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18 juillet 2006 2 18 /07 /juillet /2006 00:17

La bibliothèque d’Izon a brûlé hier matin. Plus de 10 000 ouvrages ont été détruits volontairement, par un ou plusieurs individus. Des autobus de ramassage scolaire ont été incendiés à Mourenx. Des écoles maternelles ont déjà été la proie des flammes dans des banlieues. Des collèges, des lycées ont été plus ou moins touchés. L’espace culturel de Créon avait été, dans un passé récent, à plusieurs reprises, vandalisé. L’école maternelle Alice Delaunay, courant août, avait eu chaud, une nuit où les poubelles du tri sélectif avaient servi de boute feu….

Chaque fois, je suis profondément choqué. Chaque fois, je m’interroge sur les motivations profondes pouvant conduire des enfants, des adolescents ou des adultes, à incendier les espaces dans lesquels, à priori, tout est tenté pour justement aider les plus défavorisés à se sortir de leur triste sort. Ils assassinent leurs rares espoirs !

Faut-il, en effet, que leur perception de la vie sociale soit erronée pour qu’ils mettent en péril leur propre outil de promotion ? Y-a-t-il gestes plus absurdes que ceux qui consistent à détruire les espaces pouvant conduire justement à la liberté, à l’égalité, à la fraternité ? Nourrissent-ils une telle haine des structures dans lesquelles ils ont vécu ? Sont-ils à ce point inconscients, pour ne plus se rendre compte qu’ils saccagent les liens les plus précieux qu’ils entretiennent avec leur avenir ? Ils brûlent sûrement le symbole de leur échec !

LE MUR DE L'IGNORANCE

Les pires barbaries ont commencé par des autodafés. Les moments les plus terribles de l’histoire ont toujours été ceux, durant lesquels, anonymement on s’en est pris à l’éducation et la culture. Les atrocités les plus douloureuses touchent certes les corps, mais elles peuvent également marquer les esprits. Quel mur est plus infranchissable que celui de l’ignorance ? Un pays dans lequel on trouve des jeunes, ou des moins jeunes, prêts à brûler les établissements qui leur apportent le savoir et la culture ne peut pas uniquement répondre par un couvre-feu. Il doit s’interroger sur le fonctionnement de son système éducatif… et pas uniquement applaudir à une mesure purement conjoncturelle, qui ne résoudra pas le fond des problèmes.

En effet, cette ignorance totale du poids réel des actes vient essentiellement d’un défaillance de ce que l’on appelle encore provisoirement l’éducation nationale. En fait, sous la pression des demandes parentales et sociales, on est passé de plus en plus de la notion ambitieuse " d’éducation nationale " au concept réducteur " d’instruction publique ". Il faut certes appendre, mais pas nécessairement comprendre. La compétition sauvage a supplanté la réussite personnelle.

Célestin Freinet doit se retourner dans sa tombe…en voyant l’hécatombe générée par une école de plus en plus élitiste, travaillant, bonheur suprême, à auto-reproduire la pseudo réussite de ses enseignants. Le système se rengorge de produire le major de l’ENA, de Polytechnique, de l’Ecole normale supérieure. Il ne se préoccupe pas des dégâts terribles collatéraux que génère ce culte de la réussite par le seul savoir.

REMETTRE EN CAUSE LES METHODES

Crin Blanc annonce sentencieusement des moyens nouveaux, des assistants de vie scolaire, qui vont aider les collégiens à faire leurs devoirs, qui vont dispenser des cours de rattrapage… Catastrophique, car malheureusement ces décisions, du toujours plus, ne changeront rien aux réalités. Si on ne remet pas en cause les méthodes pédagogiques, c’est poser un cathéter sur une jambe de bois ! Mais comme il n’y a plus aucun débat au sein du corps enseignant sur la manière d’enseigner (merci la suppression des écoles normales !) et que l’on se contente de constats, rien n’évolue. On constate et on continue. Le film désuet " L’école buissonnière " devrait être projeté et commenté par des enseignants qui ont risqué leur carrière en allant, dans les années soixante, au nom d’un idéal éducatif…

J’ai été formé et j’ai exercé durant vingt ans mon métier d’enseignant avec passion, selon les concepts de la pédagogie Freinet : individualisation maximum de l’enseignement, valorisation maximum de la réussite, travail à son rythme, refus de tout jugement péremptoire sur la réussite, départ de tout enseignement sur le milieu de vie et pas sur des clichés standardisés, formation à la responsabilité, au dialogue, au respect des différences, progression même minime, toujours jugée positive… Les postes supplémentaires ne suffiront pas, s’ils ne s’accompagnent pas d’un énorme effort d’adaptation aux réalités du système éducatif ! Personne n’ose poser ce véritable enjeu social, car ce serait reconnaître l’inefficacité absolue de cette " Education nationale " excluant celles et ceux qui ne peuvent pas entrer, pour de multiples raisons, dans le moule.

UNE VERITABLE FORMATION CITOYENNE

Le milieu associatif ne pourra jamais, par ailleurs, compenser la carence d’une véritable formation citoyenne. Au lieu d’enseigner la démocratie, il paraît indispensable de la faire pratiquer dès le plus jeune âge. Or le gouvernement vient d’annoncer la suppression des enseignants mis à la disposition des associations périscolaires (800 postes en France) qui, justement, ont en charge le soutien aux initiatives pédagogiques formatrices pour la solidarité (Pupilles de l’Enseignement public), la coopération (OCCE), la culture (Ligue de l’Enseignement), le sport (USEP, UNSS …), la citoyenneté (CEMEA). On les étrangle, on les pille, on les prive de leur base active, et aujourd’hui, à la tribune de l’Assemblée, devant les caméras de télévision, on annonce des crédits… pour 2006, alors qu’on ne leur a pas encore payé les subventions de 2005* ! Comment peut-on, en toute conscience, tromper l’opinion publique avec autant d’aplomb ?

Le " couvre feu " ne recouvrira qu’une marmite bouillonnante. On n’en verra plus l’eau chaude. On ne verra plus les flammes du feu. On cachera la réalité, sous un couvercle, durant 12 jours (ou plus), en ressortant un état d’urgence " matériel ", alors que l’urgence à traiter est d’abord " morale ".

Le couvre feu n’est qu’un misérable cache misère, une réponse dilatoire à un échec social profond, un placebo pour soigner un cancer.

Mais je déblogue…

* Je sais de quoi je parle puisque je suis Président de l’Association Départementale des Pupilles de l’Enseignement public, touché par ces mesures qui sont désormais appliquées, avec la suppression de plus de 80 postes... Coût pour les Pupilles : 70 000 € !

Chronique du 9/09/2006

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