Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 mars 2007 5 23 /03 /mars /2007 07:47
Hier soir, dans la salle des Conférences de La Réole, je participais à un débat autour des élections présidentielles. La réunion ronronnait quelque peu, jusqu’au moment où une simple question a mis le feu aux poudres : " quand est-ce que le politique reprendra le pouvoir sur l’économique ? ". Une voix dans la salle venait, en deux secondes, de poser dans le silence la question qui tue… la Gauche ! Il faut bien avouer que peu de monde se précipite pour répondre. En effet, la tendance branchée actuelle réside dans une approche prudente des rapports avec ce monde réputé intègre, performant, créatif et même parfois désintéressé.
Les Maîtres des emplois ont symboliquement succédé aux maîtres des forges, et ils sont devenus plus puissants qu’eux, car nous entrons dans une époque où les seconds avaient absolument besoin de main d’œuvre, alors que les premiers cherchent par tous les moyens à la limiter. Les uns licencient alors que les autres recrutaient. La constante, c’est que les deux veulent rémunérer le travail au tarif le plus bas.
En tous cas, ces maîtres du profit et de l’emploi inspirent le respect aux hommes politiques qui vont leur rendre visite avec déférence, en pensant, les pauvres, que de leurs entretiens naîtra une autre orientation économique. Mieux, il arrive de plus en plus souvent que les personnalités du monde de l’entreprise, réputées efficaces et irréprochables, soient admirées pour leur réussite… professionnelle et financière, et entrent directement en politique sans se confronter au suffrage universel. En fait, si l’on établissait un palmarès de cet Eden de la vie sociale, nous aurions une tout autre idée.
L’exigence de morale demandée aux politiques par des médias sourcilleux, ne s’applique pas aux patrons. Et surtout à ceux du CAC 40, avec lesquels il est de bon ton de négocier… les contrats à l’étranger, les plans de licenciements collectifs, les départs anticipés à la retraite, le maintien des unités de production. Serrer la main du PDG de Ford, Toyal, Total, EADS, Carrefour ou Renault… apporte la sensation d’entrer dans le monde des gens qui comptent. Malheureusement, les réalités rappellent souvent que le merveilleux monde de l’entreprise ressemble à un iceberg, dont on ne voit que la partie brillante.
Si l’on s’intéresse à l’un des fleurons de l’industrie française sur quelques jours, on constate sans beaucoup d’efforts que les leçons ne viennent pas nécessairement du lieu où on l’attend. Total, qui a réalisé des profits surréalistes, devient le symbole de ces entreprises qui vivent sur des apparences : refus d’admettre sa responsabilité vis à vis de l’avenir du monde, corruption à grande échelle comme ce fut le cas chez Elf en son temps.

PAS DE ROLE DANS LA GESTION DE LA CRISE
Devant le tribunal correctionnel de Paris, le groupe Total a ainsi nié toute responsabilité dans le drame de l'Erika. Le géant pétrolier s'est en effet défendu d'avoir joué un rôle de gestion dans les heures de crise qui ont précédé le naufrage du navire. Depuis le 12 mars, le tribunal retrace pourtant les derniers instants du pétrolier qui s'est abîmé en mer le 12 décembre 1999, provoquant une marée noire qui a pollué 400 km de côtes françaises. Cette reconstitution minutieuse doit durer jusqu'à la fin du mois, avant que ne commence le défilé à la barre des quelque… 65 experts et témoins.
Selon la juge d'instruction Dominique de Talancé, Total n'a pas "agi comme les autres affréteurs" dans le cas de l'Erika, car le groupe a ajouté au contrat des clauses supplémentaires et des "instructions de voyage", devenant ainsi "le maître d'oeuvre de l'expédition maritime". Pour les enquêteurs, le groupe, affréteur du navire pour un voyage, aurait pu influer sur les décisions du capitaine en le poussant à rejoindre le port de Donges, sur l'estuaire de la Loire, où se trouve un terminal pétrolier d'Elf, alors en cours de fusion avec Total. L’histoire est édifiante, car elle démontre comment on échappe à ses obligations en situation de crise. La voici, contée sur Nouvelobs.com :
Samedi 11 décembre, 18h32, veille du naufrage : le commandant laisse un message sur le portable d'Eric Calonne, secrétaire permanent de la cellule de crise de Total, pour lui faire part de ses difficultés. Depuis le début de l'après-midi, ce marin indien qui ne connaît pas l'Atlantique doit gérer le navire, pris dans une tempête . Des fissures sont apparues sur le pont et il a dû corriger la gîte en rééquilibrant les ballasts.
Il a déjà prévenu le gestionnaire du navire, est entré en contact avec les secours, annonçant puis retirant un appel de détresse, provoquant une avalanche de contacts entre armateurs, courtiers ou assureurs. Eric Calonne est alors dans un supermarché où son téléphone ne passe pas. Il ne découvre le message que vers 20h00. Cela fait alors déjà plus de… trois heures que l'Erika a mis le cap sur Donges.

PAS VOCATION A PRENDRE LES COMMANDES
Sur son message, le capitaine assure qu'il a des problèmes de gîte et a changé de direction pour mieux résister à la houle, mais qu'il reprendra le cap une fois la météo calmée. Il ne parle pas de Donges. Pourtant, un agent maritime assure que l'Erika fait route vers ce port. Pour tirer l'affaire au clair, Dirk Martens, directeur des opérations sur Total Londres, décide d'entrer en contact avec le capitaine.
"Ce coup de fil pourrait accréditer l'idée que Total assure un contrôle sur la conduite et la gestion du navire", remarque le président du Tribunal. "Il s'agit de recueillir des renseignements. On est à des lieues d'une gestion de fait. Notre réflexe est d'aller chercher l'information là où elle se trouve", explique l'ancien directeur des affaires juridiques. Pas question d’admettre que Total assume la gestion de la crise. Concernant la permanence téléphonique d'Eric Calonne, Bertrand Thouillin insiste sur le fait que "c'est une ligne d'information qui n'a pas pour but de participer à la gestion. Total n'a pas vocation à prendre les commandes du navire. C'est une ligne de veille, pas d'astreinte". Le procureur Laurent Michel s'est interrogé sur l'utilité d'une cellule de crise de Total, que le groupe activera après le naufrage.
"Nous n'avons pas vocation à intervenir dans l'action en mer", répond Bertrand Thouillin. "Nous n'avons pas d'avions, d'hélicoptères ou de remorqueurs... Mais nous pouvons mettre en œuvre des moyens anti-pollution, comme des barrages". Selon lui, le capitaine n'a à aucun moment mentionné à Total l'existence de fuites de pétrole à la mer. L’affaire est bouclée. Total savait tout, avait une cellule d’urgence spécialisée, n’a rien fait, n’a rien dit et donc n’est responsable de rien. Une véritable entreprise citoyenne comme dirait le MEDEF ! Les juristes de la maison veillent et cherchent à se défausser, pour ne pas obérer les résultats financiers de Total !

MARCHE GAZIER EN IRAN
Hier, Total a encore fait mieux puisque son nouveau patron, Christophe de Margerie, a été présenté au juge Philippe Courroye pour être entendu dans une affaire de corruption et d’abus de biens sociaux concernant un marché gazier en Iran. Le directeur général du groupe pétrolier, qui est entré dans le bureau du juge, accompagné de son avocat, a été mis en examen à la suite de son entretien avec le magistrat qui instruit ce dossier (le contrat signé par Total avec la société pétrolière nationale iranienne NIOC pour l'exploitation d'un champ gazier off shore appelé South Pars) depuis un peu plus de trois mois.
L'enquête porte néanmoins sur des versements présumés de fonds occultes à des responsables officiels iraniens, en marge d'un contrat d'exploitation de gaz signé par la première entreprise française en 1997.
L'information judiciaire contre "X" pour "abus de biens sociaux et corruption d'agents publics étrangers" a été ouverte en décembre dernier, après une dénonciation de… la justice suisse. La procédure visant l'Iran fait en effet suite à la découverte de 95 millions de francs suisses (environ 60 millions d'€) versés par une entité liée à Total, sur les comptes bancaires suisses d'un résident suisse d'origine iranienne, censé avoir servi d'intermédiaire pour la corruption.Les paiements se sont échelonnés jusqu'en 2003, trois ans après la signature par la France d'une convention internationale contre la corruption, qui s'applique donc aux faits. La justice suisse, qui a saisi les derniers versements (environ 10 millions de francs suisses), a ouvert sa propre enquête pour blanchiment de capitaux.
Elle a transmis des documents à la France, dont l'un, relatif à une procédure judiciaire norvégienne, qui fait apparaître comme possible acteur de la corruption le nom du fils d'un homme d'Etat iranien, a confié à Reuters un haut magistrat français. Avant de prendre la tête de Total, Christophe de Margerie a déjà été mis en examen l'an dernier, après aussi deux jours de garde à vue à la police, dans une affaire similaire portant sur l'Irak, pour "
complicité de corruption et complicité d'abus de biens sociaux".
Le monde du CAC 40 est à la hauteur des enjeux, avec un objectif unique : faire du profit à n’importe quel prix. Tant que l’on n’aura pas mis en place des règles sévères (renforcement sévère des vérifications comptables par des experts réellement indépendants) pour éviter des dérives, comme les sommes astronomiques versées aux PDG, les fonds partis vers des ailleurs sécurisés, les vases communicants par filiales interposées, la réalité de la nécessité des plans sociaux. La vérité, comme les faits, n’est jamais dans les chiffres, car tout dépend de la manière dont on les présente.
Mais je déblogue…
Partager cet article
Repost0

commentaires

E
@ Vinz<br /> Je ne suis pas d'accord avec ta comparaison sur 2002. SR a bien fait attention de ne pas faire les mêmes erreurs. Je ne vois pas le rapport entre le drapeau "bleu-blanc-rouge" et les problèmes d'insécurité ! Jospin a perdu car il a dit que son projet n'était pas socialiste. SR a un projet socialiste mais elle sait aussi qu'elle sera la Présidente de tous les français ! Il est sûr qu'à l'extrême gauche, on ne sera le ou la Présidente de rien du tout ! C'est beaucoup plus facile ! Je crois que tu n'as pas bien lu le texte de notre "citoyen Thimèle" !<br /> Je suis encarté, mais simplement parce que je le veux bien ! ;-)<br /> Ni Dieu ni maître ! Mais moi, contrairement à toi, je sais que je ne pourrais rien changer aux malheurs du Monde si je ne "touche" pas au pouvoir !
Répondre
V
...tout le monde change E.M... surtout quand on est encarté...;-))!<br /> Question: est-il plus "bête" d'assumer ses principes jusqu'au bout et de s'y tenir en votant à l'extrême ou bien de faire de la surenchère à Sarkozy (sur le terrain de l'identité nationale, c'est quoi ça au fait, il y a une semaine, on en avait même jamais entendu parlé sauf au FHaine) ??? A trop vouloir faire de stratégie, on se retrouve sans candidat PS au 2è tour... (souvenez-vous Jospin et l'insécurité en 2002!!!)
Répondre
E
@ Math<br /> Ceux qui me connaissent, apprécieront ton commentaire ...<br /> Ma "langue de bois" est très célèbre ! ;-)))))
Répondre
E
@ Math<br /> Ce qui me connaissent, apprécieront ton commentaire ...<br /> Ma "langue de bois" est très célèbre ! ;-)))))
Répondre
M
Bravo EM pour la langue de bois! elle est bien bonne celle-là! la "stratégie" (quel vilain mot en politique!) des socialos c'est de ne pas dire ce qu'ils vont faire? c'est intéressant... 
Répondre