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23 juin 2006 5 23 /06 /juin /2006 00:17
Le système éducatif demeure le révélateur instantané le plus fiable de la société. Comme le pêcheur qui appâte pour améliorer ses prises, il suffit en effet d’observer paisiblement le fonctionnement des écoles pour savoir ce que sera le monde quotidien de demain. Et ce n’est ni dénigrer, ni cracher dans une soupe dont on s’est nourri, ni sombrer dans la facilité, qu’écrire qu’elles ne sont que l’image fidèle de comportements dont on ne mesure pas assez les conséquences à moyen terme. L’exemple le plus " frappant " devient, au fil des mois, celui de la montée de la violence. Les statistiques, pourtant très filtrées et limitées, mettent en évidence un phénomène dont les contours restent bien imprécis. La seule certitude repose sur un accroissement considérable de faits délictueux ou d'incivilités durant l’année qui s’achève. L’absence totale de repères pour certains élèves se traduit par des comportements qui " déstabilisent " les responsables, en difficulté face à des attitudes incompréhensibles pour eux.
Par ailleurs, il faut bien constater que toutes les initiatives prises pour renforcer la citoyenneté positive ne survivent pas très longtemps. Elles ne passent pas par des sanctions, des reproches, des mises à l’écart mais plus efficacement par la mise en valeur des actes valorisants. Le système éducatif a renoncé depuis belle lurette à mettre en avant les comportements de qualité, pour consacrer ses efforts de communication sur sa lutte contre l’échec sous toutes ses formes. L'école est vécue comme celle des échecs, pas comme celle de la réussite. Cette dernière devient anormale dans un contexte propice à la médiatisation des faits les plus inquiétants.
D’ailleurs, rares, très rares sont les établissements qui accordent encore la " vedette " à celles et ceux dont le comportement (volontairement, je ne mets pas en évidence les résultats) peut être qualifié au minimum de normal. La note de " conduite " n’a plus aucun partisan, et les actes concrets de citoyenneté n’ont aucune influence sur les résultats globaux de l’adolescent(e) qui s’applique à les respecter ou les développer. Comment leur demander d'être des citoyennes et des citoyens responsables, lucides, convaincus quand, à aucun moment, on ne leur fournit d'exemple de ce que cette attitude peut apporter.
HONTE DE RESTAURER CES CEREMONIES
Même si je fais " vieux con ", je dois reconnaître que recevoir un prix cantonal du certificat d’études, constituait un moment fort de la vie d’un jeune jusqu’à la fin des années 50. Obtenir des félicitations publiques n’a jamais " tué " un(e) collégien(ne)… Tout le monde a honte de restaurer ces cérémonies au prétexte que l’on n’a pas besoin de parler de ce qui va bien, mais de discourir à longueur de réunions de ce qui va mal ou est réputé aller mal ! Toute tentative allant dans ce sens devient suspecte ou ringarde... Et pourtant !
Durant cette année scolaire nous avons tenté, à Créon, une expérience en réaction à cette vision " négative " des comportements des enfants. En effet, j’étais lassé d’intervenir, hors temps scolaire, uniquement pour sanctionner quelques-uns d’entre eux, impliqués dans des actes d’incivilité leur conférant souvent le statut de vedette. La plupart du temps, considérés comme des  "rois " dans leur milieu familial, soit par "conviction", soit par "renoncement", ces rejetons se moquent totalement des décisions prises à leur encontre. Ils savent, par expérience, que la notoriété ne s’acquiert pas autrement que par le défi à l’autorité, mais surtout pas par l’exemple.
Nous avons donc édité des carnets de vie " jeune et citoyen créonnais " pour les élèves des Cours Moyen de l’école publique. Ces livrets leur ont été donnés en début d’année scolaire, avec comme seul objectif simple de les restituer en juin. Hier soir, je recevais en mairie, non pas les " vainqueurs " de cette opération, mais tout simplement celles et ceux qui étaient allés jusqu’au bout de la démarche. Ils ont reçu des dictionnaires ou un livre sur la République, en présence de leurs parents. Et je pense qu’ils n’en ont pas été traumatisés !
QUATRE VOLETS DU QUOTIDIEN
Leur engagement reposait sur quatre volets du quotidien : comportement dans l’école, respect de la planète, participation à la vie sociale, actes concrets de solidarité. Quatre cases par secteur et un seul geste à accomplir : recueillir une preuve (tampon, signature) de la réalisation de l’un de ces volets. Dans l’école, le respect du personnel adulte de service, la participation à la coopérative, l’adhésion aux projets collectifs…étaient pris en compte. Pour le respect de la planète, il fallait s’engager avec ses parents sur le tri sélectif, sur les économies d’eau et d’électricité…Dans le domaine de la vie sociale, les adhésions à un club sportif, à une association, suffisaient à démontrer son envie de vivre sa ville. Enfin, une visite effectuée à une personne âgée, une réponse à une collecte, répondaient aux critères d’une solidarité consciente.
Soutenue par des ateliers durant l’interclasse, cette idée s’est heurtée à une forte indifférence, car non conforme aux principes du permis à points. Donner du corps à la citoyenneté pour ignorer les incivilités ne correspond pas à la vision actuelle des familles, plus volontiers répressive pour les enfants des autres que valorisante pour sa propre progéniture.  Seulement une dizaine des soixante gamins concernés a réussi à ne pas égarer son carnet…
MAL PERCUE PAR LES PARTENAIRES
Il faut ajouter qu’après une rapide enquête, l’initiative a d’abord été mal perçue par tous les partenaires. Ils ont perdu depuis longtemps le sens du " positif " et plus encore, ils n’en voient pas l’intérêt, car tout se fait désormais par intérêt. Aucun concours, aucune retombée matérielle potentielle, aucune amélioration du sacro-saint savoir… expliquent cette désaffection des élèves. Les livrets n’ayant pas de valeur " marchande ", mais relevant du symbole " moral ", il a été enseveli par l’indifférence.
C’est vrai qu’il est difficile de convaincre son enfant de respecter la planète, quand à la maison, on ne trie pas les déchets, que l’on arrose la pelouse à tout va et que l’on dispose d’une éclairage permanent dans son jardin.
Nous avons justement voulu démontrer que la citoyenneté ne s’apprenait pas qu’à l’école et de manière théorique, qu’elle reposait, en revanche, sur des actes considérés comme simples mais qui cumulés devenaient tellement précieux. Probablement avons nous été trop ambitieux ! Je suis pourtant persuadé que la méthode à un avenir et qu’elle peut lentement inverser une tendance, pour peu que l’on ne renonce pas à l’appliquer.
Durant l’année scolaire qui s’achève, aucun problème particulier d’incivilité n’a été signalé dans les temps périscolaires et n’a nécessité mon intervention…C’est un signe encourageant pour ce projet. Il faudra en convaincre les enseignants concernés (mais ce sera facile) et plus encore les parents, pour qu’ils aient conscience que l’école ne parviendra jamais à pallier toutes les défaillances répétées d’une éducation approximative. Le carnet de vie " jeune et citoyen créonnais " constituera un outil inédit pour les aider à provoquer une réaction positive de leur progéniture. Un mince espoir en une période où, plus on hurle avec les loups, plus on sanctionne, plus on réprime plus on devient estimable et populaire. Mon idée de carnet ne fera pas de vieux os, comme tout ce qui repose sur l'éducation, la prévention.
Mais je déblogue…
 
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commentaires

J
J'oubliais : sur mon blog, je parle, en résonnance avec Jean Daumont, un autre blogueur, de l'Anpe et de son devenir. Tous vos lecteurs que ça intéresse sont invités à participer sur les DEUX blogs, de préférence.L'ancien journaliste que vous êtes est bien entendu invité à partager son réel talent de "billetiste". Le Maire de Créon doit bien avoir des choses à raconter sur le chômage dans sa commune, dans le canton, dans la circonscription (politique, mais aussi "d'action sociale") ... 
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J
Je crois vraiment que vous êtes, parfois, dans le rêve. Pourtant, vous êtes bel et bien investi d'une responsabilité concrète : être le Maire d'une commune.Quand j'étais plus jeune, j'étais un idéaliste, un rêveur. Je croyais à des tas de choses. Aux lendemains qui chantent, par exemple ... Je suis devenu réaliste. Les sociétés humaines ne bougent que lentement, très lentement. C'est précisément le rôle des "politiques" que de défricher tout en gardant le contact.C'est un certain Vladimir Ilitch Oulianov qui disait : "Il faut être UN pas devant les "masses"! Pas DEUX pas! Deux pas, c'est trop ...C'était qui, déjà, Oulianov? Ah, oui!  LENINE! Drôle de référence, n'est-il pas? On peut quand même admettre, sans trop se mouiller, qu'il n'a pas dit ni fait QUE DES CONNERIES ... Comme tout un chacun, il devait bien, de temps à autre, être traversé par des fulgurances de lucidité.Etait-il dans cet état second quand il a dit "Il faut être un pas devant les masses"? Je crois que oui! Je me demande parfois si un demi-pas ne suffit pas ...
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C
tu ne seras pas surpris, Jean-Marie, j'ai le même sentiment que toi !<br /> Ce moment convivial aurait dû rassembler grand nombre d'enfants : je suis sûre qu'ils y auraient pris plaisir, comme y ont pris plaisir ceux qui ont eu la chance d'y participer !!!<br /> Il est plus facile d'être exigeant pour son voisin que pour soi-même... la critique est aisée, la participation citoyenne active demeure un exercice trop contraignant !!! Revendiquer des "j'ai droit à..." OUI ! De là à imaginer qu'on puisse nous demander un engagement, des responsabilités,... des devoirs (!!!!!!!!) AÏE !!!!! Non, trop dur !!!<br /> faut qu'on arrête de débloguer !!!!<br /> biz 
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M
Je trouve essentielles les idées que tudéveloppes dans ton article et ce livret citoyen est une excellente idée.
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