Au soir de la première journée de l’an nouveau je suis certain que si vous vous posez un peu vous constaterez avec regret la vitesse avec laquelle passent les bons moments. Demain ou après-demain, il faudra en effet tirer un trait sur les fameuses fêtes de fin d’année et aborder les réalités moroses du quotidien. Probablement aurez vous puisé, dans quelques moments de partage joyeux, des raisons de croire que vous tiendrez bon dans toutes les circonstances et que tout ce qui pouvait être négatif est derrière vous. Les bonnes résolutions se doivent de résister à l’usure du temps.
Mes amis du premier cercle qui lisent ce blog m’ont ainsi aimablement reproché de n’écrire que des chroniques grises et pessimistes sur le monde. Ils ont raison, je suis désormais connu pour ne jamais faire preuve d’un optimisme béat et me préparer au pire en permanence. Malgré un estomac encore chargé, autant donc attaquer la " semaine 1 " de l’agenda avec le cœur léger et la sensation que l’environnement social a été peint en rose depuis le passage en 2006. Ainsi le ton général de ce texte s’en trouvera changé.
Je vais donc tenter de mettre du soleil dans son eau froide habituelle. Facile compte tenu des événements nationaux.
MOINS PIRE QUE LE PIRE .- J’ai ainsi le moral en hausse car la fameuse crise des banlieues semble bien enterrée. Hier, les " Guignols " présentateurs se sont en effet réjoui dans tous les journaux télévisés, avec un effet de répétition dopant, du calme ayant régné dans les quartiers dits difficiles. Une excellente nouvelle, d’après tous les analystes, pour Sarkozy qui, grâce à un déploiement de forces de l’ordre sans précédent, (25 000 policiers et gendarmes) a réussi à ce qu’il y ait…plus de véhicules brûlés que l’an passé lors du même soir. Un authentique succès selon le principe incontournable que le pire a été moins pire que le pire initialement prévu.
Le directeur général de la police nationale, a ainsi fièrement annoncé que seulement " 425 véhicules ont été incendiés en France " dans 53 départements différents (41 l’an passé) pendant la nuit de la Saint Sylvestre, contre 333 l'an dernier pour le Nouvel An. Le chiffre moyen tournait autour de 300 ces dernières années. Je suis soulagé et optimiste : la hausse n’a été que de 30 % et le nombre des communes dans lequel se sont produits les incidents n’a été multiplié que par deux.
Il y a des comparaisons que je n’ai pas apprises dans les commentaires des JT de 20 heures mais, que je suis, en revanche, heureux d'appréhender, pour commencer l’année sous les meilleurs auspices : 362 personnes ont été interpellées, contre 272 l'an dernier. Ouf, mon année peut débuter enfin dans un climat de sécurité renforcée. D’autant que " Sarko Batman ", lui, a veillé sur nous depuis le ciel, dans un hélicoptère éclaireur pendant que Chirac, message délivré, festoyait en famille. Sarko a survolé les réveillons de l’Essonne et a fait une énième tournée des popotes sous l’œil bienveillant des caméras officielles. Je vais mieux. Je suis convaincu de la sincérité des informations. Je peux respirer et balayer mon pessimisme sur la situation sociale globale dans les quartiers difficiles. Le feu est éteint. La révolte matée.
ENFIN ENTENDU.- J’ai également le moral en hausse car j’éprouve enfin, ce matin, le sentiment réconfortant d’avoir été entendu par un homme politique de la France d’en Haut. En m’opposant au Traité constitutionnel européen ou en refusant de soutenir la motion majoritaire du P.S. j’avais placé la lutte contre les délocalisations dévastatrices au centre de mes préoccupations car elle mettait en évidence la nécessité minimum d’une péréquation sociale entre la France et le reste de l’Europe. Péréquation ou harmonisation que même les socialistes dominants pensaient irréaliste. Et voilà, depuis hier c’est fait : " parce que nous voulons renforcer nos atouts pour l'emploi et garantir un haut niveau de protection sociale, nous allons ouvrir le chantier de la réforme de son financement. Aujourd'hui, plus une entreprise licencie, plus elle délocalise et moins elle paye de charges. Il faut que notre système de cotisations patronales favorise les entreprises qui emploient en France ". L’orientation ne se trouve même pas dans la motion de synthèse du Mans mais dans le discours de Droopy Chirac, au soir du réveillon. Me voilà reconnaissant et optimiste. J’ai un moral d’acier. Je ne peux que croire dans les vœux du plus influent des Français.
Comme quand j’ai lu, dans la foulée, sa déclaration me donnant " ma " feuille de route politique pour 2006 j’ai retrouvé le sourire : " mes chers compatriotes, soyons intransigeants sur les idéaux de la République. Refus du communautarisme. Respect dû à chacun. Respect de la laïcité. Lutte contre les discriminations. Combat contre le racisme et l'antisémitisme. Parce que nous ne sommes vraiment nous-mêmes que libérés de tout ce qui abaisse, de tout ce qui salit, de tout ce qui sème la discorde. Parce que la diversité fait partie de notre histoire: c'est une richesse. C'est un atout pour notre avenir ". Qu’espérer de mieux pour redonner sa dignité à la " racaille " et relancer la dynamique républicaine ? Moi qui croyait que la France virait à tribord toute, j’en suis muet de plaisir. Droopy a su trouver les mots justes et le Roquet de Neuilly va s’appuyer sur ce discours pour modifier totalement sa vision de l’avenir.
Allez nous avons eu raison de nous envoyer par SMS des milliards de vœux de bonheur pour enrichir les opérateurs téléphoniques qui en avaient bien besoin pour payer leurs amendes. Il est à notre portée. Comment voulez vous, après d’aussi bonnes nouvelles, que je continue à malaxer du noir dans mes chroniques ?
Des journalistes honnêtes qui font leur boulot. Un Président de la République enfin lucide qui a écouté le Peuple l’ayant " couillonnement " plébiscité pour éviter le pire du pire, prêt à infléchir sa politique " sécruritaro-libérale " : c’est le top !
" Tout est redevenu pour le mieux dans le meilleur des mondes possible " : j’attaque donc 2006 avec le principe de Pangloss dans Candide de Voltaire, mon livre de chevet. En cultivant mon jardin en 2006 je m’engage en effet à fouiller, chaque jour, dans la meule de foin des désillusions pour y dénicher l’aiguille du bonheur.
Mais je déblogue…
