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17 janvier 2007 3 17 /01 /janvier /2007 14:20
Durant l’année qui s’ouvre, on ne trouvera plus que rarement d’élus responsables. La période des élections approchant, les autruches ou les adeptes du fameux " courage fuyons " vont prendre la main. Il sera impossible d’obtenir une position ferme avant avril 2008… après les municipales car si l’on réveille le citoyen qui dort, on risque de payer cette incongruité. Inutile d’aller chercher une réponse claire et rapide : la boutique est fermée pour congé électoral.
Avec la succession des échéances sur un an, tout le monde (Etat, élus, administrations) s’accorde sur un point : il est urgent d’attendre ! C’est ainsi qu’en Gironde, on renverra à des jours post-scrutins les prises de position sur l’incontournable grand contournement, et sur les tracés des lignes ferroviaires à grande vitesse. Tous les débats du monde ne changeront rien à la donne car, dans la mesure où il y a des oppositions, on s’accordera vite, de tous bords, pour repousser les échéances.
L’année 2007, et les six premiers mois de 2008, vont donc constituer une période de congélation intense de tous les projets soulevant la moindre polémique. On ressortira des produits quasiment " cuisinés " et prêts à être concrétisés quand il n’y aura plus de risques de soulever une contestation néfaste au résultat potentiel des élections. Il faudra, en attendant, se contenter du " menu " à lire. On annoncera les nouvelles. On effectuera beaucoup de médiatisation sur ce qui est consensuel, mais on se gardera bien d’agir sur des sujets contestés. Et peu importe d’ailleurs l’importance de cette contestation, car une poignée de récalcitrants suffit à terroriser les élus et à paralyser toute initiative concrète.

UNE AFFAIRE VITE MEDIATISEE
A partir de maintenant, toute forme de concertation est inutile dès lors que surgit une opposition. Les majoritaires savent bien que leurs rivaux s’empareront du moindre embryon de critique pour en faire une affaire vite médiatisée, car le système adore jouer à Guignol tapant sur Gnafron. La tendance à l’opposition coûte que coûte va prendre le pouvoir social à tous les niveaux. Elle va accentuer les retards pris, en matière de réalisations utiles à un grand nombre de personnes, et elle va brandir la menace des recours périodiques aux tribunaux pour faire casser ou au minimum retarder leur mise en œuvre. Même sûrs de leur bon droit, même certains du bien-fondé d’une démarche, les élus vont provisoirement capituler au nom de l’efficacité électorale indispensable à leur avenir ou à celui de leur camp.
Cette tendance vient d’un contre pouvoir actuellement en plein développement sous la forme associative. Impossible d’entamer un dialogue constructif avec des personnes qui se regroupent systématiquement " contre ", avant même que la concertation soit menée. Les élus sont terrorisés par cette pression constante qui ne cesse de s’amplifier à l’approche de toute échéance. En leur donnant la plupart du temps une importance surestimée, car reposant sur la seule capacité de médiatisation, plus que sur les forces réelles en présence, ils leur offrent des tribunes parfois disproportionnées, ce qui génère toujours un climat délétère.
La démocratie participative ne doit absolument pas se transformer en renoncement fréquent des élus à assumer les responsabilités pour lesquelles ils ont été choisis. Un syndrome de l’acte condamnable s’installe lentement. Plus personne ne bouge au prétexte qu’il risque de provoquer des vagues néfastes à son image. On abandonne le gouvernail à des pirates, parfois refusés par le suffrage universel, mais qui prennent de fait le contrôle des " navires " en raison de la passivité coupable de celles et ceux qui en ont la charge.

A UN MOMENT IL FAUT TRANCHER
Le respect mutuel des rôles doit préluder à toute initiative destinée à améliorer la vie collective. Que l’on associe le maximum de citoyens dans toutes les phases qui précèdent les décisions, que l’on donne du temps à la réflexion, que l’on fasse partager par le plus grand nombre les choix à effectuer constituent des étapes indispensables, mais à un moment ou à un autre il faut bien trancher, agir, s’il ressort que la décision revêt un intérêt supérieur à ceux, même cumulés, d’une poignée d’individus.
En me plongeant dans les archives de Créon, j’ai toujours constaté, en relisant les comptes-rendus du conseil municipal du XIX° siècle, que rien n’a fondamentalement changé. Ainsi en 1875, des Créonnaises et des Créonnais signèrent une pétition pour s’opposer farouchement au passage près de leur ville de la voie ferrée. Les arguments sont immortels sur le fond : " altération de l’air pur de la cité par le passage répété des locomotives à vapeur ", " risque d’incendie provoqué par les escarbilles des machines ", " partage de la commune en deux ", " altération de la valeur des immeubles en bordure de la voie "… Le conseil municipal, saisi par ces citoyens, se pencha à de nombreuses reprises sur cet aménagement d’intérêt collectif qui suscitait partout des protestations véhémentes (propriétaires réputés ruinés par la traversée de leur propriété, tracé mal adapté à la topographie des parcelles…). Il ne trancha jamais. Il fallut donc plus de trois ans pour arriver à… ne pas réussir à concilier tous les points de vue. Il a fallu que l’Etat prenne ses responsabilités et impose finalement un projet, qui a fait le bonheur de l’économie créonnaise durant des décennies.  Et, comme l’histoire est un éternel recommencement, en 1985, pour transformer l’espace public chèrement obtenu en piste cyclable, il a fallu se battre contre d’autres lobbies (notamment celui des chasseurs) pour empêcher la SNCF de brader son " héritage ".

SYSTEME ELECTIF SOUS L’ETEIGNOIR
Cette propension à mettre le système électif sous l’éteignoir s’exerce dans un certain nombre de domaines ponctuels. Impossible, par exemple, actuellement, pour un Maire, d’accorder un permis de construire, en conformité absolue avec les règles d’urbanisme collectives, si un voisin se réveille pour contester le droit à construire près de chez lui. Toutes les études démontrent pourtant que le pire ennemi de l’avenir repose sur le mitage de l’espace. Il faut densifier les entités humaines existantes pour les rendre fiables et efficaces (assainissement, services, distances pour les réseaux et les collectes, consommation d’espaces naturels…) mais le citoyen mal luné n'en a cure ! Depuis cinq ou six ans toutes les lois qui ont été votées demandent justement d’éviter à tout prix un éparpillement néfaste des constructions. Malgré ces indications judicieuses, le citoyen continue à penser que plus personne ne peut bénéficier du droit qu’il a obtenu, au prétexte que l’on va altérer sa tranquillité. Plus il est nanti, plus il est " installé " dans la vie, plus il devient véhément dans son opposition à des décisions claires, légales et mesurées. Rien n’y fera : il confond son confort personnel avec celui auquel aspirent les autres. Plus rien n’est possible sans danger car l’exclusion de l’autre, de sa façon de vivre, de son droit à une solution convenable à ses problèmes, sert de fondement à des associations véhémentes. Elles regroupent souvent des gens qui pensent avoir acheté avec leur terrain un droit à l’exclusion des autres. Politiquement, il est donc vain de prôner les valeurs de la république puisque plus grand monde n'est assez courageux pour considérer que l’égalité s’applique en toutes circonstances, que la fraternité reste une valeur moderne et que la liberté s’arrête où commencent les droits démocratiques des autres.
Malheureusement, l’indifférence maladive du camp des gens intéressés par des décisions d’intérêt collectif laisse le champ libre aux tenants de la prééminence de l’individu. On ne pratique plus qu’à doses homéopathiques le " tous pour un projet pour tous " mais plus prosaïquement " le projet de tous sans moi " qui devient vite, grâce au rassemblement des mécontentements potentiels " nous contre le projet de tous ".
Cette propension des élus à capituler discrètement ou plus ouvertement face à la moindre probable adversité, discrédite chaque jour davantage le politique. Il perd pied en refusant d’admettre que forcément, préparer un avenir, c’est prendre des risques, c’est aller fermement vers un objectif clair et assumer sans honte les choix que l’on est obligé de faire.
Le suffrage universel perdra lentement de sa valeur, car il finira par donner le pouvoir à des ersatz d’élus, ballottés par les événements, et praticiens des effets d’annonce jamais suivis des réalités, dès qu’elles risquent de contrarier une " carrière ". La moitié des maires, épuisés par ce constat, préfèreront dans un an rester chez eux plutôt que de mener d’épuisants combats quotidiens. Les enfants de Don Quichotte ne sont pas parmi les élus du peuple. Ça s’est vu récemment !
Mais je déblogue… 
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commentaires

D
Encore une fois, une excelletne chronique qui est un parfait résumé des difficultés des élus, quels qu'ils soient, à décider et à faire appliquer leurs décisions... et de la montée inexorable des égoïsmes des uns et des autres ...
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P
Ce sont les conséquences du passage d'une démocratie représentative à une démocratie d'opinion.
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E
Je pense qu'un élu doit l'être pour ses idées et donc, il doit avoir le courage de ses idées. Si le peuple ne se rend pas compte de l'intérêt général et qu'il sanctionne son élu au vote suivant, tant pis pour tout le monde ! Le peuple n'a que ce qu'il mérite !<br /> Non aux élus "girouettes" et/ou populistes !
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