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9 juillet 2008 3 09 /07 /juillet /2008 13:06

Incontestablement, il règne un vent de panique dans la population française. Il prend sa naissance sur un constat quotidien : le cancer gagne du terrain. Impossible de savoir si ce sentiment est similaire à celui qui a traversé la société sur l'insécurité et qui a coûté leur place aux gouvernants socialistes, mais on ressent bien une forte inquiétude. Peu de communication sur le sujet. Peu de précisions sur les causes éventuelles. Peu de réponses aux questions qui germent dans les conversations ordinaires de la vie. Pourtant, si l'on se fie à un constat de nos amis canadiens, on sait que chez eux, en 2008, on estime qu'il y aura 42 100 nouveaux cas de cancer diagnostiqués et 19 700 décès attribuables à cette maladie. « Le cancer est un fardeau. Au Québec, c'est une personne aux 13 minutes qui apprend la nouvelle et une personne aux demi-heures qui en décède », a expliqué franchement le docteur Gilles Pineau, vice-président de la Société canadienne du cancer. Plus de cas qu'avant ? Plus de décès aussi ? Oui, en chiffres, mais des explications sont avancées pour éclaircir le phénomène. « L'accroissement démographique, donc le fait qu'il y ait de plus en plus de gens, et le vieillissement de la population, expliquent les hausses dans les statistiques » dit le Dr Pineau. En effet, les probabilités d'être atteint d'un cancer augmentent considérablement avec l'âge, passant de 2,1 % dans la quarantaine à près de 10 % en abordant la soixantaine. Chez nous, il faut y ajouter de simples analyses objectives liées à d'autres causes. On trouve en effet des statistiques qui résument tout aussi dramatiquement la réalité française.
Le cancer touchera par exemple un homme sur deux et une femme sur trois dans le courant de leur vie, 800 000 Français vivent avec cette maladie et 2 millions ont eu un cancer. Chaque jour, 820 personnes apprennent qu'elles ont un cancer. La France a le taux de mortalité prématurée due au cancer le plus élevé d'Europe, c'est-à-dire avant 65 ans, supérieur de 20 % au reste de l'Europe. Il tue dans notre pays 150 000 personnes chaque année, soit plus de 410 décès chaque jour. Il est responsable d'un décès sur trois chez l'homme et d'un sur quatre chez la femme : c'est la deuxième cause de mortalité en France derrière les affections cardiovasculaires, soit environ 28 % des décès et c'est la première cause de mortalité chez l'homme, tous âges confondus.
Le cancer représente 37 % des décès prématurés chez les personnes jeunes et actives, loin devant les accidents et les suicides. Quatre cancers sur dix surviennent avant 65 ans, et trois entraîneront un décès avant cet âge. Entre 1980 et 2000, le nombre de nouveaux cancers est passé de 160 000 à 278 000 par an, soit une augmentation de 63 % en vingt ans. Méditez bien sur cette réalité : + 63 % en vingt ans avec un accroissement des cas un peu plus important chez les hommes (97 000 à 161 000, 66 %) que chez les femmes (73 000 à 117 000, 60 %). 41 000 décès annuels sont imputables à des cancers liés au tabac (poumon, voies aérodigestives supérieures, vessie...) et 16 000 à l'alcool.
Près de 60 % des nouveaux cas chez l'homme portent sur quatre localisations: la prostate (40 000), le poumon (23 000), le colon-rectum (19 000) et les voies aérodigestives supérieures (21 000) ; chez la femme, deux localisations prédominent : le sein (42 000) et le colon-rectum (19 000). Le cancer du poumon, au sixième rang en 1995, est passé au quatrième rang en 2000, avec 4 500 nouveaux cas et un nombre de décès équivalent. Le coût du cancer pour le système de santé est estimé à 15 milliards d'euros par an. Si après ces chiffres et ces constats vous conservez encore le moral c'est que véritablement vous vivez hors du monde quotidien. Le problème c'est que l'on en connaît les causes mais on ne les affirme pas toujours de façon très audible.
DES DOUTES PROFONDS
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, dans le premier « baromètre santé environnement»   de l'Inpes, les Français s'estiment plutôt bien informés sur les questions d'environnement, tandis que près d'un sur deux estime courir un risque « plutôt élevé » de développer un cancer pour une raison environnementale. Réalisé par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, ce premier baromètre veut préciser les connaissances et opinions de la population face aux risques environnementaux, dans le cadre du Plan national santé environnement mis en place en 2004.
72,1% des Français (70,5% des hommes, et 73,6% des femmes) se disent particulièrement sensibles aux problèmes d'environnement. Cette sensibilité croît avec l'âge: 62,1% des 18-25 ans, 75,4% des 65-75 ans. Les personnes interrogées s'estiment plutôt bien informées des effets sur la santé de certains facteurs environnementaux : la qualité de l'eau du robinet, la pollution de l'air extérieur, le bruit, le monoxyde de carbone, l'utilisation des téléphones portables, la légionellose, les peintures au plomb...
L'amiante vient au premier rang des risques considérés comme les plus élevés, avec 67,7% des personnes interrogées qui la citent, suivie par le monoxyde de carbone (48,5%), les peintures au plomb (43,1%), l'exposition au soleil (42,8%). Il n'en reste pas moins vrai que 51,5% des personnes interrogées considèrent que les risques de la téléphonie mobile sont très (14%) ou plutôt (37,5%) élevés.
Interrogées plus spécifiquement sur les maladies qu'elles craignent, 43,6% des personnes estiment courir un risque « plutôt élevé » de cancer du fait de leur environnement (38,3% : "plutôt faible"), 34,9% de troubles tels que l'anxiété, le stress ou les troubles du sommeil, 31,4% d'asthme ou d'allergies respiratoires. Par catégorie professionnelle, les ouvriers se sentent plus à risque, 50,3% d'entre eux estimant par exemple avoir un risque élevé de cancer.
LES VRAIS SUJETS OUBLIES
C'est ce que l'on appelle un sentiment profond mais confus qui s'ancre dans une société commençant à prendre conscience des enjeux environnementaux au quotidien, sans pour autant en cerner les importances détaillées. La catastrophe de Tchernobyl, et plus largement le nucléaire, n'apparaissent pas, par exemple, dans les dangers potentiels, la pollution liée aux particules des gaz d'échappement des moteurs n'est pas signalée, les produits de la vie quotidienne (produits ménagers, matériaux de construction, traitements phytosanitaires...) ne figurent pas parmi les dangers potentiels car on ne sait pas encore comment on pourrait éviter leur sur-consommation. En fait, les Françaises et les Français     «absorbent » seulement les événements massifs dont parlent, parfois sous la contrainte des faits, les médias. Il n'y  a guère d'anticipation et de prise en compte des réalités.
Par exemple il n'y a véritablement pas de prise de conscience collective des dangers encourus quand on annonce que, dans la nuit du 8 juillet 2008 à 6 h30 du matin, à l'intérieur de l'usine SOCATRI, située dans le site du Tricastin, sur le territoire de la commune de Bollène, un rejet accidentel d'effluents radioactifs, faiblement radioactifs selon les autorités, a eu lieu dans l'environnement. Qui mesure exactement la notion de « faiblesse radioactive » ?
Dans la nuit, une cuve contenant de l'Uranium Naturel a débordé. Selon AREVA, une partie de cette solution (30m3) s'est écoulée sur le sol au niveau de l'installation et dans le réseau d'eaux pluviales. « L'évènement a été déclaré aux autorités et suivi avec les préfectures du Vaucluse et de la Drôme qui ont pris des mesures de précaution. » Le communiqué, laconique, est donc rassurant et passe dans la masse de tous les autres ayant trait à mille sujets jugés plus importants. Pas de panique ! C'est, en gros, le message des autorités nucléaires, après un rejet accidentel d'uranium sur le site de la centrale du Tricastin, dans le Vaucluse. La consommation d'eau potable, la pêche, la baignade et l'irrigation ont pourtant été interdites dans trois communes avoisinantes, dont Bollène. Qui mesurera les conséquences éventuelles sur la santé des populations ? Qui osera faire le lien avec l'annonce présidentielle récente d'installation d'un second réacteur EPR et le choix du prince ?
L'EXEMPLE DE TRICASTIN
Au Tricastin, il aura fallu une bonne dizaine d'heures avant que l'entreprise privée effectue les démarches officielles d'alerte. De quoi s'interroger sur les dangers de la privatisation de la filière énergétique et surtout nucléaire. Les interventions doivent être conduites dans les meilleurs délais sur un site déjà inquiétant. En effet, plus le temps passe, plus le nombre de fûts corrodés et éventrés augmente, plus augmentent les risques de pollution du sol et des eaux souterraines, le nombre de personnes exposées aux rayonnements émis par le tumulus et les risques de contamination par inhalation. Il ne faut pas compter sur la diminution de la radioactivité avec le temps : l'uranium 238 a une période physique de 4,5 milliards d'années et l'uranium 235 de 700 millions d'années ! Cela fait plus de 30 ans que ces déchets toxiques, tant sur le plan radioactif que chimique, ont été enfouis dans le sol. Ce dysfonctionnement perdure en toute impunité, en violation des principes fondamentaux de gestion des déchets, principes censés garantir la préservation de l'environnement et la protection sanitaire des travailleurs et du public.
Il est choquant de constater que ni l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), ni les ministères concernés n'ont exigé de mise en conformité, et qu'ils continuent au contraire d'accorder aux exploitants de nouvelles autorisations pour augmenter les productions, les stockages et construire de nouvelles installations. Le traitement des pollutions passées et le confinement des déchets toxiques devraient constituer un préalable.
Le statut d'installation secrète est là pour préserver des informations à caractère militaire, pas pour servir de couverture à des pratiques choquantes ou pour permettre à AREVA et au CEA de faire des économies sur la gestion de leurs déchets. Par ailleurs, plusieurs responsables sont intervenus dans le cadre de la CIGEET pour affirmer que le« transfèrement » des déchets avait été envisagé... puis écarté. On ne sait si le motif de l'abandon du projet était le souci de limiter les coûts, ou des problèmes liés à la dangerosité des déchets. Aucune de ces explications ne justifie l'inaction. La situation ne peut en effet qu'empirer, et si les exploitants ne financent pas le traitement du problème tant qu'ils sont solvables, dans 50 ou 100 ans, ce sera à la collectivité de le faire... ou d'en subir les conséquences environnementales et sanitaires. Remarquez, on trouvera bien d'ici là des sondages... sur les Français et l'environnement. En attendant, vous aurez un second EPR et surtout vous vous demanderez d'où viennent les cancers. La cause est pourtant claire : le profit. Rien que le profit. Toujours le profit !
Mais je déblogue...

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commentaires

A
Je suis peut-être une optimiste forcenée....et pourtant je ne vis pas, je crois, hors du monde quotidien! Mais je voudrais ajouter, sinon une lueur d'optimisme, du moins une atténuation à la rigueur des statistiques que tu cites, et dont je ne mets nullement en doute l'exactitude ni la rigueur scientifique. Oui, l'accroissement du nombre des cancers diagnostiqués chaque année, et des décès qui en découlent est tout à fait effrayant. Mais est-il complètement irréaliste d'atténuer la rigueur des statistiques en observant qu'au cours de la première moitié de ce siècle, et sans doute avant, bien des gens mouraient, souvent jeunes, sans que l'on sache donner un nom au mal qui les emportait. Le cancer ne s'appelait pas encore le cancer, et on ne disposait ni des moyens de le diagnostiquer, ni des moyens de le soigner, ou d'atténuer les souffrances de ceux qui en étaient atteints.Ceci dit simplement pour relativiser la valeur des comparaisons statistiques lorsqu'elles portent sur une longue période.Il n'en demeure pas moins, et tu as parfaitement raison, que rien ou presque n'est fait pour analyser et maîtriser les causes du développement de la maladie, pour prendre des dispositions environnementales, pour inciter les citoyens à modifier leur façon de vivre, de manière à en réduire la survenance et les effets.Les gouvernants n'ignorent pas à quel point le nucléaire est dangereux. Ils n'ignorent pas les ravages provoqués par le nuage de Tchernobyl... mais ils n'envisagent pas de se passer du nucléaire, et la politique prônée et "décidée" par Nicolas Sarkozy en est une illustration flagrante !Mais les "intérêts" en jeu sont tels, et les profits qu'ils engendrent pour certains, tellement essentiels.....!!Et les citoyens, dont les sondages montrent qu'ils ont peur de la maladie, et par conséquent qu'ils ont bien conscience des dangers qu'on leur fait courir, sont-ils prêts à tirer les leçons de cette peur, et à changer leur mode de vie, puisque la solution ne peut résider que dans leur détermination à lutter contre toute forme de pollution...?Et nos responsables politiques, ceux de la gauche en particulier, quand se décideront-ils à parler d'autre chose que de leur avenir personnel, de leurs rivalités pour accéder à ce qu'ils estiment être les plus hautes fonctions? Quand auront-ils un discours véritablement tourné vers la survie de notre planète, sans laquelle on ne saurait parler d'avenir pour les générations futures.....?Mais on les entend trop peu s'insurger contre une politique qui mène l'humanité au désastre, ou proposer à leurs concitoyens des solutions constructives pour redresser une telle situation. C'est pourtant cela que l'on attend d'eux.
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