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18 octobre 2005 2 18 /10 /octobre /2005 00:00

La propriété demeure le souhait français le plus partagé. Avoir un jour un appartement ou une maison à soi, constitue le socle des rêves des jeunes et des moins jeunes. Ils espèrent sauter la case " départ dans la vie " (via le locatif, compte tenu du coût exorbitant des loyers) pour se lancer dans la construction d'une maison neuve  ou l’achat de la " fameuse vieille bâtisse à retaper ". Un processus s’engage alors pour celles et ceux qui ont une confiance inébranlable dans leur avenir. Malheureusement il conduit, de plus en plus, vers des échecs redoutables et durables.

Dans un premier temps, il faut en effet trouver… un terrain. Dans la " couronne bordelaise " la quête de l’espace constructible relève de celle du Graal. La Communauté urbaine ayant adopté un Plan Local d’Urbanisme encore trop restrictif sur la densité d’urbanisation, elle a provoqué à la fois une flambée du foncier sur son territoire, mais aussi dans la proximité immédiate des grands axes de communication girondins. Peu de monde sait, par exemple, que Bordeaux est l’une des villes les plus " basses " de France en matière de règlement d’urbanisme, ce qui affaiblit la rentabilité des achats de terrains et génère des prix prohibitifs des constructions non aidées, ainsi que l’impossibilité d’implantation de logements dits " sociaux ". Forcément, l’onde de choc s’élargit et la " chasse au terrain " se pratique désormais à 30, 40, voir 60 kilomètres du cœur de l’agglomération, afin de trouver une opportunité convenable de construction. Le pré que les vaches ont abandonné, la vigne que la crise a fait disparaître, le bois sans intérêt, deviennent les proies des accédants à la propriété, ou plus sûrement des constructeurs ou des lotisseurs. Les plus petits villages, sans aucun service de proximité, et sans aucun document d’urbanisme, sont les plus recherchés car on y pratique encore des prix abordables. Les autres ont été écumés depuis belle lurette. Quand le terrain revenait à 30 % du total de la construction, il atteint maintenant 50 % avec en plus des frais, souvent non évalués.

En effet, il devient de plus en plus rare de voir des acheteurs prendre en compte toutes les autres dépenses liées à leur acquisition : sortie réglementaire vers le domaine public, branchements à l’eau, à l’électricité, au gaz, à l’assainissement collectif (quand il existe !) ou installation de l’assainissement non collectif conforme à la nature du terrain…La note s’allonge, mais rares sont ceux qui l’établissent, préférant hurler à posteriori quand les factures arrivent et qu’elles les surprennent par leur montant. La liberté " maison, gazon, télévision " n’a pas de prix, jusqu’au moment où l’on plonge le nez dans le relevé du compte en banque !

Justement, la seconde étape passe par les bureaux climatisés des banquiers, prêts à tout, pour placer des prêts " très intéressants ". Ils triturent les revenus, ne se soucient pas trop des autres endettements de courte durée (crédits dits revolving, cartes des grandes surfaces), des charges induites de l’accession (longueur et facilité du trajet domicile travail - une ou deux voitures -, lieux de scolarisation ultérieure des enfants…), et des situations provisoires, pour placer des emprunts à 20 (rare), 25 (ordinaire), 30 ans (courant depuis peu), qui vont peser durablement sur la vie quotidienne du demandeur. L’essentiel demeure de placer le prêt, car le banquier sait pertinemment qu’il pourra récupérer au moins le capital avec plus-value en cas de vente anticipée. L’augmentation du foncier lui garantit, au minimum, dene pas perdre un € dans l’affaire.

Trop souvent, sont là encore " oubliés " du calcul total, les taxes liées au permis de construire : la taxe locale d’équipement (personne ne vient se renseigner en Mairie sur le taux communal), la taxe sur les espaces sensibles à protéger (voir le Conseil général), la participation pour le raccordement à l’égout (communale et donc très variable) et, à la réception du document, c’est la panique devant les sommes figurant au bas du permis…Et quand on les lit ! Le prêt complémentaire à un taux supérieur aux autres devient alors nécessaire. Les contrats de prêt bancaire de courte et de longue durées sont à revoir. Qui osera le faire ?

Troisième étape : la construction elle-même. Elle nécessite une présence permanente et un nombre élevé de courriers recommandés, tant le travail peut être bâclé par des tâcherons payés au m² ou des sous-traitants pressurés par le signataire de contrats à bas prix avec le " vendeur de maisons en prêt à habiter ". Les assurances croûlent sous les recours, sous les contentieux, sous les demandes d’expertises car, dans la plupart des cas, les réalisations sont scandaleusement faibles. Sachant que les acquéreurs sont pris à la gorge par les premiers remboursements et un éventuel loyer à régler, ou par un logement précaire, les constructeurs arrachent des consentements moyennant des promesses de retour sur les malfaçons pénibles à obtenir. Le système de la sous-traitance, antichambre des délocalisations, devrait être beaucoup plus sévèrement réglementé.

Entre 3 et 4 ans après l’installation, la fracture arrive. Elle commence par des fissures dans le couple n’ayant aucune autre possibilité d’épanouissement commun que celui de rester dans la maison (finances obligent) figés devant le petit écran. Ces fêlures insidieuses débouchent sur les premiers effondrements en fin de mois, quand arrive l’angoissante question des échéances. Elle s’élargit lorsque les feuilles automnales des impôts locaux, celles estivales et hivernales de l’eau, celles régulières des deux portables, du téléphone, du chauffage électrique ou au gaz tombent dans les boites aux lettres…Elle finit malheureusement parfois par séparer les couples, faire éclater les familles, provoquant la " vente " du rêve.

Dans certains lotissements créonnais, 3 ans après les constructions, 10 % des habitations ont déjà été revendues, et dans les plus anciens, 40 % n’appartiennent plus au propriétaire d’origine… Combien ces statistiques dissimulent-elles de problèmes sociaux et humains non mesurés : dépressions, tentatives de suicide, répercussions sur la scolarité des enfants et sur leur comportement, recherche stressante de logement de substitution, remise en cause parfois du travail lui-même ? Les dégâts ne sont pas mesurés, car ils contrarieraient le développement du marché de la construction.

Du rêve à la réalité, le chemin n’est pavé que de bonnes intentions, et les malheureux qui rongent leur désillusion sur les bas-côté de la société de consommation deviennent des aigris de la vie collective. Ils ne comprennent pas comment ils ont été obligés de poser le sac de leurs espoirs si loin du but. Ils ruminent leur colère ou leur désespoir sincère. Au CAC 40, les banques, Bouygues et autres grands groupes possédant la filière du fameux " pavillon ", vont bien. Merci pour eux !

Mais je déblogue…

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commentaires

J
là, il faut dire que le sujet est bien senti.<br /> Nous sommes heureusement un peu plus nombreux désormais à penser que l'envahissement de l'espace par des "propriétés" engendre les dérives si bien décrites, d'aucun, les plus pessimistes, parlent même de bombe à retardement!<br /> En effet on sent confusément que cette appropriation de l'espace engendre ces dérives psycho sociales, même si on peut penser que le pas si vieux fond rural qui nous titille participe, aussi, de cette envie de propriété.<br /> Il faut se rendre à l'évidence que cette appropriation est souvent caricaturale et génératrice d'effets pervers.<br /> L'économie, le politique et le social, les uns par intérêt les autres par necessité, semblent effectivement bien gérer ce phénoméne et comme toujours ne font pas dans la dentelle<br /> On peut penser aux grandes rénovations urbaines des années 70 faisant table rase, aux sens propre et figuré, de quartiers entiers.<br /> Ca nous semble tellement idiot aujourd'hui!<br /> Bon maintenant essayons, prenons le risque, de positiver:<br /> Pourquoi ne pas s'appuyer sur l'existant, des hameaux par exemple, et de leur habitat semi groupé pour étendre raisonnablement le domaine bâti<br /> en harmonie, allez osons le mot, avec le paysage.<br /> Pourquoi ne pas imaginer de continuer des rues de village et favoriser la mitoyeneté, voire le semi collectif, voire le...collectif, allez!<br /> Tiens je rajoute aux griefs que l'insécurité, théme assez dans l'air du temps, est générée, ou favorisée à tout le moins, par l'isolement et que fait le pavillon individuel?<br /> Bon voilà j'arrête là parce que le sujet de fond est ailleurs finalement,il s'agit davantage des pièges d'une société de nantis qui se referment sur les plus pauvres et les plus naifs.<br /> On doit juste signaler que ceux à qui profite le...délit en pâtiront plus tard ou leurs enfants.<br /> Sans être trop sentimental on peut penser que les "gens" réagiront, que <br /> le prix du foncier en général baissera<br /> les gens auront envie de se rapprocher<br /> la valeur de l'argent s'estompera au profit de l'enrichissement de la qualité de vie <br /> ........rien n'est perdu<br /> <br />
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D
Monsieur le Maire,<br /> Monsieur Jean-Marie Darmian,<br /> <br /> Dubois Vincent rédacteur territorial occupant les fonctions de secrétaire de mairie sur trois collectivités rurales dans le Pas de calais.<br /> <br /> Je suis particulièrement touché par la qualité, la lucidité, la pertinence et la sensibilité de vos analyses; Moi qui suis convaincu du rôle sérieux de l'élu dans la "cité", votre réflexion et vos réflexions alimentent mon opinion. Quand je vous lis, et imagine votre action, une phrase lue je ne sais où me reviens à l'esprit: " rien est poison, tout est poison.Le poison est la dose". <br /> <br /> Cordialement
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