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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 22:48
La société actuelle révèle un nouveau principe de vie collective : mettez ailleurs ce que je ne veux pas chez moi. Dans tous les domaines on élude le problème éventuel pour le repoussez ailleurs. Il est ainsi très aisé de pouvoir éluder le traitement de ce qui peut représenter une gêne réelle ou supposée. On se mobilise pour rejeter toute situation conflictuelle. C'est valable dans le domaine des grands équipements structurants. C'est évident dans le secteur de l'urbanisation. C'est inéluctable dans tous les schémas qui dérangent : les SDF, les bruits divers, les centres d'accueil pour personnes en difficulté, les jeunes... Il faut « chasser » tout ce qui dérange et quand la puissance publique n'arrive pas à le faire on recherche des solutions individuelles spectaculaires. On vit actuellement une évolution spectaculaire de cette mentalité dominante. Celle du fameux boîtier anti-jeunes.
Le produit, fabriqué par l'entreprise Compound Security Systems, est désormais commercialisé en France sous le nom de « Beethoven » (Mosquito, outre-Manche). Les adolescents français peuvent donc désormais subir ce « son qui adoucit les moeurs », comme le décrit, avec un sens de la formule très étudié, le distributeur IPB France.
L'idée de Beethoven est d'émettre un son suraigu uniquement audible par les moins de 25 ans. La méthode ne fonctionne pas à 100 % : certaines personnes plus âgées, selon leur système auditif, peuvent quand même - plus ou moins - le percevoir.
En pratique, Beethoven se présente sous la forme d'un cube de 12 cm sur 12. L'émetteur produit par intermittence un son à 17 000 hertz sur une portée d'une vingtaine de mètres. Il peut être actionné à distance par une télécommande ou grâce à un détecteur de présence. Chaque salve dure une vingtaine de minutes avant de cesser et de recommencer.
« Même si ce bruit n'est pas douloureux, il devient extrêmement irritant après une exposition de cinq à dix minutes. Résultat : la majorité des jeunes quittent les lieux », promet dans sa plaquette commerciale IBP France.
S'il peut surprendre, le principe de l'appareil n'a, en fait, rien de mystérieux. « En vieillissant, l'oreille se dégrade naturellement. Dès 25-30 ans, les êtres humains ne sont plus capables de détecter les fréquences très aiguës supérieures à 16 000 hertz, explique un audioprothésiste installé à Vincennes. Ce principe est déjà utilisé par l'ultrasonnerie, une sonnerie de portable émettant des ultrasons autour de 17 000 hertz. Les jeunes peuvent alors entendre qu'ils reçoivent un appel ou un SMS, pas leurs parents. » Ni leurs professeurs...
UN SYSTEME DANGEREUX
Sur son site Internet, Compound Security Sytems n'affirme pas que son invention est inoffensive sur le plan sanitaire. Tout juste explique-t-il que les ultrasons ne sont pas douloureux, même après une longue exposition. « Les fréquences aiguës ne sont pas nocives en elles-mêmes. Tout dépend du niveau sonore auquel elles sont émises », explique l'audioprothésiste. Or, le boîtier a été conçu pour émettre entre 5 et 8 décibels de plus que le niveau sonore environnant. Autrement dit, plus il y a de bruit, plus le volume des ultrasons est élevé.
Autre problème : il est techniquement impossible de choisir des fréquences qui ne soient entendues que par les adolescents. « Ces sons supérieurs à 16 000 hertz sont aussi entendus par les enfants et les nourrissons. Si une maman reste à discuter dans un hall d'immeuble équipé d'un tel procédé, elle ne sera pas dérangée par les ultrasons, mais son bébé oui », souligne l'audioprothésiste. Pour se dédouaner, Compound Security Systems livre avec son boîtier un petit panneau pour alerter les passants que la zone est équipée. Celui-ci ne sera pas d'une grande utilité à nos animaux de compagnie, sensibles eux aussi aux ultrasons. D'une phrase sibylline sur son site Internet, le fabricant évacue la question : « Des tests intensifs ont montré que ces [ultrasons] ne paraissaient pas les déranger. » En tous cas sa vente a été autorisée en France et l'on suppose que les certifications indispensables ont bel et bien été examinées avant sa mis en rayons. Les Ministres de la santé et de la jeunesse estiment que « l'utilisation de ce type de procédé est inacceptable d'un point de vue éthique et moral dans notre société et ne peut que conduire à la stigmatisation et à l'exclusion des jeunes. Ils appellent solennellement tous les bailleurs et les syndics qui auraient recours à ces boîtiers à les retirer dans les plus brefs délais." Roselyne Bachelot-Narquin et Bernard Laporte "condamnent fermement une telle attitude, qui pourrait conduire à penser que certaines difficultés sociales pourraient être résolues par des moyens électroniques aussi choquants. Rien n'est plus important que les valeurs de dialogue, d'échange et de partage avec les jeunes générations. Cette voie doit être privilégiée par tous, c'est celle que le ministère chargé de la jeunesse entend privilégier, au quotidien, dans son action ». Dont acte mais n'empêche que déjà des syndics et des commerçants ont installé le boîtier qui doit expédier ailleurs les gêneurs potentiels.
UNE ARME ILLICITE
Dans la journée une décision a cependant remis provisoirement les « pendules à l'heure ». Le problème c'est qu'il faille que la justice pallie, une fois encore la lâcheté du politique. Le tribunal de Saint-Brieuc a en effet interdit pour la première fois en France, l'installation par un particulier d'un boîtier « anti-jeunes » à ultrasons, dénoncé comme une « arme sonore illicite » par les commerçants d'une station balnéaire bretonne.
Saisi en référé, le tribunal a estimé que ce boîtier, censé émettre des ultra-sons perceptibles uniquement par les jeunes et destiné à les « disperser », constituait « un trouble anormal du voisinage », selon l'avocat de l'association Val Tonic regroupant des commerçants de Pléneuf-Val-André (Côtes d'Armor), Me Jacky Voisin.
Le tribunal a interdit au résident secondaire, sous astreinte de 1.000 euros par jour, de réinstaller l'appareil, qu'il avait été fixé sur la façade extérieure de sa maison en plein centre de la petite station balnéaire. Le boîtier, qui fonctionnait « en continu », avait pourtant été retiré lorsque son propriétaire avait reçu l'assignation.
« Nous sommes très satisfaits, c'est une décision de principe. Le tribunal a reconnu que l'appareil constituait une gêne auditive pour toutes les personnes », les jeunes comme les moins jeunes, s'est réjoui l'avocat. « Très satisfait » lui aussi, le président de l'association des commerçants, Yvon Gauthier, juge que cette décision « défend la liberté de circulation dans les rues sans qu'on soit agressé par des ondes sonores » et espère qu'elle « fera jurisprudence ». Après l'éclatement de l'affaire, le maire de Pléneuf-Val-André avait pris un arrêté d'interdiction du boîtier dénommé « Beethoven » en France sur la base du code de la santé publique.
Une employée de 23 ans d'une boutique de cadeaux, s'est déclarée « heureuse » que l'appareil soit reconnu comme « une arme sonore discriminatoire créant des nuisances ». Cette jeune femme avait affirmé avant l'audience qu'elle souffrait de micro-lésions à l'oreille interne du fait de son exposition pendant une semaine aux ondes. Une boîte a également été découverte en Belgique, où un jeune homme souffrait de violentes migraines depuis qu'un objet étrange avait été disposé à proximité d'un arrêt de bus de son école. Le boîtier faisait en fait parti d'un procédé de sécurité d'une banque voisine. Mais dans le fond son cas n'avait guère ému les installateurs car l'objectif n'était que d'éloigner de la résidence secondaire ou de la banque des jeunes troublant l'ordre établi.
DEGOUT POUR DES ODEURS
On a encore un autre dossier intéressant : celui du Malodore. Ce produit de la firme française Firchim, spécialisée dans la fabrication de produits d'entretien est un répulsif nauséabond conçu afin d'éloigner les humains en laissant une rémanence nauséabonde pendant plusieurs semaines. Il est livré sous forme de concentré à diluer et à pulvériser avec une pompe.
En août dernier, l'AFP révélait que le maire UMP d'Argenteuil voulait faire diffuser du Malodore dans sa ville afin d'éloigner les personnes sans domicile fixe. Cependant, les agents municipaux ont refusé de l'épandre. Le répulsif a alors été directement donné aux agents d'entretien du centre commercial Côté Seine d'Argenteuil afin qu'ils le diffusent eux-mêmes aux alentours des sorties de secours où se regroupaient les SDF. Selon un agent de la mairie, un carton de produits répulsifs a été acheté en juillet. Le carton précisait que le produit était toxique et irritant, et qu'il ne fallait pas le respirer... sauf pour les SDF. Mais est-ce si grave que cela ?
Le maire UMP d'Argenteuil, Georges Mothron, prenait chaque été des arrêtés municipaux pour interdire la mendicité dans le centre. En 2005, la préfecture du Val-d'Oise avait annulé une de ces arrêtés qui évoquait une... « gêne olfactive anormale » liée à la présence des SDF. Il avait l'habitude de se distinguer pour démontrer médiatiquement que l'on pouvait n'avoir que du dégoût pour ses odeurs !
La secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme participant mardi soir au meeting du maire UMP sortant d'Argenteuil avait déclaré sur une chaîne locale de télé : "Il faut tout tenter dans une ville". Le soutien de Rama Yade n'a pas été très salutaire pour Georges Mothron, député tombeur des Communistes qui a pris un coupe de Malodor électoral puisqu'il a été... battu aux municipales par un conseiller général socialiste. La preuve qu'on ne peut pas toujours berner les gens en se contentant de « repousser » les problèmes. Il vaut mieux en général s'attaquer aux causes, aux racines qu'aux effets. Passer le mur de l'ultra... (ç)on ou donner un « parfum » fascisant à sa ville ne constituent pas toujours les clés du succès.
Mais je déblogue...
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commentaires

A
Le plus étonnant dans ce genre d'affaires, ce n'est pas que la société "Compound Security System" ait pu fabriquer et commercialiser un appareil qui relève plus d'un instrument de torture moderne que d'un système de sécurité : des esprrits inventifs et tortueux trouveront toujours le moyen de vendre ce genre d'objets. Non, ce qui me paraît le plus révoltant c'est que des citoyens de notre pays, qui se considèrent certainement comme des gens très civilisés puissent avoir l'idée d'utiliser ces procédés de sauvages ou de tortionnaires pour réduire au silence une partie de leurs concitoyens ! Et toutes les justifications scientifiques qu'ils pourront avancer ne peuvent convaincre personne de l'inocuité de tels appareils : qu'ils soient jeunes, qu'ils soient vieux, qu'il s'agisse d'humains ou d'animaux, tout être vivant qui doit supporter ce genre "d'émission" ne peut que subir une agression physique préjudiciable à sa santé...
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