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7 mars 2006 2 07 /03 /mars /2006 07:17

Désormais, en France, il faut se rendre à l’évidence, l’idéal n’existe plus. Il appartient aux espèces de pensées disparues que l’on ne peut retrouver que dans quelques bouquins poussiéreux, datant de la première moitié du siècle précédent. Il est porté en boutonnière par des « arriérés », qui placent encore au premier plan de leur vie, des principes dont on se demande s’ils ne sont pas obsolètes. Le temps du pragmatisme est arrivé. Plus question de se battre pour des idées, mais plus efficacement de se couler dans l’opinion dominante, afin d’en épouser les contours mous et flous. Elle suffit au bonheur des consciences, dans un contexte où, seul, le résultat compte.
Cette mutation sociale profonde représente un filon pour les démagogues de tous poils, tant à l’échelle nationale que locale. Il suffit de hurler des poncifs, des a priori, des sentences préfabriquées, pour devenir un philosophe. Quand, en plus, vous « bouffez du fonctionnaire » à tous les repas, que vous hurlez fort sur le gaspillage, supposé honteux, des deniers publics, vous devenez un tribun. Si vous vous érigez en chantre d'une réussite jaugée au compte en banque, au poids du 4x4 ou à la largeur de l’écran plat du salon, vous entrez dans le cénacle des élus potentiels. Opposez vous vigoureusement à toute initiative d’intérêt collectif, au nom du droit que vous avez gagné en acquérant celui de vous installer quelque part, et d’interdire aux autres d’y venir et vous gravissez un échelon supplémentaire. Le nec plus ultra restera cependant de taper sur l’immigré, sur le jeune, sur le voisin, et un peu, mais pas trop, sur les femmes.
Ne parlez plus de progrès collectif, de justice sociale, d’implication citoyenne, de bénévolat solidaire, d’égalité des chances, de liberté de pensée, de fraternité positive car vous serez très vite porteurs de l’étoile… rouge. Celle que la société fait porter aux femmes et aux hommes qui se fourvoient, qui sont dépassés, qui radotent. Bref ceux qui sont atteints d’une maladie honteuse : celle de la politique !

ECHECS REPETES DU POLITIQUE

Tout le monde s’étonne du manque de mobilisation citoyenne et se gausse des échecs des uns ou des autres. Il est de bon ton de ressasser que, toute action collective reposant sur le débat, ne sert à rien. Il est devenu extrêmement chic de se démarquer des militants dont on sait forcément qu’ils ont un petit cerveau et des idées forcément courtes. Il fait bon chercher des excuses à sa couardise en prétendant que le courage c’est de ne rien faire.
Il faut cependant avouer que cette perception de la vie sociale n’est pas spontanée. Elle s’est nourrie des échecs répétés du politique en général. Le paradoxe, c’est que sa croissance repose sur le désintérêt même de ceux qui contribuent à le discréditer.
Ainsi, jamais la droite n’a été aussi forte dans sa tête, et élections partielles après élections partielles, elle se fortifie, non pas parce qu’elle est majoritaire, mais tout simplement parce qu’elle profite de la très faible… mobilisation solidaire du camp d’en face. Dans le canton de Créon, dimanche, deux élections municipales partielles ont vu la large victoire des candidats les plus poujadistes qui soient. C’est révélateur, à une échelle, certes réduite, de la tendance actuelle, privilégiant le négatif au positif. On ne vote plus en France que contre quelqu’un ou quelque chose, et plus beaucoup pour une porteur d’idéal ou d'un projet. Nul ne songera à s’étonner de ce comportement, car les situations porteuses de ce principe se répètent, ancrant dans les esprits la nécessité de s’opposer, et plus de soutenir.

ETERNELLEMENT MINORITAIRE

Dans mon parcours personnel m’ayant conduit du PSU vers le PS, j’ai toujours été, durant 30 ans, un soutien motivé et fidèle de Michel Rocard, le seul homme politique depuis Mendés- France qui ait ouvert des pistes nouvelles, critiquées, combattues, vilipendées, mais que personne n’a remis en cause : RMI, C.S.G,, accords de Nouvelle Calédonie… J’ai assumé d’être minoritaire, éternellement minoritaire, et fier de l'avoir été et de l'être toujours. J’ai parfois eu la tentation de Venise et je l’ai encore.
Même si je ne me reconnais plus dans ses dérives « réalistes », actuelles et passées, je dois avouer qu’aux côtés de Rocard, j’ai appris que cet idéal qui meublait les discussions nocturnes du PSU, après l’échec de mai 68, pouvait se transformer en réalités de chaque jour. Rien ne me fera oublier ce chemin parcouru à la lumière de la bougie de l’espoir, car les autogestionnaires, dont je suis, ont été longtemps des zombies raillés. En partageant l’utopie, j’ai aimé l’avenir, même si je le savais très lointain, et parfois impossible à atteindre.
Nous sommes donc lentement passés à l’ère de la dualité : celle du pour et celle du contre, et non plus celle de l'idéal contre le pragmatisme. Tout a commencé quand, dans un élan du cœur unanime, que je ne partageais pas, on nous a appelé à voter Chirac… Surtout pas pour son programme, mais contre Adolf Le Pen. ! Le lendemain, Droopy se foutait pas mal de celles et ceux qui avaient débarrassé le pays de la peste noire.
La suite est arrivée avec le « cataplasme » du traité européen. La bataille a vite tourné, dans une simplification outrancière, entre les pro-européens qui avalaient les couleuvres au nom de l’efficacité, et les soit-disant anti-européens, qui couleraient le dogme au nom d’un nationalisme excessif.

ABOYER AVEC LES LOUPS

Dans les deux cas, beaucoup ont eu la douloureuse impression d’être « cocus ». Avec, en plus, la sensation dramatique, que leur vote avait été inutile, car ils n’avaient, en aucune manière, infléchi une politique ignorant leur volonté pourtant clairement affirmée.
En rejetant le Pen, ils ont offert un boulevard au Roquet de Neuilly, prompt à « aboyer » (voire hurler) avec les loups, et même à leur piquer leur manière d’affoler les campagnes. Ils tolèrent majoritairement que Sarko fasse ce qu’ils ont dénoncé en votant Droopy !

En semant leur souhait de voir naître une autre Europe, plus sociale et plus humaine, ils ont récolté les délocalisations par transferts des capitaux, prouvant ainsi que le profit était bien la seule motivation d’un texte au libéralisme outrancier. Ils ont conscience que leur opposition n’a servi à rien.
Comment donc croire dans les vertus de l’action, quand la « trahison » devient la règle ? Comment perdre une journée de salaire, en sachant pertinemment qu’il n’y a aucun espoir qu’elle revienne sous la forme d’une amélioration sociale ? Comment réagir, quand on a déjà beaucoup de peine à agir ? Comment soutenir le « politique », quand il se laisse submerger par le « médiatique », « l’économique », et exhibe son impuissance ? Comment garder confiance dans l’avenir quand chaque jour vous apporte un retour en arrière ?
L’idéal constituait la véritable richesse des plus pauvres, des prolétaires, des intellectuels. Ils vivaient en puisant, dans ce trésor collectif, leur motivation. En précarisant toujours plus les uns, en améliorant le sort des autres, et en les transformant en « propriétaires », la société a brûlé leur espoir par les deux bouts.
Mais je déblogue…

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commentaires

M
On a le gouvernement qu'on mérite ! <br /> je suis d'accord avec JML  : Les français ont ce qu'ils ont choisi par leur vote ...
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J
La légitimité du gouvernement actuel ne vient pas d'un vote anti-Le Pen mais des élections législatives qui ont suivi. Au vu de leurs résultats, les Français ne sont pas cocus, mais connaissent ce pour quoi ils ont MASSIVEMENT voté.Amitiés,jml
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Y
plus vous débloguez et plus je me blogue...chez vous!...<br /> vous réussisez à me rendre le sourire, c'est peu dire!
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E
En pleine forme notre Maire en ce moment !<br /> Très très bon !
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