Demain, Place de la République à Bordeaux, à partir de 11 heures, se rassembleront probablement les générations hostiles à la déréglementation galopante du système social français. Le gouvernement, probablement le plus à droite qu’ait eu la France depuis la quatrième version de celui de Pompidou avant mai 68, pratique la technique de la tricoteuse ayant effectué une erreur d’aiguille. Il tire sur le fil, et défait, à la va vite, tout ce qui constituait le corps central de l’ouvrage patiemment construit.
Sa chance, c’est que, comme plus personne ne s’intéresse véritablement à ce qui ne le concerne pas directement, chaque « détricotage » ne soulève jamais une inquiétude d’envergure.
On essaie donc, depuis des mois, de "libéraliser" au maximum à petits pas, en glissant dans un texte un alinéa, un amendement, ou en pondant une circulaire, noyée dans le verbiage habituel, mais qui, à l’arrivée, font des lendemains qui déchantent. En général le coup tordu se fait en fin de semaine, dans un hémicycle de l’Assemblée déserté par les Députés préoccupés d’aller inaugurer les chrysanthèmes. On parcellise ainsi les mécontentements et, plus encore, on veille en permanence, à Matignon, à ce qu’ils ne puissent pas se fédérer pour une action d’envergure.
Les attaques menées dans les domaines clés de la vie quotidienne (patrimoine public national, solidarité nationale, emploi, principe républicain de l’école laïque…), sans réveiller les consciences mal ou peu informées sur les conséquences de décisions apparemment techniques, des communes non consultées sur l’affectation des élèves concernés, sont autant de signes de la destruction de notre tradition républicaine.
L’absence réelle d’opposition solide et unifiée, favorise l’efficacité de ce qui ressemble à la tactique utilisée par les Horaces pour venir à bout des Curiaces. Fuir en avant, se retourner et prendre les poursuivants un par un, car ils sont trop efficaces groupés ! En fait les deux ennemis qui ont pris de court ce système, sont, pour le moment, le Chikungunya et le virus H5N1, car ils échappent au contrôle gouvernemental.
Le seul moment, au cours de cette législature où j’ai véritablement ressenti une véritable résistance, une véritable prise de position populaire forte, une authentique mobilisation, ce fut en faveur du NON au traité constitutionnel européen, mais ensuite? la résistance sociale s’est diluée dans les soucis quotidiens.
La dégradation sociale est globale et croissante, et ne concerne pas uniquement l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi. Elle touche aussi bien le niveau des rémunérations à cause de la baisse du pouvoir d’achat (1 € de 2005 valait en 2004 :1,018 € ; en 2003 :1,040 € ; en 2002 : 1,061 € soit une perte constante) ; le nombre des postes mis en recrutement (dans l’enseignement le nombre total des recrutements au niveau du CAPES s’élevait à 29.550 postes en 2005, soit 6.050 de plus, mais le niveau de 2006 est le plus bas depuis 2001) ; la braderie du patrimoine économique (privatisation de quasiment toutes les entreprises clés; (Pour EDF, AREVA, SNCF ce n’est qu’une question de temps) ; la nouvelle forme des délocalisations que sont les cessions et fusions d’entreprises (GDF et SUEZ) ; la précarisation généralisée (6 millions de personnes survivent avec les minima sociaux, 2 millions de personnes sont au chômage, 2,5 millions salariés sont en situation de pauvreté) ; l’accession problématique au logement (le septième rapport de la Fondation Abbé Pierre recense trois millions de personnes mal logées en France dont, 86 000 sans domicile, 200 000 personnes hébergées durablement en hôtel, en habitat de fortune ou par des parents et amis, un demi million de personnes vivant en habitat temporaire ou précaire et deux millions de personnes dans des logements dépourvus de confort sanitaire de base) ; la fin programmée du système public d’éducation (une circulaire conjointe Sarkozy-De Robien oblige les commues à financer l’école privée, sans aucun contrôle, tuant à terme la fréquentation des communales) Et tant d’autres décisions ponctuelles qui constituent un puzzle désastreux.
Ce n’est donc absolument pas une manifestation contre le C.P.E. qui devrait rassembler les salariés précarisés, les fonctionnaires inquiets, les étudiants sans avenir professionnel, les lycéens sans perspective, les retraités spoliés, les sans logis, les oubliés d’un système de santé inégalitaire, les viticulteurs acculés à la faillite, les volaillers en perdition… Tous devraient une nouvelle fois témoigner de leur mécontentement, en une époque où la Bourse de Paris a largué les amarres du profit, voguant pour le CAC 40 au-delà des 5 000 points et affichant une hausse 23,40 % en 2005. Quel travailleur salarié peut-il en dire autant ?
Pour moi, ce mardi 7 mars doit devenir purement, simplement, honnêtement, une manifestation contre l’ensemble de la politique gouvernementale. Il faudrait avoir le courage de redire NON, sans se soucier outre mesure des états d’âme des admiratrices de Tony Blair ou des admirateurs d’Angela Merkel !
Mais je déblogue…
Dessin emprunté à www.LCR.org