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3 avril 2006 1 03 /04 /avril /2006 07:17

Il est de plus en plus aisé de berner la confiance des citoyens, puisque peu d’entre eux sont correctement informés. D’abord parce que tout le système social (éducation, médias, gouvernement, partis politiques…) ne cherche pas à le faire. Comme, ensuite, les gens eux-mêmes, n’ont pas la volonté réelle de comprendre le fonctionnement de ce qui est devenu une démocratie d’apparence, la tâche de ceux qui veulent le faire s’annonce extrêmement délicate. Enfin, et c’est là le plus grave, les faits démontrent que rares sont les responsables politiques qui dénoncent cette dérive extrêmement dangereuse. Ils s’en accommodent, en surfant sur l’écume des jours, pour éviter de se mouiller dans une vague de contestation qui, tôt ou tard, mettrait en péril leurs propres pratiques.
Depuis quelques années, les réalités qui ont fait dire à un ex-Président de la République que la gouvernance n’est qu’un coup d’état permanent, s’enchaînent. Elles paraissent toutes anodines ou éphémères alors qu’elles constituent une machine infernale, dont notre pays aura du mal à se remettre. Ce n’est qu’en enfilant et en agençant les "perles" que l’on finit, en effet, par prendre conscience que le collier étrangle progressivement le fonctionnement d’une République essoufflée. Dans les rues, mardi, les manifestants devraient aussi préparer des pancartes pour dénoncer cet état de fait ne passionnant personne, mais pourtant terriblement dangereux.

UN PRESIDENT PAR DEFAUT

Tout a commencé le 5 mai, lors du second tour de l’élection présidentielle, quand la France s'est donné un Président par défaut et a eu la sottise de lui confier ensuite, avec une large majorité, toutes les clés du pouvoir national. Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel, responsables des chaînes de télé, des radios, fonctionnaires d’autorité : tous ne sont exclusivement concentrés que sur le maintien au pouvoir de celui (ou ceux) qui les ont installés. Jamais, depuis les grandes heures de la période gaulliste d’après le conflit d’Algérie, on n'a eu affaire à un contexte aussi verrouillé, aussi étanche, aussi préoccupé par sa seule survie. Le "mariage" à trois : Droopy, Crin Blanc, Le Roquet se moque pal mal de l’emploi des jeunes : ils l’utilisent à tour de rôle pour bordurer le premier cocu et assouvir leur ambition personnelle. Le reste, ce n’est que de la langue de bois collective !
Droopy Chirac, a été élu avec les voix de ces pauvres "couillons" qui ne se sont pas souvenu, ou n’avaient pas connu, la fameuse formule de Jacques Duclos, candidat du parti communiste français à l'élection présidentielle de 1969 (21,5% des suffrages exprimés). Il avait prononcé, à propos des deux candidats (Georges Pompidou et Alain Poher) restés en lice au deuxième tour, ces mots devenus célèbres : c'est "Blanc bonnet » ou « Bonnet blanc", évitant ainsi que des voix communistes ne se reportent sur Alain Poher. Au moins, ceux qui avaient voté alors, n'avaient pas eu ensuite la douloureuse impression d’avoir été odieusement trompés par celui en qui ils avaient mis une part de leur confiance.
La démocratie n’en est pas sortie grandie, malgré les "rattrapages" d'élections européennes, régionales et cantonales, qui n’ont pas fondamentalement changé les rapport de force.

Ils n’avaient pas prévu, ces électrices et ces électeurs que, dès le 5 mai au soir, plus aucun engagement ne serait respecté par celui qui savourait son triomphe grâce aux voix de ceux qui, désormais, sont dans les rues pour combattre ce qu’il prône en leur nom. Déni de démocratie mais dure réalité !

PREMIER COMPORTEMENT COLLECTIF D’AUTODEFENSE

La seconde étape fut celle du 29 mai 2005, soit il y a moins de dix mois, quand de très nombreux femmes et hommes politiques, journalistes, grands penseurs, refusèrent, dans leurs propos ou leurs éditos, d’admettre le résultat du référendum sur le traité européen. Ils songèrent immédiatement à organiser la chasse aux traîtres supposés, comme si leur principale faute était d’avoir eu raison.
Ils accusèrent le Peuple de médiocrité. Il annoncèrent l’apocalypse. Ils vociférèrent contre une honte du suffrage universel… Mieux, ils contestèrent, dans tous les partis, avec un bel ensemble, la valeur d’un premier comportement collectif d’autodéfense. Le paradoxe, c’est que "chez ces gens là", comme dirait Brel, on a la mémoire courte, et on  défile maintenant, côte à côte, avec ces "idiots" qui ne voulaient pas d’une Constitution européenne ultra libérale, susceptible de générer une déréglementation complète, encore pire que celle en cours… Mieux, certains se montrent encore plus virulents sur le CPE que les partisans du NON, alors que ce contrat était contenu dans les articles du traité européen. Ils l’ont oublié…

Comment maintenant s’étonner que la France n’ait plus confiance dans son système démocratique : ses votes ne sont suivis d’aucun effet réel sur son quotidien. On lui fait même payer, toujours plus cher, ses prises de position collectives. Le C.P.E. n’est, pour moi, qu’un épiphénomène d’une crise grave, profonde, angoissante dont on ne mesurera les conséquences que lors des prochaines échéances électorales. L’abstention montera. Les extrêmes se  régaleront, et Le Pen sera une fois encore au second tour; et nous recommencerons à battre le pavé pour défendre une République moribonde.

DESOBEISSANCE CIVILE OFFICIALISEE

Le pire est survenu depuis vendredi. Voici un Président de la République qui promulgue une loi, en annonçant que, de toutes manières, elle ne sera pas appliquée. Jamais on n'était allé aussi loin dans la déliquescence du système. Quel camouflet pour ses propres troupes, qui ne cessaient de clamer qu’un vote du Parlement, validé par le Conseil constitutionnel, ne pouvait qu’être mis en œuvre : ce n’est pas la rue qui annule une loi, clamaient-ils… Exact car, depuis vendredi, c’est le Président qui, tout en la promulguant au journal Officiel de la République, décide qu’elle n’a aucune valeur. Il a officialisé le désobéissance civile.
Désormais, il suffira, pour un prochain texte sur les OGM, pour celui sur les finances publiques, de citer ces propos du Président pour ne plus se sentir lié par une décision prise au nom du peuple : "Le Parlement, les élus de la Nation, ont voté la loi sur l'égalité des chances, et le Conseil constitutionnel vient de juger cette loi en tous points conforme aux principes et aux valeurs de la République. En démocratie, cela a un sens et doit être respecté. C'est pourquoi j'ai décidé de promulguer cette loi(…), mais je demande au Gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu'en pratique, aucun contrat ne puisse être signé…"

Je propose que l’on fasse de même pour toutes les lois… "que le Gouvernement prenne immédiatement toutes les dispositions pour éviter qu’elles soient mises en place", tant qu’elles ne plaisent pas à tous les Français !

TROIS FONCTIONS DEMOCRATIQUEMENT NON CUMULABLES

La suite est encore plus terrible. Ce travail de redressement de la situation n’est pas, dans les faits, confié... aux membres du gouvernement, car ils ne sont pas capables de le mener à bien (mais on les garde), alors on demande au président d’un parti politique de négocier pour l’Etat. Quelle légitimité a-t-il ? Que fait-il encore dans un gouvernement, alors qu’il est "tuteur" de la vie politique comme Ministre de l’Intérieur et qu’il perçoit, de ce même Ministre, les subsides qui lui permettent de faire vivre l’UMP ? Quelle crédibilité accorder à un tel système, qui peut broyer à tout moment un élu de la France d’en bas pour une erreur, et ignorer les interférences entre trois fonctions démocratiquement non cumulables : Ministre de l’Intérieur, président du parti majoritaire et président du Conseil général le plus riche de France ! Maintenant, il est devenu, au surplus, négociateur social du Président de la République en sa qualité de tuteur des syndicats !
Et dire qu’il existe ailleurs des républiques qualifiées hautainement de "bananières" ! Ce n'est pas chez nous qu’une telle vision arriverait.
C’est pourtant simple, depuis vendredi : le parti du futur Président, dirigé par le pire ennemi du Président actuel, va tenter de négocier un accord au nom du Premier ministre désavoué par le Président, pour éviter que le futur Président l’emporte sur celui qui avait cru pouvoir être Président à la place  des deux autres !

Mais je déblogue…

Illustration : Marianne manifeste contre le CPE (document E. Mouchet)

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commentaires

D
BRAVO et pourtant quelle horreur... Etre français aujourd'hui signifie ne plus être maître de son destin. Tout est tronqué... Votre sollution pour faire changer tout ça? Pour ma part je crois qu'il faut une prise de conscience de chacun et chacune d'entre nous, citoyens nous sommes, acteurs devons-nous devenir... C'est par la cohésion de la France d'en bas que les choses pourront changer.
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S
Une virulence tonique !
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