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17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 08:38
Il est certain qu’il y a un divorce entre l’opinion et les élus. Au minimum, un climat de méfiance réciproque s’est installé, qui menace la démocratie représentative. Et ce n’est pas la campagne présidentielle actuelle qui va améliorer ces relations du genre " je t’aime moi non plus ! ". En effet, bien des candidats viennent une fois encore de pratiquer l’histoire du berger qui crie au loup. Ils ont hurlé que la République serait en péril s’ils n’obtenaient pas les fameux 500 parrains. Les médias, plutôt que de s’intéresser au fond des arguments, se sont régalés de ces cris désespérés, venus du plus profond du pays. Les Maires, ces galeux, incapables de mettre leurs actes en accord avec leur engagement, en ont pris un coup. Les bergers effrayés ont en effet réussi à apitoyer sur leur sort, à faire croire (celui de CPNT aura été remarquable dans ce rôle) qu’ils étaient en difficulté, alors que, depuis plusieurs jours, ils avaient le matelas nécessaire de soutiens.
Ce comportement consistant à hurler à l’injustice, alors qu’il n’y a aucun problème réel, va achever de rendre méfiants les élus locaux, roulés dans la farine. Victimes d’un chantage permanent à leur honnêteté, ils préféreront tôt ou tard tourner le dos à cette caste qui les considère comme des pions sur un échiquier. Ils sont donc onze, alors que lundi six d’entre eux étaient, soit-disant, aux abois. Grâce à leurs parrains plus ou moins convaincus, ils peuvent percevoir le pactole de 700 000 € pour conduire une quinzaine de jours de campagne officielle. L’essentiel pour certains reposait sur cette rentrée financière, qui permettra à leur mouvement de survivre, quel que soit le score réalisé.
Derrière, il y aura les législatives, et en économisant un peu, les partis qui les accompagnent s’offriront le nombre de circonscriptions indispensables pour bénéficier de la rente annuelle durant la législature. Les plus " petits " maires prennent donc du poids durant une quinzaine de jours de leur mandat. Reste à savoir si on va les retrouver sur les listes que l’impartial Jean Louis Debré dévoilera en début de semaine ! Cette partie de poker menteur aura encore davantage sapé l’image d’une vie politique qui se résume à des comptes de boutiquiers.

CINQ ANS D’INDEMNITES
Il est vrai qu’à l’étage au-dessus, ce n’est guère plus brillant. Jean-Louis Debré, ce brillant penseur, a vraiment bon coeur. Juste avant de quitter, fin février, la présidence de l'Assemblée pour celle du Conseil constitutionnel, il a brutalement décidé de soigner les députés battus, devenus chômeurs, en juin prochain. Ceux de 2002 — une trentaine, avaient continué de bénéficier, durant un… semestre, de leur indemnité complète de député (5 800 €). Juste le temps de retrouver du boulot en 60 mois ! Heureusement que Sarkozy va réformer tout cela et que des délais plus courts seront imposés aux chômeurs longue durée.
Grand seigneur avec l'argent de l'Assemblée, le… député de l'Eure a décidé de faire passer le nombre de semestre de un… à dix ! Soit cinq ans d’indemnités versées sur le budget du Palais Bourbon. Autrement dit, un député battu en juin prochain et qui se retrouverait inscrit à l'ANPE verrait son traitement prolongé durant toute la prochaine législature ! Mais qu’ils ne se réjouissent pas trop vite : ils percevront leur solde de manière dégressive. Exemple : en juin 2012, un député touchera 20% de son traitement soit un peu plus de 1 000 €.
C'est toujours mieux que le RMI ! Il aura cependant eu le temps de mettre quelques sous de coté et de préparer paisiblement les municipales ou les cantonales. J’en connais beaucoup qui ne vont pas se précipiter à l’ANPE pour retrouver un petit boulot alimentaire, et se faire radier des listes des demandeurs d’emploi. Il est certain qu’une telle mesure ira droit au cœur des gens qui galérent avec un salaire à temps partiel, payant parfois les seuls frais générés par l’emploi !

UNE GENE DONT IL FAUDRA SE DEBARRASSER
Ces rapports de la politique avec l’argent n’ont jamais été valorisants. Ils traduisent une gêne, dont il faudra bien, un jour, se débarrasser. Le problème, c’est que les députés se fixent eux-mêmes les conditions d’exercice de leur mandat. Ils n’ont pas d’autorité de tutelle, pas de contrôle vétilleux de leur décisions, et surtout ils savent que ce qui passe sans problème au niveau national devient scandaleux au plan local. Il est certain que Jean-Louis Debré, désormais chargé de veiller aux dogmes constitutionnels que son père (" l’amer Michel " selon son surnom dans le Canard enchaîné) a conçu, ne va pas… sanctionner cette décision magnanime. C’est réglé.
Je suis certain que les candidats aux présidentielles désavoueront cette prébende votée… à l’unanimité (du moins on voudrait le croire), comme ils constateront, avec lucidité, que tous les mouvements d’opinion ont en définitive obtenu le droit de se manifester dans la course à l’Elysée ! Peut-être proposeront-ils qu’une indemnité de candidature soit allouée durant cinq ans, sur le même principe, à celles et ceux qui ont obtenu les 500 parrainages… s’ils ne trouvent pas un boulot à la hauteur de leurs ambitions.
Quand on sait qu’un député sortant peut aussi obtenir des prêts personnels à des taux intéressants pour… financer ses investissements ou sa future campagne ; quand on ajoute qu’il peut cotiser sur un seul mandat pour ouvrir des droits à la retraite sur deux ; quand on précise que tous ses envois de pré-campagne, postés depuis l’Assemblée nationale, sont pris en charge, on a une idée de la " professionnalisation " outrancière des mandats électifs nationaux. La décision prise, avant la dispersion de la troupe UMP le confirme amplement, puisqu’ils en arrivent à confondre, avec ce système de " chômage ", une " fonction " donnée par le Peuple et un " travail " rémunéré. Celle qui pourrait arriver sur le mandat unique ne fera que renforcer cette tendance. On n’aura bientôt que des professionnels de la représentation nationale, protégés comme des cadres d’entreprises. Dans le fond, les députés sortants viennent de s’accorder des " stocks options ". Le problème, c’est qu’elles sont financées par les fonds publics.

MAIN MISE DE L’ENARCHIE
Il faut donc se préparer à une véritable main mise de l’énarchie sur la vie politique, car les places seront chères et… bien payées ! Les convictions cèderont le pas à l’ambition, la volonté de servir sincèrement les autres s’effacera devant celle de mettre les autres à son service. Dominée par les stars changeant de théâtre ou de films selon les engagements, la scène va ressembler à ces chassés croisés qui font le succès du théâtre de boulevard ! On sera loin, très loin de la réalité du terrain.
Ainsi, si la possibilité, ouverte en 1992, pour les élus percevant des indemnités de fonction, d'opter en faveur d'un système d'épargne retraite avec cotisation obligatoire de la collectivité concernée a constitué une avancée certaine, il semblerait que peu d'élus, en particulier ceux des communes modestes, aient exercé ce droit par souci de ne pas obérer les… finances communales. C'est pourquoi la retraite des intéressés s'avère bien souvent d'un montant symbolique, sans rapport avec le temps qu'ils ont pu consacrer au service de la collectivité. Ainsi l’un de ces petits maires, dont la signature était devenue si importante, non réélu après trente années de fonctions municipales, se retrouve avec une retraite complémentaire de l'IRCANTEC de 310 € par mois.
Cette réalité constitue l’illustration parfaite des divers statuts des élus, supposés être égaux dans leur rôle et leurs responsabilités, face aux citoyens. Vis à vis de la loi, le Maire ex-député qui va toucher durant 5 ans des indemnités, et le premier magistrat de la commune voisine de 250 habitants, sont redevables exactement des mêmes textes, des mêmes actions, des mêmes obligations. Dans les faits, il y a pourtant une grande inégalité de situation qui, lentement mais sûrement, tue les collectivités locales modestes.
Deux catégories d’élus se créent dans les faits : celle des bénévoles acteurs quotidiens de la vie locale, et celle des pros, formés (ENA ou Sciences Po), intéressés et prêts à sauter sur tout poste qui passe. Les uns constituent l’armée, dans l’ombre de la démocratie d’où ils sont sortis pour signer un imprimé vers le conseil constitutionnel, alors que les autres, exposés médiatiquement, sont chargés de le collecter ou, mieux de surveiller qu’il ne s’égare pas. Il faudra bien un jour en finir avec cette hypocrisie, car elle pèse fortement sur l’engagement des citoyens au service de l’intérêt collectif.
Mais je déblogue...
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commentaires

M
C'est très grave tout ça. Comment en sortir? Que peut-on faire?
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C
Aussi longtemps que les hommes politiques piocheront dans la Caisse, les français revendiqueront sur l'air denous aussi  "On y a droit".<br /> Yvan Stefanovitch dans "Aux frais de la princesse"  fait l'inventaire en plus de 350 pages de ces privilèges effarants. Lire le résumé de Candide<br /> http://librecours.over-blog.com/article-5944654.html<br />  <br />  <br />  
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D
Tout à fait d'accord avec la conclusion de cet article. Stop à l'hypocrisie. Ce système de stock options avec l'argent public est une véritable honte pour nos "grands" élus politique et ne peut que contribuer au rejet de la politique par le peuple. Ce fameux peuple qui, comme les maires pour les signatures, sert de référence pour les femmes et hommes politiques ... le temps de l'élection. Encore une fois 2002 n'aura servi à rien ! Faudra-t'il que le pire arrive pour que ça change ? En éternel optimiste, je veux espérer que non, mais, dans les moments de lucidité, je me mets à douter ...
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