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25 février 2006 6 25 /02 /février /2006 08:24

Depuis quelques semaines, les opérations "coup de poing" se multiplient dans les grandes surfaces. Les viticulteurs de la FDSEA s’attaquent aux prix de vente, inférieurs à 2 €, de la bouteille de vin rouge de Bordeaux. Ils considèrent, à juste titre, qu’à ce tarif là, le producteur n’a pas une rémunération lui permettant simplement de couvrir les frais incontournables de son exploitation. Cette démarche témoigne du désespoir d’une profession en proie aux doutes les plus forts sur son avenir. Mais il faut bien avouer qu’elle a quelque chose d’étonnant de la part de gens, adhérant à la FNSEA en Gironde, dont justement l’un des credo politiques a toujours été majoritairement le… libéralisme, et plus encore la libre concurrence. Ce type de démarche contestataire relevait jusqu'à présent de leurs adversaires sur l’échiquier verrouillé du syndicalisme agricole. Les temps changent!

PAROXYSME DESTRUCTEUR

Tant que les prix ont été à la hauteur de leurs espérances, les viticulteurs estampillés FDSEA n’ont absolument pas dénoncé ce système commercial pervers, qui leur apportait une rente de situation par des ventes massives, via les centrales d’achat. Il leur évitait d’investir en temps, et financièrement, pour se créer une clientèle particulière ou au moins diversifiée, et surtout leur permettait d’écouler rapidement leurs stocks. Dans le fond, les forces les plus motivées de la FDSEA se battent désormais contre le paroxysme destructeur de ce qu’ils ont, eux-mêmes, contribué à créer.

L’exemple typique est constitué par les fameuses foires aux vins qui constituent l’une des principales filières de promotion des récoltes. On va se battre cette année pour y accéder, et forcément… il faudra montrer sa capacité à conjuguer l’excellence du produit et un prix performant. Autant dire réaliser un exploit ! Il y a fort à parier que pour accéder au " marché " certains vont encore " casser " les prix,  ou constituer les fameux lots alliant quelques grands crus alléchants avec des " petits " vins déstockés à moins de 2 €… Faute de solidarité dans les revendications, et plus encore, victimes de leur individualisme viscéral, les propriétaires exploitants vont creuser leur propre tombe économique.

QUALITE MAXIMUM…COMMUNICATION OPTIMUM

Je suis rentré extrêmement " pessimiste " de mon voyage au Chili, où dans la prestigieuse vallée de Colchagua, j’ai été ébloui par la splendeur en devenir des propriétés viticoles. Nous avons été reçu dans la Viña Santa Cruz appartenant à Carlos Cardoen. Une propriété de 560 ha d’un seul tenant avec 400 ha de " rouge " et 160 de " blanc " où, non seulement, tout a été conçu pour assurer une qualité maximum (arrosage au goutte à goutte de la totalité du vignoble, restriction drastique sur les traitements chimiques, bodéga de haute technicité avec matériel italien dernier cri et barriques françaises, œnologue et maître de chai français, installation d’un lycée spécialisé pour avoir du personnel qualifié…), mais aussi pour une communication optimum (espaces de réception au cœur de la propriété, adjonction d’un fort volet culturel sur les racines du terroir, qualité esthétique des plantations…).

Carlos Cardoen, passionné par le vin, résume sereinement sa stratégie : " pour la qualité ce n’est qu’une question de temps et de technique, et nous y arriverons, mais en revanche, je sais que tous les efforts dans ce domaine seront inutiles si nous ne savons pas commercialiser notre production. Je suis conscient qu’il faut beaucoup investir dans ce domaine. Pour moi, l’un des meilleurs vecteurs demeure le tourisme culturel ". Et dans ce secteur, il a mis le paquet, en créant un musée, une ligne de chemin de fer sillonnant la vallée, et une marque lui permettant de s’affranchir de toutes les pesanteurs de notre système.

Son vin s’appellera le " Chaman " en hommage à ces hommes relais entre la terre et les dieux, et il le lancera comme n’importe quel produit de luxe (affichage, pub dans les magazines haut de gamme, réceptions de presse,..). Mieux, dans chaque chambre d’hôtel de Santa Cruz, on trouve une bouteille gratuite, délicatement posée sur la table des hôtes étrangers, de telle manière qu’ils se sentent obligés de ramener dans leur pays un souvenir de la production chilienne… On est assez loin des virées vengeresses dans les supermarchés pour surveiller les étiquettes ! Dans quelques temps, le " Chaman " de Carlos Cardoen comme " l’Altaïr " de Serge Dassault, figureront sur les plus grandes tables du monde, et des vins plus " modestes " débouleront sur le marché avec une excellent rapport " qualité-prix "

IRONIE DU SORT

La mondialisation de la production, et plus encore la baisse de la consommation, vont accentuer le malaise. Avec un peu de courage dans l’analyse, il est aisé de retrouver bien des points communs avec, suprême ironie du sort, les problèmes rencontrés par les agriculteurs… des pays sous-développés. Ceux d'entre eux qui produisent du café, du cacao, du coton, du sucre ont enfin trouvé des alliés objectifs dans les pays… développés. En effet, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, les producteurs se plaignent, depuis très longtemps, sans parvenir à se faire entendre, avec le soutien des ennemis mortels de la FNSEA, (les potes alter mondialistes de la Confédération paysanne de José Bové) du fait que les multinationales ne rémunèrent pas leurs " matières premières de la terre " au " juste prix ". Carrefour, Auchan, Leclerc, Champion, Lidl… pratiquent dans tous les domaines (et pas seulement celui du vin), l’iniquité du prix d’achat au nom dd la " saine concurrence " !

Que fait la FDSEA si ce n’est réclamer l’établissement d’un commerce équitable du vin en France ? Le commerce équitable n’est en effet qu’un commerce social dont le but n'est pas la recherche du profit maximal, mais la création d'une économie qui remet l'homme et la nature au cœur de ses préoccupations. Apparu dans les années 1960, sur l'initiative d'organisations non gouvernementales, en Angleterre et aux Pays Bas, il a pour principe d'aider des coopératives d'artisans, dans les pays en développement, à se développer de manière durable. Pour cela, il garantit à ces petites coopératives qu'elles  bénéficient d'un prix juste pour leur travail, afin de leur permettre de mieux répondre à leurs besoins fondamentaux (santé, éducation, logement), et d'investir dans le développement de leurs exploitations.

PARTAGE DE MANIERE EQUITABLE

La notion de commerce équitable est apparue et s'est progressivement précisée dans les pays occidentaux qui ont pris conscience que les bénéfices de la croissance des échanges et du commerce n'étaient pas partagés de manière équitable par tous les pays, ni par toutes les couches de la population mondiale (déséquilibres Nord-Sud -pays exclus de la mondialisation et des échanges...), mais nul n’avait prévu que nous en aurions besoin !

Il vise à favoriser les producteurs qui contribuent à un développement durable, par l'amélioration des conditions des échanges. Le commerce, pour être équitable doit être solidaire (travailler en priorité avec les producteurs les plus défavorisés dans une démarche solidaire et durable), direct (éviter les intermédiaires pour maximiser la marge du producteur), juste (garantir un prix d'achat juste permettant aux producteurs de répondre à leurs besoins fondamentaux), transparent (assurer une parfaite traçabilité du produit et des circuits de commercialisation), qualitatif (offrir au consommateur final un produit authentique), respectueux (environnement et valorisation des savoir-faire traditionnels). Autant dire un véritable programme pour sauver une filière ! Et la FNSEA a du boulot devant elle pour mobiliser ses adhérents sur ces perspectives...

Les visites dans les rayons des grandes surfaces vont se poursuivre, car le problème est ailleurs !

Mais je déblogue…

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commentaires

E
C'est bien connu, nous défendons la loi de la jungle (libéralisme) tant que nous sommes les plus forts mais ensuite...<br /> Combien de fois ai-je vu de "supers" cadres critiquer la CGT dans leur entreprise puis y adhérer lorsque leur assurance d'être le meilleur et le plus fort fut retombée !<br /> L'attitude de la FNSEA est insupportable !
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