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14 juin 2009 7 14 /06 /juin /2009 07:17
Il arrive que des mots et des déclarations suffisent à renflouer des situations économiques précaires. Bizarrement, ce qui n'était que verbiage inaudible prend des allures de solution miracle. Dans le monde agricole, où souvent les manifestations violentes conduisent à des négociations « obligées », on sait bien qu'il y a souvent un grand décalage entre la base motivée, musclée, et le sommet, occupé par des représentants plus aisément manipulables. Le réseau est en effet extrêmement serré, et les dirigeants d'une partie tiennent les dirigeants de l'autre partie. C'est du genre : « tu me tiens, je te tiens par la barbichette... et le premier qui trahira aura une tapette ». Les lobbies de filières ont largement pris le pas sur le syndicalisme institutionnel, et ce sont eux qui occupent toujours le devant de la scène. Désormais, la lutte se circonscrit à des pans de l'agriculture. Les céréaliers sont même divisés en maïsiculteurs ou en producteurs de blé ou d'orge, les éleveurs se partagent entre bovins (laitiers et viandes) et ovins, les viticulteurs du Bordelais sont séparés entre les grands crus et les producteurs de base . La FNSEA est donc dans la surenchère permanente, contraire à ses accords traditionnels tranquilles avec la Droite. Il faut sans arrêt tenir compte de l'évolution du marché, et surtout de ce fameux principe qui a obtenu une majorité théorique en Europe : « la concurrence libre et non faussée ».
Le paradoxe, c'est que sont celles et ceux qui l'ont âprement défendu dans les campagnes (au deux sens du terme), qui maintenant refusent plus durement encore son application. Ce sont celles et ceux qui ont exigé, sur des estrades, le maintien de la Politique Agricole Commune (PAC) qui se présentent aux élections locales sur le concept du libéralisme. Ce sont celles et ceux qui, localement, ont farouchement soutenu Nicolas Sarkozy, qui maintenant bloquent les centrales du capitalisme, qui apportent encore, via les patrons du CAC 40, le maximum d'appui à l'UMP. Le conflit des « laitiers » illustre à merveille cette situation, que seule la France peut s'offrir.
Les agriculteurs ont mis fin samedi au blocage des centres d'approvisionnement des grandes surfaces, alors que la pénurie dans certains supermarchés menaçait. Le gouvernement s'est en effet engagé à ce que des contrôles généralisés sur les prix soient rapidement... mis en oeuvre et que des "sanctions" soient prises si nécessaire.

QUELS FONCTIONNAIRES ?
Mais personne ne souligne que la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Fraude va se retrouver frappée de plein fouet par la politique de destruction de la Fonction publique. Qui va contrôler pour le compte de producteurs, dont les syndicats n'ont, à ma connaissance, jamais protesté contre les ravages faits dans la fonction publique? C'est encore une fois une dramatique duperie que celle qui laisse croire que le prix du  lait va remonter dans les étables sous prétexte que les agents de la DRCCF vérifieront les étiquettes dans les supermarchés. Mais comment peut-on admettre cette absurdité sociale...qui ne repose sur aucun fait précis. Il est vrai que le gouvernement actuel ne peut pas décréter le blocage des prix des produits de première nécessité (le lait en est un) car ce serait un atteinte au dogme de la loi du marché !
« Le gouvernement a pris la mesure » du désarroi des agriculteurs et a « entendu leurs demandes légitimes sur la transparence, le contrôle des marges et l'évaluation de la LME (loi de modernisation de l'économie) », a déclaré le ministre de l'Agriculture, Michel Barnier. « En matière de transparence, on est loin du compte », a-t-il ajouté, en écho aux revendications des agriculteurs qui dénoncent les conditions d'application de la loi, votée en août 2008 (NDLR : mais au fait, qui a rédigé cette loi et qui l'a votée ?) pour notamment redéfinir les relations commerciales entre grandes surfaces et fournisseurs. Les syndicats d'agriculteurs reprochent notamment à la loi de donner à la grande distribution « un pouvoir de négociation encore plus grand » qui pèse sur les prix payés aux producteurs. Le secrétaire d'Etat à la consommation, Luc Chatel, a précisé qu'une "brigade de contrôle de la LME" composée d'inspecteurs de la Direction générale de la concurrence et de la consommation (DGCCRF) va être créée à cet effet la semaine prochaine. Ceci confine au mépris total de l'électorat, auquel on explique à longueur de journée qu'il faut supprimer des postes de fonctionnaires (le Ministère des finances annonce 37 000 suppressions de postes en 2008), puisque l'Etat n'a plus de crédits pour les payer. On exonérera les producteurs laitiers des cotisations sociales, des impôts fonciers et... on va les sauver avec des postes de fonctionnaires inexistants.

MAIS QUI A FAIT LA REFORME ?

Dans un communiqué, le gouvernement indique également que "les travaux de l'Observatoire des prix et des marges seront accélérés". Les prix des produits laitiers, à tous les stades de la filière depuis 2007, sont actuellement relevés par les services de Bercy. Ils seront analysés par un groupe de travail spécifique de l'observatoire des prix et des marges. Les résultats seront rapidement publiés. Par ailleurs, les services de l'Etat réaliseront "une expertise contradictoire et indépendante pour s'assurer de la validité des données transmises". Cette mesure répond aux reproches de la FNSEA, le principal syndicat agricole, qui estime que l'Observatoire des prix et marges, prévu par la loi et mis en place fin 2008, ne remplit pas son rôle. Mais pourquoi ne pas mettre en doute la fiabilité de la réforme LME, dont on sait qu'elle a été faite exclusivement pour favoriser la baisse des prix, via les grandes surfaces.
Qui a protesté, dans le milieu agricole, contre l'augmentation souhaitée des surfaces dites de Discount, sans accord de la commission départementale ad-hoc ? N'était-ce pas une manière de pénaliser les producteurs, en obligeant tous les autres distributeurs à faire baisser les prix d'achat des matières premières agricoles, pour conserver des prix bas à la vente tout en augmentant leur marge. Il faut une certaine duplicité pour critiquer un texte UMP alors que l'on appartient à l'UMP, et que l'on a expliqué aux opposants que ce texte renforcerait la « concurrence libre et non faussée », utile au développement économique ! On rêve aussi lorsqu'on découvre les autres volets de l'accord, strictement théorique, qui a renvoyé ces producteurs de lait dans leurs foyers pour qu'ils attendent un miracle venant de Bercy ! La solution va passer, pour lutter contre la surproduction néo-zélandaise qui envahit les marchés par l'étiquetage. En cette période de pouvoir d'achat en berne, il est certain que les consommateurs de chez Lidl ou Leader Price vont regarder les étiquettes pour payer leur lait plus cher !
De même, une réflexion va être engagée sur l'étiquetage « origine France » des produits alimentaires, en lien avec la proposition de la Commission européenne dans le cadre du livre vert sur la qualité, indique le communiqué du gouvernement. Ouf, on est sauvés : le fameux « consommez français » cher au Parti Communiste Français de Georges Marchais dans les années 70 reprend du service, alors qu'au niveau de l'Europe on défend exactement les positions contraires.

UN SOUTIEN CONTRAIRE
Un bilan de la LME sera également réalisé d'ici la fin de l'année 2009. « Il portera notamment sur le respect des conditions posées dans la loi pour les négociations commerciales ». Par ailleurs, à la demande des syndicats, une nouvelle réunion sur les modalités d'application de la LME doit rassembler mercredi les agriculteurs, les représentants de la grande distribution et les consommateurs autour de la ministre de l'Economie, Christine Lagarde... qui n'y sera certainement plus. Mais comment des producteurs syndiqués motivés ont pu revenir dans leurs étables après qu'on leur ait annoncé des mesures aussi abstraites et totalement déconnectées de la réalité ?
Convoquées, les grandes surfaces sont censées s'engager à faire toute la lumière sur leurs marges. Naguère plutôt conciliant, le gouvernement leur demande aujourd'hui des gages. Mais il est certain que les patrons de la FNSEA ont la mémoire courte, car devant leur congrès, Nicolas Sakozy avait fait des déclarations qui en disent long sur la sincérité de ses engagements. « J'entends souvent dire que l'agriculture ne pèse rien face à la distribution. Honnêtement, quand on veut se faire un petit succès d'estime, on parle de la distribution et on la fait siffler, et si cela ne suffit pas, on prononce le mot de Leclerc ». La déclaration de Nicolas Sarkozy devant le congrès de la FNSEA, avait fat grincer des dents au gouvernement, alors que nombre de ses membres, à commencer par Jean-Pierre Raffarin, étaient aussi invités à s'y exprimer. Il avait obtenu le soutien de toute la filière de la grande distribution, et ce brave Leclerc fils avait aussitôt adhéré au comité de soutien de son copain Nicolas, avec lequel il déjeune à l'Elysée ! « Si cela suffisait de protester et de désigner un bouc émissaire pour résoudre les problèmes des agriculteurs, cela se saurait », avait ajouté le Ministre, président de l'UMP, et candidat.
Jean-Pierre Raffarin avait osé critiquer la campagne de publicité sur les prix du distributeur Michel-Edouard Leclerc, en affirmant que « ce n'est pas l'Etat qui empêche M. Leclerc de baisser ses prix (...). Je vois quelques distributeurs amateurs de matraques. Cette conception ne me paraît pas saine », avait dit le Premier ministre. Nicolas Sarkozy, évoquant l'investissement de l'agriculture dans la qualité, a aussi ironisé : « Nous aussi, on essaie de le faire. Je peux vous dire que cela ne marche pas à tous les coups! » Auparavant, le président de l'UMP avait déjà déclenché les rires de l'assemblée en déclarant qu'il n'avait « jamais rêvé de devenir président de la FNSEA » et que son titulaire, Jean-Michel Lemétayer, pouvait « garder le siège tranquille ». Ce dernier avait bu du petit lait ! Consommateurs,  vous êtes invités à trinquer !
Mais je déblogue...
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commentaires

A
Toujours les mêmes mensonges, toujours la même poudre aux yeux, toujours la même duplicité. Mais oui, braves gens, braves producteurs laitiers, braves agriculteurs, on va faire contrôler les prix, et les marges des grandes surfaces, par des fonctionnaires du Ministère des Finances qui n'existent plus, puisqu'on n'a pas remplacé ceux qui partaient à la retraite, et que l'on n'en a pas formé de nouveaux.....Ces contrôleurs fantômes-là seront les mêmes que ceux qui traquent la fraude fiscale des grands groupes, qui surveillent ceux qui transfèrent leur fortune dans des paradis fiscaux, et ceux qui contrôlent le respect des lois intérieures et internationales..... Leur nombre s'est réduit comme une peau de chagrin, au fallacieux prétexte qu'ils étaient aidés par l'informatique....mais pour que cela marche, encore faudrait-il avoir des fonctionnaires à mettre devant des ordinateurs... Et aussi les moyens de les doter de matériel performant....Il est vrai que ceux qui restent peuvent encore s'acheter, sur leurs deniers personnels, les ordinateurs dont ils ont besoin.....Alors, qui peut croire dans la sincérité et l'efficacité des promesses faites aux producteurs de lait pour qu'ils acceptent de lever leur blocus?
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