l’ingéniosité ce qui a été ridiculisé des décennies avant.
LE RECOURS AUX ANES COMMUNAUX
Par exemple la commune de Castelbuono en Sicile, qui compte 10.000 habitants, a annoncé hier utiliser des ânes pour rendre le ramassage des ordures plus écologique, plus économique mais aussi plus efficace. Six ânes remplacent depuis février dernier les quatre camions poubelles de cette ville située dans la province de Palerme.
" En remplaçant les moyens de transport qui consomment du carburant polluant par des ânes ... nous faisons des économies, mais nous contribuons surtout à rendre le monde plus propre ", se félicite le maire de Castelbuono, Mario Cicero, dans un communiqué. Une sacrée idée qui va faire le tour du monde et qui va redonner ses lettres de noblesse à l’ânier !
Un âne coûte en effet environ 1.200 € à l'achat, plus 2.000 € par an pour la nourriture et l'entretien, contre… 30.000 € pour un camion poubelle auxquels il faut ajouter entre 7.000 et 8.000 € d'entretien par an, souligne-t-il.Or, les ânes de Castelbuono ont ramassé depuis février près de 140.240 kilos d'ordures en plus que l'année dernière pendant la même période, note encore le maire qui a acquis une notoriété sans pareille.
Flanqués de deux caisses en bois où sont stockées les ordures, les animaux sont accompagnés tout au long de la journée par des éboueurs… rebaptisés " opérateurs écologiques ", se glissant dans toutes les ruelles, contrairement aux camions, obligés de s'arrêter fréquemment. Avouez que l’idée est géniale car elle correspond au modernisme le plus absolu. Plus d’âniers ou d’éboueurs, fonctions dévalorisantes s’il en est dans une société ne reconnaissant que la technicité et le titre. Ces collecteurs de déchets sont devenus par la magie du vocabulaire des agents de développement durable !
" En remplaçant les moyens de transport qui consomment du carburant polluant par des ânes ... nous faisons des économies, mais nous contribuons surtout à rendre le monde plus propre ", se félicite le maire de Castelbuono, Mario Cicero, dans un communiqué. Une sacrée idée qui va faire le tour du monde et qui va redonner ses lettres de noblesse à l’ânier !
Un âne coûte en effet environ 1.200 € à l'achat, plus 2.000 € par an pour la nourriture et l'entretien, contre… 30.000 € pour un camion poubelle auxquels il faut ajouter entre 7.000 et 8.000 € d'entretien par an, souligne-t-il.Or, les ânes de Castelbuono ont ramassé depuis février près de 140.240 kilos d'ordures en plus que l'année dernière pendant la même période, note encore le maire qui a acquis une notoriété sans pareille.
Flanqués de deux caisses en bois où sont stockées les ordures, les animaux sont accompagnés tout au long de la journée par des éboueurs… rebaptisés " opérateurs écologiques ", se glissant dans toutes les ruelles, contrairement aux camions, obligés de s'arrêter fréquemment. Avouez que l’idée est géniale car elle correspond au modernisme le plus absolu. Plus d’âniers ou d’éboueurs, fonctions dévalorisantes s’il en est dans une société ne reconnaissant que la technicité et le titre. Ces collecteurs de déchets sont devenus par la magie du vocabulaire des agents de développement durable !
UN ANIMAL SYMBOLIQUE
Tantôt symbole de sagesse et de douceur, l'âne est pourtant souvent raillé, car on se moque de ses grandes oreilles. Michel Ange métamorphose, sous son pinceau, les hauts fonctionnaires en ânes pour se moquer du clergé et retrace une nouvelle fois l'histoire du roi Midas et ses grandes oreilles. Au XIXe siècle, l'âne bateleur, véritable personnage de la commedia dell'arte, s'impose à la tête du cortège de Polichinelle. Nombres de gravures imposent sa caricature. Dessiné par les fabulistes, croqué par les étudiants, il reste le symbole de l'ignorance, très présent pendant les fêtes médiévales en dirigeant, costumé, les fous du roi. Même constat, au début du siècle, pour l'âne écolier, stigmatisé par Hachette, les bonnets d'ânes faisant la couverture des fascicules d'orthographe.
En revanche, quant il s'agit services rendus, l'âne respectable pose avec les femmes de marins bretons, normands... les fermiers ou les gens de la ville et s'illustre sur de multiples photographies transportant poissons, victuailles... convoyant familles à l'église ou au marché. Immortalisé sur les archives, aux quatre coins du monde, on le voit œuvrer aussi aux champs pour les petits travaux de labour.
Notons l'aquarelle du peintre François Flameng montrant l'importance du rôle décisif de l'âne dans les tranchées de la Guerre 14-18, pour transporter soupe et munitions. Il a activement participé à la victoire. Ouvrages, romans, poèmes, contes, art pictural... si l'âne est partout, il apparaît sur des monnaies grecques, gauloises, représente le blason de certaines armes de familles nobles du Moyen âge, fusionne aussi avec les bronzes animaliers du XIXe siècle. De tous temps, il poursuit son chemin en se faisant remarquer par des artistes de secteurs différents. L'opéra d'Offenbach, théâtres, chansonniers, marionnettistes, poètes de notre temps... Tout le monde s'intéresse au petit âne, et en s'inspirant de la période biblique, les sculpteurs l'érigent également haut et fort.
Désormais il va devenir un acteur de la sauvegarde de la planète et si l’idée sicilienne vient aux oreilles de Nicolas Sarkozy, il va inclure son utilisation dans le processus de lutte contre le réchauffement climatique. Un âne à la place des camions poubelles économiserait des tonnes de CO2 et question carburant il marche aux bio carburants ! Une revalorisation de son image serait une œuvre prometteuse. Barnier secoué par Borloo va vous concocter une plan pour aliborons éboueurs ! En Egypte j’en ai vu des dizaines de milliers attelés à toutes les tâches, tant dans la mégalopole de Le Caire que sur les vertes rives du Nil. Ils servent au transport des personnes, des marchandises et des idées car ils ne sont pas aussi têtus qu’ils en ont l’air !
UNE REVANCHE PARMI D’AUTRES
Celui qui fut banni, ignoré, snobé, méprisé après avoir été respecté, aimé, exploité tient peut-être sa revanche. Elle naîtra sur les âneries des hommes incapables de gérer le problème contradictoire voulant que pour éliminer leurs déchets il pollue toujours plus par la collecte et le traitement. Il y a des décennies que l’on essaie de maîtriser les difficultés liées au coût sans cesse croissant des liens entre la surconsommation et le respect de l’environnement. Et voici que le bourricot s’impose comme la solution idéale. Il ne risque pas en plus de culpabiliser quelconque comme la vache sa voisine de prairie. A part ça, même à notre humble niveau, l'action n'est pas simple.
L'ennemi est partout. Manger son bifteck serait si l’on en croît les spécialistes dommageable, parce que l'élevage produit énormément de méthane. Par leur seule digestion les bovins polluent autant que les bagnoles et depuis que j'ai appris cette nouvelle stupéfiante, je comprends mieux pourquoi Chirac avait un respect particulier pour le cul des vaches que j’ai toujours pour ma part approché avec le plus de prudence possible. On a toujours le sentiment d'être dépassé par une cause tellement plus immense que soi et comme élu je me pose désormais des questions. Dois-je encore servir du steak frites au restaurant scolaire ? Ne serait-il pas souhaitable d’imposer aux employés municipaux de se déplacer à dos d’âne dans la commune ? Puis-je faire effectuer la collecte des déchets par des " opérateurs écologiques " ?
Le résultat serait imparable : le monde entier tournerait ses regards vers Créon et son maire dynamique qui avec un gadget se donnerait une image nostalgique de sa ville ! Ce ne serait en fait que justice. Il est en effet certain que l’on a profondément méprisé des méthodes de travail (par exemple pour la vigne et la vinification) ainsi que certains matériaux (la paille, la terre cuite, certains métaux, le bois…), produits (l’alcool de distillation végétale…), animaux (poissons) ou plantes (roseaux…) avant de se rendre compte qu’ils pouvaient avoir une extraordinaire efficacité avec un infime coût et une efficacité écologique remarquable. Lentement, trop lentement, on revient en arrière et l’on transpose des techniques hérité de pratiques anciennes mais il faut bien reconnaître que dans de nombreux secteurs le savoir-faire a disparu. On a asphyxié des filières en les privant des apprentissages indispensables.
Les ânes de Castelbuono procure une véritable revanche à tous ceux qui ont été oubliés dans une vague moderniste exagérée. Ils collectent des objets en plastique que l’on croyait immortels, des débris d’une société qui se rend compte tardivement qu’elle est animée d’une tendance suicidaire se traduisant par une frénésie de nouveauté. Alors même si la nostalgie n’est plus ce qu’elle était il faut convenir que parfois elle bouscule nos certitudes sur l’avenir.
Mais je déblogue…