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14 mars 2007 3 14 /03 /mars /2007 10:45
Il y a un lien génétique entre l’intégrisme religieux et l’hypocrisie. C’est une constante historique que Molière avait largement décelé en son époque, dans l’une de mes pièces de théâtre préférées : Tartuffe. Sans cesse, les défenseurs de l’orthodoxie cultuelle reviennent sur des principes qu’il ne savent applicables que sous la menace matérielle ou psychologique. Ils les rappellent avec véhémence, essayant même parfois de se positionner en avant-gardistes de textes alambiqués. Les pires sont ceux qui tentent de se lancer dans des rivalités inter religions, entraînant toutes les sociétés vers l’abîme.
Le monde occidental, profondément marqué par les horribles guerres de l’intolérance, devrait avoir retenu la leçon. Le partage, l’amour du prochain, l’indulgence, le souci de la solidarité, le respect des convictions différentes…n’ont pourtant jamais su s’exporter, car elles ne parvenaient que rarement à s’imposer auprès des ouailles. Il faut bien convenir que, depuis hier, le chemin vers une destination nouvelle, demeurera pavé de bonnes intentions. Benoît XVI a en effet relégué son prédécesseur, dont l’esprit d’ouverture était aussi large qu’une fissure dans feu le mur de Berlin, au rang de dangereux révolutionnaire.
Pour des débuts épistolaires officiels, le pape a réalisé des prouesses, ramenant à une réalité des plus désolantes les adeptes d’une évolution, même modérée. Dans sa première « exhortation apostolique » publiée au Vatican, il a ainsi fermé la porte à toute évolution de l'Eglise catholique sur le célibat des prêtres, tout en réaffirmant son hostilité au mariage entre homosexuels, à l'avortement et à l'euthanasie. Un verrouillage vigoureux de toutes les tentatives d’évasion vers une adaptation des sacro-saintes règles a été opéré, redonnant une note pour le moins intégriste à ce pontificat.
Dans un texte doctrinal, Benoît XVI rappelle vigoureusement «le caractère obligatoire» du célibat des prêtres. Dans le document, qui reprend les propositions d'un synode (assemblée) des évêques réunis en… octobre 2005 sur le thème de « l'eucharistie », le pape estime que « le célibat sacerdotal vécu avec maturité, joie et dévouement est une très grande bénédiction pour l'Eglise et pour la société elle-même » (sic).
Ce n’est pas demain que les hommes d’église auront une intégration sociale en adéquation avec leur mission : « J'en confirme le caractère obligatoire », écrit-il, conformément à l'avis du synode, qui n'avait pas jugé opportun de changer cette règle, en dépit de la baisse préoccupante du nombre de prêtres… qui ne semble pas outre mesure préoccuper la maison mère. Quant au rôle des femmes, il n’est pas imaginable qu’un seul mot y soit consacré. Mais aucun commentateur n’osera insister, dans cette période préélectorale, sur cette manifestation pure d’un intégrisme triomphant et on se contentera, dans les gazettes, ce matin, de chercher… ce qui chez les autres justifie une pareille mutation. D’autant que pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ce virage à 180 degrés, le pape a fait bonne mesure.
Benoît XVI a réaffirmé également l'interdiction pour les divorcés et remariés, de plus en plus nombreux dans l'Eglise catholique, d'accéder à la communion, à moins qu'ils ne s'engagent à vivre avec leur nouveau conjoint «comme amis, comme frères et sœurs» (re-sic). Il y a longtemps que l’on avait oublié pareil discours.

DEUX DEBATS DE SOCIETE
Une telle promulgation intervient alors que l’actualité française, pas encore totalement occultée par la montée de Bayrou dans les sondages, laisse filtrer deux débats de société dont le pape ne veut pas entendre parler. Sur le mariage homosexuel, il assure que le sujet n'est «pas négociable» et assure que les hommes politiques catholiques ont le devoir moral de… s'y opposer. La cour de cassation, en l’état de la loi française, vient de le rassurer en cassant le « mariage de Bègles » qui avait davantage déchaîné les… médias qu’une véritable passion. Dans la campagne présidentielle, Ségolène Royal et la plupart des autres candidats de gauche se sont engagés pour la légalisation du mariage entre personnes de même sexe, au contraire de Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Jean-Marie Le Pen. Le pape a choisi ses comités de soutien, et surtout il n’aura pas à excommunier les membres de la plus haute juridiction française, car ils ont estimé que même si le code civil français ne dit pas expressément qu'un mariage doit unir deux personnes de sexe différent, cette disposition est implicite. Rappelons qu’au début du mois, la même haute juridiction avait déclaré illégale l'adoption au sein des couples homosexuels, l'estimant contraire aux droits de l'enfant, tant que le mariage n'existait pas pour les homosexuels, ce qui modifierait la donne.
Mais comme il devient méfiant sur les réactions du monde politique à ses « bulles », Benoît XVI a accompagné ses décisions d’une menace à l’égard des décideurs. La classe politique italienne, actuellement très divisée sur la question d'accorder ou non davantage de droits aux couples non mariés, dont les homosexuels, le pape estime que tous les croyants doivent défendre les valeurs fondamentales, et que le devoir en revient tout particulièrement à ceux qui détiennent les… leviers du pouvoir. Il laisse les évêques libres de prendre les mesures qui conviennent à l’égard des responsables qui pourraient mal voter lors des débats sur ces sujets qui mobilisent les opinions publiques. Un homme politique averti en vaut… deux !

DES VALEURS NON NEGOCIABLES
L’euthanasie n’échappe pas à la vigilance du Vatican. Au nombre de ces valeurs, qu'il juge «non négociables», figurent «le respect de la vie humaine, sa défense de la conception à la mort naturelle, la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme, la liberté d'éduquer ses enfants et la défense du bien commun sous toutes ses formes». Bien évidemment, là encore, la position ne souffre pas la moindre ouverture. Or, il se trouve qu’à Périgueux, le tribunal des hommes doit se prononcer sur l’attitude d’un médecin et d’une infirmière qui a mis en œuvre la prescription laissée pour une malade en phase terminale d’un cancer. Elles auront à répondre du crime d’empoisonnement et donc encourent trente ans de prison ! La décision qui sera prise aura une signification particulière à double titre.
D’abord, parce qu’elle démontrera la capacité de la société actuelle à prendre en compte les réalités présentes sur la fin de vie. Ensuite, il sera possible de mesurer l’écart qui sépare les décisions papales des comportements de celles et ceux qui sont censés en être les actrices ou les acteurs. Comme la position sur l’avortement ou le préservatif sont également très restrictives, on peut affirmer sans crainte que l’écart devient très réduit entre la vision musulmane de l’intégrisme religieux vis à vis des femmes, et la vision de Benoît XVI… Peut être redemandera-t-il le port du châle ou du foulard dans les églises, et l’interdiction de mélanger les sexes dans les travées. Il a bien souhaité que le latin… reprenne son rang de « langue universelle de l’église » et que le chant grégorien soit réhabilité. Jean XXIII est bel et bien renvoyé à ses études ! Ce retour absolu à des valeurs pour le moins conservatrices de l’église catholique se rapproche de la montée de l’intolérance aux Etats-Unis, où les manifestations pour le retour à l’ordre moral se multiplient et deviennent de plus en plus  puissantes.

VERITABLEMENT PROCHES DE MOUVEMENTS CONTESTABLES
Le fait que l’ex-cardinal Ratzinger ait eu un passé au minimum délicat, n’a probablement aucune importance dans ces prises de position, si ce n’est qu’elles sont véritablement proches de celles de tous les mouvements « contestables » de droite ou d’extrême droite européens ou américains. Dans les pays les plus « riches », comme dans ceux qui osent aller vers une vision plus progressiste de la religion, il y a fort à parier que «l’exhortation apostolique » aura du mal à passer. Il va falloir que les missi dominici papaux se démènent pour expliquer que la souffrance est une bénédiction divine, que la sexualité doit être considérée comme une perversion de l’âme humaine, que la femme doit être exclue de tout rôle dans la religion, que le retour du latin, pratiqué et compris par une infime minorité, reste… une langue universelle. Un sacré boulot ou pire un boulot sacré !
Au nom d’une vérité inspirée, Benoît XVI témoigne d’une dureté idéologique que l’on n’avait pas connue depuis des décennies. Il installe un formidable doute sur la manière dont les médias présentent l’intégrisme sur la planète. Il justifie l’analyse de certains philosophes qui ne voient dans les décisions actuelles qu’un soutien affirmé aux minorités les plus rétrogrades de l’épiscopat et notamment à l’Opus Dei dont on sait qu’elles n’ont jamais admis les évolutions des années 60. Dans le fond, ce texte va faciliter le rapprochement avec certaines autres religions, qui ne sont pas globalement très éloignées. Il est certain que le dialogue s’en trouvera facilité. Comme quoi, à toute chose malheur est bon !
Déjà excommunié politiquement pour le caractère hérétique de certaines de mes positions, je risque désormais la mise au ban religieuse pour critique de décisions papales réputées infaillibles. Comme quoi, la marge est faible entre politique et religion ! La séparation entre le temporel et le spirituel n’a jamais été aussi mince. Elle finira tôt ou tard par craquer.
Mais je déblogue… 
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commentaires

Y
Que l'église catholique fasse sa messe en français, latin, araméen, qu'elle autorise ou non les prêtres à se marier, peu importe, ce sont aux catholiques de régler ces choses entre eux.<br /> Par contre et c'est valable pour toutes les autres religions, elle n'a pas à intervenir dans la sphère politique, la séparation de l'eglise et de l'Etat doit rester une règle absolue.
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E
@ Cat<br /> Il y a ceux qui se croient toujours "obligés" et les autres, ceux qui sont courageux et lucides !<br /> On est jamais obligé de rien ! Sauf si on est assez faible pour avoir besoin d'un Dieu ou d'un maître pour suivre le troupeau ....!<br /> Ce qui est déplacé, c'est qu'un homme comme lui puisse représenter une religion. Ah si le peuple n'avait pas besoin d'opium, nous pourrions construire de belles choses…<br />
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C
Tout d'abord je tiens à vous dire que je trouve très déplacé votre évoaction d'un passé "au minimum délicat" du Pape et à le mettre en relation avec l'extrême droite. De quoi parlez vous? Si c'est des jeunesses hitlériennes le Pape l'a déjà dit plusieurs fois: c'était obligatoire à cette époque. Donc arrêtez de lui donner des idées qu'il n'a pas.<br /> Sur le reste je suis aussi en désaccord survotre analyse. La réaffirmation de la foi et de certains preceptes ne sont pas un replis sur soi des catholiques. Sur le mariage des prêtres je n'ai pas d'avis mais cela ne me choque pas. Sur l'euthanasire je comprend la position de l'église qui vénère la vie: s'opposer à l'euthanasie selon vous est rétrogradde. Désolé mais donner la mort ne me transporte pas plus que cela. Sur les autre point je n'ai pas le temps de développer pour l'instant mais reviendrai.<br /> Et pour finir votre mise au ban religieuse me parait exagérée: il faudrait d'abord que l'on vous lise et de toute façon émettre des désaccord envers le pape n'a pas pour effet l'excomunnication forcée.<br /> A bientôt sur http://desirsdereaction.com
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R
J'ai été outré ce main en écoutant le grand incquisiteur (notamment le coup des remariés, c'est fou !). Cet après midi, je suis un peu triste. Je me dis encore que la religion peut être un soutient pour certaines personnes mais je doute de + en +.
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H
le mariage des pretres;<br /> si ils s'aiment,pourquoi pas?
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