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8 avril 2006 6 08 /04 /avril /2006 00:32

S’il est un concept qui progresse chaque jour, c’est bien celui du "développement durable". Certes, il demeure encore très vaste et flou pour une grande majorité d’élus et de citoyens qui ne mettent pas dans cette orientation politique tout le sens qu’elle devrait avoir. Il faudra beaucoup de persuasion afin de faire entrer dans le processus de décision la prise en compte de données souvent jugées inutiles. Or, sous la pression des événements climatiques, des constats sur la santé, de la réalité économique il est devenu indispensable de penser vite et bien. Il est vrai que le chantier ouvert ne laisse pas beaucoup de secteurs à l’écart. Et, le travail à accomplir nécessite une motivation de chaque instant, car les changements de mentalité ne s’opèrent pas aussi facilement que les modifications des textes, normes et règlements.
Les habitudes ont la peau dure. Elles entretiennent actuellement la notion de verticalité des démarches ou ce que j’appelle la politique du tiroir. On cherche une solution. On ouvre un tiroir. On trouve ou on ne trouve pas son bonheur. On paie et l’affaire est faite. On a vidé un lieu, enrichi un autre et on a la conscience tranquille. Le processus touche à sa fin car les tiroirs (énergie, nature, air, eau…) commencent singulièrement à se vider et plus encore à ne plus se régénérer après le passage des pilleurs. Chaque jour ou presque, le tiroir s’amenuise et la rareté devient la règle générale, dans une période où la consommation s’accélère dangereusement. Et les énormes pays émergeants n'ont pas encore lancé la machine!
Désormais, l’avenir ne s’arrête pas aux apparences immédiates mais il se construit avec le souci permanent d’amputer le moins possible le présent de ses atouts, et donc de donner une perspective responsable à long terme. Durant trop longtemps, le seul principe politique aura été "après nous le déluge", pour éviter des désillusions rapprochées. En assimilant l’usager à un client, le citoyen à un consommateur, demain à tout de suite, le temps à de l’argent, on a fini par assassiner la planète.

PENURIE D’EAU

 

L’égoïsme des satisfactions immédiates conforte un comportement désastreux. Vers 2050, par exemple, 7 milliards de personnes, dans 60 pays (hypothèse pessimiste) ou 2 milliards dans 48 pays (hypothèse optimiste) seront confrontées à une pénurie d’eau, cette fourchette variant selon des critères tels que la croissance de la population et les décisions politiques. Selon le rapport, le changement climatique expliquera environ 20 % de l’augmentation de la pénurie d’eau dans le monde.
Les zones humides vont probablement recevoir davantage de pluies, alors qu’on s’attend à ce que les précipitations diminuent et deviennent plus irrégulières dans de nombreuses régions sujettes aux sécheresses, voire dans certaines régions tropicales et subtropicales. La qualité de l’eau va empirer, en raison de l’augmentation de la pollution et de la température de l’eau.
La crise de l’eau "est destinée à s'aggraver, malgré le débat qui continue sur l’existence même d’une telle crise" , insistent les plus éminents spéciaslistes. Environ 2 millions de tonnes de déchets sont déversés, chaque jour, dans les fleuves, lacs et rivières. Un litre d’eau usée pollue environ huit litres d’eau douce. Selon des calculs cités dans le rapport, il y a environ 12 000 km3 d’eau polluée dans le monde, ce qui représente plus que toute l’eau des dix plus grands bassins fluviaux du monde et ce, à n’importe quelle période de l’année.
Si la pollution continue à un rythme identique à celui de la croissance démographique, la planète va perdre 18 000 km3 d’eau douce d’ici à 2050 - soit près de neuf fois la totalité de ce que les pays utilisent chaque année pour l’irrigation, qui est de loin l’activité la plus consommatrice en eau, puisqu’elle représente 70 % des prélèvements d’eau. Excusez la noirceur de ce tableau, mais elle ne reflète même pas exactement les menaces. On pourrait trouver beaucoup d’autres secteurs dans lesquels les constats seraient aussi alarmants.

A L’ENCONTRE DE L’INTERET COLLECTIF

 

Cette évolution peut illustrer une dérive dont personne ne mesure réellement les conséquences humaines. Lentement mais sûrement, il deviendra pourtant indispensable d’examiner les moyens à mettre en œuvre pour l’éviter. Elle se heurtera à des réalités qui vont en permanence à l’encontre de l’intérêt collectif. D’abord temporellement, puisque les  "politiques" ne sont préoccupés que par leur réélection et agissent donc à court terme, sans se soucier d’autre chose que de l’impact électoral de leurs mesures.
Il devient ainsi de plus en plus difficile d’imposer des règles de vie commune d’avenir, dans un système où chaque mesure n’est jugée qu’à l’aune des désagréments qu’il peut générer pour la zone dans laquelle il est implanté. Essayez donc de régler le problème des déchets, celui de la consommation d’énergie, du ferroutage, de la pollution, de gestion de l’espace, quand il touche au confort d’un groupe, même très restreint. Tout le monde souhaite ardemment que les élus luttent contre les fléaux qui menacent à condition que ce ne soit pas chez eux, mais chez les autres.
Ensuite, sur le plan économique il est indispensable de mesurer l’hostilité inévitable que génère le concept du développement durable, car il augmente inévitablement les coûts. En une période où l’on cherche par tous les moyens à effectuer des économies par la concurrence, par un libéralisme exacerbé, par le contournement des règles élémentaires de préservation de l’environnement, l'augmentation des dépenses obligatoires pour préserver l'avenir n'est pas de mise. Il faut produire à bas prix, pour satisfaire aux lois du marché. Il faut permettre à tous les pays d’accéder au système de consommation par une offre correspondant à leurs moyens.
Cette contrainte s’accommode mal, par exemple, des surcoûts imposés par les constructions Haute Qualité Environnementale (HQE), les équipements sophistiqués permettant les économies d’énergie, les obligations liées à la main d’œuvre. Et même, souvent, si vous trouvez les fonds, il faut ensuite dénicher les entreprises qualifiées pour mettre en œuvre les décisions prises. Elles sont rares, et vous imposent donc leurs tarifs, au nom de l’exclusivité acquise dans les processus de traitement.

UN MONDE NE CONNAISSANT QUE LE PROFIT

 

Le développement durable nécessitera une pédagogie particulièrement active. Il intégrera peu à peu le système social. Il se heurtera pourtant à la dure réalité d’un monde ne connaissant que le profit comme règle fondamentale de son avenir. Il faudra une conviction de chaque instant pour assumer un principe voulant que, non seulement il est devenu essentiel de beaucoup mieux dépenser, mais aussi, sur de nombreux points, de beaucoup moins dépenser.
Economiser l’eau, les énergies, ne constituera pas un objectif théorique, mais une urgente obligation. Assumer des coûts supérieurs pour la construction, les produits de base, les déplacements individuels deviendra la base d’un changement profond des habitudes. Il y a aura forcément des réticences, des blocages, des oppositions, mais elles ne doivent pas justifier un renoncement à préserver ce qui peut l’être encore.
Les élus devront obligatoirement multiplier les opportunités de dialogue afin de persuader, de convaincre avant d’agir. Ils auront à prendre leur temps pour peser, afin d’éviter de se tromper, les conséquences de l’engagement souscrit.
Une nouvelle forme de démocratie participative est en gestation. Malheureusement, l'affaire du CPE a décrédibilisé cette nouvelle approche. Quand on sait qu’Hubert Dubedout, Maire précurseur de Grenoble, en avait lancé les principes dans les années 60 avec ses Groupes d’Action Municipales (GAM) qui fondèrent l’écologie urbaine, on mesure l’exigence du chemin emprunté et le temps qu'il faut pour agir ! Battu aux élections de 83, il laissa les centaines de GAM orphelins de leur concepteur, mais nul n’a fait mieux depuis…
Comme quoi, dans notre société, il ne faut jamais avoir raison avant les autres… Ce qui n’est guère rassurant pour l’innovation sociale !
Mais je déblogue...

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