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2 octobre 2006 1 02 /10 /octobre /2006 07:39

C’est fait Laurent Fabius vient d’officialiser sa candidature comme " présidentiable " du Parti socialiste. Il n’y a aucune surprise, sauf pour quelques personnes généralement bien informées, qui avaient annoncé autour d’une table que Fabius n’irait pas au bout de sa démarche, et qu’il laisserait la voie libre à Lionel Jospin… La semaine écoulée aura totalement démenti ces affirmations, mais le doute a bel et bien était semé dans des esprits fragilisés dans leur engagement. Il ne reste plus demain à Jack Lang qu’à ne pas renoncer au dernier moment comme il a l’habitude de le faire. Il a imploré qu’on lui donne quelques signatures du conseil national afin qu’il puisse au moins avoir le choix entre une présence symbolique et un retrait négociable.

Il faut donc attendre ! Il y aura néanmoins 3 ou 4 bulletins de vote sur la table des sections socialistes le 16 novembre, et l’enjeu résidera immédiatement sur la tenue ou non d’un second tour. C’est devenu l’objectif essentiel de son fan club : éviter à tout prix un duel qui mettrait en évidence la fracture entre le résultat des sondages et celui, incontestable, obtenu auprès des militants. Tout l’appareil national va s’évertuer désormais à éviter cette fracture, afin de préserver son propre rôle après les échéances électorales, car un mauvais score d’un camp ou un bon de l’autre augureraient d’un congrès dangereux à bien des égards.

Laurent Fabius, et je l’ai déjà écrit à de nombreuses reprises, n’a pas appartenu durant 25 ans au monde de mes favoris politiques. Je ne l’ai pas rejoint par ambition ou par calcul (j’en ai maintes preuves) mais par pure conviction, née dans une rencontre bien antérieure au référendum sur le traité constitutionnel européen. Grâce à… Gilles Savary qui m’avait fait inviter, je me suis, en effet, retrouvé avec neuf autres élus locaux, au siège national du PS à Paris, pour deux heures de " plateau repas ". J’avoue avoir été très stressé de m’exprimer devant un président de conseil général (Haute Garonne), des maires de grandes villes (Montpellier, Maubeuge), des députés médiatiques (Bartolone, Weber…), alors que je ne représentais rien du tout, et surtout, je ne pouvais pas imaginer un seul instant les suites de cet entretien.

La majorité des dix présents n’avait effectué à cet époque aucun acte d’allégeance à leur hôte. La démarche m’a interpellé, surtout lorsque j’ai entendu un propos liminaire formulé ainsi : " je vous ai demandé de venir pour que vous me disiez, le plus franchement possible, quelles sont vos préoccupations, quelles sont celles des gens que vous rencontrez tous les jours. Je n’ai que des questions à vous poser. Je ne ferai qu’écouter vos réponses et vos propositions. N’attendez pas de moi la moindre certitude car je n’en ai plus après l’échec que nous venons de connaître. Allez-y…Qui commence ? ".

UN TOUR DE TABLE SANS CONCESSION

Au fil des cases du plateau repas, a été organisé un tour de table, véritablement sans concession, sur le 21 avril : abandon des valeurs de Gauche, éloignement des vraies préoccupations concrètes des Français, manque de proximité entre les " grands élus " et les électeurs, perte des repères électoraux pour les gens de Gauche… J’ai le souvenir d’une intervention particulièrement musclée sur l’insécurité de Rémi Pauvros, Maire de Maubeuge et Vice-président du Conseil Général du Nord, et une autre également sans concession d’Hélène Mandroux, qui deviendra après les élections régionales Maire de Montpellier. Personne n’avait épargné l’organisateur de ce déjeuner débat ! J’ai osé, pour ma part, une contribution sur l’importance du logement et du pouvoir d’achat à partir des constats effectués chaque semaine dans ma permanence libre du mercredi matin.

Laurent Fabius a interrogé les uns, puis les autres. Il n’a jamais ajouté un commentaire. Il s’est contenté de prendre avidement des notes… Vers 15 h (questions d’actualité à l’assemblée obligent) il nous a quittés, après nous avoir indiqué simplement qu’il doutait des orientations politiques qui avaient été les siennes et celles du gouvernement Jospin. " Nous devons reconstruire et renouer des liens forts avec notre électorat de base. Or, c’est par les élus locaux que passera cette reconstruction. J’ai besoin de vous pour y parvenir… " C’était la première fois que je le rencontrais physiquement. Le groupe s’est dispersé et je n’ai jamais revu les élus (en dehors de Claude Bartolone) qui le constituaient. En au moins trois autres occasions, j’ai en revanche pu dialoguer directement avec celui que j’imaginais distant, sûr de lui, peu enclin à l’écoute ou au doute. Lentement, je me suis construit une autre opinion sur lui.

Chaque fois, il a renforcé l’impression première que j’avais eue : il avait, lui aussi, pris une claque monumentale le soir du 21 avril 2002. Mais, à la différence de bien d’autres, il n’a pas fait porter l’échec sur le dos de ces Françaises et Français incapables de voter intelligemment. Il a acquis, peu à peu, l’intime conviction que ce n’étaient pas les femmes et les hommes socialistes que les électrices et les électeurs avaient repoussé, mais le décalage entre leurs actes avec leurs promesses.

SES POSITIONS EN ACCORD AVEC SON NIVEAU DE REFLEXION

Je n’ai donc pas été étonné quand il a pris position pour le non au Traité constitutionnel européen, car il mettait simplement ses positions en accord avec son niveau de réflexion. Il a été vilipendé, chahuté, décrié et n’a tiré aucun bénéfice, en termes de popularité, de cette première prise de position en accord avec son souhait de rassembler la Gauche. Et d’ailleurs, je n’aurais pas eu un avis personnel différent de celui que j’ai pris, même si Fabius avait approuvé le texte. On a d’ailleurs vite décidé de lui faire payer sa position jugée hérétique, bien qu’elle ait été validée par le résultat du référendum.

Tous ces faits cumulés ont renforcé ma confiance dans sa sincérité, car j’ai tellement vu de mentors échanger leurs convictions pour un plat de lentilles spéciales " ambition ", que je ne doute plus de sa sincérité. Il lutte avec constance et sérénité pour démontrer qu’il a évolué à contre-courant, ce qui n’est pas commun, car il a tiré les enseignements du 21 avril et du 19 mai

En effet, alors que tous les autres tendent vers une " social démocratie blairisante ", il prône le rassemblement de ces forces de gauche qui s’épuisent… à lui casser  du sucre sur le dos ! Paradoxe extraordinaire d’un homme d’Etat jugé comme " social traître " par une partie de son camp, et " social opportuniste " par ses partenaires, et qui continue à vouloir défendre malgré tout une ligne unitaire. Son courage politique de restituer aux idées leur valeur m’a séduit, car la facilité aurait été de s’aligner sur l’opinion dominante, calquée sur les sondages.

Pourquoi, s’il n’est pas sincère, défend-il le principe de la carte scolaire alors que l’on sait bien que les classes moyennes y sont opposées ? Pourquoi insiste-t-il sur la laïcité, alors que cette valeur n’atteint pas des sommets de popularité en raison de la montée des communautarismes ? Pourquoi lui, le bourgeois décrié (mais ses concurrents sont-ils des fils d’ouvriers ?) se préoccuperait-il du pouvoir d’achat des travailleurs, alors que les patrons sont supposés être ses protégés ? Pourquoi se mettrait-il a exiger une Europe sociale, environnementale, alors que la tendance est plutôt à fermer les yeux sur les dangers de l’extension de son territoire ? Ses convictions sont simplement les miennes, et j’en oublie sa personne.


LE CHANGEMENT NE PEUT VENIR QUE DE LA GAUCHE

Autant de prises de position résumées, hier, dans son texte de déclaration de candidature, dont j’approuve chaque mot : " J’ai décidé, si les militantes et les militants socialistes le veulent, d’être candidat à la Présidence de la République. J’ai pris cette décision parce que la France a besoin de changement. Parce que le changement ne peut venir que de la gauche, de la gauche rassemblée autour d’un projet novateur.

Le projet socialiste que je porterai comprendra d’abord l’amélioration du pouvoir d’achat, en particulier par l’augmentation du Smic, des salaires et des retraites. J’engagerai un effort massif pour l’emploi - qui implique des entreprises dynamiques - ; un effort pour l’éducation, la formation et la recherche ; un effort pour le logement et la santé. Avec le nouveau gouvernement qui sera constitué et qui sera composé à égalité de femmes et d’hommes, j’avancerai vers une République parlementaire nouvelle, organisant une vraie responsabilité politique, défendant les services publics et tenant bon sur le terrain de la laïcité. Enfin, je me mobiliserai pour relancer et réorienter la construction européenne sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan écologique face à la mondialisation et en respectant, bien sûr, les résultats du dernier référendum. Dans ce monde nouveau et rude, la tâche ne sera pas facile. Mais j’ai confiance. J’ai confiance parce que la France, ce pays magnifique et que j’aime, porte en elle des ressources puissantes. J’ai confiance parce que je me suis préparé pour cette tâche. J’ai confiance parce que je sais que la majorité des Français, en particulier les jeunes, ne veulent pas d’une société brutale et précaire que leur prépare Monsieur Sarkozy, mais qu’ils veulent comme nous une France forte, une France juste, une France sûre, une France solidaire : une France forte parce que solidaire ".

J’y retrouve mes préoccupations quotidiennes. Et je connais votre objection : pourquoi ne l’a-t-il pas mis en œuvre quand il était au pouvoir ? Peut-être parce que la politique n’est pas aussi simple sur les estrades que dans les bureaux des Ministères ? Peut-être parce que l’on peut se fixer des objectifs sans pouvoir les atteindre ? Peut-être aussi parce que la première qualité que doit avoir un vrai homme d’Etat c’est sa capacité à tirer les leçons des ses échecs et à ne pas trop se vanter de ses réussites, quand elles figuraient parmi ses promesses ? Peut-être que l’on devient mal voyant de la réalité sociale quand on est entouré de "conseillers en complots" et pas de "conseillers en actions" ? Après tout, ce n’est qu’une question d’intime conviction.

Et la mienne est faite… car pour ma part je suis de ceux qui soutiendont clairement et sans arrières-pensées le Fabius génétiquement modifié ! Un choix que j'assume, et je n'ai donc pas l'intention de raser les murs honteusement.

Mais je déblogue…

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commentaires

B
Fantasmes et illusions.Fabius ce n'est pas que ce petit portrait gentil...Le seul que nous ne devons pas choisir est Fabius il me semble : -pour sa pratique politique : homme de l'ancien pouvoir, avec manipulation d'appareil etc, avec sa cour autour de lui... il suffit de voir son histoire politique, opportuniste et en décalage entre les discours et les actes; gouverne par petites phrases et brutales manoeuvres de parti (lire la biographie de Rocard :"si la gauche savait" ) -pour sa prise de position sur le TCE, non pas sur le fond, mais sur la forme : n'a pas hésité à dire des choses qu'il savait fausses, à tapper dans la lourde démagogie, ce que n'ont pas fait d'autres nonistes; -pour ses prises de positions, faussement "le plus à gauche", facilement populaire, essayant d'agglomérer autour de lui les lambeaux du communisme alors que nous devons avancer avec les socialistes de ce pays et des autres, il dit ce que les gens veulent entendre, sera l'homme de la déception ; -Voire même pour "la star ac et les carottes rapées", pour son manque de crédibilité à l'étranger (not depuis le tce, et surtout chez les socialistes étrangers), pour son talent surévalué dans ce qu'il a fait à la tête du pays, se servant beaucoup des autres pour sa propre image ( voir la différence sous Jospin entre DSK ministre de l'économie, et Fabius qui l'a remplacé! ). Et en plus, il est possible qu'avec Fabius nous ne soyons même pas au second tour. Moi même je ne sais pas si je voterais pour lui... Donc bon, je suis un peu sévère, mais tout cela explique peut être la faible popularité de Fabius, il y a des raisons, nombreuses. J'ai même pas parlé du fait qu'il représente l'ancienne génération politique, connu depuis 81, qu'il est soutenu par des gens comme Mélanchon ou Dolez, Weber ou Filoche ou Bapt, qui sont loin d'être les meilleurs ( qui se répartissent, au milieu de moins bons, dans le soutien aux autres candidats: Savary, Rocard, Bianco, Bockel, Cambadélis, Montebourg, Valls, Peillon, ... ), qu'il aurait du faire monter une candidature du renouveau commme Montebourg s'il voulait créer une ligne "de gauche" au parti et pas se lancer lui-même...
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J
Cher lecteur<br /> Pour donner tout son sens à ce commentaire voiic le contenu d'un mail interne au courant Bockel auquel appartient ce rude adversaire de Fabius. il vient du responsable de cette tendance libérale du PS. Voici son commentaire sur le vote interne. Edifiant!<br /> HYPOTHÉSE 1 :Ségolène passe dès le premier tour. « Bon, se dira-t'elle, ça c'est fait, je peux continuer à parler aux français de mes certitudes». Exit le débat avec les militants, elle repartira à la  conquête des sondages, avec sans doute quelques chances de victoire. Au prix de la perte  des voix de quelques vieux socialistes qui hurleront « au viol ». Pas très grave, mais en cas  de victoire à la présidentielle, nombre d'entre eux se rangeront dans une opposition qui  nous ramènera à <br /> <br /> la IVe.HYPOTHÉSE 2 :Au premier tour, Ségolène en tête, Fabius second. Ségolène sait pouvoir compter sur l'excellent report des voix de DSK qui ne se rallieront  jamais à Fabius. Elle n'a donc rien à négocier, mais les « nonistes » prendront du poids au ein du parti et ragaillardis, feront de l'obstruction systématique. Danger de scission.HYPOTHÉSE 3 :Ségolène en tête, DSK au deuxième tour Les « nonistes » réduits à la portion congrue se reporteront sur Ségolène, espérant  participer à la victoire finale. Dans ce cas, quelle que soit l'issue du deuxième tour, nos idées socio libérales seront renforcées. Et le PS pourra enfin se rénover. Gagnant –  gagnant.Ayant fait un gros effort d'impartialité, je m'épargne l'hypothèse d'un<br /> <br /> Fabius en tête au premier tour avec Ségo en challenger, faut pas pousser !Alors, chers amis R2ziens, votez comme vous l'entendez, je reste optimiste<br /> Jean françois Pascal<br /> Tout autre commentaire est inutile...
E
Oui, le PS a besoin d'être un peu secoué ! ;-)
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J
croyez-vous que ce soit une idée judicieuse pour une nouvelle militante?
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E
J'aime bien la "bagarre" Julie ! Allons au "carton" !
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J
ben monsieur mouchet, si vous faites ça vous allez vous faire cartonner... les royalistes ont le droit de faire de l'entrisme et de l'arrivisme au prétexte qu'ils veulent faire évoluer le PS alors qu'ils ont juste inventer une machine à faire du neuf avec du vieux et qu'ils veulent "recycler" d'anciens apparatchicks en mal de notoriété... et si les fabiusiens font ça on dira que c'est le tout sauf ségolène et blablablabla... CQFD!!! en gros on se fait baiser sur toute la ligne et les militants comme des gogos se font bourrer le mou! j'ai une amie qui a assisté à quelques réunions "royalistes", vous verriez comment ils ont viré les gêneurs qui ne sont pas inféodés à tel éléphantaux local ou comment ils montent une mayonnaise extraordinaire alors que leur fonctionnement est tout sauf transparent...
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