30 mai 2006
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Il existe, en matière de communication, un principe voulant que l’on se construise son image à l’extérieur de son territoire et jamais véritablement sur les lieux de son action quotidienne. En effet, les femmes et les hommes qui vous observent aiment bien que les autres renvoient de l'estime pour celle ou celui que vous avez choisi. La confirmation de sa propre appréciation rassure et, en plus, offre l’avantage de rendre forcément plus intelligent.
Pendant très longtemps le général de Gaulle a utilisé cette manière de se rallier une opinion intérieure hésitante, en allant rechercher la " grandeur " loin des mesquineries de son pays. Il revenait réconforté, sur le sol français, à l’issue de périples marqués par des réceptions enthousiastes de peuples en extase devant son franc parler (" Vive le Québec Libre !) ou la grandeur de sa pensée. Il accomplissait de longues expéditions pour, à travers sa personne, faire acclamer la France, démontrant ainsi qu’il incarnait bel et bien une nation.
Mitterrand n’adorait pas ces bains de foule qui affolaient les services d’ordre gaullistes. Il préférait les actes symboliques : La main dans la main avec Helmut Kolh, le petit déjeuner à Prague avec Václav Havel en 89, le dialogue avec Mandela…ont notamment donné le sentiment qu’il était une référence à l’échelle planétaire. Le Pape lui-même, Jean Paul II a bâti toute sa stratégie médiatique sur ses nombreuses sorties du confetti " vaticanesque ", pour aller rechercher la gloire universelle sur tous les continents, et dans les contrées les plus isolées.
Sachant que le plus dur demeure d’être prophète en son pays, bien des hommes entrent dans l’Histoire en se rendant dans un ailleurs forcément plus reconnaissant.
Notre Droopy élyséen, certainement conseillé par sa fille favorite, a décidé de suivre ce chemin vers la rédemption médiatique exotique. Privé depuis des mois, en raison de son accident vasculaire cérébral, des excursions officielles qu’il affectionne, il a tenté, alors qu’il était en passe de sombrer dans les sables mouvants des affaires, d’aller reconquérir le terrain perdu au Brésil et au Chili. Ce ne sont pas des hasards que ces destinations, car elles portaient, en elles, les valeurs prometteuses du renouveau.
BENEFICIER DES RETOMBEES DU MIRACLE BRESILIEN
En s’affichant aux côtés de Lula, Droopy pensait certainement bénéficier des retombées du miracle " brésilien ". La décision de traverser l’Atlantique n’ a en effet été confirmée qu’il y a… deux mois. Luiz Inacio Lula da Silva, empêtré dans un scandale de corruption qui frappait sa formation politique, le Parti des Travailleurs, depuis mai 2005, avait besoin de se refaire une santé sur la scène internationale. Sa réélection, lors des prochaines présidentielles, s’éloignait dans une tourmente touchant tous ses proches.. Tout a changé : c'est au contraire le président français, à la suite de l'affaire " Courant clair ", qui espérait une bouffée d'oxygène de celui qu’il présente comme son " ami brésilien " ragaillardi. Le Brésil a oublié pour un temps ses problèmes politiques, et a respiré désormais au rythme des entraînements de son équipe nationale de football, avant le Mondial allemand.
Les critiques contre Lula n'ont certes pas disparu, car sa réputation d'honnêteté, patiemment construite pendant vingt ans, était menacée par son propre parti, coupable d'avoir financé de façon illégale ses campagnes électorales.
Contre toute attente, la corruption n'éclabousse pas le Président, car l'opinion publique estime, dans sa majorité, qu'il n'en est pas responsable.
Notre Droopy, à Brasilia, n’a tiré aucun profit de ce climat qu’il aimerait tant voir s’installer dans l’opinion française. En dépit des démonstrations d'affection dont il est coutumier, il a eu le désagrément, selon Libération, de s'exprimer devant le Congrès national du Brésil, déserté par une immense majorité de parlementaires. Un camouflet supplémentaire, qui n' a certes pas redonné un peu de baume au cœur de notre Droopy, à qui il était interdit de s’éloigner de la capitale en raison d’un risque de récidive de son AVC. Là où De Gaulle avait été accueilli par une foule luxuriante, il a traversé des artères vides et indifférentes. La France porte désormais le fardeau de ses turpitudes internes.
LE PALAIS MYTHIQUE DE LA MONEDA
En franchissant les Andes, Chirac pouvait espérer tirer un plus grand profit de son passage dans le palais mythique de La Moneda. Pour y être personnellement entré, je sais qu' il y règne en effet une émotion palpable. L’ombre de Salvador Allende, les bruits terribles d’une armée meurtrière envahissant les salles , la peur que peut représenter la fin d’une démocratie, victime de ses errements politiciens… peuplent l’esprit de celui qui traverse simplement les cours intérieures.
Tout, dans ce lieu, désormais occupé par une femme refusant compromission, laxisme, combines, corruption, plaide en faveur d’une vision nouvelle de la vie politique. Rencontrer Michelle Bachelet aurait pu, sur ces bases, selon tous ses conseillers en communication, constituer un véritable bain de jouvence. Une autre que lui avait bien puisé, en début d’année, à Santiago, une grande partie de sa tactique mûrement analysée et copiée, pour faire passer l’image avant l’idéal. Une méthode qui aurait dû aller comme un gant à Droopy, en quête d’un bol d’oxygène.
Or, à Santiago, en plein palais de la Moneda, où Salvador Allende trouva la mort il y aura 33 ans, un 11 septembre tragique de 1973, il a subi, vendredi soir, l'humiliation de devoir répondre à une question comparant la France à une "république bananière", à propos de l'amnistie de Guy Drut .
Insupportable pour lui et son entourage, ce " parasitage " a contribué à rendre quasi inefficace sa rencontre avec la nouvelle présidente chilienne, Michelle Bachelet… et a relégué sa visite au rang de voyage d’adieux convenus.
Don Chirac", comme l'a baptisé le maire de Santiago, a vérifié que le compte à rebours de sa carrière a bel et bien commencé. Discrédité en France par une succession de crises politiques, Chirac avait choisi deux pays hautement symbolique du Nouveau Monde pour se refaire une santé. Il semble, selon les informations que j’ai reçues du Chili, que son voyage n'ait été pavé que de bonnes intentions avortées. Michelle Bachelet, méfiante, et surtout soucieuse de ne pas perdre son aura de femme intègre et intransigeante avec la morale en politique, n'ait fait que le strict minimum diplomatique.
PRIS DANS UN PIEGE
En fait, Droopy ressemble de plus en plus à ces animaux pris dans un piège et qui cherchent vainement une sortie. Il se heurte au mur de verre ou au grillage des réalités. Il a espéré, l’espace de quelques jours, échapper aux parois qui se rapprochent inexorablement. Son retour s'annonce décisif après ce double échec lointain.
Il doit, en effet, difficilement digérer le premier anniversaire de la claque du Non au traité constitutionnel européen, dont Jacques Julliard, chantre du Nouvel Obs, avoue maintenant : " Je crois que, pendant des années, on ne fera pas avancer l'idée de Constitution. D'ailleurs, ça n'était pas forcément une bonne idée. C'était flatteur et ça rappelait les grands précédents, comme la révolution française ou la révolution américaine (…). Je pense que l'on a eu tort de choisir l'idée de Constitution. Je suivrais plus volontiers l'idée de Rocard qui parlait plutôt de règlement intérieur ". Tiens donc, le Nouvel Obs fait machine arrière. Alors Chirac...
Il attendra surtout, avec angoisse, mercredi. Pas pour le conseil des Ministres, face à un Sarkozy triomphant, mais par crainte de lire dans le Parisien les meilleurs extraits de l’audition par la police du "corbeau" Jean-Louis Gergorin... et surtout à cause de la sortie au cinéma d'un film à charge, signé Karl Zéro, retraçant sa carrière politique : " Dans la peau de Jacques Chirac ".
On sera loin, très loin, de la conquête de l’Amérique. Cela ressemblera plutôt à la traversée de l’Atlantique à la rame ! Avec un avantage : le port n’est plus très éloigné.
Mais je déblogue…