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26 février 2006 7 26 /02 /février /2006 00:44

Quand on rapproche calmement les événements, il arrive que l’on soit frappé par la similitude du déroulé des prises de position. Ce constat est évidemment plus facile en période de crise, puisque chaque déclaration ou chaque décision est essentiellement médiatique. Elles sont alors de deux types : celles qui se veulent rassurantes et celles qui tentent de transmettre la vérité. Quelle que soit la nature de la crise, elles génèrent une polémique, oubliée jusqu’à la prochaine crise ! L’opinion publique dominante se cale alors sur les déclarations qui ne sont pas les plus véridiques, mais sur qui sauront être, en termes de communication, les plus efficaces.
Dans tous les Ministères, on met donc en place des cellules spécialisées pour maîtriser au mieux un système dans le fond très réduit, car doté de seulement quelques éléments clés. Regardez bien : toutes les catastrophes politiques arrivent quand un Ministre ne prend pas la mesure réelle de l’impact de ses déclarations, ou de l’image donnée par son comportement dans un contexte de plus en plus préoccupant.
Christian Seguin, dans sa toujours succulente chronique de la dernière page de Sud Ouest, décrivait récemment, avec humour, les exigences de cette nouvelle donne d’une fonction éjectable. Présence sur le terrain, mobilité, propos mesurés répétés, graduation dans la réplique… et tendance à minimiser toutes les conséquences de la crise traversée, voire tenter de lui tordre le cou. Pour ne pas avoir su mettre en place cette stratégie, Mattei (canicule), Fillon (réforme du bac), Voynet (marée noire), Allègre (éducation), et bien d’autres ont été dans des situations très difficiles, voire renvoyés dans leurs foyers. Alors, désormais, les conseillers échaudés par ces erreurs scrutent heure par heure la gestion des périodes critiques. Ils pilotent les ministres dans le brouillard. Ils jouent les infirmières de réanimation.

DEBUTER MODERATO

Dès qu’un problème national faisant la une du journal du 20 heures de PPDA, de celui de Jean-Pierre Pernaud ou de LCI  (on sait que c’est TF1 qui fait et défait l’opinion, en transformant un fait en événement), se retrouve à la une du Parisien, on décrète, dans une première note, l’état d’alerte. Il suffit que la nouvelle soit ensuite reprise en boucle par France Infos, RTL ou Europe n° 1, que Le Figaro s’émeuve, qu’elle soit confirmée par Le Monde, pour que l’on se décide à passer à l’offensive.
La première phase n’est en effet que défensive, et se résume à l’envoi de quelques communiqués rassurants. Il faut débuter moderato. Les ministres concernés ne se mouillent guère dans les premiers jours, et se contentent de réponses laconiques à la sortie de l’Elysée le mercredi vers midi. Elles se ressemblent toutes, et se résument à une formule simple : « dormez tranquilles, on veille ! ». Tout le monde connaît pourtant la gravité de la situation mais tente de gagner du temps. C’est ainsi que, dans l’affaire de la grippe aviaire, peu de monde a souligné qu’entre la découverte du canard contaminé à Versailles et la mise en place du périmètre sécurisé, il s’est passé… une semaine ! Les dindes ont été les victimes expiatoires du va et vient des journalistes, venus pour leurs canards respectifs!
En général, si le ton monte et si les sondages confirment l’inquiétude populaire, on renforce les bénéfices de France Télécom, en créant une cellule dotée d’un numéro vert. Elle est réputée pouvoir répondre à toutes les questions, ou surtout écouter pour tenter de rassurer celles et ceux que TF1 ou Le Parisien ont affolés. Il est indispensable de vite diffuser cette possibilité de contact direct sur les écrans plats, pour que le sentiment de rapidité et d’efficacité entre dans les esprits. En revanche, il faudra des heures de patience aux gens concernés par le problème pour obtenir le standard annoncé. Mais nul ne le saura, à part eux !

SORTIR DE LA THEORIE DE LA CRISE
Quand ces structures sont en place, un déplacement sur les lieux, quels qu'ils soient, est indispensable, pour démontrer qu’en homme de terrain, on n’hésite pas à sortir de la théorie de la crise pour se confronter à ses réalités. Le « grade » de celui qui vient  a son importance. Un directeur de cabinet, un secrétaire d’Etat, un Ministre, un Ministre d’Etat, le Premier Ministre ou le Président de la République se rendant sur l’île de la Réunion, ne porteront pas ainsi le même message. Droopy ne se déplacera qu’en bout de course, quand le cas est très grave, mais la hiérarchie des atterrissages a été déjà soigneusement respectée : Barouin a précédé « Crin Blanc » et Bertrand, qui viennent tenter de colmater la brèche ouverte par une très mauvaise analyse de l’importance de l’épidémie de chikungunya. Là, je vous donne ma parole qu’ils annonceront « de nouvelles mesures », ce qui, en langage convenu, veut dire qu’ils n’avaient rien fait jusque là !
En général, celui qui se rend sur place revêt, pour les caméras, la tenue ad hoc. Ainsi, dans l’Ain, on a vu Bussereau habillé en laborantin travaillant dans une unité de culture de virus mortels…affronter le virus H5N1. Le Ministre tout terrain arrive forcément avec des crédits débloqués, pour faire face aux dépenses ou aux manques à gagner. J’attends de savoir comment les visiteurs, pour 36 heures à La Réunion, vont arpenter les hôpitaux et les rues de Saint Denis, et ce qu'ils ont dans leur sacoche!
UN SIMPLE COUP DE TELEPHONE SUFFIT
Lorsque la crise risque d’évoluer de manière néfaste, on anticipe vite le désastre, en allant au journal de TF1, pour tenter de juguler l’impact des prévisions de quelque spécialistes mal embouchés. Un simple coup de téléphone suffit pour cela. Il faut cependant une préparation spéciale, comme pour les entretiens d’embauche. Costume sombre, cravate monocolore, visage fermé, mains jointes, ton ferme… il faut assurer et rassurer.  Allez, je vous parie, dès maintenant, que "Crin blanc De Villepin" sera vite chez PPDA à son retour. Quelques chiffres clés, des références précises, et surtout de la compassion pour les victimes éventuelles ou les personnes touchées, seront obligatoires. Ce qui est le top, quand tout va mal, c’est que vous soyez ami avec le journaliste qui vous questionne. Tenez, regardez le savoir-faire, dans ce domaine, du Roquet de Neuilly.
Selon le Canard Enchaîné du mardi 22 février, 
les journalistes de la rédaction d'Europe-1 ont découvert que Jean-Pierre Elkabbach  avait demandé « conseil à Nicolas Sarkozy » au sujet du « recrutement du journaliste qui serait chargé de suivre l'UMP". Selon le Canard, un journaliste, qui voyageait récemment dans l'avion du Vice-Premier-Ministre à destination de Chamonix, l'a interrogé au sujet de rumeurs qui circulaient dans la rédaction d'Europe-1. Nicolas Sarkozy a alors confirmé sans problème que Jean-Pierre Elkabbach l'avait bien consulté sur cette embauche.  "Pas gêné le moins du monde", raconte Le Canard, le ministre a ajouté : "Bien sûr que je suis consulté. Je suis ça de près, ça fait partie du travail politique. (…) Si vous saviez! Il n'y a pas qu' Elkabbach qui fait cela…". Ca peut aider à gérer les crises et à s’assurer que vos propos seront bien repris.
Dormez tranquilles
et relisez la chronique de L’AUTRE QUOTIDIEN pour savoir ce que l’on ne vous dit pas…sur le futur de la grippe aviaire (1). Je vous donne ma parole que je n'ai pas été embauché par Sarkozy!
Au fait, les premiers malades du chikungunya ont été hospitalisés à Paris, et la circulaire du Préfet vers les maires, prévoyant le recensement des sépultures vacantes, des lieux de stockage des cercueils, n’est qu’une vue de l’esprit. TF 1 ne vous en a pas parlé!
Mais je déblogue…
(1) Enchainez les canards


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