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1 janvier 2006 7 01 /01 /janvier /2006 02:04

Le rideau s’est ouvert. Il ne laisse entrevoir que la faible lueur d’une année encore dans la nuit du temps. C’est la plus belle, la plus attirante, car elle porte l’espoir de toutes les aubes naissantes. Elle n’a dévoilé que ses plus beaux atours, ceux que l’on aime bien admirer les nuits colorées des fêtes. Pour le reste, le spectacle ne fait que commencer. Le seul problème, c’est que nous n’en connaissons pas la nature, et que nous sommes toutes et tous en quête du… metteur en scène. Comédie humaine burlesque pour Guignols médiatiques, ou tragédie humanitaire pour peuples oubliés ; opéra baroque pour esthètes nantis, ou chanson de ruisseau pour Gavroche en devenir ; ballet d’ombres balourdes de gavés de la terre, ou danse macabre des affamés du Sahel ; petite musique douce du confort, ou rap de la révolte contre l’ordre établi : vous avez pris votre billet gratuit pour 2006 sans savoir ce qui vous attend réellement.

Alors il vaut mieux que dans vos vœux vous ne glissiez que des images positives, histoire de ne pas quitter immédiatement la " salle ". Plus facile à dire qu’à faire, quand on essaie de ne pas vivre au-dessus de ses ressources naturelles en optimisme naturel. Elles sont d’ailleurs facilement épuisables, car il faut beaucoup de temps pour les recharger. Ces " piles " là ne sont pas de chez Duracell… et elles s’usent même si l’on ne s’en sert pas. Tout réside donc dans la capacité à ne mettre la lumière positive que quand l’exigent les circonstances. Et le reste du temps, de se contenter de faire face à la réalité.

POSITIVEZ AU MAXIMUM.- En cette journée du nouvel an, les bonnes résolutions sont de rigueur. Positivez au maximum ! Le truc le plus efficace pour ne pas être déçu, c’est d’envisager exclusivement des démarches que vous ne pourrez jamais accomplir. Une méthode que les " politiques " pratiquent depuis des lustres sans risques.

La technique a été utilisée hier soir, avec brio, par le Droopy élyséen. Elle se résume dans une célèbre phrase attribuée à Henri Queuille : " les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ! ". Alors, commencez sans aucun risque, au moment des vœux, à table, à vous lancer dans des engagements qui vous vaudront la célébrité familiale. Ce qui est merveilleux, c’est que vous pourrez recommencer chaque année sans que l’on vous en tienne rigueur. Ils vous écouteront, sans que vous soyez… engagé ! Le rêve.

Tenez, si vous fumez, décidez d’arrêter sur-le-champ. Si vous reprenez le boulot demain, déclarez que vous ne demanderez pas d’augmentation de salaire durant un an. Si vous débutez dans les études, ou si vous les poursuivez avec peine, affirmez que vous réviserez avant chaque épreuve. Si vous en avez le courage, engagez-vous solennellement à ne pas imposer votre choix de programme de télévision. Allez-y, je vous laisse le soin d’imaginer ce que bon vous semble. L’exemple venant d’en haut, vous savez que l’impunité vous est garantie. Faites cependant très attention à ne pas aller trop loin, car un rival, tout aussi habile que vous, peut revendiquer votre place au soleil de la vie, en allant plus loin dans l’optimisme de circonstance. Le sport se pratique beaucoup à l’orée de la nouvelle année sur les parquets brillants des Ministères. Ne vous laissez pas duper par le spectacle qui débute.

PARTAGEZ AU MAXIMUM.-
Jean Paul Sartre a au moins écrit une connerie dans sa vie de philosophe contestataire, quand il a affirmé que " l’enfer c’était les autres ". Ce gars là, pourtant à un moment donné collectiviste convaincu, vivait probablement dans une tour d’ivoire intellectuelle. Au moment d’entrer en 2006, considérez tout au contraire que l’on n'existe véritablement que par ce que l’on apporte aux autres. Et que, souvent, ils vous le rendent avec beaucoup plus de reconnaissance que l’on veut bien le prétendre. Certes, il y a les inévitables désillusions. Les petites comme les grandes. Mais nul ne remettrait en cause l’orthographe, sous prétexte que les règles ont des exceptions. Il en va de même pour la notion de partage.

Le rire d’un enfant heureux, le sourire d’une grand-mère ou d’un grand-père isolés, le soulagement d’une personne enlisée dans les aléas de la vie, à qui vous tendez la main, le plaisir du dialogue, la satisfaction du débat tolérant, le moment agréable de la table familiale ou amicale, le sentiment du boulot d’équipe bien fait : formulez simplement le vœu d’avoir, autour de vous, ces " autres " qui vous permettent de les vivre.

Qu’en 2006 vous trouviez tout bonnement une raison d’espérer dans votre entourage! Mieux, il faudrait proposer que toutes les fêtes, tous les moments conviviaux, toutes les initiatives visant à rassembler soient remboursés par la sécurité sociale, tant l’égoïsme fait des ravages. Ne rêvez donc jamais en 2006 de solitude durable, car c’est la porte ouverte sur les pires maux de la société.

REVEILLEZ VOUS AU MAXIMUM.-
Le métier le plus pratiqué en France,
alors que malheureusement des numerus clausus ont été instaurés dans le milieu médical, est celui d’anesthésiste. Il opère, en général, dans un espace extrêmement bien éclairé, sur un plateau propret, au cœur d’une technologie de pointe, et avec le concours d’un partenaire bienveillant. On appelle ce lieu un plateau technique de ... télé!

L’anesthésiste politique, car c’est de lui qu’il s’agit, essaie d’insensibiliser le citoyen ordinaire, en lui injectant, en intra-veineuse, chaque soir, sur TF1 ou sur France Télévisons, des doses massives " d’opinion dominante ". Ce nouveau job est d’ailleurs de plus en plus attribué à de véritables médecins (31 députés) dont il adopte la technique.

Pour le diagnostic il utilise des sondages; pour les analyses, il a recours à des spécialistes dans des laboratoires d’idées; pour le traitement, il dresse... des ordonnances; pour le règlement, il prône la sécurité… sociale. Ensuite, tout l’art consiste à annoncer à celle ou celui qui se sent mal ce qu’il veut bien entendre : une sévérité accrue pour éviter les épidémies revendicatives, la stigmatisation des " contagieux " éventuels, la prise massive de neuroleptiques télévisuels, l’amputation des services au public, la mise à la diète des salariés et la distribution massive de vitamines financières aux plus robustes. Ce métier à de l’avenir car, plus que jamais, devant l’incertitude, il est indispensable de proposer de longues listes de remèdes miracles.

Résistez donc. Préférez l’homéopathie de vos idées personnelles. Refusez en 2006 les opérations à cœur ouvert de l’idéal. Ne fermez jamais les yeux de votre conscience. Tenez bon, en opposant vos convictions aux somnifères de chaque soir. Faites de beaux rêves de progrès, de justice, d’égalité… Mais faites les debout. Jamais couché !

Mais je déblogue… 

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commentaires

E
Cela fait pas mal de temps que je n'écoute plus Chirac ! Cet homme qui est notre chef d'état et qui devrait certainement dormir en prison ! Enfin, en tout cas, qui devrait passer devant notre justice. Ou au moins s'expliquer ! Il est la honte de notre pays !<br /> Pas crédible ! Aucun respect !
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E
Quelle culture ce Jean-Pierre !<br /> Moi qui le considérais comme un simple collègue aimant discuter, il va falloir que je le considère davantage !<br /> Ses commentaires sont toujours très riches ! Pas toujours justes mais toujours très riches !<br /> Jean-Pierre pourrait servir de conseiller à certains hommes politiques manquant de culture !
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R
Sartre avait donné une explication de ses propos. <br /> Cela correspond, semble-t-il à votre attitude non inféodée !<br /> (…) J'ai voulu dire : l'enfer, c'est les autres. Mais "l'enfer, c'est les autres" a toujours été mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c'était toujours des rapports infernaux. Or, c'est autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l'autre ne peut-être que l'enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont au fond ce qu'il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons ses connaissances que les autres ont déjà sur nous. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné de nous juger. Quoique je dise sur moi, toujours le jugement d'autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d'autrui. Et alors en effet je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu'ils dépendent trop du jugement d'autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu'on ne puisse avoir d'autres rapports avec les autres. Ça marque simplement l'importance capitale de tous les autres pour chacun de nous. (…)     Jean-Paul Sartre en 1965<br />  <br />
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J
Merci pour votre commentaire détaillé sur la phrase de Sartre. Mais même si je partage le contenu de l'explication je ne partage pas la phrase elle même...