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23 avril 2006 7 23 /04 /avril /2006 07:17

Perchée à 1320 mètres d'altitude, Katmandou est le centre administratif et commercial du Népal. La ville, qui bénéficie d'une situation et d'un climat plutôt favorables, affiche une densité démographique record dans un pays rural à 90 %. Au pied de l'Himalaya et de ses sommets, la capitale vit pour l'essentiel de l'agriculture, de l'artisanat, d'une industrie manufacturière et ... du tourisme. Cette cité mystérieuse, sorte de Tombouctou du XX° siècle, car isolée du monde occidental durant des décennies, a fasciné les civilisations avides d'exotisme complet. Aller à Katmandou, c’était abandonner tous ses repères avec la société de consommation. La vraie vie, celle faite à la fois de recueillement et de simplicité, d’amour pour les autres et d’humilité se trouvait là-bas, loin de tout, et proche du toit du monde.

Depuis les années soixante et la venue de hippies, le secteur s'est, en effet, développé. Durant des décennies le " pèlerinage " a relevé du mysticisme, similaire pour les babas cool, à celui qui conduit d’autres croyants vers La Mecque ou Lourdes. Ils y allaient quérir la sérénité que donne une atmosphère de paix et de pureté. En accord avec la phrase de Ghandi, qu’a bien voulu m’envoyer récemment Eric Mouchet, on venait oublier les désillusions de mai 68, ou celles des échecs à modifier en profondeur la société, en méditant sur le fait que " la victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée ". Des cohortes fleuries vinrent donc y préparer un monde meilleur, paisible, qui n’était pas que fumeux dans les principes !

Lentement, la venue des étrangers a pris un autre visage et occupe aujourd'hui tout un quartier, Thamel, où touristes et alpinistes se procurent cartes postales, matériel de montagne et autres effigies des divinités locales. Cité légendaire, et destination de nombreux amateurs de trek, Katmandou a su conserver son pouvoir de séduction, mais pour une vision très différente de la découverte : on rentre de Katmandou, épuisé, repu de longues randonnées dans des montagnes exigeantes, et dans un contexte d’ascétisme digne des anciens pèlerins vers Saint Jacques de Compostelle. D’innombrables temples donnent en effet chaleur, parfum et sensualité. Cette abondance d'édifices tient pour beaucoup à la coexistence et de la prégnance des religions bouddhistes et hindouistes... et à une longue histoire, marquée par des spasmes très violents qui semblent contradictoires avec l’image que le Népal donne au monde entier.

EXTRAORDINAIRE DICHOTOMIE

L’un d’eux est en cours depuis plusieurs semaines. Le roi Gyanendra s'est arrogé, en février 2005, les pleins pouvoirs, et s’oppose à une grande part du peuple qui revendique un système plus démocratique. Des affrontements n’ayant rien de commun avec les principes des hippies (aucune fleur n’était dans les canons des fusils), se déroulent donc régulièrement. Extraordinaire dichotomie entre la " croyance " occidentale en une société népalaise tolérante, paisible et la terrible réalité violente de ce contexte. Le monarque de droit divin avait annoncé, vendredi, qu'il voulait rendre le pouvoir au peuple et avait demandé aux partis de désigner un Premier ministre. Mais pour l'opposition, "la proclamation royale" n'a pas réussi à répondre aux questions de l'alliance des sept partis sur une "feuille de route" vers un retour à la démocratie.

Les Maoïstes, (eh oui ! ils existent là-bas) qui combattent le pouvoir depuis 10 ans, dans une guérilla ayant fait quelque 12.500 morts, ont eux aussi opposé une fin de non-recevoir à ce qu'ils ont qualifié de "conspiration féodale", appelant "à ce que la souveraineté du peuple soit restaurée par des élections pour une assemblée constituante". En fait le Népal, qui a été très longtemps hors du temps, s’offre une crise d’une autre époque. Une sorte de révolution de… 1789 avec des tentatives de prise de la Bastille, mâtinée de " longue marche ", de révolution guevariste et de répression stalinienne. A Katmandou, les événements tiennent de la synthèse historique, comme si le pays voulait rattraper deux siècles de révolutions " modernes ". Pour une fois, les Népalais prennent modèle sur le monde occidental et non l’inverse.

Ainsi hier, la police a tiré sur des milliers de manifestants qui convergeaient vers le palais royal, faisant des dizaines de blessés. Plus de 80 opposants ont été admisà l'hôpital, avec des blessures provoquées par des balles, des tirs de gaz lacrymogènes ou des coups. Selon des témoins, l'armée a pris position autour du palais royal où se trouverait le souverain, et l’on s’attend à des événements de plus en plus graves.

SOMBRES HISTOIRES DES CONTREES LOINTAINES

L’histoire même du roi relève des sombres histoires des contrées lointaines, celles où le méchant attend toujours le moment propice pour s’emparer, après un complot sanglant, du pouvoir détenu par son frère. Gyanendra Bir Bikram Shah Dev, né en 1947, avait une vocation précoce, car en tant que deuxième fils du prince (puis roi) Mahendra, il avait déjà été déclaré roi, à… 3 ans, pendant deux mois, lorsque le reste de sa famille était prudemment parti en exil en Inde; mais il ne sera jamais internationalement reconnu en tant que tel. Son grand-père étant remonté sur le trône peu de temps après, il dut rengainer ses prétentions juvéniles.

Il devra même attendre exactement un demi-siècle pour assouvir ses ambitions de monarque prodige. En effet, selon la thèse officielle - mais dont personne n’a jamais connu les réalités -, l’un de ses neveux, devenu subitement fou, assassine toute la famille royale… avant de se donner la mort. Une fois son frère, qui règne sans problème, mort, Gyanendra devient roi, à nouveau, en juin 2001. Avouez que l’aventure n'est pas banale, et qu’elle dénote un comportement peu  enclin à la… démocratie. Il se comporte en despote, et même, par certains aspects, en tyran néronien, mais il a tellement mis de temps à monter sur le trône qu'il est impensable qu'il le laisse échapper. Comme dans tous les " contes " qui ne sont pas de fées, c’est donc le peuple qui paie la note.

SOUS LE SEUIL DE PAUVRETE

Les conséquences de la guerre civile sont en effet terribles pour le Népal, classé par l’Organisation des Nations unies parmi les pays les moins développés au monde. Près de 40% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et le PIB par habitant atteint à peine 250 dollars, soit près de deux fois moins que chez le grand frère indien.

Or, les voisins immédiats jouent leur partition selon leurs intérêts nationaux, sans trop se préoccuper de cette situation dramatique, sur laquelle les touristes ferment complaisamment les yeux pour contourner à la force du mollet les Annapurna, ou aller se recueillir au pied de l’Everest et ramèner des émotions fortes au bureau !

L’Inde redoute surtout les conséquences d’une victoire de la rébellion maoïste népalaise, certains mouvements radicaux indiens possédant des liens étroits avec elle. Pour ce voisin en pleine croissance, il est donc urgent que les différentes parties s’assoient à une table des négociations et parviennent à trouver une solution politique. Le roi Gyanendra sait cependant qu’il peut compter sur le soutien d’autres puissances pour poursuivre sa politique, en particulier sur celui… de la Chine. Une manière pour Pékin de remercier le pouvoir népalais qui avait ordonné, fin janvier, la fermeture à Katmandou des bureaux du chef spirituel tibétain, le Dalaï Lama. Une sorte de donnant donnant qui s’accorde mal avec les principes démocratiques réclamés par une opposition pourtant résolue à obtenir l'abdication du Roi.

Ce n'est pas en France que nous exigerions pareil renocement de la part du pouvoir royal.

Mais je déblogue... 

 Photo : Arrestation d'un opposant à Katmandou ville devenue... policière.

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commentaires

S
Il est important en effet, de parler du Népal.
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