Je suis toujours en panne d'Internet (problème de modem) et j'ai donc des difficultés à assumer la gestion de L'AUTRE QUOTIDIEN. Par ailleurs, je m'absente jusqu'à dimanche pour présider le rassemblement national des villes des Rosières de France à Aubières (63). Je suis donc désolé de ne vous proposer qu'un best blog qui, je l'espère, vous permettra d'attendre la fin de ces incidents techniques, indépendants de ma volonté.
Je vous convie absolument à regarder ce soir sur France 3 un téléfilm indispensable à votre culture et qui vous permettra peut-être de comprendre les raisons qui m'ont entrainé, il y a maintenant plusieurs décennies, dans le sillage de Célestin Freinet. Pour une fois, regardez la télé et "Le maître qui laissait les enfants rêver". Toute ma culture personnelle et professionnelle est née dans l'esprit de ce téléfilm. Si j'avais pu écrire une chronique, je l'aurais fait sur ce film... Délaissez la campagne et rejoignez Célestiin Freinet.
La bibliothèque d’Izon a brûlé hier matin. Plus de 10 000 ouvrages ont été détruits volontairement, par un ou plusieurs individus. Des autobus de ramassage scolaire ont été incendiés à Mourenx. Des écoles maternelles ont déjà été la proie des flammes dans des banlieues. Des collèges, des lycées ont été plus ou moins touchés. L’espace culturel de Créon avait été, dans un passé récent, à plusieurs reprises, vandalisé. L’école maternelle Alice Delaunay, courant août, avait eu chaud, une nuit où les poubelles du tri sélectif avaient servi de boute feu….
Chaque fois, je suis profondément choqué. Chaque fois, je m’interroge sur les motivations profondes pouvant conduire des enfants, des adolescents ou des adultes, à incendier les espaces dans lesquels, à priori, tout est tenté pour justement aider les plus défavorisés à se sortir de leur triste sort. Ils assassinent leurs rares espoirs !
Faut-il, en effet, que leur perception de la vie sociale soit erronée pour qu’ils mettent en péril leur propre outil de promotion ? Y-a-t-il des gestes plus absurdes que ceux qui consistent à détruire les espaces pouvant conduire justement à la liberté, à l’égalité, à la fraternité ? Nourrissent-ils une telle haine des structures dans lesquelles ils ont vécu ? Sont-ils, à ce point, inconscients, pour ne plus se rendre compte qu’ils saccagent les liens les plus précieux qu’ils entretiennent avec leur avenir ? Ils brûlent sûrement le symbole de leur échec !
LE MUR DE L'IGNORANCE
Les pires barbaries ont commencé par des autodafés. Les moments les plus terribles de l’histoire ont toujours été ceux durant lesquels, anonymement, on s’en est pris à l’éducation et à la culture. Les atrocités les plus douloureuses touchent certes les corps, mais elles peuvent également marquer les esprits. Quel mur est plus infranchissable que celui de l’ignorance ? Un pays dans lequel on trouve des jeunes ou des moins jeunes, prêts à brûler les établissements qui leur apportent le savoir et la culture ne peut pas uniquement répondre par un couvre feu. Il doit s’interroger sur le fonctionnement de son système éducatif… et pas uniquement applaudir à une mesure purement conjoncturelle, qui ne résoudra pas le fond des problèmes.
En effet, cette ignorance totale du poids réel des actes, vient essentiellement d’un défaillance de ce que l’on appelle encore provisoirement l’éducation nationale. En fait, sous la pression des demandes parentales et sociales, on est passé de plus en plus de la notion ambitieuse " d’éducation nationale " pour revenir au concept réducteur " d’instruction publique ". Il faut certes appendre, mais pas nécessairement comprendre. La compétition sauvage a supplanté la réussite personnelle.
Célestin Freinet doit se retourner dans sa tombe…en voyant l’hécatombe générée par une école de plus en plus élitiste, travaillant, bonheur suprême, à auto reproduire la pseudo réussite de ses enseignants. Le système se rengorge de produire le major de l’ENA, de Polytechnique, de l’Ecole normale supérieure. Il ne se préoccupe pas des dégâts collatéraux terribles que génère ce culte de la réussite par le seul savoir.
REMETTRE EN CAUSE LES METHODES
De Villepin annonce sentencieusement des moyens nouveaux, des assistants de vie scolaire, qui vont aider les collégiens à faire leurs devoirs, qui vont dispenser des cours de rattrapage… Catastrophique, car malheureusement ces décisions du toujours plus, ne changeront rien aux réalités. Si on ne remet pas parallèlement en cause les méthodes pédagogiques, c’est poser un cathéter sur une jambe de bois ! Mais comme il n’y a plus aucun débat au sein du corps enseignant sur la manière d’enseigner (merci la suppression des écoles normales !)et que l’on se contente de constats, rien n’évolue. On constate et on continue. Le film désuet " L’école buissonnière " devrait être projeté et commenté par des enseignants qui ont risqué leur carrière en allant, dans les années soixante, au nom d’un idéal éducatif…
J’ai été formé et j’ai exercé durant vingt ans mon métier d’enseignant avec passion, selon les concepts de la pédagogie Freinet : individualisation maximum de l’enseignement, valorisation maximum de la réussite, travail à son rythme, refus de tout jugement péremptoire sur la réussite, départ de tout enseignement sur le milieu de vie et pas sur des clichés standardisés, formation à la responsabilité, au dialogue, au respect des différences, progression, même minime, toujours jugée positive… Les postes supplémentaires ne suffiront pas, s’ils ne s’accompagnent pas d’un énorme effort d’adaptation du système éducatif aux réalités! Personne n’ose poser ce véritable enjeu social, car ce serait reconnaître l’inefficacité absolue de cette " Education nationale ", qui exclut celles et ceux qui ne peuvent pas entrer, pour de multiples raisons, dans le moule. Les outils, même les plus performants, l'amlioration, même la plus formidable des conditions de travail, la quête des effectifs les meilleurs ne changeront pas nécessairement le comportement des élèves. Il faudrait considérer que la pédagogie est une technique, un savoir faire, propres aux enseignants, et bouleverser totalement les bases de celle qui est actuellement majoritaire. Tout ce que je sais de la vie, je le dois aux méthodes Freinet, qui m'ont imprégnées et m'ont permis d'être en permanence un citoyen en devenir.
UNE VERITABLE FORMATION CITOYENNE
Le milieu associatif ne pourra jamais, par ailleurs, compenser la carence d’une véritable formation citoyenne. Au lieu d’enseigner la démocratie, il paraît indispensable de la faire pratiquer dès le plus jeune âge. Or, le gouvernement vient d’annoncer la suppression des enseignants mis à la disposition des associations périscolaires (800 postes en France) qui, justement, ont en charge le soutien aux initiatives pédagogiques formatrices pour la solidarité (Pupilles de l’Enseignement public), la coopération (OCCE), la culture (Ligue de l’Enseignement), le sport (USEP, UNSS …), la citoyenneté (CEMEA). On les étrangle, on les pille, on les prive de leur base active et aujourd’hui, à la tribune de l’Assemblée, devant les caméras de télé, on annonce des crédits… pour 2006, alors qu’on ne leur a pas encore payé les subventions de 2005* ! Comment peut-on en toute conscience tromper l’opinion publique avec autant d’aplomb ?
Le " couvre feu " ne recouvrira qu’une marmite bouillonnante. On n’en verra plus l’eau chaude. On ne verra plus les flammes du feu. On cachera la réalité sous un couvercle, durant 12 jours (ou plus), en ressortant un état d’urgence " matériel ", alors que l’urgence à traiter est d’abord " morale ".
Le couvre feu, les mesures répressives, ne sont que de misérables caches misère, des réponses dilatoires à un échec social profond, des placebos pour soigner un cancer des esprits. Les incidents graves de la gare de l'Est, comme tous les autres, avant d'être un échec de la Police, sont tout simplement le reflet d'une citoyenneté en péril. Rien, absolument rien, n'est entré dans les esprits. Le système éducatif qui exclut, mais refuse de valoriser, finira par emporter la société dans son désarroi.
Mais je déblogue...