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9 août 2006 3 09 /08 /août /2006 07:17
Le mois d’août est celui de tous les dangers. Mieux vaut être extrêmement prudent, car la menace est partout. On meurt sur les plages ou dans les piscines, dans les canyons ou sur les sommets, de la canicule ou du froid, dans les parcs d'attraction ou sur les chemins isolés. Si l’on effectuait une statistique détaillée, hors événements exceptionnels, il est certain que le cumul des imprudences doit surpasser tout ce qui se produit durant n’importe quel autre mois. Pour peu qu’une catastrophe surgisse, le total explose. La fameuse décontraction des vacances, la volonté rampante de transgresser les interdits au nom de la liberté estivale, l’éloignement des repères habituels trop tristes, le besoin d’émotions fortes ou d’exploits racontables au retour font que, désormais, le coût social induit du mois d’août devient exorbitant. La mise en place de systèmes de secours constitue une énorme charge pour les finances publiques : surveillance des forêts, surveillance des plages, secours en mer, secours en montagne, renforcement de la présence policière sur certaines zones au détriment des autres, se cumulent pour pallier l’irresponsabilité aoûtienne généralisée.
Ce constat, qui affole globalement des responsables, ne passionne pas forcément les contribuables, pourtant parfois si prompts à réclamer des économies drastiques sur des sujets beaucoup moins importants. Tous les appels à la prudence, les campagnes de prévention, ne touchent en définitive que celles et ceux qui prêtent déjà une oreille attentive à ce type de remarques.

NOYADES, CHUTES, NAUFRAGES
Les noyades constituent par exemple un problème important de santé publique en France. Plus d’un millier de noyades, suivies d’une hospitalisation ou d’un décès, ont été recensées au cours des étés 2003 et 2004, dont environ 400 décès. Chez les enfants de 1 à 14 ans, elles constituent la deuxième cause de mort accidentelle. Les résultats, pour les cinq premières semaines estivales de 2006, sont extrêmement inquiétants, car très similaires à ceux de la dernière enquête réalisée en 2004 aux mêmes dates : 226 noyades accidentelles (223 en 2004), dont 91 mortelles, soit 40% (83 décès – 37%). Les victimes sont majoritairement des personnes de plus de 45 ans. L'autre tranche d'âge la plus touchée est celle des enfants de moins de 6 ans. Si ces accidents se produisent davantage en mer, les noyades en piscine (les deux tiers en piscine privée familiale), viennent juste après. Il faudrait, pour avoir une idée encore plus exacte du phénomène y préciser le nombre d’interventions de sauvetage effectuées et, pour accentuer le débat, que l’on précise le coût des secours, des hospitalisations ainsi que des séquelles inévitables découlant de ces situations.
La fréquentation de la montagne est en revanche en nette baisse, ce qui rend les accidents de moins en moins nombreux, mais de plus en plus onéreux, en raison de l’utilisation quasiment systématique de l’hélicoptère.
Les départs précipités de la Société Nationale de Secours en Mer pour porter secours à des plaisanciers se prenant pour Magellan ne cessent de croître.  La SNSM réalise ainsi 60 % des sauvetages en mer, soit environ 30 000 interventions par an, dans la zone d'intervention des 20 miles nautiques qui correspond au rayon d'action de ses canots : elle est le premier interlocuteur du CROSS dans ce domaine. Dans les heures non ouvrées, ses interventions représentent 90 % des interventions de sauvetage. Initialement constituée au profit des pêcheurs, elle réalise désormais 60 % de ses interventions au profit des plaisanciers. Comme les autres acteurs du sauvetage en mer, la SNSM souffre du développement des fausses alertes et des interventions auprès de " consommateurs de loisirs marins ", qui sollicitent des interventions abusives, notamment, -  cas très fréquents - , lors de pannes de moteur sur des voiliers. Le sauvetage des vies humaines est gratuit, seule la récupération des biens matériels donne lieu à indemnisation, selon un barème agréé par l'Etat. Et nul ne sait véritablement quand va s’arrêter l’irresponsabilité.

L’INDUSTRIE MARCHE FORT
L’autre danger menaçant le commun des mortels se profile sur les routes. Il est anecdotiquement constitué par des hommes en bleu scrutant l’horizon dans une paire de jumelles ou par la tentation forte de se faire tirer le portrait au flash… La nouvelle industrie marche fort, et en bon entrepreneur, le Ministre de l’Intérieur vient d’autoriser les CRS à verbaliser où bon leur semble sur le territoire. Ils viennent donc narguer les Gendarmes sur leur propre secteur, se montrant encore plus impitoyables, histoire de démontrer qu’eux, au moins, ne sont pas endormis durant l’été. Les points valsent, et les caisses se remplissent très, très légèrement grâce à la Française des jeux routiers interdits.
Il faut aussi reconnaître qu’en cette période, où l’actualité tourne autour des promenades des couples du monde politique main dans la main, il suffirait d’un faux pas, d’un fait divers monté en épingle, pour que n’importe quel malheureux se retrouve en " une ". D’ailleurs les correspondants sont désormais à l’affût d’une information susceptible de meubler le vide de l’actualité nationale. La " pipol mania " s’accentue. Le seul fait d’être en vacances quelque part (Le Pyla ou le Cap –on dit " le Cap " chez les branchés, le " Cap-Ferret " chez les nouveaux, le " Ferret " chez les initiés et " Lège Cap-Ferret " chez les jaloux !) constitue, pour n’importe quelle vedette " télévisable ", un gage de médiatisation par Sud Ouest. Le pauvre acteur de série télé qui possède en revanche un pied à terre à Trifouillis les Mimosas n’a absolument aucune chance de se faire un nom en août. Le mythe Saint Trop a essaimé! 
BESOIN DE SORDIDE, DE DRAMATIQUE
Le peuple des vacances a également besoin de sordide, de dramatique, pour se rendre compte qu’il nage dans le bonheur; mais il doit aussi impérativement se nourrir d’une part de rêve pour l’assimiler au sien. Il lui faut pour cela conjuguer, en août, un double privilège : prendre des vacances en un lieu respirant la notoriété donnée par les " grands " et en plus, ne pas être touché par les ailes du malheur. A partir de là, profiter " à fond " ou " à donf " de ces deux aspects, spécifiques à août, devient une nécessité.
D’une oreille distraite et d’une regard éphémère, dans la villa, le gîte, le camping-car ou au camping des " Flots bleus ", ils apprennent la terrible guerre du Liban… et vont vite mettre la tête sous l’eau dans la mer ou la piscine, histoire de ne plus rien voir ni rien entendre.
Il ne fait pas bon être sous les bombes au mois d’août, car l’indifférence habituelle est décuplée. La logique d’une vie sociale où la finalité essentielle devient de plus en plus individualiste s'accentue durant cette période. C’est donc le moment idéal pour les mauvais coups. Notamment durant le fameux week-end du 15 août, dont on peut prévoir qu’il aura un encéphalogramme plat, susceptible de faire passer quelques mauvaises nouvelles : hausses impopulaires ? baisses d’avantages discrètes ? expulsions discutables ? On prépare donc déjà probablement, dans la fraîcheur des Ministères, une parution au journal officiel du lundi 14 ou du mardi 15 août qui surprendra au réveil médiatqiue du mois de septembre. Tout sera suspendu, fermé, atone, oublié durant ces quatre jours de tous les dangers. Les consciences sont en vacances. Autant en profiter ! Et vous, ouvrez les yeux et les oreilles en sirotant votre apéro ou en buvant votre clairet frais!
Mais je déblogue…

Retour sur chronique (article publié dans la presse après cette chronique) :
 
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