Pas question donc d'augmenter le smic ou de revenir sur le bouclier fiscal, la défiscalisation des heures supplémentaires et le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. « Une manière honorable de s'en sortir pour le chef de l'État serait de limiter les exonérations de charges sur les heures supplémentaires», propose Marcel Grignard, le numéro deux de la CFDT. « C'est impossible, répond un proche de Nicolas Sarkozy. Il ne veut pas qu'on parle de virage social qui passerait pour un reniement, plomberait sa présidence et permettrait à la gauche de dire qu'il a perdu du temps. » On a dans ces quelques phrases le contenu de la gouvernance présidentielle qui pèse sur le sort du pays au milieu de la crise. Plutôt couler avec le navire que de faire machine arrière toute : cette attitude s'avèrera suicidaire dans un pays en proie à une crise sans précédent. En fait, le Président va inventer encore une énième nouveauté qui fera un flop comme toutes les autres, lors de sa rencontre demain avec les syndicats. Il ne reconnaîtra surtout pas que toutes les précédentes réformes engagées sont totalement obsolètes dans le contexte présent ou se sont révélées des cauthères sur des jambes de bois.
Il continuera donc à affirmer que le bouclier fiscal a favorisé l'investissement, alors qu'il n'a fait qu'accentuer l'épargne nocive, en engloutissant les fonds ristournés dans des placements plus ou moins hasardeux. Il serait intéressant de savoir, par exemple, quelle part des remises effectuées ont été effectivement investies sur le territoire français.
En 2007 le nombre des bénéficiaires du bouclier fiscal est de 15.066 personnes, qui représentent moins de 0,04% des contribuables français. L'Etat leur a remboursé plus de 246 millions d'euros. Les 10% des Français les plus aisés en termes de revenus ont bénéficié de 83% des remboursements liés au bouclier fiscal.
La restitution moyenne s'élève à la bagatelle de 231 900 euros. Les restitutions offertes aux 671 ménages disposant d'un patrimoine supérieur à 15,5 millions d'euros, représentent 155,6 millions d'euros, soit 66% du coût total du bouclier en 2007. Si l'on ajoute les 2.242 Français qui disposent de revenus fiscaux supérieurs à 41.982 euros (...), le montant total des restitutions qui leur sont faites atteint près de 190 millions d'euros. Il faut aussi préciser que 27 contribuables disposant de plus de 15,53 millions d'euros de patrimoine déclarent un revenu fiscal de référence inférieur à 12.964 euros annuel, treize d'entre eux déclarant même moins de 3.753 euros annuels, soit moins qu'un Rmiste ! On attend avec impatience le bilan de 2008, car on nous dira combien de ces sommes astronomiques ont disparu chez Madoff !
SOUTENIR LA SPECULATION
La question des impôts payés par les couches de la population les moins aisées n'est pourtant en rien résolue, et elle ne le sera pas, puisqu'il est impossible que la Président reconnaisse une once d'erreur idéologique de jugement. Hors impôts indirects (comme la TVA), il s'agit principalement d'impôts forfaitaires, comme la redevance audiovisuelle ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, et des impôts locaux dont les bases de calcul - la valeur des biens immobiliers - datent des années 60... Pour eux, pas de bouclier et pas d'amélioration du pouvoir d'achat, sauf s'ils appartiennent à la première tranche de l'imposition sur le revenu, où ils peuvent espérer environ 10 euros maximum par mois d'exonération en 2009 !
La maîtrise de la communication est un élément essentiel des politiques publiques de baisse d'impôt. Officiellement, l'impôt sur la fortune n'est pas remis en cause. Comme souvent, on utilise un paravent - la veuve de l'île de Ré - au profit d'autres causes. C'est de la même façon que l'on utilise les intérêts des petits agriculteurs pour défendre ceux des grosses exploitations et on connaît l'issue de la politique dans ce domaine.
Lors de la présentation du texte, la ministre de l'économie a reconnu à l'Assemblée nationale la véritable portée du texte : "On entend souvent dire que cette mesure (le bouclier fiscal, ndlr) ne concernerait que la partie la plus riche de la population, mais n'est-ce pas celle qui fait tourner l'économie ?", a-t-elle déclaré. Il faut aider les plus riches parce qu'ils créent la valeur. Les salariés les moins qualifiés qui travaillent souvent dans les conditions les plus pénibles, pour les plus bas salaires, apprécieront d'apprendre leur faible apport à l'économie... Cherchez l'erreur. Qui a provoqué des ravages financiers, économiques et sociaux ? La partie la plus aisée de la population, ou bien les salariés qui sont censés apporter peu à la richesse nationale ?
Le décalage est considérable entre l'intérêt des mesures et les montants dépensés pour les mettre en œuvre. De la dette publique aux hôpitaux, aux commissariats, en passant par l'école, par la recherche, par les retraites, les besoins sont criants. Le coût de la modification du bouclier fiscal est par exemple équivalent à la franchise de soins (montant minimum non remboursé) qui porte sur l'ensemble des ménages, quels que soient leurs revenus. Par seul orgueil personnel présidentiel, il n'annoncera surtout pas que cette mesure inique, en période de crise aussi douloureuse socialement, pourrait être au minimum suspendue !
TROMPERIE SUR LES EFFETS SUP'
Il ne reviendra pas non plus sur la calamiteuse exonération des charges sur les heures supplémentaires. Le président socialiste de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, Didier Migaud, a déjà contesté le bilan gouvernemental du dispositif d'exonération des heures supplémentaires. Dans un communiqué, il affirmait que le nombre d'heures supplémentaires réalisées depuis le vote de la loi "travail, emploi, pouvoir d'achat" (Tepa) du 21 août 2007 « est sans commune mesure avec celui évoqué par le gouvernement" durant l'été 2007 et qu'il "ne progresse que faiblement ». Il estime que le nombre d'heures supplémentaires déclarées par l'ensemble des entreprises pour l'année 2008 « serait de l'ordre de 750 millions » alors que le gouvernement prévoyait un chiffre de l'ordre de... 900 millions.
En ce qui concerne le gain moyen pour les salariés, le président PS de la commission des Finances affirme qu'il ne serait pas de 150 euros par mois par foyer, soit 1800 euros par an, mais de 65 euros par mois, soit 780 euros sur l'année. En définitive, nul ne dit combien de personnes ont été embauchées à cause de cette mesure, maintenant inadaptée au contexte. Comment un patron va-t-il donner des heures supplémentaires à des salariés quand il n'a plus de chantier, plus de commandes, plus de marchés ? Incroyable que Nicolas Sarkozy, simplement pour ne pas reconnaître que ce fut une mesure sans aucune efficacité réelle, continue à priver les structures de solidarité de contributions dont elles ont absolument besoin pour panser les méfaits de la crise !
L'ACOSS (organisme de la Sécu qui fédère les URSSAF et collecte les données sur le sujet) a elle-même souligné qu'elle n'était pas en mesure, à partir des déclarations des entreprises, de chiffrer le nombre de salariés effectuant des heures sup. Quant à la hausse de 40 % du volume de celles-ci, le service statistique (DARES) du ministre du Travail, à l'origine du chiffre, a précisé qu'il pouvait, pour partie, ne pas correspondre à la réalité, mais refléter « une modification des comportements » des entreprises incitées, grâce aux avantages offerts par la loi TEPA, à déclarer des heures qu'elles omettaient simplement... de déclarer auparavant.
DES FACTURES INUTILES
En mettant à la charge des finances publiques, par le biais d'exonérations d'impôt et de cotisations sociales (en principe compensées par l'État à la Sécu, mais on sait très bien que ce ne sera pas le cas !), une hausse du pouvoir d'achat des salariés, le gouvernement encourage les patrons à s'exonérer de toute véritable revalorisation des salaires, et donc leur donne un argument pour refuser toute embauche. En rendant toujours plus avantageux le recours aux heures sup, l'UMP joue contre la création d'emplois : est-ce un hasard si, au deuxième trimestre 2008, avant même que la crise soit officialisée, tandis que le nombre d'heures sup augmentait, l'emploi commençait à reculer pour la première fois depuis cinq ans ? Enfin, la facture de ce dispositif (4 milliards d'euros) contribue à creuser le déficit de l'État et à fragiliser le financement de la Sécurité sociale. Mais pour rien au monde Nicolas Sarkozy ne suspendrait cette mesure car ce n'est pas à la hauteur de son personnage !
Il annonce, il y a quelques jours, sans sourciller, 200 000 places d'accueil de la petite enfance de plus... avec une facilité dérisoire, sans préciser que ce sont les collectivités locales qui payent les investissements (sans aide de l'Etat), et que pour le fonctionnement, ce seront les villes ou les communautés de communes qui pallieront ensuite le désengagement de la Caisse Nationale d'Allocations Familiales, plombée par une baisse de ses recettes due aux exonérations accordées chaque jour ou presque ! Il ne dira pas que ces décisions pénalisent fortement aussi l'Unedic, les caisses de retraites et les organismes sociaux de répartition solidaire comme le 1% logement ! Demain, face aux syndicats, il sortira une énième promesse de son chapeau, et il renverra les décisions, comme aux Antilles, aux calendes grecques, pour tenter de gagner du temps et éviter l'ouragan social qui se prépare. Tel un prestidigitateur, il renouvellera son tour de passe-passe... télévisuel !
Le président, qui sera entouré demain de son Premier ministre François Fillon et de plusieurs ministres, devrait répondre qu'il est hors de question de remettre en cause la politique de réformes et la relance par l'investissement. Dans ces conditions, les syndicalistes goûteront à une eau minérale élyséenne qui ressemblera à une potion amère. La seule certitude, c'est qu'il y aura demain un coup de poker menteur avec l'éternel principe de l'effet d'annonce. On a supprimé la taxe professionnelle sur le dos des collectivités territoriales... il se peut que, demain, Sarkozy parvienne à inverser sa véritable chute dans les sondages de popularité, en annonçant que bientôt on rasera gratis, sauf pour les fonctionnaires de tous poils barbus et de gauche qu'il faut continuer à ranger au rayon des espèces en voie de disparition ! C'est la priorité idéologique du moment.
Mais je déblogue...