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23 mars 2006 4 23 /03 /mars /2006 23:04

Pour avoir déjà écrit beaucoup de choses dans mes chroniques, je commence à douter de ma capacité à ne pas me répéter. Pourtant il faut bien que je demeure fidèle au principe fondateur de L’AUTRE QUOTIDIEN : le parler vrai. Et, hier matin, encore une fois, la permanence libre, ouverte à n’importe quel citoyen, sans rendez-vous et sans filtre, m’a conforté dans la ruine profonde du pays. Pourtant tout le monde fait comme si nous ne nous enfoncions pas dans une faillite latente, qui ne concerne malheureusement pas que les finances publiques.
L’Etat, vivant à crédit et jetant par-dessus bord des pans entiers de ses responsabilités sous couvert de la décentralisation, ne peut même plus honorer ses dettes. Mais le pire, c’est que maintenant la catastrophe financière s’installe dans le tissu social de la France d’en Bas. Elle va ronger l’économie et surtout, paradoxalement, accentuer la nécessité d’un Etat protecteur des principes égalitaires ce qu'il refuse d'être. La protection des plus fragiles ne le concerne plus.
En une seule matinée on en prend conscience beaucoup plus qu’en contemplant les déclarations creuses ou les silences révélateurs de la séance des questions d’actualité à l’Assemblée nationale. Quel décalage entre ces horions purement verbaux et la détresse profonde des personnes reçues une à une dans mon bureau! Que doivent-ils penser s’ils comparent leurs difficultés avec l’interprétation politique qui en est faite ? Comment peuvent-ils encore croire aux vertus de la politique quand ils ont l’impression que leurs réalités n’existent pas ?

CHAQUE MATIN LA LISTE S’ALLONGE

Ainsi dès l’arrivée, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous l’indiquer, sur la boîte de réception des courriels adressés en Mairie, je trouve d’entrée le listing quotidienne des impayés d’énergie. C’est nouveau ! EDF et GDF se "délestent" massivement des "ardoises", souvent colossales, en les expédiant vers les Centres Communaux d’Action Sociale. Le moratoire sur les coupures d’énergie est terminé depuis une semaine et donc, on publie le palmarès… Déjà une trentaine de foyers se retrouve, ici, sur Créon, avec 6 KW c’est à dire avec une réduction drastique de la puissance de leur compteur (une ampoule ou deux et un appareil électrique mais plus de chauffage). Une demi-douzaine d’entre eux, seulement, a répondu à l’invitation au dialogue du CCAS, préférant « couler » incognito que de se livrer. Et, chaque matin, la liste s’allonge… Chaque matin, les messages apportent des situations préoccupantes (1).
Là-haut, à Paris, ils ont sûrement perçu ce problème, puisque EDF et GDF tiennent des statistiques précises. Si les services de Bercy se renseignent un peu, ils doivent avoir une idée de la catastrophe qui se prépare.
D’ailleurs, ils ont immédiatement réagi, aujourd’hui, en accordant à Gaz de France une augmentation… de ses tarifs, supérieure, dans les faits, à 10 % quand on cumule l’abandon de la réduction provisoire sur les abonnements et les 5,8% obtenus au lieu des 8,1% réclamés. Cette nouvelle hausse succède à celles décidées en 2005, et porte à 35% l'augmentation du prix du gaz en deux ans, un chiffre qui va bien au-delà de l'inflation, mais surtout bien au-delà de la progression des rémunérations des salariés dans un contexte de modération salariale persistante. Il est certain qu’EDF va suivre, dans les prochains mois, et qu’ainsi la résorption des impayés en sera facilitée…
Cette décision illustre à merveille les effets néfastes de l’abandon du service public dont l’objectif avait été, durant des décennies, de ne pas faire de déficit. L'entreprise avait donc la possibilité de modérer les tarifs alors que désormais elle ne cherche plus qu’à dégager des profits pour les actionnaires! Les usagers devenus des clients vont encore s’enfoncer davantage, et je suis certain que la rentrée révélera l’ampleur du désastre. Qui va prendre en compte cette aide sociale incontournable ? Le Conseil général, les communes ou les actionnaires d’EDF ou de GDF ? Je vous laisse deviner !

FACTURES DE MOINS EN MOINS PAYEES

La faillite menace à tous les âges. Hier matin, encore, je suis saisi par le Percepteur d' une situation qui se développe. L’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) destinée au maintien à leur domicile des personnes âgées dépendantes, continue à être versée directement sur le compte des bénéficiaires par le Conseil Général. Or, si le service est fourni par la collectivité, si les sommes sont encaissées, les factures sont de moins en moins payées, car les familles pillent sans vergogne le compte bancaire de mamie. Hier, nouvelle ardoise pour le CCAS de… 2600 € de prestations, assurées et non réglées par une personne nonagénaire. Le constat est effectué après son décès, et les héritiers potentiels se chamaillent pour savoir qui a pillé le compte, et qui doit régler… C’est le second cas en quelques semaines. Or 5000 €, ce n‘est pas autre chose que l’argent nécessaire pour régler les salaires mensuels de trois aide-ménagères.
Les difficultés menacent le CCAS qui a des mois de trésorerie de retard (caisse de retraite sans un rond, Conseil Général dans l’attente des sommes venant de l'Etat pour honorer son engagement) et qui ne pourra pas indéfiniment vivre sur des fonds qui lui sont dus mais que personne ne lui verse
Mieux, samedi matin… seulement 6 familles se sont présentées en Mairie pour régler les services périscolaires de février sur plus de 300 appelées à se présenter. Le mois dernier, les impayés de janvier (un mois de retard) ont nécessité l’envoi de… 185 titres de recettes par le Percepteur (65 % des familles n’ont pas payé l’accueil et le restaurant scolaire !). Que dire, quand on constate que dans ce grand pays qu’est la France, les parents n’honorent plus le paiement de la nourriture de leurs enfants, pourtant déjà subventionnée à 45 % par les contribuables locaux?
Et tout va ainsi : la précarité des situations, la minceur des salaires, la prédominance du crédit, la dictature du profit minent inexorablement les marges financières des classes moyennes.

DOSSIER DE SURENDETTEMENT

J’ai rencontré hier matin, par exemple, un couple qui est marié depuis moins d’un an et qui a déjà déposé un dossier de surendettement, alors que tous deux travaillent. Mais le montant du loyer, la facture d’énergie, des engagements inconsidérés, font qu’ils ne peuvent même plus faire face à leurs besoins. Quel départ dans la vie ! Comment vont-ils affronter les prochains mois, d’autant qu’un bébé est arrivé ? La faillite est là alors que rien n’a été encore construit. Leur première démarche de couple a consisté à tenter de récupérer un carnet de chèques !
Ce matin encore, sur le fauteuil en face, une femme poursuivie par les tribunaux et les huissiers pour des entourloupes financières de son ex-mari, alors qu’ils étaient mariés sous le régime de la communauté de biens. Elle doit des sommes folles (30 000 €) qui s’aggravent au fil des mois en raison des pénalités de retard et des frais de recouvrement. Elle a deux enfants, affiche des ressources minimes et variables en raison de son statut de commerciale (rémunération à la commission) et ne supporte pas que son ex-époux ait organisé son… insolvabilité.
Si j’ajoute les "sans domicile fixe" venus faire un tour à la campagne lundi soir, un couple désireux d’obtenir d’urgence un colis de la Banque alimentaire, car dépourvu de toute nourriture, une personne au RMI ne pouvant plus payer son logement, vous avez une idée de la matinée.
Elle est bien différente de celle de Crin Blanc, du Breton échevelé, du Roquet voulant revenir à Neuilly… Pour eux, le C.P.E. va résorber la faillite en donnant davantage de profits au capital grâce à la rentabilisation maximum de la main d’œuvre. Pour eux, la précarité de l’emploi va constituer le fondement de la croissance. Pour eux, la réduction des impôts pour ceux qui peuvent encore en payer, constitue la solution à la misère de celles et ceux qui, eux, ne peuvent pas en payer !
Mais je déblogue…

(1) Voir la chronique "COURANT FAIBLE"

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commentaires

N
Depuis quelques jours, je lis avec intérêt, tristesse, compassion, amusement, votre journal ( je préfère "journal" à "blog" ... l'âge peut-être ? ) mais aujourd'hui j'ai envie de vous dire mon désarroi et l'énorme sentiment d'impuissance éprouvé à la lecture du jour. Que faire ? ... Je vote. J'ai eu une carte de parti parce que je voulais être dans l'action et utile. Je ne me reconnais plus dans le discours des hommes ( tellement d'hommes ) politiques, trop sectaire et éloigné des réalités. Que faire ?  Dénoncer les incohérences, les injustices, c'est obligatoire, mais après ... Que faire ? En tout cas, vous, continuez à nous tenir éveillés.  
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H
Je ne sais pas quoi dire, la faillite me semble pour le moment plus individuelle que collective, elle ne me concerne pas (encore), je la sens, la préssens, elle rode... c'est plutôt la notion de solidarité qui est en faillite...<br /> Mais, je suis pourtant rassuré car je sais que je vais payer l'eau moins cher que mon voisin qui a 12 m de tuyau en plus, même chose pour l'électricité, le gaz et les impôts locaux, car il utilise la route devant chez moi, mais moi je ne passe jamais devant chez lui...<br /> Et puis je suis en bonne santé (pour le moment) alors je vais moins débourser...et puis... et puis tout ça c'est forcément plus juste.<br />
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