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26 juin 2006 1 26 /06 /juin /2006 00:57
Samedi prochain prendra fin le "sursis" accordé par Nicolas Sarkozy aux jeunes sans-papiers scolarisés et à leurs familles, pour quitter la France. L’ouverture de la chasse " officielle " sera ensuite prononcée. En amont de cette date, le Réseau éducation sans frontières (RESF) a multiplié les parrainages, partout dans le pays, pour tenter de les protéger d'une expulsion ou même les "cacher".
Drôle de situation, où va débuter une immense partie de cache-cache cruel. Les opposants à cette opération organiseront même une cérémonie d'ouverture de la " chasse à l'enfant " à Paris, afin de montrer concrètement ce qui va arriver. On ajoutera aussi un titre au Ministre de l'Intérieur en le nommant "ministre de la chasse à l'enfant", car notre société s'est davantage mobilisée pour protéger les tourterelles que pour ces gosses-là. Un minstère a donc son utilité !
A Marseille, des adultes sans papiers et leurs enfants, ont été "parrainés" dans les mairies des 15e et 16e arrondissements, alors qu'un étudiant tunisien, Fathi Toualbi, étudiant en DEA de météorologie à la faculté d'Aix-en-Provence, a été "expulsé par bateau, à destination de la Tunisie".
"Il devait pouvoir finir son diplôme pour s'inscrire en thèse, et on n'a pas voulu lui laisser le temps de finir les examens qui lui manquaient, alors que la faculté avait informé la préfecture que c'était réalisable", a fait savoir Florimond Guimard, un des animateurs de RESF à Marseille. "La préfecture , dans ce bras de fer, a vraissemblablement voulu aller coûte que coûte jusqu'au bout, mais dans quel intérêt ? C'est inexplicable et c'est un scandale". Bien évidemment, les adultes vont vite apparaître dans la ligne de mire.
A Strasbourg, un "pique-nique de la solidarité" a réuni les parents d'élèves d'une maternelle de Strasbourg, venus soutenir une écolière... de cinq ans, risquant, avec sa famille guinéenne, une expulsion du territoire français. La mère, Fatouma Diakité, arrivée en France en septembre 2000, a fait depuis cinq demandes de régularisation au titre de l'asile politique, puis à titre exceptionnel et humanitaire. Sans papiers ni travail, elle vit avec une autre famille dans un studio, en attendant une décision de la préfecture. Ce sont les deux exemples du week-end, mais ils seront probablement suivis de bien d’autres… Dans tous le pays on va traquer, repérer et mettre le plus vite possible sous le contrôle de la police ces familles qui ont pris la France pour une terre d’asile
LE COMMENCEMENT D'UN CALVAIRE
" Pour des milliers d’enfants et de jeunes majeurs, le 30 juin 2006 ne marquera pas le début des vacances d’été, mais bien le commencement d’un calvaire. En effet, cette date n’a pas été choisie par hasard, car le sursis que M. Sarkozy a été obligé d'accorder aux jeunes majeurs sans papiers scolarisés et aux parents d’enfants scolarisés, tombera au moment où les mobilisations des écoles, des collèges et des lycées faiblira par l’éparpillement des enseignants et des parents. En guise de vacances, des milliers de jeunes et d’enfants joueront aux fugitifs, en vrai, avec ou sans leurs parents, guettant les bruits de pas à l’heure du laitier, tremblant à la vue d’un uniforme et vivant dans la hantise de perdre à jamais leur école, leurs enseignants, leurs copains.
S’ils sont arrêtés, le grand jeu de leur été sera un petit rôle dans un film policier sordide : l’interpellation, seul ou en famille, les parents rudoyés, 48 heures de garde à vue dans une cellule de commissariat puis deux ou quatre semaines en rétention, crasse, bruit, violence et promiscuité assurés, et, pour finir, un aller simple vers un pays qu’ils ne connaissent pas ou plus, dont certains ne parlent pas (ou plus) la langue, papa et maman menottés, entravés comme des bêtes et attachés à leurs sièges.
A l’arrivée, ce sera, pour la plupart, l’extrême misère : pas de logement ou le bidonville, pas de travail et pas d’espoir d’en trouver. Des persécutions, parfois les plus atroces, contre ceux que la France a débouté du droit d’asile. Ils paieront pour les raisons pour lesquelles ils avaient fui, et certains pour avoir dénoncé leurs tortionnaires à l’étranger. Pour les enfants, pas d’école, dans des pays où la scolarisation est un luxe. C’est ce gâchis qui se cache derrière les chiffres records d’expulsions, annoncés avec satisfaction par le ministre de l’Intérieur : des milliers de vies propulsées dans l’indigence et parfois achevées sous la torture ! " (1)
 
ATTEINDRE DES QUOTAS
L’augmentation réitérée de la pression sur les services préfectoraux et policiers pour atteindre les quotas d’expulsions assignés par Sarkozy, provoque des dérives inéluctables. En particulier, nous assistons à une détérioration sans précédent des gardes-fous démocratiques censés protéger toutes les personnes vivant dans ce pays : français, étrangers avec ou sans papiers. Les barrières morales fondamentales semblent avoir sauté, y compris la protection sacrée des enfants : mise en rétention de mineurs - parfois même de nourrissons -, traque policière d’adolescents, interpellations dans les établissements scolaires et les centres de vacances... Ces faits sont d’une extrême gravité. L’essentiel, c’est que fin 2006, le Roquet de Neuilly puisse obtenir un tableau de "chasse à l’enfant" significatif. Il sera décoré sur le front par ses pairs, car on sait bien que tous les exploits méritent un hommage de la part de l’Etat. Vous savez, dans le domaine de la chasse, chacun compte ses exploits et ses cartons. Il en aura à mettre en valeur. Vous pouvez être certains que les télés suivront, en caméra cachée, quelques rafles significatives, pour que le Peuple en ait pour son argent. Les vacances sont sacrées, et donc, sur la plage, on oubliera vite ces expulsions d'une autre époque.
UN POEME COMME ARME
J’aime beaucoup un poème de Jacques Prévert, que tous les professeurs ayant encore un brin de motivation en faveur des textes à apprendre par cœur, devraient présenter avant le départ en vacances de leurs élèves. Un acte citoyen, un geste symbolique, une décision totalement laïque , une manière habile de former des esprits critiques, sans enfreindre la nécessaire neutralité. Je serais tellement heureux si cette consigne simple était donnée : apprenez leur " la chasse à l’enfant ", pour dénoncer les décisions du Roquet de Neuilly sur les " sans papiers ".
Dans les faits, notre " homme " de l’immigration choisie a engagé la politique de l’expulsion choisie. Alors, enfants de France, récitez (je sais, ce n’est plus à la mode) ce texte qui résume parfaitement ce qui va se passer dans quelques jours au nom de la République française, au nom de la liberté, le l’égalité et plus encore de la fraternité. Dans vos concerts, dans vos spectacles de fin d’année scolaire, dédiez à vos parents, à vos copains, à vos maîtres, ces lignes. Copiez ceci, adaptez-le, illustrez-le, et adressez-le à votre Maire, au Préfet, au "Ministre de la chasse à l'enfant" :
      Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !   
      Au-dessus de l'île on voit des oiseaux
      Tout autour de l'île il y a de l'eau
      Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
      Qu'est-ce que c'est que ces hurlements
      Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan !
      C'est la meute des honnêtes gens
      Qui fait la chasse à l'enfant (…)
      Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
      Maintenant il s'est sauvé
      Et comme une bête traquée
      Il galope dans la nuit
      Et tous galopent après lui
      Bandit! Voyou ! Voleur ! Chenapan !
      C'est la meute des honnêtes gens
      Qui fait la chasse à l'enfant
      Pour chasser l'enfant, pas besoin de permis
      Tous le braves gens s'y sont mis (…)
Ne vous forcez pas à tout apprendre, mais gardez l'essentiel. Contant l’histoire d’une enfant qui s’enfuit d’une maison de redressement (pas encore militaire mais ça ne saurait tarder), quittant à la nage une île, il illustre l'angoisse de la poursuite injuste. Les familles d' immigrés que l’on n'a pas su empêcher de s’installer sur notre territoire sont, elles aussi, dans une sorte de bagne du silence. Elle ne peuvent que vivre dans la clandestinité, dans la peur permanente, enfermées dans l’angoisse de perdre leur espoir de constuire autrement leur avenir.
Notre incapacité à faire respecter les frontières européennes (l’élargissement a conforté cette carence) constitue la première faille d’un système purement théorique. Concrètement, il prend l’eau de tous les côtés, car aucun état n’a les moyens financiers et humains de rendre étanche son espace.
" Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! ". Si vous entendez ce cri " silencieux " dans les rues des villes ou dans quelques villages, sachez que je suis disponible pour l’étouffer avec tous les parrainages républicains qui paraîtraient utiles…
Et je vous promets que je déclamerai le poème de Prévert comme un hymne à la fraternité.
(1) extraits de la pétition de Resf à signer d'urgence sur www.educationsansfrontieres.org
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