22 juin 2007
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30 à 40.000 fonctionnaires ne seront pas remplacés dans le budget 2008, annonce le ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, Eric Woerth. "Globalement 70.000 fonctionnaires partiront en retraite d'ici l'année prochaine…Donc c'est un sur deux, à peu près la moitié qui ne seront pas remplacés. 30, 35, 40.000 c'est de cet ordre-là", a-t-il expliqué sur la radio BFM. "On commencera dans le budget 2008", assure Eric Woerth, qui précise que "chaque ministère" contribuera "à l'effort". Le ministre estime que cette réduction est dans "l'intérêt" des cinq millions de fonctionnaires. "Ce n'est pas une vision de calculette, ce n'est pas une vision comptable, c'est aussi une façon de moderniser la fonction publique en offrant plus de pouvoir d'achat à la fonction publique", qui recevra "la moitié des économies réalisées", explique Eric Woerth.
Il faut absolument décoder le message : partout des coupes sombres seront effectuées dans les services. Moins d’enseignants, moins de gendarmes, moins de personnels dans les Préfectures, moins de contrôles sur toutes les opérations de la vie quotidienne : le libéralisme tout crin va donc s’installer en faisant croire que le pays ira mieux quand il se sera débarrassé de toutes celles et tous ceux qui en assurent son équité, son efficacité et sa pérennité. Ce mythe qui consiste à prôner une diminution des frais de fonctionnement de la République en la privant de tous ses moyens d’action relève d’une vision à court terme de l’avenir. On a vu ce que donnait par exemple le numerus clausus dans le domaine de la santé car, dans les faits, on s’orientera vers la même solution dans tous les Ministères avec des nombres de recrutements à ne pas dépasser quelles que soient les contraintes.
UNE SORTE DE NUMERUS CLAUSUS
Le système en apparence valable perdra vite de sa pertinence pour plusieurs raisons. Il entraînera l'obligation de reconnaissance des diplômes des autres pays européens, alors qu'aucun contrôle ne pourra s'exercer sur la délivrance de ces diplômes, parfois même il n'y a pas de numerus clausus dans ces pays (exemple : Europe de l'Est) et diminuera donc même le recrutement hexagonal. Il générera une alternance de périodes "fastes" et de périodes "creuses" ce qui ne manquera pas de se produire par exemple dans l’enseignement avec les fluctuations démographiques et les mouvements de population. Il y a fort à parier que l’on manquera de postes très rapidement dans certaines régions ou dans certains quartiers. Il renforcera la sécurité offerte par des professions protégées qui attireront de nombreux candidats et donneront des difficultés croissantes d’entrée dans le monde du travail des jeunes diplômés que l’on continuera à former (à quoi servira une licence de l’éducation si les IUFM se referment sur des concours très restreints ?). Se posera alors dans la fonction publique le même problème que pour les concours de médecine et de pharmacie qui laissent sur le carreau des milliers d'étudiants recalés avec une voire deux années non valorisables. Le chômage des jeunes va donc obligatoirement s’aggraver provoquant des déséquilibres des générations. Comment va-t-on financer un système social quand par exemple 100 000 fonctionnaires recrutés devront financer la retraite de 200 000 partants ?
De même, la " massification " des concours les rendra moins pertinents, moins en adéquation avec les qualités requises par les professions et leurs formations. Les " quotas " par ministères subiront énormément l'influence des lobbies et des syndicats professionnels qui chercheront par tous les moyens soit à maintenir leurs effectifs soit au contraire à privatiser pour maîtriser les rouages de l’état républicain en profitant de la carence en personnel.
La suppression de milliers de postes va donc accentuer l’inégalité territoriale et se révèlera catastrophique à terme dans certaines régions qui verront totalement disparaître leurs services publics (perceptions, DDE…) comme le numérus clausus a été inefficace pour réguler géographiquement la densité médicale.
UN TRANSFERT VERS UN AUTRE STATUT
Il est certain que l’annonce du non remplacement de la moitié des fonctionnaires d’Etat partant vers la retraite n’est qu’un effet d’annonce. En effet, il se traduira par simplement un transfert vers un autre statut. Ne vous faites aucune illusion, les électrices et les électeurs qui s’enthousiasmeraient pour cette mesure démagogique ne se rendent pas compte qu’ils paieront forcément avec… les impôts locaux ce que l’Etat n’assurera plus. Des exemples précis existent.
Prenons celui des personnels non enseignants dans les collèges et les lycées. En s’en déchargeant vers les départements et les régions le Ministère de l’Education a simplement évité de se confronter aux récriminations des parents des élèves réclamant des taux d’encadrement nettement supérieurs à ceux existant lors du transfert. Eric Woerth peut déclarer ce qu’il veut, la réalité sera toute autre. Quand dans un collège le Conseil général veut simplement ajuster le nombre de cuisiniers aux effectifs… il soulève une tempête avec manifestations, occupation des lieux et pétition. Et personne ne se pose la véritable question : comment les collectivités locales vont elles gérer leurs finances en palliant dans les faits le désengagement de l’Etat ? Elles ne pourront absolument pas refuser de rendre les services indispensables à la population et appliquer le principe d’un fonctionnaire sur deux non remplacé.
Un autre exemple ? La DDE désormais totalement démembrée ne va plus assurer le suivi de certains documents d’urbanisme pour le compte des petites communes (instruction de permis de construire) et donc au 1° octobre il faudra recruter au niveau communal ou intercommunal pour poursuivre ces missions données désormais aux… maires. Comment expliquera-t-on que l’état baisse ses prélèvements grâce au dégraissage de la DDE alors que les impôts locaux augmenteront obligatoirement pour faire face à des… recrutements obligatoires de fonctionnaires ? Le piège est en passe de se refermer. L’Etat s’érode avec une constance désastreuse et se soulage de tout ce qui représente une charge incontournable au nom d’une décentralisation mal explicitée et surtout non financée.
Le percepteur de Créon assume la responsabilité d'exécution et surveillance de plus de 160 budgets différents avec un personnel qui devrait être réduit de moitié.. dans l'avenir. Désormais sous le fallacieux prétexte que les collectivités locales doivent assurer leur gestion librement on n’exerce plus que des contrôles épisodiques et aussi à posteriori qui permettront ainsi de mettre en évidence la mauvaise gestion de ces vauriens d’élus locaux !
LE CHEMIN INVERSE
La République doit assurer aux citoyens l’équité de ses interventions sur tout son territoire. Il faut bien reconnaître que le chemin inverse est emprunté depuis maintenant quelques années : l’Etat n’est plus équitable et impartial puisqu’il a renoncé à se donner les moyens de l’être. Il est vrai que la notion d’impôts opposée à celle du profit est devenue obsolète. Elle devient même totalement proscrite du langage politique comme s’il s’agissait d’une injure faite au peuple. Elle reste pourtant le fondement même de la démocratie qui consiste à faire apporter à chacun sa contribution équitable au bonheur de tous.
On en est arrivé à une telle évolution des mentalités que l’on a parfois l’impression qu’il faudrait revenir au régime censitaire qui voyait, avant l’instauration du suffrage universel, voter que ceux qui acquittaient un impôt direct… et donc que les patrons du CAC 40 détiendraient un nombre de suffrages proportionnel à leur participation financière à la vie collective. Surtout que, selon eux, la plupart du temps, leurs impôts ne servent qu’à entretenir des cohortes faramineuses de fonctionnaires inutiles qui les empêchent de réaliser... davantage de profits.
Deux problématiques structurant le débat fiscal restent étrangement discrètes à quelques jours d’un débat parlementaire sur le " paquet fiscal " : quels sont le niveau et la structure des ressources publiques ? Au fond, c'est bien sûr ces deux questions essentielles que devrait porter un véritable affrontement politique. Pour s'en convaincre, il suffit de voir le temps médiatique consacré à l'impôt de solidarité sur la fortune, inversement proportionnel à son poids dans les recettes fiscales. Quelques vérités fiscales méritent donc d'être rappelées pour rétablir les termes du débat fiscal.
L'impôt n'est jamais neutre. Il procède de choix de société dans la répartition des richesses et le financement de l'action publique. Ainsi, un impôt progressif pourra contribuer à réduire les inégalités, un objectif qu'un impôt proportionnel ne peut s'assigner puisqu'il ne privilégie que le seul rendement financier. Un système fiscal équilibré, c'est-à-dire comportant des impôts (sur les revenus, les bénéfices, le patrimoine et la consommation) progressifs et, dans une moindre mesure, proportionnels, n'est donc pas simplement logique ni même "rentable", il est en outre favorable à la cohésion sociale.
L'impôt n'est pas antiéconomique. Il finance des facteurs publics indispensables à l'activité économique comme l'éducation, la santé, les infrastructures publiques... De plus, par la redistribution, il permet de soutenir la consommation, principal levier de la croissance.
L'impôt n'est pas complexe du fait de sa progressivité (les impôts sur le revenu et de solidarité sur la fortune sont progressifs) mais à cause des nombreuses niches fiscales dont le coût budgétaire annuel avoisine, tous impôts confondus, les... 50 milliards d'€. Il serait donc assez facile de retrouver les fonds publics nécessaires à la mise en place d’un service public de qualité. Ce n’est même pas une question de volonté mais surtout une question de choix de société. C’est trop tard : les Françaises et les Français l’ont fait. Attendons leurs réactions quand il sera trop tard!
Mais je déblogue…