2 mars 2007
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Santa Cruz est une charmante cité au milieu de la célèbre vallée du vin chilienne de Colchagua. Nous y sommes arrivés pour retrouver nos amis élus du cru. Des retrouvailles émouvantes. Les médias français sont loin...mais ça repose et nous y vivons de vrais moments de paratge.
La phrase péremptoire a fait le bonheur des humoristes d’une époque. Elle a été prononcée lors d’un interview télévisé mémorable ayant mis face à face Jean Pierre Elkabach et l’inimitable Georges Marchais. Elle constitua, d'ailleurs, le moment clé de l'avant 1981 et résonna d’une certaine manière comme une contestation, certes simpliste mais au moins franche, du système médiatique hérité du gaullisme triomphant. L’extraordinaire, mais non réelle : " Taisez-vous Elkabach ! " lancée comme un pavé vers les forces de l’ordre médiatique, avait choqué les journalistes bien pensants, et ravi celles et ceux qui pensaient que l’animateur de " Cartes sur table " ce 1° février 1978 avait outrepassé les règles élémentaires de la neutralité politique. Certes, chacun sait que Georges Marchais n’était pas un parangon de vertu démocratique et n’avait pas un sens inné de l’interview télévisé. Chacun connaissait sa propension à livrer une réponse apprise par cœur, et qui ne correspondait pas obligatoirement à la question posée. Mais, dans le fond, il avait eu le courage physique de se rebeller face à la suffisance méprisante d’un homme sûr de lui et de son pouvoir. Et cet incident resta dans la légende d’une télé aux ordres… sans modifier fondamentalement les comportements ultérieurs.
Tenez, lundi soir, après un reportage évoquant la crise de l’ostréiculture sur le Bassin d’Arcachon, lors du JT de 20 heures présenté par "l’immaculé" PPDA, on a assisté, en une fraction de seconde, à un exemple de la malhonnêteté de celui que plusieurs millions de gogos regardent les yeux dans les yeux. Alors que le Maire socialiste de La Teste de Buch venait d’être interrogé sur la crise et que le sujet était terminé, il a lancé avec un sourire convenu : "Yves Foulon, maire d’Arcachon s’est aussi préoccupé de défendre les ostréiculteurs ! " Un renvoi d’ascenseur aussi inutile que complice à celui, Sarkoziste bon teint, qui le reçoit souvent dans sa ville avec les honneurs dus à son rang… Cette petite phrase complaisante, publicitaire, qui démontre comment fonctionne le système. Un " Taisez-vous PPDA ! " pourrait être lancé, 28 ans plus tard, par un citoyen un tant soit peu soucieux d’éthique journalistique. Ce ne serait que justice si un homme politique ayant un brin d’audace se rebellait en direct comme l’avait fait maladroitement, mais avec beaucoup de sincérité, Georges Marchais !
BAYROU ENVOIE DU BOIS
Dans son discours de clôture de l’université d’été de l’UDF, François Bayrou a craqué à son tour, et justement, il a eu le courage de charger les moulins à paroles médiatiques. Il n'a pas manqué d'épingler la médiatisation, selon lui outrancière, du tandem Nicolas Sarkozy-Ségolène Royal. Le président de l'UDF a de nouveau expliqué cette médiatisation, par les liens "d'intimité et d'intérêt unissant le pouvoir politique aux grands groupes de médias détenus par des puissances industrielles.
Nicolas Sarkozy assume cette intimité, j'estime pour ma part que pour sauvegarder la démocratie, il faut garantir l'indépendance du capital des entreprises de presse", a-t-il ajouté, laissant entendre qu'il légiférerait sur ce point si son parti était élu… Pauvre François, il a visé juste, et sa claque a justement fait sursauter Elkabach… Car, figurez vous que le patron d’Europe 1 s’est senti visé et concerné. Pourquoi diable a-t-il éprouvé le besoin de répliquer à cette généralité ?
Le président d'Europe 1, Jean-Pierre Elkabbach a donc conseillé hier à François Bayrou "de tourner sept fois la langue dans la bouche", après la mise en cause par ce dernier de l'indépendance des médias détenus par des groupes industriels… "Il est arrivé à François Bayrou d'être mieux inspiré. "Même François Bayrou, qui est d'une grande intelligence, doit tourner sept fois la langue dans la bouche avant de tenir de tels propos", a estimé Jean Pierre Elkabbach au cours de la présentation de la grille de rentrée de la station de radio qu'il dirige. "Aujourd'hui, tout média qui essaierait de tricher, de maquiller la vérité, se tirerait une balle et disparaîtrait. Ce n'est pas possible", a ajouté le président d'Europe 1. Vous pouvez le croire c’est un spécialiste de la déontologie professionnelle.
"Les Lagardère, croyez-moi, François Bayrou les connaît bien : ils ont toujours eu des relations d'indépendance à l'égard des pouvoirs. Les sympathies personnelles peuvent exister mais n'interfèrent jamais. C'est un principe", a assuré Jean-Pierre Elkabbach. "L'efficacité et l'honnêteté sont les meilleurs garants du professionnalisme et de l'indépendance (...) Heureusement que certains grands groupes sont là pour aider la presse à se développer, à se maintenir et à survivre dans toute son indépendance alors qu'elle est en crise profonde" a-t-il ajouté. Il a assuré, entouré de nombreux journalistes et collaborateurs d'Europe 1 : "Nous ne pourrions jamais être fiers d'être inféodés aux ordres de tel ou tel. Cette station est le fleuron du groupe. Je vous rassure : Arnaud Lagardère n'a jamais cherché à intervenir".
Il suffit pour lui faire confiance et s’en persuader de simplement rappeler que, sur l’incitation de son copain Nicolas Sarkozy, il a simplement licencié Alain Genestar, suite à la parution d'une couverture gênante pour Nicolas Sarkozy dans Paris Match. Elkabach vous l’affirme : les Lagardère n’interfèrent jamais dans les choix éditoriaux de leur immense groupe de presse. Et Bayrou n’a plus qu’à bien se tenir, autrement ce sera sa fête !
MOTION DE DEFIANCE A LA TRIBUNE
Croire que ces faits et ces déclarations ne sont que des élucubrations d’un illuminé du blog serait d’une profonde naïveté. Ainsi, hier aussi, lors de l'assemblée générale, qui s'est tenue dans les locaux de La Tribune (journal révolutionnaire s’il en est !) la rédaction du quotidien économique a voté une motion de défiance avec demande de démission de la direction de la rédaction, à 90 voix pour, 8 contre et 2 abstentions. Ce vote intervient après qu'une partie des résultats d'un sondage favorable à Ségolène Royal, publié lundi dans le quotidien, a été volontairement retiré du journal par le directeur de la rédaction du quotidien économique, François-Xavier Pietri.
Il est vrai que le sondage posait un problème déontologique fort et inacceptable : il plaçait Ségolène Royal en tête des candidats à la présidentielle pour les questions économiques et sociales. On a donc tronçonné le résultat en enlevant la partie déplaisante pour le Ministre de l’Intérieur... garant, dans ses attributions, de la liberté de la presse !
Ce n’est que la troisième fois que cette rédaction vote une motion de défiance pour des faits aussi précis à l’égard de son directeur ! Mais on vous le répète, afin que vous en soyez persuadé : Bayrou se trompe sur toute la ligne et ce n’est que par inadvertance qu’au montage ce résultat a disparu. Comme on avait vu les journalistes de Paris Match faire la première grève de leur histoire et que Serge July a été débarqué sans management de Libé, que c’est Bernadette Chirac qui a choisi personnellement De Carolis comme PDG de France Télévision. On devrait rappeler Georges Marchais pour qu’il hurle à nouveau en tapant sur la table comme le veut la légende, car il ne l'a jamais dit : " Taisez-vous Elkabach ! "
UNE BELLE SURPRISE
Remarquez que hier aussi, en fin d’après-midi sur le quai du tram à Bordeaux j’ai eu une belle surprise. Au dos d’une feuille blanche plaquée au sol j’ai lu cet extrait d'un éditorial : "Faire démissionner quarante-neuf élus pour le bon plaisir du cinquantième, qui a purgé sa peine d'inéligibilité : la méthode, abrupte, semble d'un autre âge. Provoquer, avant l'échéance normale, des élections qui ne se justifient que pour retrouver son fauteuil: le prétexte est bien mince…A priori, Alain Juppé ne prend pas le risque d'être désavoué, dans une ville qui vote à droite depuis soixante ans. Mais il s'expose, ce qui est bien plus à craindre, à être reconduit a minima, avec une abstention record. La démocratie n'y aura rien gagné. La politique non plus..."
En parcourant ces lignes assassines et libres, je me suis dit qu’il y avait enfin à Bordeaux un journaliste ayant un brin de courage. D’autant que dessous, un autre paragraphe, m’a encore plus donné le sourire et m'a moralement réconforté!
" Faire démissionner tout un conseil municipal pour retrouver son fauteuil de maire, comme un propriétaire demandant à un fidèle locataire de libérer la place, voilà bien un caprice d'enfant gâté qui peut sembler bien désinvolte dans une démocratie adulte. Un usage cavalier de vieux baron du gaullisme. Un petit luxe coûteux à moins de deux ans de la prochaine échéance municipale… ". Ils étaient deux à oser dire à Bordeaux la vérité ! Il y avait donc un second éditorialiste " couillu " dans un journal girondin digne de ce nom. De quoi me réconcilier avec la presse, me faire oublier ma méfiance naturelle, m'empêcher de renouer avec le "Taisez-vous Elbabach!".
Une lecture plus attentive m’a vite conduit à constater que le premier extrait était de Michel Vagner de... " l’Est républicain "… et l’autre d’Olivier Picard des... " Dernières Nouvelles d’Alsace ".
Ouf ! Sauvé! heureusement ce n’etait pas des extraits d'un article ou d'un édito de notre grand quotidien régional d’information...
" Tais-toi Darmian ! ". Mais qui a bien pu me dire ça?.. Et quand?
Mais je déblogue…