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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 08:00
La société devient impitoyable. Chaque jour ou presque, je constate qu’au nom du profit, on ne respecte plus du tout les moindres principes moraux. Les personnes les plus fragiles échappent de moins en moins à cette envie irrépressible d’exploitation de l’homme par l’homme. Chaque jour, les " abus de faiblesse " se multiplient dans l’indifférence générale. Ils touchent toutes les catégories sociales et portent sur les personnes âgées les plus handicapées. Des affaires déplorables filtrent chaque jour, lentement, dans un contexte où la loi du silence pèse pourtant sur les gens concernés. Elles sont souvent extrêmement misérables, sordides, mais il faut toujours les approcher avec précaution. Ce climat qui s’instaure autour du 4° âge, maintenu à domicile, commence sérieusement à peser sur le quotidien des services qui délivrent un soutien matériel. Il faut, bien souvent, être en éveil, car les abus ne sont pas évidents à déceler, mais pourtant bien réels.
Il n’existe pas qu’une seule manière d’exploiter les plus faibles, et souvent de manière adroite ou discrète. On sent les pratiques, on les devine, mais il manque les preuves formelles afin de desserrer l’étau qui enserre ces femmes et ces hommes résignés, réputés entourés. La pression morale joue un grand rôle dans cette approche d’une vieillesse détestable. Elle s’appuie sur une demande financière pressante, et peu à peu renforce une dépendance morale encore plus cruelle que la dépendance physique. Aucune plainte, aucune récrimination, aucune révélation : seulement une impression de tristesse, une remontée d’angoisse ou de temps en temps un indice qui peut mettre sur la voie.
La " vieillesse " entre de plain pied dans les nouvelles formes de profit. Elle est d’abord créatrice d’emplois et ensuite elle créée un circuit de solidarité sociale dont on ne mesure pas toujours l’impact croissant. Héritières ou héritiers des années fastes, certains de ces " retraités " d’un autre temps financent par exemple des milliers de postes, grâce à leurs besoins dans l’accompagnement quotidien. Ils apportent aussi autour d’eux des preuves d’attachement à leur famille et contribuent à l’amélioration du niveau de vie de leurs enfants et plus encore de leurs petits-enfants. Sans le soutien de papy ou de mamie, bien des jeunes rameraient avec un pauvre RMI. Le problème, c’est que la solidarité s’inverse. Le tout, c’est de savoir s’ils le font spontanément, ou s’ils se sentent… obligés de le faire. Même si c’est cruel, ou parfois très difficile, il arrive bien souvent que la curatelle ou la tutelle apparaissent comme les seules solutions pour préserver ce qui peut encore l’être, tellement le pillage est discrètement organisé. Ces solutions extrêmes, très mal vues par la personne concernée et plus mal encore par sa famille proche. Et pourtant…


UNE CHANCE POUR EUX
La semaine dernière, dans le courrier, j’ai trouvé la lettre d’une personne qui dénonçait les conditions déplorables de vie de sa mère et de son père, lourdement handicapés, et installés chez son frère. Une missive courroucée, détaillée, véhémente, qui accusait en fait le Maire de ne rien faire pour mettre un terme à cette situation jugée déplorable. Le problème, c’est que pour agir, il est indispensable d’avoir connaissance des éléments accusateurs. Or, cette famille a pris en charge ses parents âgés, venant d’un autre département, et n’a aucune obligation à déclarer cette situation en mairie. Mieux, quand nous avons tenté de nous en " approcher ", nous nous sommes vus opposer un refus catégorique.
En difficulté financière avérée, ces gens considèrent que le fait d’héberger leurs parents constitue une chance pour eux. Ils " s’alimentent " sur les retraites, et grâce à l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), ils rémunèrent la… petite fille jusque là au chômage. En fait, cette dernière n’apporte aucune aide, aucun véritable soutien laissant à sa mère le soin de gérer le lourd handicap des deux personnes qu’elle héberge. La lettre décrit fort bien ce mécanisme qui procure environ 1500 € supplémentaires au foyer alors que, véritablement, les intéressés relèveraient d’un établissement d’accueil qui coûterait au enfants. Lourdement " touchés ", les parents croupissent dans un espace familial verrouillé. Ils attendent en silence la fin de ce qu’ils croient être la meilleure solution.
Moralement, les retraités interrogés n’avouent donc absolument rien, et il sera impossible de leur faire dénoncer un traitement pour le moins approximatif. Ils sont angoissés par la seule idée de devoir partir vers un établissement pour personne âgées dépendantes. Cette appréhension envers un lieu réputé être celui qui conduit vers la fin de vie pose un véritable problème. Il s’accompagne en effet d’une forte culpabilité de ne pas pouvoir faire face à la dépense qu’engendre un séjour de longue durée. Il y a une pudeur réelle à ne pas se tourner vers des descendants pour qu’ils complètent des retraites extrêmement faibles. Alors, actuellement, ils acceptent leur sort qui arrange tout le monde. Ils ne souhaitent aucune enquête, aucun soutien.
Il existe une dizaine de cas de ce type sur le Créonnais, sans que les services sociaux locaux puissent intervenir, en raison de la liberté de choix respectable accordé à de braves gens réputés lucides. Ce cas n’est plus rare et il y aurait beaucoup d’autres déclinaisons.
INSTITUTION D’UNE MESURE DE PROTECTION
On a donc beaucoup critiqué les systèmes de la curatelle, et encore plus de la tutelle, réputés pervertis. D’ailleurs, le parlement s’est emparé de ce système qui avait, c’est indéniable, un grand besoin de réforme. Chaque famille peut un jour se trouver concernée par l'institution d'une mesure de protection à l'égard de l'un de ses membres, frappé par la maladie, l'âge ou le handicap. Une telle mesure peut également être mise en place à l'égard de personnes faisant preuve de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté (par exemple, les personnes ne remplissant plus leurs obligations familiales). Dans tous ces cas, la capacité des personnes majeures à accomplir les actes de la vie civile et à gérer leurs biens, peut être réduite, voire supprimée. On estime aujourd'hui le nombre de majeurs à protéger par la loi à environ 600 000. Leur nombre a doublé au cours des cinq dernières années, et l’on prévoyait qu’il atteindrait le million en 2010 sur les bases actuelles.
L'urgence d'une réforme des dispositifs de protection des majeurs est donc apparue dès 1998 après la parution d'un rapport d'inspection qui pointa de nombreuses dérives : juges débordés et négligents, placements abusifs, fonds détournés (voir les événements de ces derniers jours). Un premier projet de loi a vu le jour sous le gouvernement Jospin, mais il resta sans suite pour cause d'élection présidentielle. Décembre 2004, sur la base des travaux du précédent gouvernement, un nouveau texte est annoncé par le ministre de la Justice de l'époque, Dominique Perben.
PARTICIPER AUX DECISIONS
Le projet vise à créer des mesures de protection plus respectueuses des libertés individuelles, tout en encadrant mieux les recours aux dispositifs de protection. "Il ne faut plus considérer les majeurs vulnérables comme des incapables majeurs, mais comme des personnes qu'il convient de protéger, tout en respectant leur volonté" selon les initiateurs du projet de loi.
C'est pourquoi, la réforme envisage de donner au majeur protégé la possibilité de participer aux décisions le concernant (ce ne sera pas très simple). Elle rendrait obligatoire son audition par le juge des tutelles (aujourd'hui seul un majeur sur trois est entendu) et le juge devrait réexaminer la pertinence de son choix au moins tous les cinq ans (à voir). Le projet prévoit également l'instauration d'un "mandat sur protection future", acte notarié par lequel un majeur aurait la possibilité de désigner son tuteur, ce qui anticiperait sur des situations de crise dramatique.
Enfin, il est envisagé de parvenir à une professionnalisation indispensable des intervenants extérieurs à la famille exerçant les missions de protection juridique. Serait ainsi créé le métier de mandataire de protection juridique, impliquant la mise en place d'une formation initiale et d'un contrôle de qualité des professionnels.
Ce projet global devient urgent pour réellement protéger certaines personnes âgées des envies manifestes qu’elles suscitent. Bien évidemment, il y aura des situations difficiles, mais il va devenir indispensable de se préparer pour l’avenir, dont on sait qu’il nécessitera des décisions courageuses.
Il n’est pas facile de reconnaître que la vieillesse peut être un véritable naufrage, surtout quand on pense qu’elle ne vous atteindra jamais. Il existe une tradition maritime : lors des naufrages, tout ce qui arrivait sur les plages pouvait être récupéré par les gens avides de profits. Elle revit autour du grand âge. Un grand débat est à organiser sur ce sujet, car il rattrapera tôt ou tard la société.
Mais je déblogue…
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commentaires

D
Réel problème qu'est cette prise en charge de la vieillesse...qui risque de prendre encore plus d'ampleur au regard des niveaux de retraites à venir, inversement proportionnels à l'augmentation des coûts de traitement, du coût de la vie, dont entre autre celui des énergies,  induit par l'ouverture du marché européen. Rien de bien positif mais il faut pourtant garder le cap ...
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E
Joli papier !<br /> http://egocognito.over-blog.com/
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V
La vieillesse est un naufrage... et la tutelle, un vrai business... Tout à fait d'accord avec vous pour professionaliser ce métier de tutelle car il existe dans cette activité de nombreuses personnes qui font cela pour arrondir leur fin de mois mais qui ne s'occupent absolument pas de la personne dépendante. Quant au problème de la maltraitance des personnes âgées, elle est également de plus en plus présente que ce soit au domicile même (avec la famille le plus souvent) ou bien en institution (ou celle-ci peut être beaucoup plus sournoise et souvent dûe à un manque de moyens). Mais rentabilité à tout crin et violence banalisée ne sont-ils les carcatéristiques de notre époque?
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