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4 juin 2009 4 04 /06 /juin /2009 07:17
Les notes de frais, voici la pire bombe à retardement des Travaillistes britanniques. Elles explosent chaque jour à la figure de tout le monde politique britannique, laminant Gordon Brown déjà au plus bas dans les sondages. Ces remboursements non plafonnés, et qui ressemblent à des listes à la Prévert, constitueront un poison mortel pour la démocratie à l'anglaise qui donnait, vue de loin, une impression de fiabilité supérieure à celles des autres pays européens. En fait, le vent de libéralisme qui a soufflé sur les terres de sa gracieuse majesté a contaminé toutes les couches de la société : plus de contrôles, plus de comptes à rendre, et l'affaire est dans le sac. On en arrive à la perversion intégrale de tous les rouages d'un Etat, livré à tous les vautours qui en exploitent les moindres défaillances. C'est la leçon qu'il faudrait tirer de ces péripéties, exploitées médiatiquement avec une opiniâtreté exemplaire par la presse d'Outre Manche. Un quatrième ministre britannique a ainsi annoncé hier son départ prochain, accentuant la crise au sein du gouvernement de Gordon Brown à la veille d'élections européennes et locales qui pourraient infliger un revers historique au Labour et redonner de la voix aux « rebelles ».
La ministre britannique des Communautés et des Collectivités locales, Hazel Blears, mise en cause dans le scandale des notes de frais qui a atteint le gouvernement de plein fouet, a expliqué qu'elle abandonnait son portefeuille, pour mieux se consacrer à son mandat de député. « J'ai annoncé aujourd'hui au Premier ministre que je démissionnais du gouvernement », a indiqué Mme Blears dans un communiqué, publié peu avant les questions hebdomadaires aux Communes, lors desquelles l'opposition a sommé le Premier ministre de s'expliquer sur les départs en cascade de ses collaborateurs. La ministre de l'Intérieur Jacqui Smith a confirmé implicitement hier, sur la chaîne Sky News, qu'elle quitterait elle aussi le gouvernement à l'occasion d'un prochain remaniement, qui pourrait intervenir dès vendredi, selon la presse.

LES RATS S'EN VONT
Deux autres ministres ont indiqué aux médias qu'ils étaient aussi sur le départ. C'est une véritable hécatombe... Le ministre des Finances, Alistair Darling, devrait également quitter son ministère, toujours selon la presse, après avoir, lui aussi, été éclaboussé par le scandale des notes de frais.
« Le gouvernement s'écroule devant nos yeux. Pourquoi (le Premier ministre) n'utilise-t-il pas l'autorité qu'il lui reste pour se rendre au palais (pour une entrevue avec la reine ndlr), demander une dissolution et convoquer des élections », a demandé le leader de l'opposition conservatrice David Cameron, au cours des questions hebdomadaires au Premier ministre. Nick Clegg, le leader des libéraux-démocrates, troisième parti britannique, a décrit la situation comme « une débâcle complète », soulignant que le « Labour était fini ».
« Les rats quittent le navire », titre le Daily Mail. « Les ministres sautent du bateau », ajoute le Financial Times. « Il est temps de se débarrasser » de Gordon Brown, conclut le Guardian, pourtant traditionnellement proche du Labour. A en croire la presse, le Premier ministre ferait face à une nouvelle rébellion de députés de son parti. Selon le Guardian, une pétition appelant à son départ a déjà recueilli cinquante signatures auprès d'élus travaillistes. Les rebelles comptent atteindre la barre des 70 députés, nécessaire pour déclencher une nouvelle nomination au sein du Labour.
Si des députés de tous bords ont été mis en cause par les révélations du Daily Telegraph sur les défraiements abusifs des députés et ministres, les sondages montrent que c'est le Labour qui en souffre le plus. Un large remaniement du gouvernement travailliste est attendu après la probable déroute du Labour aux élections européennes et locales, qui auront lieu jeudi au Royaume-Uni. En France, il faudra attendre quelques jours (probablement mercredi prochain), mais chez nous, ce ne sera pas pour un problème de notes de frais !

PAYES PAR LES AUTRES
Le Premier ministre, François Fillon, a « maquillé » ses dépenses officielles afin de les rendre en apparence moindres, affirme Le Canard enchaîné d' hier. « Obnubilé par la nécessité de montrer l'exemple (...), pour mieux jouer les vertueux, François Fillon joue avec les chiffres », affirme Le Canard, qui assure que le Premier ministre « préfère, comme ses prédécesseurs, laisser à d'autres le soin de régler les salaires de son équipe ». Pas moins de 40 des 62 membres de son cabinet étaient payées non pas par Matignon, au 1er janvier 2008, mais par le Conseil d'Etat, le Sénat ou d'autres administrations. Et 185 des 416 personnes du ministère sont payées par d'autres organismes, selon une réponse officielle des services du Premier ministre au député socialiste René Dosière, citée par le Canard. Mais chez nous, c'est normal et c'est une tradition. Les Ministres mélangent durant les campagnes électorales leur fonction et leur candidature, sans que la presse s'en émeuve.
La réponse au député socialiste stipule que le Premier ministre « bénéficie pour ses déplacements aériens des moyens (...) du ministère de la Défense. Il n'y a pas eu facturation ». Facture qui, selon le Canard toujours, aurait du dépasser « allègrement le million par an ». On a vu, par exemple, le « collaborateur » du Chef de l'Etat débarquer d'un coup d'aile sur le bassin d'Arcachon pour soutenir l'ami de vacances du président aux élections législatives. Bien évidemment, il sera difficile de vérifier si une... note de frais a été établie pour ce déplacement, comme pour beaucoup d'autres. C'est exactement le même cas quand Nicolas Sarkozy se rend en province pour un effet d'annonce décentralisé et... pour faire un coucou aux militants de l'UMP réunis pour la circonstance. Qui paye la note de frais ? Quand les Parlementaires UMP vont assister à une pince-fesses de motivation à l'Elysée, qui règle le traiteur ? Où est la note de frais ? La démocratie française ne se pose pas ce genre de questions mais il est vrai que les médias nationaux ne se préoccupent pas trop de ces réalités.
Cette réponse à René Dosière permet également d'apprendre que François Fillon a fait agrandir son logement de fonction pour lui permettre d'accueillir sa famille. Il est ainsi passé de 78,40 m² à quelque 309,72m2. Une réalité dont le Premier ministre « répugne à parler », indique l'hebdomadaire satirique, « tant il n'a de cesse de se montrer simple, modeste et économe ». Mais là non plus, personne ne posera la question de savoir qui a payé la note de frais, et plus encore, si le successeur s'installera dans ce même appartement. Et on est encore loin des dépenses présidentielles !

LIBERTE COÛTEUSE
La réaction de Gordon Brown a été véritablement... socialiste, mais elle n'est pas applicable chez nous, car le libéralisme bon teint à une véritable base électorale. Il a déclaré, le dimanche 31 mai, que des réformes constitutionnelles auraient lieu. Un projet de loi devrait retirer le droit octroyé aux parlementaires de fixer leurs propres rétributions. Une commission indépendante de supervision du Parlement devrait être créée pour surveiller les parlementaires et toutes les demandes de remboursement faites depuis quatre ans seront scrupuleusement étudiées. En fait il vient de réaliser que la libéralisation outrancière pervertissait absolument tous les systèmes.
D'ailleurs, dans le domaine de la finance, dans celui de l'économie ou dans le secteur social, les règles, les contrôles, les justificatifs, les codes n'ont jamais été inutiles dans les périodes difficiles.
Les Britanniques ont dernièrement été scandalisés par les remboursements faits en matière de prêts immobiliers, d'entretien de résidences secondaires, voire de location de vidéos pornographiques... D'autant plus qu'une grande majorité de la population a été sévèrement touchée par la récession. Les révélations quasi-quotidiennes dans la presse, depuis trois semaines, se sont transformées en l'une des plus importantes crises politiques de ces dernières années.
Gordon Brown s'est exprimé lors de l'émission "Andrew Marr show" sur BBC1 : « Il n'y aura plus d'autorégulation au sein du club de gentlemen, de cette société fermée. C'est de la politique du XIXe siècle. Nous avons besoin d'une démocratie ouverte, transparente ». Il s'est également dit « choqué » par le scandale : « Les gens veulent savoir où va l'argent du contribuable, si les bonnes décisions sont prises ».
Le scandale avait déjà provoqué la démission de Michael Martin, le président travailliste de la Chambre des Communes, le 19 mai. L'objectif était de maintenir l'unité de la chambre basse du Parlement. Il démissionnera aussi, en outre, de son mandat de député dans la circonscription travailliste de Glasgow Nord-Est. Par ailleurs, 12 députés ont annoncé qu'ils ne brigueraient pas un nouveau mandat lors des élections de 2010.
L'affaire a mis à mal le Labour. Selon un sondage ICM publié dimanche dans le Sunday Telegraph, si des élections législatives imminentes avaient lieu, le parti n'arriverait qu'en troisième position. 40% des Britanniques voteraient pour les conservateurs, et 25% pour les libéraux-démocrates. Chez nous, l'UMP arrivera en tête sur tout le territoire (sauf la Bretagne), dimanche soir. Comme quoi il ne faut pas s'inquiéter : tous les frais ne donnent pas de mauvaises notes !
Mais je déblogue...

 

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