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15 janvier 2007 1 15 /01 /janvier /2007 07:52
La société française est traversée par des lames de fond dont on ne perçoit les effets qu’en analysant méticuleusement plusieurs paramètres immatériels. Elles provoquent des tsunamis électoraux que l’on prétend imprévisibles car, simplement, les causes en sont... invisibles. Actuellement, à tous les étages, on retrouve pourtant un facteur qui décidera de l’avenir selon son importance dans quelques semaines. Il n’a pas diminué depuis des années et nul ne sait véritablement comment l’éradiquer. En fait le comportement d’une très grande majorité de Françaises et de Français repose sur… la peur.
Désormais, il faut bien le reconnaître, tout se déroule sous le diktat de la peur. Peur des autres, qui explique le poids de la question de l’immigration ou de l’insécurité. Peur de l’avenir immédiat, qui touche le boulot, l’éducation, la santé. Peur de l’évolution globale de la planète, dont la climat occupe désormais toutes les conversations. Mieux, la trouille plane sur le monde politique et ceux qui en assument la gestion, car plus personne n’affiche une position publique contrariante. Il faut oublier l’idéal pour coller aux volontés pragmatiques supposées. Il parait même, selon le JDD, que la moitié des Françaises et des Français ont peur de Sarkozy...
Plus personne, dans n’importe quel secteur d’activité, ne peut réussir quoi que ce soit s’il ne prend pas en compte cette dominante, dont on mesure l’impact à contrario, en évaluant le moral des gens. On se méfie de tout. On rejette toute part d’inconnu. On se replie sur ses certitudes et un environnement rassurant. Tout contribue à inciter les citoyennes et les citoyens à s’enliser dans cette angoisse de l’avenir. Pas un Jité qui ne conforte cette sensation, souvent irrationnelle.
Et, à partir de cette semaine, les candidats de toutes tendances vont surfer sur cette vague en calquant leurs promesses sur une élimination des raisons pouvant inspirer cette vision inquiétante de la réalité sociale. Mieux, Le Pen va l’exploiter pour se propulser vers le rivage du second tour. Il suffit qu’il entretienne la planche de ses idées faciles, et qu’il prenne la vague au bon moment, en laissant les images des télévisions faire le reste. D’autres tenteront de le suivre en prenant une partie de ses recettes et en les adaptant, plutôt mal que bien, à ce qui devrait être leur programme.

ILS ONT LE BLUES
Les fêtes de fin d'année n'ont pas redonné le moral aux Français. Du moins pas en ce qui concerne la situation économique. Leur confiance ne s'est que légèrement repliée en décembre. Mais c'est le troisième mois consécutif qu'ils broient du noir. L'indicateur s'établit désormais à - 26 points contre - 25 en novembre, soit son plus bas niveau depuis six mois, selon les chiffres publiés hier par l'Insee.
" On a beau expliquer aux Français que le chômage baisse, que l'inflation est à marée basse et que le pouvoir d'achat a accéléré au troisième trimestre, rien n'y fait : ils ont le blues ", s'étonne un spécialiste. Et de fait, les ménages ne croient à rien de tout ça ! Ils sont de plus en plus nombreux à estimer que leur niveau de vie ne va pas s'améliorer dans les mois qui viennent, continuent de considérer que leur situation financière actuelle se détériore, et sont plus pessimistes que le mois dernier sur leur capacité à épargner. Quant à leur opinion sur l'évolution du chômage, elle " se détériore sensiblement ", note l'Insee. L'indice se retrouve à son plus mauvais niveau depuis la crise du CPE ! C’est dire l’état du Pays en ce début d’année. Enfin, alors que l'inflation est censée ne pas dépasser 1 %, les Français demeurent persuadés que les prix continuent de monter, et sont donc de plus en plus nombreux à penser que ce n'est pas le moment de faire des achats importants. La peur est partout. Elle règne en maîtresse sur toutes les générations.
Je ne rencontre au quotidien que des gens qui appréhendent l’avenir, qui au minimum ont une crainte sur le leur et encore plus d’angoisse sur celui des autres, surtout si ce sont leurs enfants ou petits-enfants. Tout leur parait porteur de difficultés potentielles, et surtout les empêche d’espérer des lendemains qui chantent. Ils sont prêts à soutenir celle ou celui qui les rassurera en leur promettant que demain, même si on ne rasera pas gratis, on continuera au minimum à ne pas vous couper la gorge.
IL FAUT UN COUPALE EXTERIEUR A SES ECHECS
La peur des autres pèse sur tous les projets et empêche leur concrétisation. On manque par exemple de logements sociaux, mais dès que dans un quartier, dans un village, on annonce la construction mesurée d’un programme de ce type, le voisinage se révolte au prétexte que ces bâtiments vont détruire une vie paisible. Des hordes de " cas sociaux " fondraient sur ces maisons, pour ne créer que des désagréments à leur lieu d’accueil. Même topo pour toute proposition d’intérêt collectif, qui suscite immédiatement une levée de boucliers. Lors de la douzaine de cérémonies des vœux à la population auxquelles j’ai assisté, tous les Maires ont confirmé la difficulté de leur tâche dans un contexte où tout tourne autour des intérêts personnels, alors qu’ils ont en charge une collectivité.
Dans l’immigré, on ne voit que celui qui vient " manger le pain des Français " ou celui qui pique le logement que l’on guigne. Dans la jungle actuelle, il faut un coupable extérieur à ses échecs. Bien évidemment, il ne saurait être question de mettre uniquement en jeu sa responsabilité personnelle, mais de l’imputer à autrui. La peur grandit donc sur cette approche sociale. Elle finit bizarrement par s’auto-nourrir, s’auto-entretenir, et donc aggraver une situation déjà fort délicate.
J’ai été frappé, mercredi dernier, lors de la permanence ouverte à toutes les personnes traversant des difficultés particulières, de leurs propos, dans lesquels je retrouvais des  fragments ou des phrases entières des éructations de Le Pen. Toutes et tous avaient peur. Peur de se retrouver à la rue sans logement. Peur de ne pas pouvoir faire face à leurs dépenses obligatoires. Peur des voisins et de leurs chiens réputés acariâtres ou dangereux. Impossible de leur avancer des arguments raisonnables. On ne peut plus lutter contre ce qui est ancré dans les esprits, et qui n’en sortira plus que par une longue opération, reposant sur un dialogue direct et constant.
GERER SA VIE AU JOUR LE JOUR
Plus personne n’imagine un avenir souriant, une aube prometteuse. Il tente difficilement de se rassurer en gérant sa vie au jour le jour. Là encore, dans le quotidien, il est aisé de constater qu’un emploi tient à un chèque mis sur une table pour racheter, après des tractations confidentielles, l’entreprise qui le porte. En un seul geste, tout s’effondre ! Un mauvais chiffre d’affaires, un client indélicat, une commande qui passe sous le nez, une augmentation imprévue des matières premières, et les licenciements tombent à tous les étages.
Tenez, hier matin, dans les rues de Libourne, les ouvrières et les cadres d’Aréna entamaient une période de peur intense. Leur direction vient de décider de transférer la fabrication des maillots de bain en Asie, au mépris de celles qui en ont fait la notoriété. La peur du lendemain va entrer dans des familles, placées sous l’œil inquisiteur des banques, dont elles vont devenir tributaires à tout moment. Comment dans un tel contexte avoir confiance dans un système social qui ne garantit plus rien, qui s’effondre dès que l’on en a besoin, qui ne respecte plus ses engagements. Les promesses non tenues font beaucoup plus pour Le Pen que ses arguments déversés sur les plateaux de télé.
Le Pen affirme par exemple qu’il fera un tabac dans les banlieues sensibles. Il sait que toutes celles et tous ceux qui ont peur constituent sa clientèle potentielle. Ces gens voient bien que rien n’a véritablement changé, malgré les rodomontades de Sarkozy, que le contexte est au moins le même, ou qu’il a empiré. Il sera difficile de leur démontrer, avec des statistiques abstraites, qu’ils peuvent avoir confiance dans un candidat qui n’a pas modifié fondamentalement leur situation. Ils chercheront ailleurs la solution miracle qui n’existe pas !
De partout montent les peurs. Même la température actuelle inquiète la société, car elle porte des doutes sur l’évolution de la planète. Ces tempêtes à répétition, ces vagues de froid intense, cette sécheresse permanente, ne permettent même plus d’échanger des banalités sur la pluie et le beau temps. On a la trouille en regardant la météo. On l'a désormais sur la route, en rentrant le soir d’un repas chez des amis, en traversant distraitement un village. On n’est guère rassuré en mangeant des légumes ou des produits dont on n’a pas eu le temps ou la possibilité de lire l’étiquette.
Dans le fond, par les temps qui courent, j’ai de plus en plus peur de celles et ceux qui ont peur. Ce sont eux qui feront mon avenir!
Mais je déblogue
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commentaires

R
Malgré notre grande "bravitude", aillons quand-même un peu peur pour l'avenir de nos enfants, de la planète, de nos systèmes sociaux…… Sans que ce soit de la "trouillitude!"
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Y
Je ne sais pas si j'ai été bien compris mais je voulais simplement dire qu'avec un niveau de vie plus élevé, avec un avenir plus "sûr" la peur est moins importante. On a moins peur de l'autre, du reste du monde lorsque les fins de mois sont plus faciles.<br /> Après les hommes politiques peuvent soit jouer sur cette peur pour leur carrière personnelle, soit essayer de diminuer les mauvaises conditions sociales qui mènent certains à la crainte...
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D
Oui JMD et merci pour cet article, ce ne sont en effet pas les paroles mielleuses de certains candidats qui rennaissent ... après avoir usé de falacieux stratagèmes que la confiance reviendra. Ce n'est pas non plus l'actualité économique ou la seule croissance réside dans les capitaux de quelques méga groupes bien peu scrupuleux, encouragés par des gouvernements qui n'ont pas peur eux de mettre à sac les services publics seulement après en avoir bien profité. Eux ils détruisent des soit disant monopoles publics pour reconstituer par ailleurs des monopoles privés aux dimensions tellement astronomiques qu'ils en font peur, tant leur pouvoir dépasse celui de nos seules frontière. De fait, ils impactent sur tous les domaines. Il devient donc sacrément effrayant d'avoir ce sentiment d'impuissance. Mais ne déblogons pas de trop et soyons tranquilles, il paraît que tout ceci n'est fait que dans une seule et unique volonté, l'amélioration de notre qualité de vie et notre pouvoir d'achat.
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D
"Dans le fond par les temps qui courent j’ai de plus en plus peur de celles et ceux qui ont peur. Ce sont eux qui feront mon avenir!"<br />  <br /> Bravo, Jean-Marie, pour cette chronique qui résume complètement la société dans laquelle nous nous repaissons en détournant les yeux de la misère du monde.<br />  <br /> Et bien sûr que non, la peur n'est pas proportionnelle à la misère, mais sans doute beaucoup plus ... à l'envie. Envie de posséder, de consommer, d'être "dans la norme sociale" ...<br />  <br /> Oui, comme vous, j'ai peur de la peur de mes concitoyens ! ! !
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E
Proportionnel ? Pas sûr ! ;-)
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